Santa Barbara, Acte 2

Chapitre 46 : L'héritage du passé

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Et avec
la participation exceptionnelle
de Robert Desiderio
dans le rôle de Ted Melcher

Si on t´organise une vie bien dirigée
Où tu t´oublieras vite
Si on te fait danser sur une musique sans âme
Comme un amour qu´on quitte
Si tu réalises que la vie n´est pas là
Que le matin tu te lèves
Sans savoir où tu vas

Résiste
Prouve que tu existes
Cherche ton bonheur partout, va,
Refuse ce monde égoïste
Résiste
Suis ton coeur qui insiste
Ce monde n´est pas le tien, viens,
Bats-toi, signe et persiste
Résiste

Tant de libertés pour si peu de bonheur
Est-ce que ça vaut la peine
Si on veut t´amener à renier tes erreurs
C´est pas pour ça qu´on t´aime
Si tu réalises que l´amour n´est pas là
Que le soir tu te couches
Sans aucun rêve en toi

Pacific Sud, quelques minutes avant l'explosion.

Assise sur son bureau, Augusta Lockridge regardait l'horizon. Son esprit retraçait la chronologie des derniers événements : Danny Andrade était revenu à Santa Barbara, comme convenu, pour envoyer via le système d'irrigation des faux jetons à destination de certains casinos de Las Vegas. A cela, il avait ajouté de sa propre initiative ou non, certainement plusieurs kilos de drogue. Warren semblait déterminé à mener son enquête; elle reconnaissait bien là la ténacité de son fils. Il avait assisté à sa grande surprise à la livraison de la marchandise. Elle ignorait précisément ce qu'il savait, mais elle restait persuadée qu'il était capable de découvrir la vérité et éventuellement de mettre en évidence son implication.

- Je n'ai pas d'autres solutions que de lui raconter la vérité...

Augusta fit pianoter ses ongles peints en orange fluo sur la vitre du bureau.

-    A moins que je me serve encore de Danny...

L'entrée soudaine de sa secrétaire interrompit le cheminement de ses pensées.

-    Madame Lockridge, la voiture de Pamela Conrad entre dans Pacific Sud.

-    Merci, je viens... Comme si je n'avais pas encore assez de problèmes !

 

Capwell Tower, quelques minutes plus tôt.

-    Ted, vous êtes certain que vous avez bien tous les documents sur vous ?

-    Oui, j'ai déjà vérifié trois fois.

-    Eh bien, vérifiez-les encore une quatrième fois ! Je ne veux pas que C.C. puisse passer entre les mailles du filet. Dans quelques minutes, il sera à mes pieds... Si vous saviez depuis le temps que j'attends cela !

Pamela, vêtue d'une robe de soirée reproduction conforme d'une des célèbres robes de la Princesse de Galles, monta dans la limousine stationnée devant les bureaux Capwell.

-    Ted, il faudra penser à faire changer ce logo. Les Entreprises Capwell ne sont plus.

Ted Melcher prit place à côté d'elle et donna ordre au chauffeur de se rendre à Pacific Sud.

 

Bureau de Warren Lockridge, Santa Barbara Conscience, quelques minutes plus tôt.

Warren Lockridge fixait le panneau blanc devant lui. Il avait essayé pendant une bonne partie de la nuit de mettre noir sur blanc les éléments dont ils disposaient. Pour l'heure, il n'avait fait que noter quelques mots : Danny Andrade, Las Vegas et Casino.

A présent, son esprit envisageait d'autres possibilités. Las Vegas lui éveillait d'autres souvenirs. Warren ne pouvait, malgré ses efforts, refuser l'idée que c'est dans cette ville que sa mère s'était réfugiée après son divorce avec Lionel, que c'est dans cette ville qu'elle avait épousé un dangereux criminel, Anthony Tonell.

-    Non,  je ne la crois pas capable de cela...

-    Qui tu ne crois pas capable de quoi ?

B.J. venait d'entrer dans le bureau. Depuis son retour en ville, ils avaient trouvé refuge, comme par le passé, dans les petites pièces attenantes au bureau. C'était là qu'ils se sentaient vraiment chez eux.

-    Bonjour, chérie !

Warren s'approcha de sa femme et l'enveloppa de ses bras contre son torse. L'absence avait réveillé en lui de vieilles blessures et il ne pouvait se défaire d'une sourde inquiétude. A chaque minute, Warren se faisait violence pour empêcher ses craintes de refaire surface.

 

Sutter Memorial Hospital, quelques minutes plus tôt.

Gina offrit son bras à la personne qui marchait à ses côtés.

-    Faites attention, il y a quelques marches.

La personne à ses côtés la regarda une seconde avant de concentrer toute son attention sur la pelouse autour d'eux. A plusieurs reprises, elle murmura des paroles incompréhensibles. Intérieurement, Gina DeMott souriait : une nouvelle fois, elle venait de trouver la solution à tous ses problèmes.

Tandis qu'elle aidait la personne à monter dans l'ambulance qu'elle avait louée, elle se crispa en entendant des cris en provenance de l'entrée de l'hôpital.

-    Madame Asher, vous avez oublié les médicaments...

Il fallut quelques secondes à Gina pour comprendre qu'on s'adressait à elle.

Une vieille infirmière s'arrêta à quelques pas d'elle, essoufflée par sa course.

-    Madame Asher, vous avez oublié le sac de ses médicaments dans sa chambre.

-    Oh, merci, mais où ai-je la tête ? Vous devez être comme moi, à enchaîner les gardes de jour et de nuit, on en oublie l'essentiel. Je vous remercie.

Gina lui arracha, plus qu'elle ne prit, le sac avec les médicaments.

-    Encore merci...

-    Ellen...

-    Merci, Ellen.

Gina jeta le sac et grimpa dans l'ambulance.

Ellen, l'infirmière de nuit, l'observa quelques secondes.

-    Encore merci pour les chocolats, Mme Asher. Et si Mme Pepperidge appelle, quel message devons-nous lui laisser ?

Gina pâlit. Cette vieille chouette ne se rappelait donc de rien; jamais elle ne pourrait être à Pacific Sud dans le temps imparti.

-    Dites-lui que Laura Asher est venue comme convenu, elle comprendra tout de suite. A bientôt.

Non sans faire vrombir le moteur, Gina démarra l'ambulance. Un nuage de fumée noire la suivait. Gina souriait alors qu'elle retirait son faux dentier et sa perruque blonde : Laura Asher était le seul nom qui lui était venu à l'esprit dès qu'elle avait songé à pénétrer dans cet asile psychiatrique.

-    Ah Ah AH AH, Pamela, tu n'as pas voulu t'associer avec moi... Dans quelques heures, tu vas le regretter. Allez, hop, direction la villa Capwell.... C.C., je t'amène une vieille connaissance, une très vieille connaissance !

 

Country-club, quelques minutes plus tôt.

-    Vous êtes certain que personne ne verra le second hélicoptère ?

-    Certain, M. Capwell. Il sera masqué par le soleil, tout comme le nôtre lorsque le second prendra notre place sur le devant de la scène. L'esprit humain est ainsi fait : il ne verra que ce qu'il croira voir, ce qui lui parait évident. Et dans ce cas-là, tout le monde verra un hélicoptère exploser et, par déduction, il en conclura qu'il s'agit du vôtre.

-    Très bien.

C'est à proximité des cours de tennis que C.C. et le pilote discutaient du stratagème qu'ils allaient mettre en place. Dans presque une heure, Pamela aurait droit à une belle surprise : non, il n'était pas homme à se rendre sans se battre.

-    Après l'explosion, il est impératif de se rendre à l'aéroport de la ville. Mon jet doit être prêt.

-    Tout est déjà organisé.

-    L'illusion doit être parfaite pour Pamela.

C.C. prit ensuite place dans l'hélicoptère. Dans un moment, on apporterait le petit-déjeuner à Julia; c'est elle qui désormais détiendrait les cartes maîtresses pour la suite de son plan.

 

Pacific Sud, avant l'explosion.

L'horloge du bâtiment principal indiquait 9h15. Augusta Lockridge, toute de noir vêtue, avait rejoint Pamela Conrad sur le devant de la scène. Face à elles, la presse terminait d'installer le nécessaire à la conférence de presse qui allait suivre. Deana Kincaid cherchait un moyen de s'approcher de Pamela afin de lui soutirer la primeur des informations, mais Augusta Lockridge ne semblait pas vouloir se détacher de Pamela. De temps à autres, Deana lançait des regards noirs à l'équipe du Santa Barbara Conscience, et en particulier à Warren Lockridge, sa nouvelle bête noire.

Lentement, sur le domaine de Pacific Sud, la tension montait. L'ultimatum imposé par Pamela Conrad au puissant C.C. Capwell allait prendre fin et celui-ci, pour la première fois de sa vie, allait céder aux exigences d'un rival.

Pamela souriait au bras de son nouvel homme de confiance, Ted Melcher. Dans sa tête, elle faisait défiler les grands moments de sa vie, en particulier ce jour terrible où C.C. l'avait mise à la porte de sa villa, sans qu'elle puisse revoir une dernière fois son fils chéri. Aujourd'hui, C.C. allait payer, c'était le jour de sa revanche... Elle allait lui prendre tout ce à quoi il tenait le plus, sa compagnie, sa villa... Elle allait la détruire pierre après pierre. Il ne resterait rien de l'héritage Capwell après cette journée.

-    Ted, n'oubliez jamais cette journée... N'oubliez jamais cet instant... Nous attendons la victoire. Ah, si je pouvais voir en cette seconde la tête de C.C. ! ! !

-    Il doit être aux abois... Jamais il n'a été aussi prêt du précipice, Pamela. Tenez, votre fils vient d'arriver.

Effectivement, Mason descendait l'allée. Il était seul. Pamela pouvait deviner une sourde inquiétude en le dévisageant.

-    N'ai aucune crainte, mon fils. Dans un moment, tu recevras la part de l'héritage qui te revient de par ta naissance.            

Au même moment, Pamela reçut un SMS de Venice Armonti : Sophia venait d'être hospitalisée dans un hôpital parisien. Elle avait donc les moyens d'agir et d'empêcher tout transfert de fonds entre Armonti's et les Entreprises Capwell.

-    Ted, avez-vous vu ma belle-fille, l'avocate ?

-    Non, pas encore...

Julia venait de raccrocher son téléphone. Elle rejoignit Warren pour lui confier que C.C. allait arriver en hélicoptère. Curieusement, il venait aussi d'annuler la venue des principaux actionnaires de la compagnie, comme s'il voulait être le seul maître de la décision.

Soudain, elle remarqua son mari. Elle s'empressa de le rejoindre. Elle l'interrogea sur l'état de santé de Kelly. Mason lui confirma aussi que C.C. n'était pas allé hier à l'hôpital.

Un bruit de moteur se fit entendre au loin, lorsque Gina arriva en courant. Elle se pressa de se placer aux côtés de Pamela, bousculant Ted Melcher pour s'offrir une place de choix. Elle sortit de son sac un petit appareil-photo, ravie de jouer à la journaliste. De folles idées se bousculaient dans son esprit : en particulier, elle se languissait de voir la tête de C.C. et de Pamela lorsqu'elle abattrait sa toute nouvelle carte.

Tous les regards se portèrent sur le ciel. Le bruit d'un moteur se fit entendre, tandis que Mason et Julia s'embrassaient amoureusement, heureux de se retrouver unis.

D'autres images défilaient dans la tête de Mason : le souvenir d'un autre remontait à la surface. Au lointain, il entendait le rire de Sonny Sprockett. Il entendait aussi les railleries de Channing Junior et d'Eden comme ils jouaient dans l'atrium de la villa. La morsure de l'absence de sa mère, la colère aussi, mordit soudain les chairs de Mason. Cependant, il faisait de son mieux pour les faire taire.

L'hélicoptère privé de C.C. Capwell survolait Pacific Sud, à la recherche d'un endroit où se poser. Pamela souriait : l'instant du dénouement final approchait. Elle ne pouvait détacher son regard de l'hélicoptère dans le ciel quand, soudain, elle le vit disparaître dans le soleil. Puis, elle le vit revenir, s'approcher lentement quand soudain : BOUM !!!!

Le bruit de l'explosion les surprit tous. Puis l'image des flammes au milieu du ciel concentra tous les regards. Personne ne bougeait, captivé par le drame auquel tous assistaient : personne pour le moment ne voulait croire à la conséquence évidente qui se dessinait dans les esprits. Deanna Kincaid fut la première à la verbaliser : l'hélicoptère privé de C.C. Capwell venait d'exploser au dessus de Pacific Sud.

«Si on croit les témoignages qui nous sont parvenus avant le décollage, C.C. Capwell était bien présent à bord. Il aurait décollé il y a précisément 17 minutes du Country-club. Pour le moment, il est absolument impossible de tirer la moindre conclusion. Je vais m'approcher de Pamela Capwell Conrad pour essayer d'obtenir de nouvelles précisions.»

Pamela s'accrocha littéralement au bras de Ted Melcher.

-    Ce n'est pas possible, c'est un mauvais rêve... Je vais finir par me réveiller...

 

Chalet de Cain Garver.

Eden attendit quelques minutes avant d'oser bouger. Pourtant, elle savait que le temps lui était compté. Caleb ne s'éloignait jamais longtemps du chalet. A plusieurs reprises, elle l'avait entendu parler avec des personnes au téléphone : il ne devait pas la quitter du regard.

Eden ferma un instant les yeux, se concentra de tout son être. Puis une petite flamme s'alluma en elle, une autre prenait vie. Lorsqu'elle ouvrit les yeux et qu'elle se leva du lit, elle n'était plus Eden Capwell mais Lisa. Et Eden / Lisa possédait un avantage considérable sur Caleb, c'est qu'elle connaissait parfaitement le chalet de Cain. Eden / Lisa se précipita vers le placard au fond de la pièce, souleva les lattes de bois sur le côté gauche et récupéra le sac à dos qu'elle avait préparé quelques jours plus tôt. Puis, elle s'empressa de changer ses habits pour passer de chauds vêtements et surtout la veste de survie de Cain. Au passage, elle glissa une boite de cartouches dans le sac, en sortit quelques unes qu'elle mis dans ses poches, puis s'empara du revolver de l'armée de Cain qu'elle savait où il était resté caché.

Mentalement, Lisa effaçait de sa liste les actions qui n'étaient plus à faire.

Elle détailla rapidement dans un dernier regard l'ensemble de la pièce, avant de déposer ses anciens habits sur le lit.

-    Tout est prêt, Eden. Tu vois que tu as encore besoin de moi...

Lisa croisa le reflet du visage d'Eden dans la glace, et elle ne put s'empêcher de la défier.

Elle s'approcha du poêle, et elle le renversa à l'aide d'une chaise : les cendres et les braises se déversèrent dans la pièce. Très vite, un feu ardent crépita : des flammes qui sans tarder allaient gagner en vivacité et se propager dans tout le chalet.

-    Dans un moment, il ne restera rien de cet endroit. Rien qu'un tas de cendres... Allons nous cacher près du lac.

Eden / Lisa sortit du chalet par une fenêtre et se précipita dans une cachette située à quelques mètres du chalet. Son plan était parfait et il se réalisait à la perfection. Caleb, en voyant les flammes, se rua vers le chalet : le feu était devenu trop important pour qu'il puisse y pénétrer.

-    La garce...

Caleb se précipita aussitôt vers sa motoneige pour partir à sa recherche, oubliant de fouiller les abords du chalet.

De sa cachette, Eden / Lisa souriait. Dans un moment, elle prendrait la direction du village, certaine de pouvoir échapper à Caleb.

 

Hôpital de Santa Barbara.

Kelly, lentement, émergeait de son état : la lumière du monde reprenait vie devant elle et la musique de Jeffrey Osborne emplissait la pièce. Kelly sentait ses forces qui lui revenaient. Un très subtil changement s'opérait en elle : elle n'était plus la petite fille qui avait toujours besoin d'être protégée, pour qui les autres devaient se battre à sa place. Non, cette petite fille était partie. Kelly, certes, demeurait et demeurerait peut-être toujours une femme trop naïve, prompte à accorder sa confiance à qui voudra, mais au-delà de tout cela, elle était devenue capable de se relever seule, sans autre aide que sa propre volonté.

Dans la pièce voisine, Pearl et Courtney attendaient de pouvoir lui parler. Le coeur de Pearl battait à très grande vitesse, rempli d'espoir à l'idée que Kelly lui laisse une chance...

Courtney ne cessait de le dévisager.

-    Ce n'est pas la peine d'espérer, Pearl... Kelly n'est pas pour toi. Son coeur est pris, à elle de découvrir par qui, mais ce dont je suis sûre, c'est qu'il n'est pas pris par toi...

Pearl la regarda avec violence : Courtney, depuis son retour, le mettait toujours mal à l'aise. Peut-être parce qu'elle annonçait toujours des vérités...

Soudain, un des médecins de l'hôpital s'approcha d'eux et c'est très doucement qu'il leur annonça la nouvelle de l'explosion de l'hélicoptère Capwell, avec C.C. Capwell à son bord. Courtney l'écouta, impassible.

-    Un feu d'artifice est et reste un feu de spectacle... Il n'y a pas de drame caché derrière...

Ne comprenant pas, le médecin haussa les épaules avant de s'éloigner.

-    Pearl, il ne faut rien dire à Kelly. Crois-moi... Tout cela n'est que poudre aux yeux... Je n'ai pas senti la mort, je ne l'ai pas vue dans les cartes...

 

Pacific Sud, après l'explosion.

Tous les employés de Pacific Sud s'étaient concentrés sur le parc au devant du bâtiment principal. Tout le monde continuait d'observer le ciel, dans l'attente certainement d'un miracle.

Julia, Mason, Warren et Augusta avaient déserté les lieux pour tenir une réunion de crise dans le bureau d'Augusta. Aucun d'entre eux pour le moment ne réalisait ce qui venait de se produire, à l'exception de Julia qui mentalement emboîtait toute les pièces du puzzle.

Soudain, son téléphone vibra : un SMS de C.C. lui indiquait un message à faire suivre. Mason la dévisageait, parfaitement conscient qu'elle prenait part à toute cette action.

-    Warren, j'ai besoin de toi.

Ils s'écartèrent un moment et Julia, à voix basse, parla quelques minutes avec Warren. Ce dernier ne comprenait pas tout, cela se lisait sur son visage. Puis, obéissant à Julia, il sortit son téléphone et contacta son journal pour qu'il diffuse l'information suivante : quelques minutes après l'explosion d'un hélicoptère à Pacific Sud, C.C. Capwell avait été vu à l'aéroport de la ville, d'où son jet privé avait décollé à destination du Colorado.

Julia se rapprocha de Mason, tout en occupant le centre du bureau.

-    J'ai à vous parler...

 

Pacific Sud, après l'explosion.

Dans le parc de Pacific Sud, très vite, Pamela et Ted Melcher s'étaient éloignés de la foule. Signe habituel d'un profond état de stress, la lèvre inférieure de Pamela tremblait. La situation échappait à son contrôle et elle détestait cela.

-    Ted, comment cela est-il possible ? Et maintenant ?

Ted ne parvenait pas à la regarder, son regard restait figé vers ce coin du ciel où, un instant plus tôt, une violente explosion avait totalement bouleversé l'ordre du monde. Mentalement, Ted suivait des toiles invisibles afin de proposer le plus rapidement possible à Pamela une nouvelle ligne de conduite.

-    Nous devons uniquement exploiter ce que nous savons avec certitude. Si C.C. est vraiment mort, il faut agir avant que... le plus rapidement possible même, avant que toute la machinerie de l'héritage ne se mette en marche... Pamela, approchez-vous...

Pamela rapprocha son oreille des lèvres de Ted; et à mesure qu'il lui parlait, un sourire se dessinait sur ses lèvres.

-    Il faut faire vite, très vite... Puisque Deana Kincaid est là, servez-vous d'elle...

-    Très bien, Ted.

 

Bureau d'Augusta Lockridge, Pacific Sud.

-    Warren, peux-tu me confirmer que la rumeur de la survie de C.C. Capwell est bien diffusée dans ton journal ?

-    Oui, l'info est sur le site web du journal.

-    Très bien. Dans quelques heures, on apprendra très vite qu'il s'agit d'une fausse info... Le témoin perdra toute crédibilité et relancera les interrogations concernant le décès ou non de C.C....

Julia prit place sur le bureau de sa soeur, consciente qu'elle ne tenait peut-être pas le premier rôle, mais celui du chef d'orchestre. Elle plongea son regard dans celui de Mason, en essayant de lui faire part de toute sa confiance. Elle n'ignorait pas que Mason risquait de mal interpréter ce qui allait suivre et, au fond d'elle, elle savait que sa réaction ne serait pas non plus complètement anormale.

-    D'abord, je vous rassure, C.C. n'est pas mort. Il est en parfaite santé...

-    Pourquoi alors ??

-    Où ?

-    Qui sait ?

Un flot de questions venant de tout le monde s'abattit sur Julia. D'un mouvement de main, elle ramena toute l'attention à elle.

-    Je suis désolée, mais je ne peux pas tout vous dire... Je ne sais d'ailleurs même pas où il se trouve actuellement. Je sais seulement que l'accident n'est qu'illusion. C.C. est en train de se battre pour reprendre à Pamela le contrôle des Entreprises Capwell.

Julia expliqua alors comment elle avait été contactée par C.C., et une partie du plan qui allait se mettre en place.

-    C.C. va être déclaré mort ou disparu et, dans l'attente de certitudes, Mason, avec ses frères et soeurs, va demander l'ouverture du testament. Et comme, de fil en aiguille, nous allons remonter jusqu'aux dernières volontés d'Emmett...

-    ...L'héritier Capwell doit être le premier arrière-petit-fils d'Emmett...

-    Exactement. Pour l'heure, seules Adriana et Sam peuvent attaquer ce testament pour discrimination.

-    Et en absence d'héritier mâle...

-    Augusta, je ne peux pas te répondre pour le moment de la suite à venir... Cela ne concerne que les Capwell...

Mason se détourna. Il connaissait la suite du testament de son grand-père.

-    Nous risquons de tout perdre... Il préfère tout jouer sur un coup de dé, plutôt que de rompre la chaîne et de choisir un héritier...

-    Mason, il ne peut pas choisir l'un de ses enfants.

-    Non, il pense juste que je peux être sous la coupe de ma mère... Je dois ajouter cela à la suite de toutes ses trahisons... D'abord Channing Junior, puis Brandon, Eden... Jamais je ne pourrai espérer figurer sur la liste de ses héritiers. Tu vois ce qui me désole le plus, Julia, ce n'est pas qu'il agisse ainsi, mais que toi, ma femme, la mère de notre enfant, tu puisses lui trouver des excuses...

Mason quitta les lieux en claquant la porte, avec le sentiment d'avoir été humilié et abandonné de tous, une fois de plus.

 

Intérieur du jet privé de la société Ocean's Corp, aéroport de Santa Barbara.

Channing Capwell Senior remercia chaleureusement son ami Adam de lui prêter son jet personnel.

-    Tu es certain, C.C., que tu ne veux pas qu'un pilote t'emmène où tu le souhaites ?

-    Je te remercie, Adam, mais en réalité, j'ai simplement besoin de prendre un peu de temps. Et compte-tenu de l'attaque de Pamela, je suis obligé de rester à Santa Barbara. Ton jet me servira de bureau et d'hôtel pendant quelques jours. Et ce qu'il y a de merveilleux, c'est que si je dois recevoir du monde, rien de tel qu'un aéroport pour se croiser.

-    Très bien, C.C.. Si tu dois décoller à toute heure du jour ou de la nuit, tu n'as qu'à passer un coup de fil.

Les deux amis échangèrent une solide poignée de main avant de se quitter. C.C. prit place à l'intérieur du jet.

-    Passons à la suite du plan...

 

Salle de conférence, Pacific Sud.

Assis à la place des dirigeants de Pacific Sud, Ted Melcher et Pamela Conrad fixaient les quelques journalistes conviés à leur conférence de presse improvisée. Deana avait exigé de Pamela que Warren ou l'un des membres de son journal soit absent de cette présentation : pour une fois, elle voulait lui voler un scoop.

Durant les quelques minutes où le monde prenait place autour d'eux, Ted et Pamela échangèrent quelques mots. Puis, lorsque le silence prit place dans la salle de conférence, Pamela sortit des documents de sa mallette et les fit glisser lentement à Ted. Ce dernier prit la parole.

-    Vous savez tous qu'aujourd'hui, Channing Creighton Capwell aurait dû signer les documents pour donner à Madame Pamela Pepperidge Capwell Conrad les pleins pouvoirs sur la gestion de la société connue sous le nom d'Entreprises Capwell. Au-delà du contrôle de cette société, C.C. Capwell devait valider le transfert de la présidence de l'ensemble de la chaîne d'hôtels Capwell vers ma cliente, et il devait confirmer que ce transfert s'accompagnait de l'ensemble des droits de propriété sur la villa Capwell. Comme vous avez pu le constater, C.C. Capwell n'a pu signer ces documents suite au terrible accident dont nous sommes les témoins. Sans m'avancer sur la situation de C.C. Capwell, on peut toutefois envisager le pire... Pour en revenir à la signature qui aurait dû avoir lieu, il m'apparaît essentiel de préciser à l'ensemble de la société de Santa Barbara qu'il ne s'agissait que d'une mise en scène à la demande de Channing Creighton Capwell. L'ensemble des documents, comme vous l'imaginez, a déjà été signé en présence des avocats des deux parties. Je suis même en mesure de vous montrer le document attestant de la véracité de cet acte.

Ted Melcher présenta les documents à la caméra, en insistant sur la présence de la signature de C.C. Capwell et de Pamela Pepperidge en bas des différentes pages.

-    Comme vous pouvez le constater, la signature pour la prise de contrôle pleine et entière de ce que l'on peut appeler communément l'empire Capwell a été effectuée hier, en milieu de journée. Madame Pamela Pepperidge Capwell Conrad est désormais la seule et unique personne assumant la direction des ex-Entreprises Capwell, de la chaîne d'hôtels Capwell et de la villa Capwell.

Ted laissa le silence s'installer; Pamela, quant à elle, n'avait toujours pas prononcé le moindre mot.

-    Je vous répète et vous confirme que l'ensemble des biens détenus par C.C. Capwell est à partir de hier 17h15 détenu par ma cliente. Je vous remercie de votre attention.

Les propos de Ted Melcher s'abattirent comme un coup de massue sur l'ensemble des personnes présentes dans la salle. Gina, appuyée debout contre une porte, n'en revenait pas. Ainsi, Pamela venait de réussir là où tant de personnes avaient échoué. Bien évidement, elle pensa à elle, mais aussi à Mason, à Jack Lee et à Kirk Cranston qui avaient tenté à plusieurs reprises de prendre le pouvoir détenu par C.C.. Gina observa alors l'ensemble des personnes, surprise de ne pas y voir justement Kirk.

Pamela se leva et prit son téléphone portable pour prendre un appel du Sutter Memorial Hospital. Quelques secondes plus tard, Pamela s'accrocha à un dossier de fauteuil, plantant ses griffes dans le meuble, comme pour ne pas défaillir. Gina comprit aussitôt la raison du profond trouble qui terrassait littéralement Pamela.

«Me voilà avec un coup d'avance, Pamela. Et tu ne sais pas d'où vient ce brusque revirement de situation... A moi de troubler la meilleure offre, pour abattre mon atout...»

 

Cimetière de Santa Barbara.

Après son départ de Pacific Sud, Mason avait pris sa voiture à la recherche d'un lieu d'asile. Le monde, son monde, se fissurait. Habituellement, c'est l'alccol qui lui procurait ce lieu de paix, ce refuge où les autres (les membres de son clan) ne pouvaient plus l'attendre. Aujourd'hui, il ne voulait pas que ce besoin d'alcool prenne le contrôle de sa vie. Mason ne savait pas où aller. Il lui fallait être seul pour laisser aller sa colère et sa frustration.

Tout de suite, l'âme qui lui vint à l'esprit, bien évidemment, était celle de Mary. Sa douce Mary. Sa tant regrettée Mary... Mason savait qu'elle ne pourait pas lui apporter le réconfort dont il avait besoin. Son être nécessitait quelque chose de violent : il devait expulser sa colère, laisser libre cours à ses sentiments, au lieu de les garder confinés en lui.

Sa route le conduisit au cimetière de la ville, ses pas vers la tombe de Channing Junior, ce frère qu'il détestait tant. Mais, très vite, il se rendit sur la tombe de sa soeur, de sa vraie soeur de sang...

-    Elena... Sommes-nous, toi et moi, si peu importants aux yeux de nos parents... Notre mère est revenue en ville... Et à nouveau, elle m'abandonne... Non, elle nous abandonne... Nous ne sommes que peu de choses dans sa guerre contre notre père... Oh, je ne porte pas tous les torts sur elle, car il est comme elle. Leur guerre a tellement d'importance que l'impact destructeur sur toi ou sur moi ne pèse pas lourd dans la balace... Je comprends ta colère, Elena. Je comprends ta haine, ma chère soeur...

Et Mason fondit en larmes...

Chalet de Cain Garver.

La chaleur dégagée par les flammes devenait insupportable aux abords du chalet. Pourtant, Eden restait immobile, comme captivée par les couleurs des flammes. Elle avait vu le départ de Caleb, sa fuite en motoneige, elle savait que la nuit n'allait pas tarder à tomber et qu'il lui serait bientôt impossible d'atteindre le village, mais cela n'avait pas d'importance tant elle était restée captivée par le spectacle de l'incendie. A aucun moment, elle ne songea à Cain, à la perte que pouvait lui faire la perte de son repaire. Eden savait que ce n'était pas la première fois qu'elle assistait à un tel spectacle; elle se voyait enfant, captivée par les flammes, à les observer de près alors qu'une sirène de pompiers retentissait au loin. Dans ce vague souvenir, elle n'était pas seule, mais elle ne parvenait pas à distinguer les traits de la personne près d'elle.

De son poste d'observation, elle assista à la vaine tentative des pompiers pour éteindre l'incendie. Puis, elle se dirigea vers l'un des camions de pompiers pour solliciter leur aide pour regagner la ville voisine.

Bureau d'Augusta Lockridge, Pacific Sud.

L'effervescence était largement retombée après les événements de la matinée : policiers, équipes de secours, journalistes... Tout le monde avait quitté Pacific Sud. Des larges fenêtres de son bureau, Augusta regardait, perplexe, l'étendue de son domaine qui s'étendait à ses pieds. Son cerveau analysait la situation : la disparition de C.C. Capwell, Julia qui prenait en main la direction des affaires Capwell, et bientôt la lecture du testament d'Emmett.

Le soir tombait sur la ville et les informations se succédaient à grande vitesse, allant de suppositions en contradiction. D'ailleurs, en fin d'après-midi, la nouvelle était tombée : un témoin qui avait vu C.C. Capwell à l'aéroport s'était révélé être un canular : exactement comme l'avait annoncé Julia des heures plus tôt.

Augusta songea aussi à Pamela, à sa main-mise sur les restes de l'empire Capwell. Augusta remontait le temps à la recherche d'indices qui pourraient lui faire entrevoir les secrets que cachait cette femme.

Elle gagna ensuite son bureau et se concentra sur les vieux journaux qu'elle avait exigés de recevoir dans la journée. Lentement, Augusta replongea dans les années 50.

 

Cuisine de la villa Capwell.

Julia se resservit une tasse de café. Elle était lasse d'attendre, d'attendre le retour de Mason. Elle lui avait laissé de nombreux messages sur son téléphone portable, au bureau, partout... Personne ne savait où il se trouvait. Attendre de nouvelles indications de C.C. pour la suite des événements. Attendre que Pamela fasse le pas suivant pour qu'elle puisse riposter. Attendre que Ted revienne l'épauler, puisque ni Kelly ni Eden ne pouvaient lui apporter le moindre soutien.

Soudain, des bruits, des cris en provenance de l'entrée résonnèrent dans toute la villa. Julia se dirigea vers l'atrium. Pamela Conrad était là, entourée de nombreux policiers dont Maggie Gillis, qui se présenta à elle comme la personne en charge de cette mission.

-    Madame Capwell, nous avons un mandat pour vous faire quitter les lieux et faire fermer la villa. Madame Conrad, ici présente, a obtenu du juge qu'en attente de nouvelles informations sur la situation de C.C. Capwell, l'ensemble des propriétés et des biens Capwell soient placés sous la protection de la justice.

Julia s'empara du document : une partie des actions engagées par Pamela correspondait à ce qu'avait envisagé C.C.. Pour l'heure, il n'y avait pas de surprise.

Julia s'emporta contre cette injonction.

-    Cela n'est pas possible, Madame Conrad n' a aucun droit sur les affaires personnelles des Capwell... Si elle veut prétendre à jouir des jardins, de la piscine, cela peut se comprendre, mais en aucun cas elle ne peut prétendre à avoir des droits sur les habits et les objets personnels de C.C., de Sophia ou de toutes autres personnes vivant ici.

Puis, elle s'approcha de sa belle-mère.

-    Pamela, je sais ce que vous faites. Je peux vous l'assurer...

Les deux femmes se dévisagèrent, se mesurant du regard.

-    Pamela, vous ne pourrez pas obtenir gain de cause. Vous avez certainement de bonnes raisons, que ce soit par vengeance, par obligation envers Mason ou Jeffrey, ou pour n'importe quel autre motif... Cela n'a pas d'importance. Vous ne pourrez pas réussir, parce que vous n'avez pas le droit avec vous. Vous n'êtes pas dans votre droit !

Au même moment, Pearl et Courtney jaillirent de leur voiture pour rejoindre Julia. Ils informèrent l'avocat des nouvelles.

-    Julia, nous revenons de l'Agence du dernier recours; la police est sur les lieux. Ils ont fait fermer l'accès à l'Hôtel Capwell. Nous avons dû quitter les lieux.

-    Merci, Pearl. Ici, c'est pareil. Madame Conrad est en train de fermer l'accès à tous les biens Capwell.

Pearl s'approcha, menaçant de Pamela.

-    Je ne sais pas ce que vous cherchez à faire...

-    Laissez, Pearl. Nous allons quitter les lieux. La police va surveiller les accès pour s'assurer que personne, et je dis bien personne, ne puisse entrer dans aucune des propriétés Capwell. Si l'un des membres de la famille souhaite pénétrer ici, ou dans l'agence, ou à l'hôtel, il faudra qu'il soit accompagné par un membre de la police.

Pamela souriait : l'étau se resserrait autour des Capwell; l'heure finale de la vengeance approchait.

 

Quai de Santa Barbara.

La nuit s'épaississait autour des quais; il ne restait que de rares personnes qui y marchaient le long. L'effervescence, ici, était diamétralement opposée de celle qui agitait State street.

Warren Lockridge et Ted Capwell venaient de dépasser l'ancien Johnny's pour s'aventurer dans des ruelles plus sombres qui longeaient l'océan.

-    Il y a des années que je n'étais pas passé par ces rues sombres...

-    C'est vrai, Warren, j'oublie toujours ton passé de délinquant...

-    Pffff... Tu ne te souviens peut-être pas, mais je surveillais la plage d'une tour située à plusieurs mètres de là.

De leur poste d'observation, Ted et Warren fixaient Danny Andrade, en pleine discussion avec un groupe de trois hommes. Ils l'avaient suivi après avoir quitté Pacific Sud.

-    Nul doute que Danny nous cache quelque chose.

-    Félicitations, Warren. Je suis certain que tu ferais un excellent journaliste !

Habillés entièrement de noir et le visage noirci, Warren et Ted avaient poursuivi leur enquête sur le trafic de drogue et de jetons de casino. Ils voulaient comprendre pourquoi ces hommes s'en étaient pris à B.J., comprendre pourquoi ils s'étaient servis de Pacific Sud, et surtout découvrir l'identité de la personne qui contrôlait ce trafic. Pour l'heure, toutes leurs investigations ne les avaient conduites sur aucune piste sérieuse : Danny représentait la meilleure option pour découvrir la vérité.

Les hommes autour de Danny s'éloignèrent. Danny resta seul face à l'océan, comme s'il attendait encore quelqu'un ou quelque chose.

Les deux amis laissèrent s'écouler un petit moment avant de sortir de leur cachette et de s'approcher de Danny.

-    Danny, je crois que nous avons à parler.

Le regard de Danny passa de Warren à Ted, puis de Ted à Warren.

-    Je crois que je n'ai rien à vous dire. Et que vous feriez mieux de partir...

-    On attend du monde.

Warren sortit des jetons qu'ils avaient retrouvés à Pacific Sud.

-    Danny, on cherche juste à comprendre ce que cela signifie.

Danny regarda le jeton.

-    Non, je n'ai rien à dire. Rien...

-    Danny, si tu as des problèmes, nous pouvons t'aider.

-    Non. Je n'ai pas besoin de votre aide.

-    Tu sais ce que tu encours pour le trafic de drogue et pour le kidnapping. Nous n'avons qu'à aller voir la police, et tout lui raconter. Ceux que tu protèges se moquent bien de toi...

-    Eh bien, allez-y. Allez tout raconter à la police... Warren, je ne suis pas certain que la reine de Pacific Sud sera d'accord avec ta décision. Elle préfèrera certainement que toute cette histoire reste dans l'ombre.

Ted remarqua le premier la présence d'un groupe d'une dizaine de personnes qui descendait d'un bateau et qui se dirigeait vers eux, armée.

-    Viens, Warren, il faut y aller.

Ted et Warren partirent en courant par la direction opposée.

-    Suis-moi, Ted, nous allons nous cacher dans mon ancienne tour de sauveteur.

Après une course folle dans les ruelles du port, Ted et Warren regagnèrent la plage et se cachèrent dans la tour de surveillance des sauveteurs. Ils profitèrent de ce moment de paix pour se nettoyer le visage. Au bout de quelques minutes, ils sortirent de la tour et se retrouvèrent nez à nez avec Maggie Gillis, qui errait sur la plage.

-    Tiens, Warren Lockridge ! Et Ted Capwell... Je ne pensais pas vous retrouver ensemble. Le passé a bien changé... Dans mon souvenir, vous étiez plutôt... ennemis.

-    Comme tu le dis, des années ont passé. Je suis surpris que l'on se retrouve si souvent : à Pacific Sud, à mon journal, au restaurant, et maintenant sur la plage.

Maggie éluda le sujet, se tourna vers Ted et l'informa des derniers événements : l'ensemble des biens de sa famille se retrouvait inaccessible et sous le contrôle de la police. Ils laissèrent s'éloigner Maggie avant de reprendre leur conversation sur Danny et le trafic auquel il participait.

-    Tu crois qu'il voulait parler de ma mère quand il a fait allusion à la reine de Pacific Sud ? Tu crois vraiment qu'elle peut être impliquée dans ce trafic ?

-    Warren, pour la reine de Pacific Sud, je te dirais oui. Augusta Lockridge première, cela sonne bien. Mais, je ne vois pas Augusta s'en prendre à toi par l'intermédiaire de B.J.. Elle aime trop son petit Warren chéri...

-    Je l'espère, je l'espère. Demain, j'irai lui parler.

Alors qu'il parlait, le portable de Ted sonna. C'était Julia, qui lui demandait de se rendre à la villa Lockridge, ainsi que des nouvelles de Mason.

-    Warren, je crois que je suis à la rue et que je suis convoqué au palais de la Reine Mère. Tu m'accompagnes ?

-    Oui. Je préviens B.J. pour qu'elle nous rejoigne.

 

La Mesa, Santa Barbara.

A une table isolée su célèbre restaurant mexicain de la ville.

-    Kirk, et si nous faisons le point sur la situation ?

Pamela se trouvait là en train de finir son repas en compagnie de Kirk Cranston et de Ted Melcher.

-    A l'heure actuelle, nous avons pris le contrôle des Entreprises Capwell, mais avec l'annonce du décès de C.C., toutes les transactions sont gelées en l'attente d'une réunion extraordinaire du conseil d'administration. J'ai pris contact avec les principaux actionnaires, Pamela, et ils vont vous suivre. La main mise sur la société de C.C. n'est qu'une question de temps...

Villa Lockridge, Santa Barbara.

Julia, appuyée contre la cheminée, attendait que tout le monde soit présent. Elle avait renvoyé Augusta et Warren à l'étage. Ted était là, ainsi que Pearl, Courtney et Greg Hugues qui avait accepté de quitter un moment sa retraite. Brick participerait à la réunion par téléphone. Les seuls absents restaient une partie des enfants Capwell : Kelly toujours à l'hôpital, Eden partie on ne savait où, et Mason qui avait promis de se joindre à la réunion. Intérieurement, Julia craignait qu'il ne se présente ivre...

-    Pour faire le point sur la situation, Pamela et ses sbires, l'ensemble de la presse, comme tout le monde, croient que C.C. est mort dans l'accident d'hélicoptère. Même si Pamela a des doutes, elle n'est sûre de rien, et c'est cet état de doute que nous devons maintenir.

Chambre d'Augusta, villa Lockridge, Santa Barbara.

Augusta reposa la bouteille de vin sur la table et admira la couleur rouge du liquide.

-    C'est quand même un comble. Je suis chez moi, et je ne peux même pas profiter de mon salon... Si encore je pouvais écouter ce qui se trame sous mon propre toit... Warren chéri, tu ne veux pas me raconter ce que tu sais ?

-    Maman, je ne sais rien.

-    Pourtant tu étais avec Ted, il y a quelques minutes...

-    Oui, mais nous n'avons pas parlé de cela.

B.J. poussa alors la porte de la chambre de sa belle-mère.

 

La Mesa, Santa Barbara.

-    Kirk, et en ce qui concerne la villa ?

-    Pamela, pour le moment, nous en avons interdit l'accès aux membres de la famille Capwell. Ce qu'il nous faut, c'est découvrir la totalité du testament d'Emmett Capwell. Pamela, vous avez peut-être des compléments d'informations à nous apporter sur ce testament ?

-    Emmett était quelqu'un de vraiment très particulier. Il ne vivait que pour l'héritage Capwell. Le connaissant, il a dû faire en sorte qu'un fils, un petit-fils et un seul, puisse hériter de la totalité des biens Capwell. Et en particulier de la villa.

-    Alors, il ne nous reste plus qu'à découvrir qui sera l'héritier d'Emmett...

-    Ted, je veux que vous usiez de vos relations à Sacramento, à Washington s'il le faut, mais je dois savoir ce que contiennent les autres éléments du testament d'Emmett Capwell. Quant à vous, Kirk, je veux que vous retrouviez une femme blonde du nom de Laura Asher... Cette femme s'est rendue au Sutter Memorial Hopital dans la journée et elle est repartie avec une patiente... Je veux la retrouver dans les 24 heures.

-    Et pourrais-je savoir qui est la patiente ?

-    Non. Juste qu'elle est extrêmement importante pour la suite du plan !

 

Chambre d'Augusta, villa Lockridge, Santa Barbara.

-    Maman, d'ailleurs, puisque tu te poses des questions sur ce qui se passe en bas, avec B.J., nous nous en posons sur ce qui se passe à Pacific Sud.

-    Comment cela ?

Augusta s'installa devant sa coiffeuse et se donna une contenance en arrangeant ses boucles.

-     Comment cela, à Pacific Sud ?

-    Maman, on a suivi Danny et on a compris une partie de ce qui se trame... On sait qu'il se sert du réseau d'eau potable pour acheminer drogue et faux jetons de casino à Las Vegas. Maman, nous connaissons bien Danny, il n'est pas capable de penser tout seul à cela... Alors pourquoi Pacific Sud ? Qui est à l'origine de tout ce trafic ? Je sais que tu as encore des relations professionnelles là-bas...

-    Ah non, Warren, je crois comprendre ce que tu sous-entends... Mais ce n'est pas vrai !

-    Maman... Nous savons toi et moi que tu raffoles de ce genre de situation. Nous savons que de Santa Barbara, tu continues de gérer une partie, si ce n'est la totalité, de l'héritage de Tonell.

-    Warren, je n'ai rien à voir avec ce que complote Danny. Je te le promets !

B.J. fixa sa belle-mère.

-    Et  vous ne connaissez pas de Salazar ?

-    Non, ce nom ne me dit rien...

 

Villa Lockridge, Santa Barbara.

Mason s'appuya contre la porte du salon et écouta attentivement les paroles de sa femme.

-    Tous les avoirs Capwell sont gelés et l'accès à la villa est interdit. Pamela veut bien plus que le contrôle des Entreprises Capwell. La chaîne d'hôtels est fermée, l'Orient Express aussi. Tout repose sur les codicilles du testament d'Emmett.

-    Ah, nous y voilà. Qui sera l'héritier mâle, le futur maître de l'empire Capwell ?

-    Mason...

-    Tout repose sur cet héritier... Il s'agit d'un mâle, donc exit Eden, Kelly et notre petite Samy, tout comme Adriana... Connaissant mon père, j'ai dû être rayé de la liste... Il ne reste alors plus que Ted. Mais comme la ligné indirecte est aussi présente, j'imagine que Brick et Greg sont des candidats au trône... Et il faut aussi ajouter le petit Brandon...

-    Effectivement.

Tout le monde dans le salon se dévisageait, comme si soudain l'héritier allait se révéler sous ses yeux.

-    Pour le moment, il faut que la famille reste unie. C.C. a besoin de vous tous ensemble.

-    Et peut-on savoir quand aura lieu la désignation de l'héritier ?

-    Je ne sais pas. Tout dépendra des attaques de Pamela.

La discussion dura encore un long moment où Julia fit de son mieux pour répondre à toutes les questions. Brick s'interrogeait sur les raisons qui avaient conduit C.C. à le maintenir dans la liste des héritiers, alors qu'il n'était pas un Capwell de sang. Greg cherchait, lui, un moyen d'échapper à ce nouveau poids qui allait, il le jurerait, s'abattre sur ses épaules. Ted ne semblait pas plus intéressé par l'héritier; il paraissait déçu qu'Eden et Kelly ne fassent pas partie de la liste des héritiers possibles.

Julia fit de son mieux pour ensuite s'approcher de son époux.

-    Mason, s'il te plait. Il faut que nous parlions...

-    Je ne sais pas si je peux. Tu sais que tu es en train d'exclure notre fille de l'héritage Capwell. Tout comme moi.

-    Mason, je t'en prie... Il faut que je te parle.

-    Tu sais, je savais que je serais maintenu à l'écart de cette famille... Mais pas par toi. Une telle attaque d'Eden ou de Kelly, j'aurais pu comprendre. Mais de ta part, Julia...

-    Mason, ce n'est pas ce que tu crois.

-    Quand je vois tout ceux qui sont... Il y en a même qui n'ont pas la moindre goutte de sang Capwell dans les veines ! Mais il a exigé leur présence. Tu sais, le seul crime que j'ai commis, c'est d'être le fils de Pamela... Quoique je fasse, jamais je ne pourrai effacer ce crime...  Regarde-moi, Julia... Ces deux-là se détestent, se mènent une guerre sans pitié... Et quoique je fasse, quoique je dise, je serais un traître, un coupable à leurs yeux. C'est écrit...

-    Mason, je t'en prie. Ce n'est pas ce que tu crois.

-    Laisse-moi !

Mason sortit de la villa Lockridge et s'engouffra dans sa voiture, laissant Julia plus seule que jamais.

 

Pearl rejoignit Julia sur le pas de la porte, prêt à la soutenir si elle en exprimait le besoin.

-    Il reviendra vers vous. Il a juste besoin d'un peu de temps.

-    Je sais. C'est sa facette que je déteste : cette façon de vous mépriser lorsque vous n'allez pas dans son sens.

Comme toujours, Julia se chercha une contenance en arrangeant ses cheveux et ses lunettes : sa frustration se devinait dans chacun de ses gestes.

-    Julia, dans la journée, j'ai été informé par un ami dans la police que le chalet de Cain en Utah a brûlé. Un incendie d'origine criminel s'est déclaré. Je ne sais pas si cela a à voir avec nous, mais la chronologie des événements est troublante.

-    Non, Pearl, je ne sais pas si tout est lié, mais j'ai besoin de vous ici. Il faudrait que vous enquêtiez sur les projets des sbires de Pamela. Nous avons besoin de savoir ce qu'ils comptent faire.

-    D'accord. Et... Est-ce que nous ne devrions pas informer Cruz des événements ? Avec la mort supposée de C.C., il doit se faire du souci pour Eden... Si vous voulez, Julia, je peux m'en charger.

-    Ce n'est pas la peine, Pearl. J'ai eu Cruz dans l'après-midi. Il est au courant... Mais, il ne veut pas revenir, ni prendre part à cette guerre... Il ne veut pas être impliqué.

Ted s'approcha vers eux pour poser de nouvelles questions, et mit un terme à leur discussion.

 

Motel Isla Vista, Santa Barbara.

Gina sortit un moment de la chambre qu'elle avait louée sous le nom de Laura Asher.

-    Je n'en peux plus, elle va me rendre folle !

Elle se dirigea vers un téléphone et composa le numéro de portable de Pamela. Elle fut presque soulagée de tomber sur sa messagerie.

- Madame Capwell, je suis Laura Asher. Nous ne nous connaissons pas, mais je viens de prendre part à votre héritage... Je connais l'héritage de votre passé... Je suis prête à vous rendre votre héritage contre un dédommagement... J'imagine que votre époux, le premier, serait ravi de retrouver celle qui fut peut-être son tout premier amour... Je vous recontacterai...

Chapitre 47