Santa Barbara, Acte 2

Chapitre 47 : Les femmes mènent la danse

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Et avec
la participation exceptionnelle
de Robert Desiderio
dans le rôle de Ted Melcher

On n'est pas le sexe faible
Mais l'enfer et le paradis
Pour nous les étoiles se lèvent
Illuminent la nuit

On a inventé la transe
Lorsque nos hanches balancent
On enflamme les sens
Pour une vie plus intense

 C'est les femmes qui mènent la danse
Dans leurs vies et dans leurs c
oeurs
C'est les femmes qui mènent la danse
Qui ont les clés de leur bonheur
Qui ont les clés de leur bonheur

Dans le ciel et dans leurs peaux
Dans ce vide comme un étau
C'est les femmes
Qui ont les clés de leur bonheur
C'est les femmes qui mènent la danse
C'est les femmes qui mènent la danse
Dans leurs vies et dans leurs c
oeurs
C'est les femmes qui mènent la danse

Hôpital de Santa Barbara, chambre de Kelly.

L'infirmière déposa le plateau du petit-déjeuner dans la chambre de Kelly Capwell. Après l'échange de quelques mots, l'infirmière vérifia quelques constantes avant de quitter la pièce. Kelly s'éveillait lentement.

Elle approcha la tablette pour goûter son café lorsque la porte de sa chambre s'ouvrit à nouveau, laissant rentrer son ancienne belle-mère, Pamela Conrad.

- Bonjour, Kelly.

- Pamela... Vous savez, je suis très fatiguée, et il est beaucoup trop tôt pour les visites.

- Kelly, je sais. Mais je me souviens dans le passé, nous avons été amies, de bonnes amies même. Il est normal que je me fasse du souci pour vous.

- Pamela, j'ai beau me creuser la tête, je n'ai pas le même souvenir d'amitié. Vous avez été ma belle-mère, vous avez tout fait pour me séparer de Jeffrey et de ma famille... Alors si vous le permettez, je préférerais que vous sortiez de ma chambre.

- Kelly, juste un moment.

Pamela s'assit au pied du lit, et Kelly se replia sur l'autre côté.

- Et si nous laissons le passé... Pour un petit moment. Je passais pour prendre de tes nouvelles. Je voudrais te dire que j'ai eu des nouvelles de Jeffrey, mais ce n'est pas le cas. Depuis qu'il a quitté la ville, je n'ai pas eu de ces nouvelles. Je sais qu'il est retourné un moment en Angleterre pour en partir quelques mois plus tard. Depuis, c'est le silence le plus complet. Après celle de Mason, c'est l'absence de Jeffrey que je dois endurer. Jour après jour.

- Certainement... Et dans un moment, vous allez m'expliquer que c'est à cause de ma famille si Jeffrey vous a abandonné. Pamela, vous savez pourquoi Jeffrey ne vous parle plus ? C'est simplement parce qu'il a su lire en vous, il a su ouvrir les yeux et voir le serpent qui se cache derrière votre joli sourire. Je voudrais vous faire de la peine, je vous dirais que j'ai des nouvelles de Jeffrey...

- Et c'est le cas ?

- Pamela, cela ne vous regarde pas. Je voudrais que vous sortiez de ma chambre. Je n'ai pas envie de vous voir.

Pamela se leva, arrangea une mèche de cheveux.

- Tu sais, Kelly, j'étais venue en amie. Je me fais du souci pour toi et pour ta famille. Oh, pas pour C.C., c'est vrai, il n'a que ce qu'il mérite, mais pour toi, Ted et Eden, oui je m'inquiète. Je ne voudrais pas que vous imaginez que je cherche à vous faire du mal. Lorsque la villa sera à moi, tu pourras toujours venir... Je t'assure tu seras toujours la bienvenue !

- Pamela, ce ne sont que des murs, de la pierre et un joli décor. Rien de plus. Ce qui compte c'est la chaleur du foyer et, avec vous, cette villa va devenir aussi froide que la tanière d'un serpent à sonnettes !

- Merci, Kelly, pour ces douces paroles.

Pamela s'approcha d'elle et lui déposa un baiser sur le front.

- J'ai ton père à ma merci. Dans quelques heures, tout sera à moi... Et je n'oublierai pas le mal que tu as fait à mon Jeffrey ! Si tu passes en enfer, n'oublie pas de saluer ton père de ma part ! J'imagine que les requins ne l'ont pas dévoré entre eux, ces monstres ne se mangent pas !

Pamela quitta la pièce, laissant Kelly avec l'impression d'être plus isolée que jamais.

- Je la déteste. Je l'ai toujours détestée... Maman avait raison, cette femme est un monstre d'égoïsme.

Kelly ferma les yeux et pria. Elle ignorait tout du plan de son père, elle ignorait où il se trouvait. Elle se sentait si seule, abandonnée dans cette chambre d'hôpital, loin des siens. Elle attira un oreiller contre elle et le serra, le serra pour la soulager du froid de l'absence...

 

Motel Isla Vista, Santa Barbara.

Dans sa chambre de motel, Gina terminait de débarrasser les restes du petit-déjeuner. Sa nouvelle colocataire venait de se plonger dans le monde d'un feuilleton à la télévision. Gina lui lança un regard à la dérobé : depuis ce matin, elles n'avaient pas échangé le moindre mot sensé.

- Je passe dans la salle de bains.

Gina laissa la porte ouverte pour pouvoir continuer à la surveiller. Là, elle ressortit sa perruque blonde et, en quelques secondes, Gina DeMott se métamorphosa en son ancienne amie Laura Asher.

- Je vais devoir m'absenter un moment pour rencontrer une vieille amie. D'ailleurs tu la connais aussi.

Gina continua de lui parler, consciente que, pour le moment, seules les oreilles des murs l'écoutaient.

- Je languis de voir la tête de Pamela quand je lui montrerai les photos que nous avons prises hier soir.

Avec une infime attention, elle regarda les photos qu'elle avait prises avant de les glisser dans son sac.

- Il faut que je fasse vite, je dois être dans un moment à La Mesa.

 

Villa Lockridge.

Warren Lockridge s'essuya le visage après s'être rasé. B.J. le rejoignit dans la salle de bains et l‘enlaça  amoureusement. Warren se retourna et ils s'embrassèrent longuement.

- Tu es certaine que tu ne veux pas nous accompagner ?

- Certaine. J'ai des choses à faire au journal, que je poursuive l'enquête sur mon enlèvement. Et puis, je suis certaine que vous vous amuserez mieux sans moi.

- Tu vas me manquer... On aurait pu en profiter pour se marier dans la chapelle d'Elvis...

Tout en élaborant des propositions, Warren et B.J. s'échangeaient baisers sur baisers, et B.J. fit lentement glisser une bretelle de sa nuisette de satin.

- Je vais finir par être en retard.

- Et c'est grave ?

Warren la porta vers le lit pour laisser libre cours à leur amour.

Ted Capwell gara sa voiture devant l'entrée de la villa Lockridge.

Augusta entra dans le salon pour prendre son petit-déjeuner lorsqu'elle tomba sur Ted en train de lui dérober des croissants.

- Bonjour, Augusta.

- Oh, non, ce n'est pas possible ! Pourquoi faut-il toujours que j'ai un Capwell chez moi, les réveils après une mauvaise nuit ! Ted, Laken n'habite plus la villa depuis longtemps.

- Merci pour les croissants. Je viens voir Warren.

- Est-ce que je pourrais prendre mon petit-déjeuner en paix...

Augusta s'installa à sa table basse pour prendre son café, tout en observant Ted qui montait vers les étages.

Quelques secondes plus tard, Julia Capwell dévala les escaliers avec son sac et son ordinateur portable telle une furie.

- Augusta, si on me cherche, je suis au bureau.

- Julia, chérie, je ne suis ni ta secrétaire, ni ta standardiste.

Quelques minutes plus tard, Augusta vit descendre Ted, Warren et B.J.. Tout de suite, elle remarqua le sac de voyage que portait son fils.

- Warren, tu pars en vacances ?

- Non, maman. Je vais à Las Vegas.

- Ne fais pas des folies, avec B.J... C'est une terre propice aux extravagances !

- Rassure-toi, maman. Rien de cela, pas de mariage rapide, je pars avec Ted.

En entendant cela, Augusta manqua de s'étouffer.

- Avec Ted... Ted Capwell...

Warren déposa un baiser sur le front de sa mère, sortit de la villa et fit ses plus tendres adieux à B.J..

 

Intérieur du jet privé de la société Ocean's Corp, aéroport de Santa Barbara.

C.C. Capwell balança à travers l'avion le journal à scandales qu'il était en train de lire. Pamela y tenait des propos scandaleux à l'égard de toute sa famille.

- Elle va me le payer ! Je vais la détruire ! Elle va comprendre que le vieux lion est encore capable de mordre.

C.C. changea de siège pour retrouver l'endroit qui lui servait de bureau. Il concentra toute son attention sur les dernières feuilles du testament de son arrière-grand-père. Il lu, relu, et lu encore les conditions pour désigner l'héritier, en absence de petit-fils capable d'assumer la direction des Entreprises Capwell.

- Puisque le sort en est jeté !

Il prit son stylo et ajouta à la main le nom du futur maître de l'Empire Capwell.

- Pourvu que Julia parvienne à le pousser à bout pour qu'il parte en guerre contre moi !

 

Gare routière de Santa Barbara.

Le bus se gara enfin. Il n'y avait que très peu de passagers, et aucun n'admirait la vue sur la baie qui défilait au travers des vitres. La voix du chauffeur traversa le bus.

- Terminus, Santa Barbara. Terminus !

Eden Capwell fut la dernière à descendre du bus, elle voulait au maximum profiter de ces derniers instants qu'elle allait qualifier d'avant la tempête. Son regard embrasa toute la baie, à l'exception de la partie où se trouvait son ancienne maison, cet havre de paix de bois que Cruz avait acheté pour leur amour.

La personne à ses côtés la regarda une seconde avant de concentrer toute son attention sur la pelouse autour d'eux. Elle voulait profiter au maximum de ses dernières secondes de paix, avant qu'elle ne redevienne aux yeux du monde la fille chérie de l'homme le plus riche de la ville, avant de redevenir l'héritière d'un empire qui ne comptait plus vraiment à ses yeux, avant de redevenir la seule personne capable de maintenir unie la famille Capwell, envers et contre tous, même au coeur des plus grandes tempêtes. Eden savait qu'elle n'avait pas d'autres choix que de reprendre le flambeau de son père, qui le tenait de son père avant lui.

- Pourvu que je puisse trouver en moi la force pour ce combat.

Tout en traversant des lieux familiers, Eden ne pouvait s'empêcher de songer aux hommes qui avaient traversé la vie au bord de l'océan. Ses pas venaient de la ramener devant le Johnny's, ce restaurant qui avait abrité une partie de ses amours (et de ses disputes aussi) avec Cruz. Mais au-delà de cela, elle songea aussi à Brick, à Amy qui avait trouvé la mort un jour de colère... Soudain, le souffle du vent se fit plus glacial. Le passé remontait à la surface. Eden ferma un instant les yeux. Elle devait puiser dans ce qu'elle était intrinsèquement, une femme Capwell pour puiser la force nécessaire pour redevenir la personne qu'elle était lorsqu'elle était revenue à Santa Barbara, en cette fin d'année 1984 : elle était l'héritière Capwell.

 

Port de Santa Barbara.

Augusta Lockridge gara sa voiture entre des containers prêts à partir pour une destination qui lui était inconnue. Elle détestait cet endroit : l'odeur, le monde, la graisse... Bref, une atmosphère des plus éloignées de son monde. Quelques ouvriers la dévisageaient alors qu'ils s'attelaient à leur tache. Augusta Lockridge les méprisait du regard. Soudain, un homme, les traits cachés sous une casquette, s'approcha de sa voiture. Et Augusta baissa sa vitre.

- Madame Lockridge. Vous ne voulez pas que l'on aille dans un autre endroit ?

- Danny, quand je vous engagé, j'ai exigé de vous une totale discrétion... Quel est le mot que vous n'avez pas compris, alors ? Warren est au courant de tout ! Il fait route actuellement vers Las Vegas pour découvrir la destination des jetons de Casino, ainsi que de la drogue...

- Voulez-vous que je me charge de les empêcher d'arriver à destination ?

- Comme vous vous êtes chargé de ma belle-fille ! Surtout pas ! Je veux que vous me trouvez quelqu'un qui puisse se faire passer pour Salazar. Et qui soit crédible. Je parie que dans votre équipe de bras cassés, vous devez certainement avoir quelqu'un qui puisse faire l'affaire.

- Je devrais trouver cela, mais cela ne faisait pas partie de notre accord.

- C'est vrai. Tout comme le fait que votre livraison fasse la une de la presse.

Tout en lui parlant, Augusta lui lança au visage l'exemplaire du jour du Santa Barbara Chronicles.

- Quand vous aurez trouvé quelqu'un, appelez-moi, je partirai avec lui à Las Vegas. Pour les dernières livraisons, où en sommes-nous ?

- Avec l'explosion, nous n'avons pas pu effectuer les deux derniers envois. Si vous m'assurez que ce soir la police aura quitté Pacific Sud, nous pourrons les faire.

- Très bien. Vous pourrez alors venir ce soir. Et après, je ne veux plus vous voir dans le coin. Je vous ferai parvenir le dernier versement lorsque la dernière livraison aura été réceptionnée.

Augusta fixa intensément Danny dans les yeux. Il devait bien comprendre qu'il devait se reprendre et s'assurer que le reste de la livraison arrive à bon port.

- Je vous recontacterai dans la journée.

 

La Mesa, Santa Barbara.

Il n'y avait que peu de personnes en ce milieu de matinée dans le restaurant. Pamela Conrad inspecta très vite du regard la totalité de la salle du restaurant, alors que Ted Melcher rangeait la photo d'un vieux journal représentant la femme d'un ancien procureur de la ville.

- Vous ne la voyez pas non plus.

- Elle nous a dit en terrasse, Pamela.

- Je déteste ce genre de situation...

Une jeune serveuse blonde s'approcha d'eux.

- Madame Conrad, une table est réservée pour vous, en terrasse. Si vous voulez me suivre...

Pamela suivit la serveuse blonde jusqu'à une table isolée sous les arcades de la terrasse. Elle fit signe à Ted de rester à proximité d'elle pour une intervention si nécessaire.

Après de brèves salutations d'usage, l'air entre les deux femmes se chargea d'électricité. L'une comme l'autre ne voulait pas être la première à ouvrir les hostilités. N'en tenant plus, Pamela passa à l'action.

- On ne va pas se voiler la face, nous ne sommes pas là pour échanger des banalités, Laura ! Bien qu'à vous voir, je doute que vous soyez la véritable Laura Asher.

- C'est exact. Mais, je préfère encore garder un moment mon identité secrète.

- Alors que voulez-vous ?

Sous son masque de Laura, Gina jubilait. Comme en 1987, elle prenait le pouvoir sur Pamela Conrad... Elle avait une telle revanche à prendre sur elle... Pamela allait enfin comprendre que l'on ne se joue pas de Gina.

- Ce que je veux, c'est très simple.

Elle fit glisser une page de papier repliée vers Pamela.

- Tout est écrit dessus.

Sans quitter celle qui se disait Laura Asher, Pamela prit la feuille, la déplia et parcouru les quelques lignes notées à la main. Les traits sur son visage ne trahissaient aucune surprise, bien qu'au fond d'elle, Pamela soit réellement prise au dépourvu par la liste de demande.

- Et vous pensez vraiment que je vais vous donner tout ce que vous exigez de moi !

- Bien sûr. A moins qu'à vous yeux, Margaret n'en vaille pas la peine. Vous savez, son asile lui manque... Et Dieu sait ce qu'elle pourrait me raconter à votre sujet. Car, curieusement, Margaret ne parle que du début des années 1950... Ses souvenirs de cette époque sont toujours très précis... Il faut voir encore la façon dont elle parle de C.C. ! La pauvre ! J'ai d'ailleurs été très surprise de découvrir qu'elle ignorait que son grand amour a fini par céder au mariage avec sa propre soeur !

- Qui que vous soyez, vous êtes une vraie garce ! Vous aurez le contrôle d'Armonti's, mais cela s'arrête là. En aucun cas, je ne vous donnerai des actions de ma compagnie pétrolière... Ni les 5 millions de dollars !

- Alors, Margaret restera avec moi et je l'écouterai me parler de son amour pour C.C.. Après tout, cela nous fera un sujet en commun !

Laura retira alors sa perruque et aussitôt Pamela reconnut la femme en face d'elle.

- Gina ! !  J'aurais dû m'en douter. Vous allez me le payer...

- Pamela, je vous avais promis que je vous rendrai la pareille... Vous vous êtes tant moquée de moi.

- Tout cela ne me dit pas comment vous comptez reprendre Brandon, car cet enfant que vous aimez tant ne figure pas sur votre liste.

- Je suis certaine qu'en échange des parts de votre société, les Capwell me laisseront la garde de mon fils. Rien que pour vous reprendre une petite partie de ce que vous leur avez volé.

- Rien n'en est certain...

- Pamela, vous avez jusqu'à la lecture du testament de C.C.. Une fois qu'il aura été ouvert, bien sûr, notre accord sera nul... Et j'irai voir peut-être Mason pour lui parler de sa tante qu'il ne connaît pas... J'imagine l'effet de surprise.

Alors que Gina s'apprêtait à partir, Pamela l'arrêta.

- Vous n'en ferez rien. Je vais demander à Kirk de rédiger les contrats... Mais pour ce soir, ce n'est pas possible.

- Pamela, je connais Kirk, c'est un excellent avocat, je suis certaine qu'il pourra rédiger les documents avant midi. On peut se donner rendez vous au Club 71 à 14 heures. En attendant, je vais écouter les souvenirs de Margaret... Pamela, je ne sais pas si je dois lui dire que nous nous sommes vues !

Pamela regarda partir Gina, folle de colère. Il fallut plusieurs appels de Ted pour qu'elle revienne à la réalité.

- La garce... Elle me tient...

Pamela lui raconta l'entrevue avec Gina DeMott et exigea qu'il prenne contact avec Kirk pour qu'il établisse le contrat.

- Pamela, vous ne devez pas oublier que la priorité reste de prendre le contrôle complet des Entreprises Capwell. Nous nous occuperons ensuite de cette Gina.

- Vous avez raison, Ted. Mais elle va me le payer...

 

Ancienne maison de Julia Wainwright, sur la plage.

En toute hâte, Julia avait quitté la villa Lockridge, non pas parce qu'elle avait des raisons professionnelles à cela (elle recevait régulièrement par mail les instructions de C.C. Capwell), mais parce qu'elle ne supportait plus les cris de sa soeur. Depuis le départ de Warren avec Ted à destination de Las Vegas tôt ce matin, Augusta traînait une humeur épouvantable; et toutes personnes qui la croisaient en payaient le prix, Julia y compris.

Julia avait pris sa voiture et après s'être rendue dans tous les lieux susceptibles d'héberger Mason, elle avait fini par se replier dans son ancienne maison au bord de la plage. Elle s'activait à la préparation du testament de C.C., même si le Santa Barbara Chronicles avait certifié dans sa une du matin que l'accident était faux : il fallait au maximum brouiller les cartes pour empêcher Pamela de voir venir leur attaque. Julia avait volontairement occulté l'aspect torturé des Capwell qui, comme n'avait de cesse de le répéter Mason, était leur marque de fabrique pour se concentrer uniquement sur l'aspect juridique de la succession. Emmett Capwell avait élaboré tout un réseau de sociétés écrans, de comptes à différents noms pour palier à toutes tentatives de prises de contrôle de la société Capwell, de l'intérieur comme de l'extérieur. Les ramifications étaient telles que dès la tentative de prise de pouvoir de Pamela, les actifs financiers, mobiliers et autres des Entreprises Capwell avaient basculé vers une autre société créée par Emmett Capwell, devenue propriété pleine et entière de l'héritier mâle désigné par C.C. jusqu'à sa résurrection. Et le plan mis en place pour la villa était telle qu'à ce jour Julia était incapable de définir le véritable propriétaire des lieux. Mais en aucun cas, elle ne pourrait passer entre les mains de Pamela Conrad.

- Et bien, il ne me reste plus qu'à guetter l'arrivée de l'héritier de C.C. et en espérant que ses enfants se comportent comme prévu... En absence d'Eden, tout repose sur Mason, Ted et Kelly...

Tout en se parlant à elle-même, Julia s'était levée et dirigée vers la fenêtre pour profiter de la vue sur l'océan. La vue lui manquait : de leur nouvelle maison, elle ne voyait plus l'océan. Mais aux dires de Mason, leur nouvelle habitation correspondait mieux à leur standing. Tout en fixant l'écume sur les flots, Julia ne pouvait s'empêcher de songer au passé : c'est ici qu'elle avait habité au tout début avec Samantha, c'est dans cette maison qu'elle avait abrité son amour clandestin avec Mason, c'est ici qu'elle s'était sentie pour la première fois forte et indépendante.

Soudain, une lueur non habituelle dans la maison voisine attira son regard. Aussitôt, elle ne put s'empêcher de songer à Eden et Cruz, ses anciens voisins, et au cruel destin qui les avait éloigné l'un de l'autre.

- Si Eden était revenue, Cruz serait certainement venue à son secours. Alors que pour le moment, il se refuse à entendre parler de son ancienne vie...

Julia fixait toujours les fenêtres de la maison de bois. Un léger tremblement la conforta : elle ne rêvait pas. Il semblait bien y avoir quelqu'un dans la maison. Elle posa sa tasse et se dirigea vers l'ancienne demeure des Castillo.

A sa grande surprise, la porte était entrouverte, bien que le panneau "A vendre"  soit toujours présent. Julia entra dans la maison.

- Il y a quelqu'un ?

A sa grande surprise, rien n'avait changé depuis leur départ. C'est comme si le temps avait suspendu son cours. Elle retrouvait, non sans plaisir, les lieux tels qu'ils les avaient laissés.

Soudain, la silhouette d'une femme se découpa sur la porte conduisant à la chambre.

La silhouette était la même et une vague de souvenirs déferla sur les deux amies.

Julia et Eden s'étreignirent longuement toutes à la joie de ces retrouvailles. Elles gardèrent un moment le silence pour profiter de cet instant, avant de se poser une foule de questions. Puis, un silence plus pesant prit place entre elles, alors qu'elles s'asseyaient sur le canapé en rotin. Un prénom restait sur leurs lèvres; un prénom d'une seule syllabe, qu'il ne fallait pas prononcer.

Dans cette maison, sa présence restait palpable; la maison entière restait imprégnée de lui, comme si tous les deux étaient indissociables. Eden fut la première à parler de lui. Pour la première fois depuis son départ de Santa Barbara, après avoir plongé dans l'océan et tiré sur Sophia, Eden pouvait exprimer librement le manque qui la rongeait. Julia l'écouta sans rien dire, lui offrant la meilleure épaule amicale possible.

Eden ne cacha rien à son amie. Ni de sa souffrance, ni de sa responsabilité.

- Je sais, Julia, le mal que je lui ai fait. Je sais que rien ne pourra plus jamais être comme avant. C'est de ma faute. Je lui ai fait tellement de mal... Ma responsabilité n'enlève rien à la peine que j'ai... Mon coeur s'est brisé... Je veux croire pour lui, je l'espère, même si une part de moi veut le contraire, qu'il a réussi à m'oublier... à trouver l'oubli de moi dans d'autres bras...

Des sanglots l'empêchèrent de continuer. Julia la prit dans ses bras. Depuis des années, elle était la témoin privilégiée de leur histoire amour. Et elle avait accompagné Cruz après sa fausse mort et son départ. Pourtant, elle resta muette, elle ne savait pas quoi lui dire : mentir ou dire la vérité.

- Julia, je t'en prie. Dis-moi qu'il ne veut pas me revoir, qu'il m'a oubliée... Qu'il ne veut plus entendre parler de moi ou de ma famille...

- Oh, Eden, je te jure que je voudrais être capable de te parler de lui. Mais c'est impossible. Il a été catégorique avec nous, après son départ... Il ne veut plus rien avoir à faire avec les gens d'ici... Il veut vivre avec... pour vos enfants. Je crois qu'il ne veut pas et qu'il ne peut pas oublier, alors il s'oblige à faire comme si nous n'existions pas. Nous n'avons de ses nouvelles que pour Noël ou les anniversaires des enfants. Je sais qu'il est au courant pour l'accident de C.C., mais il ne m'a pas rappelée et je sais qu'il ne le fera pas. C'est sa façon à lui de vivre, et nous devons la respecter...

- Alors c'est qu'il souffre encore et qu'il ne m'a pas oubliée...

- Eden, comment pourrait-il oublier l'amour qui vous unissait... Il le porte en lui. Il fait partie de lui.

Les deux femmes s'étreignirent et le silence repris ses droits, pesant de tout son poids dans la maison de bois.

- Ne lui dit pas que tu m'as vue. Tu dois me le promettre... Il faut que je parte, je dois retrouver Sophia à Paris... Jamais, tu m'entends, Julia, tu dois lui dire que je suis revenue. Je veux faire en sorte qu'il puisse oublier, si cela lui est possible...

 

Bureau d'Augusta Lockridge, Pacific Sud.

- Connie, que l'on me dérange pas, je vais être en conférence téléphonique.

Le regard que lança Augusta à sa secrétaire était sans appel. Cette dernière ne s'appelait nullement Connie, mais elle s'était habituée au fait qu'Augusta Lockridge soit incapable de retenir son prénom et que tous les jours, elle lui trouvait un prénom différent. Hier, Annie. Aujourd'hui, Connie. Demain ?

Augusta s'installa face à la baie vitrée pour réfléchir : elle aimait observer la totalité de son domaine. Elle se délectait de ce sentiment de puissance, elle qui n'avait jusque là que vécu dans l'ombre de quelqu'un d'autre : Minx, Lionel, Tonell... La liste était longue. Mais aujourd'hui, ce n'était plus le cas, elle était maître de son destin; personne ne pouvait plus lui dicter quoi dire ou quoi faire. Et pourtant... Aujourd'hui, elle se sentait un peu moins forte... Warren était parti avec Ted à Las Vegas. Danny Andrade ne se montrait pas aussi efficace qu'elle l'aurait souhaité. B.J. était retournée au journal pour écrire un article. Heureusement, elle savait que l'équipe de rédaction lui ferait parvenir l'article avant qu'il ne soit édité... Et il fallait faire son rapport...

Augusta appuya son regard sur un bateau situé près de la baie vitrée et, en une seconde, la pénombre emplit le bureau.

- Je m'occuperai de Warren tout à l'heure. Il ne doit rien découvrir de ce qu'il se trame à Las Vegas.

Augusta chercha dans son sac tout en cuir couleur panthère, le numéro téléphone portable du jour. Elle en recevait un nouveau tous les soirs, déposé sur son lit, dans sa chambre à la villa Lockridge. Elle n'avait aucun numéro à faire, simplement bis, car le numéro changeait tous les jours.

- Allô, Agent Augusta au rapport.

- « Grognement »

- Voici le rapport du matin. Rien de neuf dans les découvertes. Les livraisons seront terminées ce soir. L'accès au site sera libre. Pas de nouvelles de la part du grand patron. Mon fils est parti en escapade à Las Vegas. Vous devez le surveiller pour qu'il ne lui arrive rien.

- « Grognements »

- Je vous en prie... Warren ne doit rien comprendre. Croyez-moi, il est loin d'être bête, il ne tardera pas à tout comprendre. D'ailleurs, je sais qu'il a déjà découvert une partie de l'histoire. Il est accompagné du fils Capwell...

- Pas de nom !

- Du grand bêta de la maison voisine... Lui, il n'est pas nécessaire de la protéger. Mais surveillez bien mon fils. Il détient déjà ma fille, je ne voudrais pas que mon fils tombe aussi dans ses griffes... Je continuerai à faire ce que vous me demandez, mais maintenez Warren loin de Vic !

- Pas de nom, et encore moins celui-là !

- Oh, arrêtez, vous pensez qu'un nom peut nous tuer... Vous oubliez que je connais Victor. Et il ne me fait pas peur... Je veux juste protéger mes enfants. Et si vous voulez que je continue cette mascarade, il va falloir que vous m'aidiez un peu.

- « Grognements »

La discussion dura encore plusieurs minutes, pendant lesquelles Augusta leur détailla la quantité de drogue transmise, ainsi que le nombre de faux jetons par casino qui " flottaient" actuellement à destination des casinos de la capitale du jeu. L'ensemble représentait des millions de dollars. Augusta écouta d'une oreille distraite les nouvelles directives tant son esprit se concentrait sur Warren et sur Laken. Lorsqu'elle raccrocha, elle lança le téléphone sur le fauteuil face à elle.

- Quelle bande d'incapables... S'ils s'imaginent qu'ils peuvent me dire ce que je dois faire ou ne pas faire, ils se trompent. Je vais aller voir Victor et régler une bonne fois pour toute cette histoire !

 

Sur la route entre Santa Barbara et Las Vegas.

Ted et Warren avaient repris la route après avoir pris un énième café. Ils avaient choisi de s'y rendre en voiture, car ils voulaient se servir de ce temps pour mettre au point une stratégie. Alors que Ted pilotait, Warren, assis à ses cotés, pianotait sur son ordinateur pour synthétiser les informations. La musique de Whitney Houston, en bruit de fond, les accompagnait depuis plusieurs chansons.

Depuis qu'ils avaient quitté la villa Lockridge au petit matin, Warren avait contacté à plusieurs reprises son journal et B.J. pour valider les grands axes des éditions à venir. B.J. lui avait même transmis par mail l'édition de demain, un condensé de ses recherches, et même des photos de la rencontre entre sa mère et Danny, sur le port de la ville.

- Nous n'avons pas de véritables infos sur Salazar, c'est comme s'il n'existait pas.

Ted ne bronchait pas, c'est à peine si de temps à autres, il pianotait le rythme des chansons sur le volant.

- Ted, tu es certain que tu ne veux pas que l'on en parle ? A ma façon, j'ai un peu ressenti la même chose lorsque j'ai découvert que Lionel n'était pas mon père biologique. Ce n'est pas parce que tu n'es pas dans la confidence que ton père ne t'aime pas.

- Warren, s'il te plait, je ne veux pas en parler. Je joue mon joker sur la question.

- Oh, arrête, Ted, veux-tu ! On se connaît assez maintenant. Nous avons même tout traversé : rivaux, ennemis, presque beau-frères, et maintenant amis... Ne crois-tu pas que tu pourrais être honnête avec moi et surtout avec toi ? Souviens-toi de l'Irak, quand nous étions attachés l'un à l'autre... On s'est promis de ne plus jamais mettre nos familles et leurs secrets nous séparer... Ted, je suis ton ami.

Ted restait sourd aux paroles de son ami. Pourtant, il savait que Warren avait raison. Mais pour le moment, il ne savait pas vraiment quoi penser. Il avait essayé de joindre Mason pour faire le point avec lui sur cette situation que son frère aîné avait traversé à de nombreuses reprises. De sombres pensées lui occupaient l'esprit et la musique, la conduite, lui faisaient du bien.

Après près d'une heure de silence, Ted s'arrêta sur une aire d'autoroute.

- Encore un café ?

- Non, j'ai besoin de prendre l'air.

Ted sortit de sa voiture et s'assit dans l'herbe. Warren le rejoignit après un moment.

- Alors, toujours grognon ?

Ted fixa son ami.

- Tu sais à quoi je pense ?

- Non, mais je te parie une soirée de folie à Vegas que ce n'est pas à moi !

Ted esquissa l'ébauche d'un sourire.

- Autant... Depuis le temps que je rêve d'une virée avec toi dans la ville de tous les vices... J'ai tellement entendu pendant mon enfance que les Lockridge étaient experts en tous les vices ! Aujourd'hui, je rêve d'apprendre et de découvrir ce qu'il y a de l'autre côté de la morale et de la vie rangée des Capwell.

- La vie rangée des Capwell ! ! Tu veux qu'on en parle ? Trouve m'en un chez toi qui a une vie rangée... Si tu étais même un peu moins tendu, je dirais ton père, le grandissime Channing Creighton Capwell !

- Hum... Tu as raison. Il s'est rangé avec l'arrivée de Gina dans sa vie ! Tu sais, Warren, ce n'est pas que je sois maintenu au secret dans toute cette histoire qui m'agace le plus... Ce que je trouve navrant, c'est que personne n'a songé à me demander si je voulais les aider à sauver la famille et l'héritage Capwell. J'ai l'impression de ne pas faire partie de la famille. Que mon père complote et se fasse passer pour mort ne me surprend pas. Ce qui me surprend, c'est que personne n'a voulu me mettre dans la confidence. J'ai l'impression d'être comme Mason... Pourtant, je me suis si souvent moqué de lui, lorsqu'il me parlait de son mal-être... Tu vois, j'ai l'impression de voir dans leur regard du mépris et de la gêne, car je ne suis pas ni Channing Junior, ni Eden... Je ne suis pas digne de prendre en main l'héritage Capwell.

Ted lui confia une grande partie de son mal-être. Les deux amis discutèrent longuement, se découvrant des similitudes de vie au-delà des liens de voisinage.

- Ted, je vais te dire quelque chose que je ne répéterai plus, même sous la torture. Vous êtes quelqu'un de bien, Monsieur Theodore Capwell. Et si j'avais une bière, je trinquerais à votre santé. Il ne faut pas faire cas de ceux qui ne s'en rendent pas compte. Je peux dire que je te connais depuis longtemps et que nous n'avons pas toujours été amis, et que tu dois être fier de ne pas être pleinement Capwell... C'est là ta force et ta grandeur. Je me souviens de ce que me racontait Laken quand elle flirtait avec toi, que tu étais différent, et à notre plus grande joie à tous, c'est vrai !

Après encore un moment de discussion, ils reprirent la route ensemble. Juste avant de partir, Warren prit Ted dans ses bras et lui glissa à l'oreille : «Capwell ou pas, moi je suis content de celui que tu es. Et je t'interdis de le dire à ma mère, je ne voudrais pas que son coeur lâche !»

 

Rédaction du Santa Barbara Conscience.

B.J. avait pris place derrière le bureau de Warren. Elle s'était aussitôt plongée dans la préparation de l'édition du lendemain, avec l'ensemble de l'équipe de la rédaction. C'est avec une grande facilité qu'elle s'était glissée dans la peau du maître des lieux.

Après la réunion, elle s'était concentrée sur des recherches sur le net, pour en découvrir plus sur ce Salazar. Elle avait entendu sa belle-mère à plusieurs reprises prononcer ce nom. Pour l'heure, le moteur de recherche lui donnait trop de pistes : Salazar au Mexique était un nom de famille ou de ville très fréquent. Elle essaya alors de le combiner avec un nom bien plus familier : Lockridge. Après quelques liens qui ne donnaient pas de résultats, elle tomba sur un article d'un journal de Las Vegas, dont la photo montrait Tonell avec sa femme, Augusta. L'article mentionnait aussi le neveu de Tonell; ce dernier s'appelait Victor Salazar Tonell. Les sens en éveil, B.J. sentit qu'elle avançait enfin sur une piste sérieuse.

Elle ferma les yeux et essaya de se souvenir de sa captivité en Amérique latine. Elle était presque certaine que le nom de Salazar avait été prononcé par ses geôliers.

- Est-il possible qu'Augusta en sache bien plus qu'elle ne veuille l'admettre ?

B.J. demanda à ce que l'on ne la dérange pas pendant les deux prochaines heures et se concentra pleinement sur les nouvelles pistes qui se dessinaient devant elle.

 

Intérieur du jet privé de la société Ocean's Corp, aéroport de Santa Barbara.

C.C. Capwell terminait son troisième café, tout en préparant son mail pour Julia, avec les dernières directives concernant les transferts de fonds. Son esprit s'était égaré un moment plus tôt en raison des nouvelles de Sophia, sa douce et tendre Sophia. Il se faisait violence pour se retenir de joindre l'hôpital en France, d'ordonner au pilote de faire décoller cet avion vers Paris, pour rejoindre celle qu'il aimait depuis des années.

Il s'était décidé toutefois de joindre un des ses amis à Paris, et lui demanda d'assurer la sécurité de Sophia.

Son mail terminé, C.C. l'envoya à Julia, inquiet que le destin de la société de sa famille ne repose plus entre ses mains.

 

Motel Isla Vista, Santa Barbara.

Revenue dans sa chambre d'hôtel avec un léger repas pour midi, pour deux, Gina prit place sur le lit pour regarder le journal télévisé. Sa compagne de chambre, pendant ce temps, fixait le miroir de la salle de bains comme s'il s'agissait d'une fenêtre ouverte sur un autre monde. Margaret Pepperidge semblait captivée par son reflet, même si dans son esprit torturé, des images se superposaient à son double.

Alors que le journaliste de KSB8 parlait de l'accident d'hélicoptère de C.C. Capwell, Gina remarqua soudain un changement de comportement chez Margaret et elle l'entendit nettement parler de C.C., mais aussi d'Emmett...

Gina, discrètement, se leva de son lit et s'approcha de la salle de bains pour écouter les propos de Margaret.

- Ne peut-elle pas être plus claire dans ses propos ? Je ne comprends rien...

 

Capwell Tower.

Face à la baie vitrée du bureau de C.C. Capwell, Pamela fixait la ville qui s'étendait à ses pieds : rien ne se déroulait selon son plan, mais elle restait intimement persuadée que rien ne se passait non plus selon le plan de C.C.. Et c'était tant mieux pour elle.

Elle se détourna seulement pour faire face à Kirk, qui entrait dans la pièce avec Gina.

- Merci d'avoir annulé le rendez-vous au Club 71, je ne suis pas d'humeur à me retrouver au milieu d'une foule...

- Il n'y a pas de problème. De toutes façons, ce n'était pas pour le décor... Vous avez eu raison, Pamela, ici ce bureau fera très bien l'affaire. Alors, je signe où ?

- Où est Margaret ?

- Cela ne marche pas comme cela, Pamela. Vous me donnez le contrat, je le lis, je le signe et vous rends Margaret...

D'un signe de la tête, Pamela fit signe à Kirk de donner les documents à Gina.

- Vous pouvez vérifier, il répond à toutes vos exigences : le contrôle d'Armonti's, 7 millions de dollars, les parts de Sophia dans la Tanière et 5% de la fusion de ma compagnie avec feu les Entreprises Capwell.

Gina parcourut attentivement les lignes du contrat avant de signer les différents exemplaires.

- Bien entendu, Pamela, si jamais vous voulez revenir sur les termes du contrat, je serais dans l'obligation de parler à Mason de sa chère tante... Je suis certaine qu'il serait ravi de savoir qu'il a une famille à lui.

- Gina, j'ai rempli ma part, à vous de faire la vôtre.

Gina fit glisser une clé sur le bureau.

- Elle est au Motel Isla Vista, chambre 17. J'ai pris grand soin d'elle, Pamela... Et parce que je me suis bien occupée d'elle, elle m'a confié bon nombre de souvenirs de vos folles années de jeunesse.

Gina replia le contrat et quitta le bureau.

- Kirk, conduisez moi vite dans ce minable motel. Ma soeur ne peut pas rester seule longtemps.

 

Villa Capwell.

Maggie Gillis gara sa voiture devant l'entrée de l'imposante villa. Elle fit taire les souvenirs qui remontaient à la surface. Elle avait fini de sa colère : Ben était mort depuis presque deux ans à présent. Elle savait que s'acharner sur le passé ne pouvait rien apporter de bon. Seul le souvenir de Warren Lockridge troublait le semblant de vie qu'elle s'acharnait à maintenir.

Elle fit le point avec les équipes qui surveillaient les lieux.

- Personne n'a essayé d'entrer ni dans le parc, ni dans la villa.

- Très bien. Vous savez où ils sont ?

- Non. Mais à priori, l'ouverture du testament Capwell aura lieu ce soir dans les bureaux de la société, en ville.

- Merci.

 

Quelque part au-dessus des Etats-Unis.

Mentalement, Eden Capwell comptait les kilomètres, les heures qui la séparaient encore de Paris. Elle devait retrouver sa mère, la faire sortir de l'asile où Venice la maintenait prisonnière et reprendre les rênes d'Armonti's. Bien qu'elle s'en sentait parfaitement capable, Eden ne pouvait s'empêcher d'hésiter : elle n'avait pas encore réussi à surmonter les dernières heures lors de son départ de la ville. Elle se souvenait encore parfaitement de sa colère lorsqu'elle avait tiré sur Sophia, elle se souvenait de sa peine lorsqu'elle avait plongé dans l'océan, abandonnant Cruz et leurs enfants. Elle savait que Lisa n'expliquait pas tout, ne justifiait pas tout. Au fond d'elle, elle savait que cette colère était encore là, bien présente. Et qu'avant de faire la paix avec sa mère, elle devrait accepter cette part sombre qui vivait en elle.

Elle avait passé un long moment à regarder les documents qui lui donnaient les pleins pouvoirs sur les parts de sa mère. Sophia avait donné le même document à chacune de ses filles, pour être certaine que soit Kelly soit Eden pourraient assurer la direction d'Armonti's. Venice ou Pamela ignoraient ce détail. Peu importaient les documents signés, ils n'auraient aucune valeur.

Eden ferma les yeux, mais très vite les rouvrit. Elle ne pouvait pas laisser le passé remonter à la surface. Elle savait que, dans quelques heures, elle serait à Paris, au pied de la Tour Eiffel, dans cette ville magique qui avait été le lieu des retrouvailles avec leur petite Adriana.

- N'oubliez jamais que je vous aime. Toi, ma douce Adriana, mon petit Chip... Et...

Usant de toutes ses forces, Eden repoussa le souvenir de cet homme qu'elle aimait plus que sa vie et qu'elle ne pouvait entraîner dans sa chute. Tout son corps pourtant conservait le souvenir de Cruz Castillo : ses lèvres, ses mains, ses yeux, son sourire... La force de ses bras...

Eden sentit l'émotion la submerger. Et aujourd'hui, elle choisit de se laisser emporter par la force de l'amour qui l'unissait encore à Cruz. Il fallait bien qu'elle s'abandonne pour pouvoir être forte demain.

- Oh Cruz... Puisses-tu m'oublier, car moi je ne peux pas... Je ne peux pas...

 

Bureau d'Augusta Lockridge, Pacific Sud.

La nuit était tombée sur Pacific Sud. De son bureau, Augusta observait la dernière liaison qui était en train de se faire. Elle avait parlé avec Danny qui ne lui avait pas annoncé de bonnes nouvelles : Ted et Warren venaient d'arriver à Las Vegas, et ils avaient pris une chambre au Bellagio.

Augusta, à présent, en était certaine : elle allait devoir faire le voyage à Vegas et rencontrer Salazar.

- Connie, merci de me réserver un vol pour Vegas le plus tôt possible. La dernière fois, je me suis laissée avoir par les mirages de cette ville, mais cette fois-ci, cela sera différent. Je ne suis plus la même Augusta. Pour lui, je dois être Augusta Tonell !

 

Capwell Tower.

Une bouteille de champagne à la main, entourée de Ted Melcher et de Kirk Cranston, Pamela fêtait sa victoire.

- Aujourd'hui est un grand jour. Nous avons l'Empire Capwell entre nos mains. Je sais qu'ils sont en train d'ouvrir le testament d'Emmett. Mais ils ne peuvent rien contre moi. Il n'y a pas d'héritier. Et dès qu'ils auront fini, un des sous-fifres du cabinet d'avocats va me contacter pour m'avertir de ce qu'il en est. Alors mes amis, soyons heureux et fêtons comme il se doit notre grande victoire !

Au fond d'elle pourtant, Pamela ne pouvait que s'inquiéter de ce que pouvait contenir le testament d'Emmett.

 

Salle de réunion, Pacific Sud.

Ils venaient de prendre place dans la grande salle de réunion de Pacific Sud. Julia, en bout de table, se sentait plus seule que jamais; depuis qu'il venait, Mason ne lui avait pas adressé la parole.

Le regard de Julia passa de Pearl, qui se tenait à ses côtés, puis à Courtney qui ne cessait de jouer avec un pendule en cristal, à Brick qui, comme à son habitude, ne savait pas quelle place prendre, à Greg Hugues qui ne pouvait ni surmonter sa culpabilité ni assumer le fait d'être à moitié Capwell, à Brandon qui ne comprenait pas ce qui se passait ici. Tous les autres enfants Capwell étaient absents. Tous, à l'exception de Mason qui restait droit comme un "i" contre le mur à l'opposé d'elle. Julia aurait tellement aimé qu'Eden, Kelly ou Ted soit présent, mais ils étaient tous absents.

- Je ne vais pas tourner longtemps autour du pot. Nous sommes ici pour nommer l'héritier de la famille Capwell, comme le précise le testament d'Emmett en l'absence d'un héritier mâle qui serait son premier petit-fils. Les seuls petits-enfants d'Emmett sont des filles, et...

- Julia, crache-nous le nom et que l'on en termine au plus vite de cette mascarade !

- Mason, je t'en prie...

- Nous savons tous qu'il s'agit de Brandon... Pardon, mon garçon, mais de nous tous ici présents, c'est toi que l'illustre C.C. préfère. C'est à toi qu'il a choisit de confier sa fortune.

Brandon regardait à tour de rôle Mason et Julia. Puis il vint se blottir contre Mason, ce dernier s'était toujours montré gentil avec lui, tout comme son oncle Keith.

- Mais il avait oublié un détail. J'ai ici un vieux document signé par Gina et par C.C. lui-même qui me confie la tutelle de Brandon.  Je devient donc par procuration l'héritier Capwell.

Mason fixait les yeux de Julia. Son épouse frémit : tout se déroulait comme C.C. l'avait prédit ! Mason ne pourrait s'empêcher de faire valoir ses droits sur Brandon. Julia comprit alors pourquoi Brandon ne pouvait pas être l'héritier. Elle comprit aussi pourquoi ni Ted, ni Greg, ni Brick ne pouvaient l'être.

Julia ferma les yeux avant de reprendre la parole.

- Mason, l'héritier n'est pas Brandon.

Tout le monde se dévisagea alors. Mason attrapa la main de Brandon, s'accroupit devant lui.

- Te voilà alors comme moi, mon petit gars... Un paria !

- Mason, je t'en prie...

Julia referma les pochettes devant elle.

- L'héritier est un Capwell. Un Capwell de sang... Il s'agit de Channing Capwell III.

Mason serra davantage la main de Brandon : c'était officiel, il était abandonné à nouveau.

Greg et Brick poussèrent un soupir de soulagement.

Courtney se mit à rire : «Ce n'est qu'écran de fumée, un vieux coup de magicien... La révélation est tout autre...»

Soudain, la porte de la salle de réunion s'ouvrit et un homme avec un garçon dans les bras entra dans la pièce.

- Etant le père adoptif de Channing III, c'est à moi que revient pour le moment la charge de diriger l'Empire Capwell.

Mason, qui se tenait à ses côtés, le regarda, les yeux emplis de haine et de colère.

- Un Lockridge à la tête de la famille Capwell, jamais ! Vous m'entendez, Lionel, jamais !

Mason lâcha la main de Brandon et quitta la pièce sous les regards médusés de tous les membres de la réunion.

Julia s'évanouit, abandonnée de tous.

A suivre...

 

To be followed...