Santa Barbara, Acte 2 | ||||||
Chapitre 43 : Si le passé nous était conté... |
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Et
avec la participation exceptionnelle de Robert Desiderio dans le rôle de Ted Melcher |
La nuit de ses doigts gantés
Image inachevée
Bientôt la lune est pleine
La nuit de ses doigts si frêles
Sculpte l'aube et le ciel
Dieu, que cette femme est belle
La nuit de ses doigts de fée
A effleuré l'image
D'un bonheur de passage
Mais j'ai vu l'être emporté
Elle n'a pas su s'aimer
Le temps a fait ses ravages
Et si vieillir m'était conté
Serais-je là pour t'aimer
D'autres nuits s'achèvent et la vie
A tout donné, tout repris...
Kelly ferma les yeux, priant de toutes ses forces, pour que le cauchemar cesse...
...Eden s'accrocha au souvenir de Cruz pour trouver les forces nécessaires. Elle ferma les yeux...
...L'obscurité empêchait B.J. de voir au-delà de quelques centimètres. Elle ferma les yeux, pour appeler le souvenir de Warren...
...C.C. ferma les yeux, pour effacer de son esprit le souvenir du journal télévisé...
...Sollicitant toute sa concentration, Courtney ferma les yeux, l'image de Kelly flottant autour d'elle, entourée du voile sombre d'une ombre...
... Greg ferma les yeux, comme pour retenir ses larmes et le souvenir de Daniel, au plus profond de lui...
...Assis derrière son bureau, Mason ferma les yeux, pour effacer le souvenir du passé, des paroles de son père ou celles de sa mère...
Pamela ouvrit les yeux, folle de joie à la diffusion de son image dans le journal télévisé. Le reportage de Deanna Kincaid la plaçait, enfin, en pleine lumière. Les yeux de Pamela étincelaient : enfin, elle se voyait prendre sa revanche sur C.C. Capwell. Le souvenir des dernières années remonta à la surface, avec son lot de rencontres : Alex Nikolas, Michael Conrad, Kirk Cranston...
Pamela arrangea son nouveau manteau haute couture, et commanda son bateau pour rejoindre la Capwell Tower, folle d'impatience de se retrouver derrière un bureau à proximité de C.C. Capwell, son associé. Son nouvel associé.
Quelque part au milieu de l'océan.
- Tu peux crier
autant que tu veux, cette fois-ci personne ne viendra à ton secours, ma douce
Kelly...
- Laisse-moi... Je
t'en prie...
Tyler fixait les
traits du visage de Kelly : pour le moment, il ne voyait nulle trace de
compréhension; la vérité, pourtant si criarde, lui restait voilée.
- Je ne comprends
pas... Tu n'es pas Joe... Tu n'es pas mon Joe... Ce n'est pas possible !
Bloquée contre la rambarde
du yacht, Kelly ne bougeait toujours pas. Elle ne parvenait pas à trouver la
moindre parcelle de force pour s'éloigner des dizaines d'oeillets blancs qui
l'encerclaient.
Kelly se posait mille
questions à hautes voix : elle cherchait à comprendre, à repousser l'évidence :
comment Peter pouvait-il être revenu à la vie ?
-
Ce n'est pas possible, je t'ai vu
mort... C'est un cauchemar...
Le rire glacial de
Tyler la paralysa. Kelly leva les yeux sur le visage de Tyler, à la recherche
de la moindre preuve de l'impossible. Le voile commençait à se lever et, derrière
le visage, Kelly devinait les traits de Peter Flint.
-
Je vois que tu ne comprends
pas... Que tu n'imagines même pas la réalité... Je vais pourtant te rassurer
tout de suite, je ne suis pas Peter. Je suis Paolo, son petit frère. Paolo
Fiorno. P.F., comme pour Peter Flint.
Kelly entrevoyait
alors la terrible réalité qui l'enveloppait. Paolo se tenait à quelques
centimètres d'elle; elle pouvait sentir son souffle sur sa peau. Et soudain, il
posa une main sur elle. Kelly frissonna de tout son être. Elle sentait le
souffle de la mort tout autour d'elle.
Les griffes se resserrèrent
sur elle.
-
Cette fois-ci, personne ne
viendra à ton secours. Personne. Joe n'est plus de ce monde. Nous sommes seuls
toi et moi. Juste toi et moi, pour finir ce qu'Antonio avait commencé. Je vais
vous unir ensemble. A tout jamais. Tu vas le rejoindre, vous aurez toute l'éternité
pour vous aimer. Ici, sur ce yacht où vous avez fait l'amour pour la première
fois, sur un lit d'oeillets blancs...
Avec violence, Paolo
empoigna Kelly, l'installa de force sur une chaise, puis la ligota. Il repoussa
ses cheveux blonds et laissa un moment sa langue courir de la base de l'oreille
à son cou.
-
Kelly chérie, bienvenue dans la
famille...
Le souvenir d'autres
moments passés avec Peter remontait à la surface, son viol dans le désert...
Les mains de Peter étaient encore sur elle, même après toutes ces années.
-
Laissez-moi, mon père est riche,
il pourra vous donner tout ce que vous voulez, je ne dirai rien... Il ne vous
arrivera rien...
-
Ma douce Kelly, ma si douce
Kelly... Je ne veux rien d'autre que le bonheur de mon frère... Que vous soyez
enfin réunis.
Paolo souleva le
couvercle d'un des plats et en sortit un long couteau. Puis il empoigna une mèche
de cheveux et la coupa d'un seul coup.
-
Il est temps d'en finir... Tu
n'as qu'à imaginer que je suis Peter...
La lame courrait sur la peau de Kelly. Elle se mit à hurler. L'horreur lui collait à la peau. La peur la pénétrait.
Immobile, Kelly ne pouvait rien faire d'autre que rester immobile, impuissante alors que dans un premier temps, Paolo lui coupait les cheveux avec parfois, de temps à autre, la lame qui lui entaillait la peau.
Quelque part au milieu de l'océan.
Courtney déchira une
partie des cartes de son jeu de tarot.
-
Je ne comprends pas. Cela n'a pas
de sens. Cet homme ne fait pas partie de son passé.
-
Donc, ce n'est pas Joe.
Courtney ne semblait
pas entendre les paroles de Pearl.
-
Je ne sais pas qui il est. Et
pourtant, je suis certaine qu'il est lié au passé de Kelly.
Courtney leva les
yeux vers l'horizon.
-
Vite, Pearl, je vois le bateau...
Il est juste là !
Pearl scruta l'horizon, à la recherche du bateau.
Quelque part au milieu de l'océan.
Les ombres du passé, d'un passé qu'elle croyait révolu, flottaient devant elle. Kelly n'en revenait pas. Peter, non son frère, était revenu d'entre les morts pour se venger d'un crime qu'elle n'avait pas commis. Seul Peter était responsable du drame.
Depuis plusieurs
minutes, elle s'était mise à parler, à tenter de raisonner Paolo, mais il
restait sourd à ses propos. Comment pouvait-il en être autrement ? Paolo
l'avait déjà condamnée.
-
Je n'ai jamais voulu faire de mal
à Peter. Au contraire. Au début, je l'aimais, même. Nous étions fiancés.
Nous allions nous marier. Puis il a eu cette maladie : une tumeur au
cerveau.
-
Non, il n'y a jamais eu de
maladie... Juste une excuse pour vous, les Capwell, pour expliquer et justifier
vos crimes... Mais avec moi, cela ne marchera pas, Kelly. Il est temps pour vous
deux de vous retrouver. Allez, debout. Face à la mer. Tiens, prends ça...
Paolo força Kelly à
prendre un bouquet d'oeillets blancs.
-
Je n'ai malheureusement pas pu
retrouver ta robe de mariée, il faudra s'en passer.
-
Paolo, cela ne nous mènera à
rien. Il n'est pas trop tard... Rien ne peut ressortir de bon de tout cela...
-
Tais-toi...
Paolo se plaça face
à Kelly. Il n'écoutait plus... Le souvenir d'un passé qui ne lui appartenait
pas prenait vie, l'ombre de Peter reprenait vie, juste derrière Paolo... Leurs silhouettes
se superposaient l'une avec l'autre. Les deux frères ne faisaient plus qu'un.
Et soudain, Paolo
parla avec la voix de Peter.
-
Nous sommes ici pour terminer ce
qui a été commencé il y a des années. Nous sommes ici pour que deux âmes
soeurs puissent se retrouver. Nous sommes ici pour que l'amour triomphe, pour
que Kelly et Peter puissent à nouveau être unis. Le passé, aujourd'hui, doit
reprendre vie dans le présent, pour que ces âmes éperdues d'amour puissent
rester liées l'une avec l'autre. Peter, acceptes-tu de prendre pour épouse
Kelly Capwell ici présente ?
Paolo leva les yeux
sur Kelly. L'ombre de Peter emplissait ses yeux. Il murmura un oui franc et
sonore.
-
Kelly Capwell, voulez-vous
prendre pour époux Peter Flint, et de l'aimer et de le chérir, jusqu'à ce que
cesse l'éternité ?
-
Cela ne peut pas...
Des larmes amères
coulaient le long de son visage. Pour le moment, Kelly Capwell concentrait
l'ensemble de ses forces pour ne pas sombrer dans le gouffre du passé qui
s'ouvrait sous ses pieds.
-
Non ! Qui que vous soyez,
tout cela ne sert à rien. Peter est mort. Je l'ai vu mort, sous mes yeux. Peter
est mort !
-
Ca suffit ! Peut-être que
dans une autre vie, Peter est mort. Mais aujourd'hui, Peter est bien vivant. Il
est là, parmi nous. Et il a l'intention de finir ce qui été commencé il y a
des années. Votre mariage aura bien lieu. Car Peter et vous, ma douce et tendre
Kelly, vous êtes liés l'un à l'autre pour l'éternité !
-
Non...
Une peur terrible se
lisait sur les traits de Kelly. Ses mains cherchaient un soutien en s'accrochant
à la barrière du yacht. Le sol s'effondrait sous ses pieds et des images d'une
autre vie valsaient devant elle : Peter tenant en joue Joe.
N'en tenant plus,
Kelly reculait vers l'arrière du bateau, à la recherche d'une issue de
secours.
-
Pas la peine de t'enfuir... Il
n'y a pas d'issue, pas de sortie possible... Ah
Ah Ah...
Paolo se dépêcha
pour retrouver sa proie. Il l'agrippa alors qu'elle essayait de forcer la porte
donnant accès aux cabines. Kelly sursauta. Elle essaya de le repousser de
toutes ses forces, mais les mains qui la maintenaient étaient bien trop fortes
pour elle. Paolo cherchait le chemin de ses lèvres. Il parvint à l'embrasser.
Kelly le griffa au visage et se dégagea. Elle se précipita au fond du bateau,
et tira le bateau de sauvetage accroché au yacht. Elle forçait pour le
rapprocher le plus vite possible. Mais Paolo, en quelques secondes, fut à
nouveau sur elle. Il l'empoigna et la poussa de l'autre côté.
-
Peter m'avait prévenu que tu te
comporterais ainsi...
-
Laissez-moi...
A nouveau, ils se débattaient,
Kelly luttant désespérément pour sa survie. De seconde en seconde, Kelly
sentait l'espoir diminuer : Peter ou Paolo auraient bientôt raison d'elle.
A deux reprises, elle parvint à se dégager de Paolo et elle rejoignit l'avant
du bateau. Alors que Paolo revenait vers elle, elle se servit de la table pour
maintenir de la distance entre elle et le monstre du passé.
D'un revers de la
main, Paolo envoya valser la table et tout ce qui était dessus. Plus rien ne
les séparait l'un de l'autre. Kelly hurla lorsqu'elle glissa sur les oeillets
blancs. Paolo sauta sur elle et à nouveau l'embrassa avec violence. Ses baisers
se faisaient de plus en plus insistants. Et la détermination de Kelly
disparaissait comme neige au soleil.
Soudain, au même
moment, leurs regards se tournèrent vers l'horizon : un bateau approchait.
Il faisait route vers eux et, dans quelques minutes, il atteindrait le yacht
Capwell.
Paolo se positionna
au-dessus de Kelly et entoura sa gorge de ses mains.
-
N'espérez pas un salut. Il
n'arrivera jamais assez tôt pour vous sauver, Kelly !
Kelly ferma les yeux;
l'air commençait à lui manquer. Le souvenir de Joe apparut devant elle, dans
un nuage qui s'épaississait de seconde en seconde.
Distrait par l'arrivée
du bateau, Paolo relâcha son étreinte et Kelly en profita pour s'éloigner
d'abord à quatre pattes. Elle s'empara d'un chandelier qui traînait, et brisa
la vitre de sécurité pour prendre le pistolet de détresse. Et avant que Paolo
ne puisse être sur elle, Kelly tira les deux feux de détresse chargés dans le
revolver. Et avec les lumières rouges qui irradiaient dans le ciel, Kelly
reprit espoir.
Elle repartit en
courant vers l'arrière du bateau. Pour le moment Paolo concentrait toute son
attention sur le voilier qui voguait vers eux. Lorsque Paolo réagit, il se précipita
à la recherche de Kelly. Arrivé de l'autre côté du bateau, il comprit que
cette fois-ci Kelly avait réussit à atteindre les cabines. Paolo brisa les
portes à l'aide d'un extincteur : la fureur déformait ses traits.
Il la trouva
facilement : Kelly était bloquée contre le mur, et elle remarqua le
pistolet qu'il tenait à la main.
-
C'est la fin du voyage, Kelly. Tu
vas rejoindre Peter, il t'attend...
Alors qu'il s'approchait vers elle, Kelly fit lentement un pas pour s'éloigner du mur et pointa un pistolet de chasse sous-marine sur Paolo. Elle tremblait de tous ses membres. Et sans que vraiment elle réalise ce qu'elle pouvait faire, elle tira. La flèche se planta dans la cuisse de Paolo. Le hurlement qui s'ensuivit la replongea dans la réalité. Kelly regarda un moment Paolo qui était tombé à même le sol, le sang s'échappant de sa plaie. Et comme Kelly s'échappait, Paolo tira sur elle...
Quelque part au milieu de l'océan.
Assise à l'avant du
bateau, Courtney fixait la ligne d'horizon et les lignes du yacht Capwell se
dessinaient largement devant elle. Mais son regard était au-delà. Seul Pearl
s'enthousiasmait au fur et à mesure que la distance entre les deux bateaux
diminuait.
-
Regarde, Courtney, nous serons
bientôt à son niveau, et Kelly sera sauvée.
Courtney, immobile, gardait le silence. Son regard guettait un signe, elle l'attendait, même. Soudain, deux feux de détresse jaillirent dans le ciel, inondant d'une lumière rouge sang le ciel et l'océan.
Courtney tressaillit.
Le signe qu'elle espérait venait d'apparaître.
Elle se détourna
vers Pearl.
-
Le ciel s'embrasera d'une clarté
rouge. La mer, ensuite, deviendra volcan.
Courtney répéta
sans cesse sa prédiction. Elle l'avait lue dans les cartes, l'avait contée à
Pearl sans que ni l'un ni l'autre ne puissent vraiment comprendre.
Pearl trembla. Un
doute terrible s'insinua en lui.
-
Pourvu qu'il ne soit rien arrivé
de grave à Kelly.
Pearl poussa les
moteurs à leur maximum, impatient de rejoindre le plus vite possible le yacht
Capwell et de porter secours à celle qu'il aimait en secret depuis plusieurs
années.
-
Le ciel s'embrasera d'une clarté
rouge. La mer, ensuite, deviendra volcan.
Le ciel s'embrasera d'une clarté
rouge. La mer, ensuite, deviendra volcan. Le ciel...
-
Arrête. Je ne veux plus rien
entendre ! Nous devons nous concentrer sur Kelly pour arriver à temps pour
la sauver.
-
...ensuite, deviendra volcan.
Courtney détourna la
tête vers le yacht Capwell. Une nouvelle prémonition venait de surgir en elle.
Et soudain, une gerbe de feu surgit dans un grand fracas, juste devant eux.
Pearl et Courtney restèrent figés, les yeux rivés sur l'endroit où, quelques
secondes plus tôt, naviguait le yacht Capwell. Ce dernier venait d'exploser.
Des éclats de bois flottaient à la surface de l'eau, une épaisse fumée noire
enveloppait lentement les restes du navire.
-
Vite, nous devons aller chercher
Kelly !
- La mer, ensuite, deviendra volcan...
Capwell Tower.
Pamela Conrad descendit de sa limousine, juste devant l'entrée de la
Capwell Tower. Instinctivement, elle leva les yeux sur les hauteurs de la tour.
Tout cela lui appartenait : le pouvoir, l'argent... Elle avait enfin réussit
à reprendre tout ce qu'elle avait perdu en divorçant de C.C. Capwell, une éternité
plus tôt.
-
Je m'étais jurée de me venger.
Et aujourd'hui, c'est chose faite. C.C., ta compagnie est à moi... Ce n'est que
le début... Le reste de ma vengeance va venir, tu peux en être certain.
Un homme vint la
rejoindre.
-
Ted, je vous remercie d'être
venu aussi vite. Vous avez devant vous votre nouvelle mission : faire de
moi et de ce Capwell's Inc, le symbole de la Californie.
Pamela donna le bras à Ted Melcher, le nouveau conseiller en communication qu'elle venait d'engager pour changer l'image de sa nouvelle société. Tout en pénétrant dans ce qui, lentement, était en train de devenir son monde, Pamela présenta Kirk à Ted Melcher, sans omettre qu'il était le fils de Jack Stanfield Lee. Kirk nota le ton de Pamela : aucun doute possible, ces deux-là avaient eu à faire avec son père et, a priori, Jack les avait roulés. Mentalement, Kirk se promit de mener une petite enquête sur la nature des liens entre eux. Le souvenir de moments du passé que son père avait omis de lui conter se devinait dans les propos de Pamela.
Hôpital de Santa Barbara. Assis sur le lit d'hôpital,
Greg tenait serré contre lui les vêtements de Daniel. Il venait de les
ramener de leur appartement pour les remettre à la personne de la morgue.
Greg ne pouvait se séparer de ces vêtements, comme si, lorsqu'il allait
les remettre, il allait perdre en même temps définitivement le souvenir
de son amour avec Daniel. Le souvenir de sa vie passée défilait devant lui. L'image de sa mère, Megan. Le souvenir flou de son père, Joe. Le souvenir de Daniel, l'amour de sa vie... Il voulait conserver tous ces souvenirs en lui. Il devenait le seul gardien du passé, de son passé, non de leur passé. Et aussi des projets qu'ils avaient bâtis ensemble. De tous ces projets qui ne concrétiseront pas... |
Bureau de la villa Capwell.
C.C. en terminait de
son café. Depuis la prise de contrôle de Capwell's Inc par Pamela, c'est à
peine s'il avait quitté les lieux. C.C. se sentait impuissant face aux événements,
et il détestait cela. Cette désagréable sensation le ramenait à la fausse
mort d'Eden dans les montagnes de l'Utah et à la présence d'Elena auprès
d'eux.
Aujourd'hui, la situation était totalement différente. Il ne craignait pas pour sa famille, ou du moins pas directement : il s'inquiétait pour la survie des Entreprises Capwell.
A nouveau, il essaya
de joindre Mason à son domicile, à son bureau et même sur son portable. Mason
restait toujours injoignable. Comme à son habitude, C.C. s'emporta non sans
violence contre ce fils qui se refusait à le soutenir.
-
Je suis persuadé qu'il est auprès
de sa mère, à comploter contre moi et la famille. Mason, si jamais je découvre
que tu préfères aider ta mère à nous détruire, tu ne feras plus partie de
mes héritiers...
C.C. ne pouvait même
pas imaginer que Mason, avec Julia, était retourné à l'hôpital pour soutenir
Greg dans sa peine.
Et tandis qu'il
scrutait par la fenêtre ouverte, une partie du parc de sa propriété,
mentalement, il envisageait différentes possibilités pour se débarrasser de
Pamela. C'est alors qu'il se détourna pour regarder un reportage du journal du
matin. Le reportage filmé par l'équipe de Deanna Kincaid revenait sur le
retour aux affaires de Pamela Pepperidge Conrad. D'ailleurs, on la voyait
arriver devant la tour Capwell, aux bras de son nouveau conseiller en
communication.
C.C. reconnut au moment-même où on le présenta le visage de Ted
Melcher. Il ne fallut que quelques secondes pour que les souvenirs d'un passé
qu'il croyait révolu remontent à la surface.
-
Cela ne m'étonne pas qu'elle ait
fait appel à ce serpent ! Mais cela ne va pas se passer comme cela.... Tu
as beau faire appel à tous les fantômes du passé, Pamela, je t'empêcherai de
détruire ma famille.
C.C. composa alors le
numéro de téléphone de Sophia ; il avait besoin de se confier,
d'exprimer sa rage et sa colère. Mais Sophia n'était pas en ville : sa
secrétaire à Armonti's venait de lui rappeler que Sophia était partie hier
soir vers l'Europe pour la présentation de la nouvelle collection.
C.C. restait seul. Mais lentement, le passé lui revenait en tête, comme le souvenir d'une histoire déjà contée.
Pacific Sud. Augusta éteignit les
lumières de son bureau. Elle avait besoin d'être seule. Finalement, elle
s'était résignée à obéir aux ordres de Danny Andrade. Bien que cela
lui en coûtait, elle n'avait pas eu d'autre choix. Droite, devant la fenêtre,
Augusta observait la côte. Encore quelques minutes, et les bateaux
accosteraient pour décharger leur cargaison. Intérieurement, la colère et une rage folle enflammaient le corps d'Augusta. Elle se promettait de se venger, de broyer Danny et ses amis entre ses griffes. Déjà, elle pouvait sentir le plaisir qu'elle aurait à le voir ramper devant elle... |
Pacific Sud.
Les trois bateaux
s'approchaient de la marina de Pacific Sud. Tout l'ensemble était désert et
quasi-plongé dans l'obscurité. Sur le pont du premier bateau, Danny Andrade
observait les environs. Il éprouvait un curieux mélange de fierté et
d'excitation. Il était revenu sur les terres où il avait grandi, où il
n'avait été que, pendant des années, le fils des domestiques des Capwell,
jouissant des privilèges que ces derniers leur octroyaient. Aujourd'hui, ce n'était
plus pareil, il était le maître de son destin. Et tout ce qu'il voulait, il le
prendrait. Oui, Danny n'était plus. Il n'était plus le petit frère de
Santana, l'ami de Ted... Il était Danny Andrade, l'associé de Salazar.
Alors que les hommes
amarraient les bateaux et commençaient déjà pour certains à décharger la
cargaison, Danny envoya un texto à Salazar pour l'informer de la situation :
tout se déroulait conformément à ce qu'ils avaient prévu.
Puis Danny sauta du
bateau et suivit ses hommes jusqu'à l'entrée du souterrain qui menait au grand
réservoir d'eau. Arrivé sur les lieux, il vérifia à la lueur de sa lampe de
poche la carte qu'il n'avait eu de cesse de vérifier tout au long du trajet. De
Pacific Sud partaient plusieurs conduits souterrains qui acheminaient de l'eau
potable vers différentes villes de Californie. Parmi ces voies souterraines,
Salazar en avait trouvé une qui partait dans une autre direction : son rôle
n'était pas de transporter de l'eau potable, mais l'eau qui servait à
alimenter les principales fontaines et jeux d'eau de Las Vegas.
Danny et ses hommes descendirent dans les méandres de ce réseau souterrain.
Couvent Saint Ann.
Mason gara sa voiture
devant l'entrée du couvent Saint Ann. Son regard embrassa en quelques secondes
l'étendue du couvent : l'église, les bâtiments et le parc. Un flot de
souvenirs se déversa sur Mason : l'absence de Mary lui mordit le corps et
l'âme. Son souvenir restait toujours si vivace, mais en ces lieux où il n'était
jamais revenu, sa présence restait palpable...
Mason serra
longuement le volant de sa voiture pour s'obliger à reprendre ses esprits.
A ses côtés, Greg
Hugues Capwell restait replié sur lui-même. Ils avaient quitté l'hôpital
plus tôt dans la journée, après avoir laissé le corps de Daniel avant la cérémonie
qui aurait lieu dans quelques jours. Greg ne se sentait pas capable de retourner
chez eux : il s'était abandonné à Julia et Mason. Et c'est dans la plus
grande indifférence qu'il avait laissé Mason le guider jusqu'au couvent.
Mason l'aida à
descendre de la voiture, puis il le tira presque en direction du cloître du
couvent. C'est là qu'il avait donné rendez vous à la mère supérieure qui
officiait à la place de Mère Isabel.
Greg suivait, absent
au monde autour de lui.
- Greg, je sais que
c'est difficile à croire, mais ce lieu est magique... Il a un don. Il rend
l'impossible possible. Moi aussi, j'ai connu la perte de l'amour de ma vie.
C'est en ces lieux que je suis venu pleurer, déposer ma peine pour me
reconstruire et croire à nouveau en une autre espérance. Ces murs ont le
pouvoir d'apaiser toutes les peines.
Tout en parlant,
Mason le guidait dans les dédales des couloirs et, soudain, ils se retrouvèrent
devant le mur peint, peint des années plus tôt par Mason.
Le regard de Mason se
posa bien évidement dessus. Le mur conservait la trace de ce passé. Les traits
de Mary, ainsi que les siens, étaient toujours nettement visibles. Son coeur se
serra. Son âme frissonna. Et tout son être éprouva une vive souffrance. La
cicatrice, il le savait (il en avait tellement sur lui), ne cicatriserait
jamais. D'ailleurs il ne le permettrait pas.
- Greg, c'est ici que
j'ai... osé affronter ma peine, que j'ai regardé ma douleur en face et où
j'ai compris qu'il me restait tant de belles choses à vivre... Et puis il y a
eu Julia... Et avec elle, l'espérance d'un avenir... Samantha...
Mason étreignit la
main de son demi-frère dans la sienne, pour lui offrir l'espoir d'un répit
dans sa douleur, et pour lui offrir la certitude d'une présence à ses côtés.
- Viens, Greg.
Ils gagnèrent
ensuite rapidement le cloître où la mère supérieure les attendaient. Mason
lui parla un moment en privé, tandis que Greg, assis sur un banc de pierre,
attendait, en état d'absence.
La mère supérieure
étreignit Mason avant de rejoindre Greg.
Mason le regarda un instant, puis quitta le cloître en direction des montagnes, celles-là même où il avait offert un moment d'éternité à Mary.
Pacific Sud. Augusta remarqua la présence de deux cavaliers qui dirigeaient leur monture vers l'entrée du réseau d'eau potable. Si Augusta avait fini par céder à l'odieux chantage de Danny, c'était bien sûr pour libérer sa belle-fille, mais aussi parce qu'elle ne voyait pas l'intérêt que pouvait avoir Danny pour le réseau d'eau potable au départ de Pacific Sud. Elle s'était renseignée, et elle avait fini par se convaincre que l'objectif final de Danny n'était pas de contaminer une des plus grandes réserves d'eau potable de la Californie. De temps à autre, elle jouait avec son téléphone portable, composant même parfois le début du numéro de téléphone de la police. |
Pacific Sud. Habillé de noir, Ted
accompagnait Warren dans son enquête pour découvrir ce que Danny était
venu faire à Pacific Sud. Les deux hommes étaient habitués aux lieux :
c'est ici-même, dans ces falaises, que Warren était venu cacher les pièces
d'or volées aux Capwell, et que Warren et Ted avaient faillit rester
coincés dans un éboulement lors du tremblement de terre de 1984. Ils
guidaient leur cheval vers l'entrée du réseau souterrain. A quelques mètres de l'entrée, ils laissèrent leur monture et s'approchèrent, en rampant, le long des rochers. Depuis qu'ils avaient franchi le bâtiment principal de Pacific Sud, ils n'avaient plus échangé la moindre parole. |
Pacific Sud. Danny Andrade
stimulait en continu ses hommes, les pressant de descendre le plus vite
possible la totalité de la cargaison. En parallèle, il surveillait ceux
qui déposaient les containers dans le circuit d'eau à destination de Las
Vegas. Ces derniers flottaient et ils étaient aussitôt emportés par le
courant. Allez, dépêchez-vous, je ne suis pas certain que la mégère là-bas nous permette de rester encore longtemps. Allez vite ! ! Ils nous reste encore ceux de deux bateaux à faire voguer... |
Pacific Sud.
Lentement, avec précaution,
Ted sortit son téléphone portable et commença à filmer les va-et-vient des
hommes de Danny.
- Je ne comprends pas
ce qu'ils peuvent faire transiter par le réseau d'alimentation en eau C'est
trop volumineux pour qu'ils puissent contaminer l'eau de la région.
- Tu as raison,
Ted... Et dans ce cas-là, que peuvent-ils bien faire ?
- Aucune idée... Je
ne pensais pas que cela pouvait être aussi amusant de jouer au journaliste
d'investigation...
- Chut, en voilà
d'autres !
Ils se baissèrent en
même temps, alors qu'un groupe de dix hommes passa près d'eux. Durant quelques
secondes, ils suspendirent leur souffle.
Sans que Ted ne se
rende compte, Warren s'éclipsa doucement et se rapprocha de l'entrée du réseau
souterrain. Il réussit à voler un des sachets. Puis, il regagna Ted qui le réprimanda
violemment face aux risques qu'il venait de prendre.
Warren ne l'écoutait
pas, il s'empressa de déchirer le sac qu'il venait de voler.
- Qu'est ce qu'on est
bête, c'était pourtant évident : de la drogue ! Ils comptent faire
transiter des kilos et des kilos de drogue vers toute la Californie...
- Mais comment
vont-ils faire pour la récupérer ?
- Attends, d'autres
arrivent...
Effectivement, des
hommes revenaient, transportant de nouvelles caisses en provenance des autres
bateaux.
Ted et Warren regardèrent
les défilés des hommes de Danny en provenance des bateaux.
- Avec tout ces
convois, ce sont des centaines de kilos qu'ils vont faire transiter...
- Warren, il faut prévenir
ta mère... On ne peut pas les laisser faire sans rien dire...
- Non, pas pour le
moment... Ils ont B.J....
- Je sais...
Ted continua de
filmer le plus discrètement possible. Et comme dix minutes plus tôt, Warren s'éclipsa
vers l'entrée des souterrains. Il n'était qu'à quelques pas lorsque il
entendit des hommes jurer : il venait de renverser une caisse et de
nombreux sachets se renversèrent, et certains même se déchirèrent. Des
rouleaux de jetons de casino se répandirent sur le sol. Warren réussit à en
saisir une petite poignée. Il assista à une nouvelle explosion de colère de
Danny qui ordonna rapidement à ses hommes de ramasser la totalité des jetons.
Warren réussit à
rejoindre Ted. Pour le moment, il garda secret sa nouvelle découverte. Et ils
restèrent le reste du temps dans le plus grand silence, observant les hommes de
Danny Andrade en finir avec la livraison de leurs différentes cargaisons.
Près d'une heure
plus tard, Ted et Warren repartirent récupérer leur monture et regagnèrent à
cheval le centre névralgique de Pacific Sud.
- Et maintenant,
j'espère que Danny me rendra B.J....
Ted le réconforta du mieux qu'il le pouvait, l'assurant que Danny tiendrait sa parole, ne serait-ce que parce qu'ils partageaient un passé commun.
Pacific Sud.
Les bureaux étaient
encore plongés dans l'obscurité lorsque Ted et Warren arrivèrent. Habitués
aux locaux, ils se dirigèrent rapidement vers le bureau d'Augusta.
- Que faites vous là ?
Warren chéri, je t'avais demandé de rester à la villa pour attendre mon coup
de fil. Et il avait besoin de venir, celui-là...
- Maman...
Augusta s'en retourna
face à la baie vitrée qui dominait toute l'étendu du parc.
- J'ai vu les hommes
d'ici... J'ai observé leurs allers-retours... Et je ne veux rien savoir de ce
qu'ils ont pu faire. Pour B.J., je les ai autorisés une seule fois....
Warren s'approcha du
bureau de sa mère et il alluma la lampe.
- Maman, il faut
pourtant que tu me racontes tout ce que Danny t'a raconté...
- Non, Warren, cela
ne nous regarde pas. Danny m'a expliqué que nous ne devions rien faire... Et je
ne ferai rien. La discussion est close.
- Maman, dis-moi où
conduisent les canaux. Danny s'en sert pour transporter non seulement de la
drogue, mais en plus de cela...
En même temps,
Warren lança les jetons sur le bureau.
- Regarde, il y a des
jetons de casino. Pour au moins trois casinos de Las Vegas. Je ne comprends pas.
- Arrête, Warren...
Tu ne veux pas attendre qu'ils appellent, qu'ils libèrent ta femme ?
- Maman, j'ai besoin
de comprendre. Pourquoi B.J. ? Pourquoi ici ? Pourquoi Pacific Sud ?
Augusta ne s'était
toujours pas retournée.
Ted avait pris place
sur un des fauteuils face au bureau et il observait les jetons des casinos.
- Je ne comprends
pas. L'eau est acheminée vers les zones les plus arides de la Californie. Pour
la drogue, je peux comprendre. Mais pourquoi des jetons pour Las Vegas ?
Alors qu'ils évoquaient
plusieurs hypothèses, le téléphone portable d'Augusta se mit à sonner. La
sonnerie les stoppa tous.
- Oui ?
Warren était littéralement
suspendu aux lèvres de sa mère.
Augusta raccrocha et
plongea son regard dans les yeux de son fils.
- Ils vont libérer
B.J. dans une heure, au bar de la plage. Danny m'a assuré qu'elle est saine et
sauve... Warren, tu devrais y aller... Elle va t'attendre...
- Warren, ta mère a
raison. Va au bar de la plage. Va la retrouver, c'est le plus important. Si tu
veux, je peux demander au service de sécurité de mon père de te rejoindre...
Si tu veux que je vienne, je peux y aller avec toi... Augusta a raison, B.J. a
besoin de toi...
- Non. Reste là, je
vais y aller seul. C'est comme cela qu'ils ont dû s'arranger, non ?
Augusta baissa les
yeux. Elle attendit la certitude que son fils soit parti pour se retourner face
à Ted.
- Ted, rejoignez mon
fils. Je vous expliquerai tout... Mais partez avec lui, et aidez-le si nécessaire.
Une fois seule, Augusta prit les jetons entre les mains et les lança contre le mur, laissant sa rage prendre le dessus.
Bar de la plage.
Warren gara son
cabriolet à quelques mètres de l'entrée du bar de la plage. Tous les environs
étaient plongés dans le noir. Il joua nerveusement du piano sur le volant,
avant de descendre de voiture. Il observa attentivement les environs, à la
recherche d'une présence. Il n'y avait nulle trace d'une autre personne.
Warren, ensuite, se
précipita vers le bar de la plage, le coeur avide et impatient de retrouver
celle qu'il aimait. Ses yeux s'habituèrent à la pénombre. Warren inspecta du
regard la terrasse à la recherche de sa femme. Soudain, il entrevit une présence,
assise sur le sable.
- B.J....
Warren se précipita
vers cette présence. B.J. se leva et se prépara à accueillir et à être
accueillie par son mari. Warren et B.J. s'étreignirent lentement, leurs corps
avides de se retrouver.
Ils s'embrassèrent,
se redécouvrirent après ces longs moments d'absence, impatients de se
retrouver et de s'aimer à nouveau. Leurs mains furent les premières à se
retrouver, à s'unir pleinement, totalement, de manière fusionnelle.
A l'écart, Ted observa la scène des retrouvailles. Il prit un moment avant de s'éclipser pour prévenir Augusta.
Chalet de Cain Garver.
A des kilomètres de
là, dans les montagnes de l'Utah, Eden Capwell, repliée dans son esprit, se
remémorait le passé. Toutes ces vies dans sa tête. Toutes ces voix qu'elle
entendait : Channing Junior, Lisa, Sophia même... Et aujourd'hui, ce
silence. Ce silence, elle ne le supportait pas. Elle ne le supportait plus. Elle
préférait presque quand elle les entendait dans sa tête.
Mentalement, elle
recherchait le moment précis où s'était fait le silence, où les voix s'étaient
tues. Depuis qu'elle était retenue prisonnière ici, dans ce chalet, elle avait
tout le temps pour cela. Tout le temps pour essayer de reconstruire Eden Capwell
Castillo. Le temps pour elle de redevenir celle qu'elle avait toujours été.
- Cruz...
Au fond d'elle-même,
Eden poursuivait sa quête : elle devait retrouver la seule boussole qui
guidait sa vie, son amour. Car Cruz et elle s'appartenaient. Ils étaient les
deux pièces d'un tout. D'un même tout.
Eden ne bougea pas
lorsque Caleb lui apporta son petit-déjeuner. Depuis plusieurs jours, il ne lui
parlait plus, et elle ressentait son envie de quitter rapidement les lieux après
chacun de ses passages.
Seule à nouveau,
Eden prit avec envie son petit-déjeuner : il fallait qu'elle reprenne des
forces si elle voulait quitter rapidement les lieux. Elle avait déjà su
trouver en elle le moyen de battre sa paralysie. Même si Cain l'aidait à l'époque,
elle savait les souvenirs, bien que difficiles, qui imprégnaient les murs de
bois. Tout n'était que volonté : si elle le voulait vraiment, elle
pourrait trouver un moyen de quitter cette prison, de retourner à Santa Barbara
et de retrouver Cruz. Ce ne serait pas la première fois qu'ils se
retrouveraient.
Eden fit alors le silence en elle et c'est à voix haute qu'elle chercha à assembler les pièces des souvenirs de ces derniers mois. Elle savait au fond d'elle que la solution se trouvait perdue au milieu des souvenirs de son enfance. Si elle trouvait le lien manquant, elle pourrait revenir à Santa Barbara et aider son père à lutter contre Pamela. Alors, elle s'assit confortablement sur le lit et se concentra pour faire revenir en elle le souvenir de Lisa ou de Channing Junior. Ils étaient la clé de ses souvenirs, les gardiens de sa vie passé... Eden devait en passer par là pour retrouver sa vie d'avant. Lisa et Channing Junior étaient les seuls qui pouvaient lui conter le passé... Tous ces moments qu'elle avait choisi d'oublier...
Bureau de Warren Lockridge, Santa Barbara Conscience.
B.J. s'éveilla la
première, après une longue nuit sans sommeil. Les souvenirs de sa captivité
se mêlaient dans son esprit au souvenir de Frank Goodman. C'était comme si les
deux s'entremêlaient pour ne former plus qu'un seul et même cauchemar. Elle
n'avait pas voulu rentrer à la villa Lockridge. Elle avait voulu rester seule
avec Warren : la peur au ventre de rencontrer trop de monde en une seule
fois, la peur de devoir raconter ces souvenirs qu'elle cherchait à taire.
Les rayons du soleil
filtraient par les stores vénitiens. Allongée sur le canapé, dans la pièce
voisine du bureau, B.J. regardait Warren, une main tendrement posée sur son
torse. Après les révélations sur les drames de son enfance, B.J. ne se
sentait en paix qu'avec Warren. Elle ne craignait pas son corps contre le sien,
elle pouvait toucher sa peau sans crainte, sans la peur de voir ses traits se métamorphoser
en ceux d'un monstre. Et surtout, il avait su lui redonner espoir.
Elle resta de longues
minutes à le regarder dormir, à caresser affectueusement sa peau.
Puis elle finit par
se lever et elle gagna le bureau : elle voulait profiter d'un moment de
solitude, par habitude certainement, après ces longs jours de captivité. A sa
grande surprise, un petit-déjeuner surprise avait été organisé dans la pièce :
du café, des croissants, une nappe blanche... B.J. sourit : quelle délicate
attention de la part de Warren.
B.J. s'approcha des
fleurs des champs posées et du mot qui les accompagnait. Il était signé de
Ted. Aussitôt elle le lâcha, sans trop vraiment savoir pourquoi. Un sentiment
de malaise l'étreignit et lui glaça le corps, sans que vraiment elle puisse
l'expliquer.
Elle resta alors
immobile, jusqu'à ce que Warren vienne la rejoindre.
Il sortit de la pièce,
les cheveux dans tous les sens, en train de se masser le bas du dos.
- Je pense qu'il va
falloir que j'investisse dans un vrai lit. Tout mon corps me fait mal...
Il ressentit le mal-être
de sa femme.
- Qu'est ce qu'il y
a, chérie ?
Il la prit dans ses
bras et la blottit contre son torse.
- Je ne sais pas.
J'ai peur... Peur d'être seule, peur de rencontrer du monde...
- Je sais. C'est
normal. J'ai connu moi aussi cela en rentrant d'Irak. Heureusement, il y avait
Ted.
Un flot de paroles non maîtrisé jaillit soudain de B.J., où elle confiait ses peurs et ses craintes, ses doutes et ses interrogations. Warren ne comprenait pas tout, mais il la laissa parler, certain qu'au bout du chemin, B.J. retrouverait son équilibre et une force nouvelle.
Terrasse de La Mesa.
Installée à la
terrasse de La Mesa, Gina Capwell Lockridge profitait d'une matinée ensoleillée
pour prendre son petit-déjeuner. La ville commençait à s'animer autour
d'elle, les boutiques ouvraient leurs portes, les hommes se dépêchaient de
rejoindre le quartier des affaires. Et Gina, quant à elle, s'offrait le luxe de
prendre son temps. C'était là, peut-être, le moment qu'elle préférait,
parce que d'une certaine façon cela démontrait son caractère unique et décalé.
Elle n'avait pas besoin de faire comme tout le monde. Elle remarqua alors la présence
d'Augusta Lockridge qui prenait un café à emporter. Gina avait surtout reconnu
sa façon si particulière de s'habiller : qui aujourd'hui portait encore
des habits vieux de vingt ans ? Une seule personne pouvait afficher une
telle faute de goût : Augusta...
Gina, discrètement,
s'approcha du comptoir. Augusta parlait au téléphone tout en passant sa
commande.
Et en moins de dix minutes, Gina fut au courant des derniers événements de la veille : le retour de B.J. et l'arrivée en ville de Ted Melcher, le nouveau conseiller en communication de Pamela. Gina enregistra qu'elle ordonnait qu'on fasse une enquête sur ce conseiller, ce qui attira vivement son attention.
Bureau des archives de Santa Barbara.
Gina avait quitté La
Mesa pour rejoindre les archives de la ville. Elle savait qu'elle pourrait
encore forcer la porte du bureau de Bridget Dobson et obtenir des informations
sur cet homme.
Il n'y avait que les
agents d'entretien aux archives, l'ouverture était prévue dans une bonne
heure. Elle en profita pour se faufiler dans les locaux et gagna directement le
bureau de Bridget Dobson. Personne ne la vit forcer la porte.
- Comme au bon vieux
temps. Nous allons voir maintenant ce que tu nous caches, Pamela...
Gina alluma
l'ordinateur de Bridget et rechercha les données sur Ted Melcher. Les premiers
articles parlaient de son dernier poste auprès du Groupe Sumner et de sa
relation avec Abby Ewing.
Gina fit défiler les
pages, car c'est le passé de Ted qu'elle voulait connaître, découvrir le lien
qui pouvait l'unir avec Pamela et peut-être avec C.C.. Son attention se
focalisa sur le début des années 50. C'est au travers d'une photo noir et
blanc qu'elle fit le lien entre Melcher et Pepperidge. Gina sourit...
- Je crois que je
touche au but.
Aussitôt, elle lança
l'impression de la photo et des articles référencés. Alors que les documents
sortaient de l'imprimante, Gina songeait à sa future rencontre avec C.C. ou
Pamela. Elle allait être à nouveau riche et, surtout, bientôt, très bientôt,
elle aurait à nouveau Brandon rien que pour elle...
- C.C., tu vas me
payer toutes ces années d'humiliations...
En même temps, elle
consulta sur internet l'adresse d'une clinique privée de Montecito.
- C.C., je suis certaine que l'on va me conter une autre version de ton passé !
Capwell Tower.
- Monsieur Capwell,
j'ai préféré vous appeler dès que Madame Conrad a pris contact avec les
actionnaires.
- Vous avez bien
fait, Rachel. Où est-elle ?
- Dans la grande
salle du conseil.
- Merci. Que l'on ne
nous dérange pas.
C.C. poussa la lourde
porte en bois de la salle de réunion. En une seconde, son regard embrasa toute
la baie de la ville, de sa ville.
Assise à sa place,
en souveraine, Pamela Pepperidge Conrad le dévisageait, non sans un grand
sentiment de satisfaction. Appuyé contre le dossier du fauteuil, Ted Melcher
l'observait lui aussi. Les deux hommes ne s'étaient pas revus depuis des années.
- Pamela, je pourrais
te parler en tête à tête ?
- C.C., nous sommes
entre amis. Ted et toi, vous vous connaissez. A deux ou à trois, c'est pareil.
Et puis nous n'avons rien à nous cacher !
- Ted, je vous
remercie de quitter la pièce et de me laisser seule avec...
Ted ne bougea pas. La
confrontation se ferait à trois.
- C.C., viens, n'ait
pas peur, je ne vais pas te manger. Il ne reste pas grand-chose qui
t'appartienne qui puisse valoir encore le coup... Tu as vu, j'ai décidé de
prendre les choses en main, de redonner un coup de jeune à ta compagnie. Ted va
m'aider pour cela. Dans quelques heures, tu verras... Regarde les infos et tu
vas découvrir le nouveau visage de Capwell's Inc...
- La compagnie n'est
pas encore à toi... Nous sommes associés. Cela ne veut pas dire que je vais te
laisser faire ce que tu veux de MA compagnie. Pamela, je t'ai déjà battue une
fois...
- Assez, C.C.. Je
n'ai que faire de tes menaces. Je suis venue prendre ce qui me revient de droit.
Avec les intérêts. Tu m'as chassée de la villa il y a des années pour cette
actrice de seconde zone. Aujourd'hui, c'est moi qui tire les ficelles. Toutes.
Dans quelques heures, je vais prendre le contrôle d'Armonti's avec Venise.
Sophia est à Paris. Elle ne va même pas comprendre ce qui lui arrive. Tu ne
pourras pas faire appel à elle pour injecter des capitaux frais dans la société.
D'ici la fin de journée, la California Star Bank va être mise en faillite. Déjà
tous les transferts de fonds sont bloqués. Tu ne peux donc plus faire appel à
tes fonds propres. C.C., petit à petit, je suis en train de bloquer tous les
comptes et les fonds Capwell. Tu es fini... Le plus simple pour toi est de te
rendre et de me laisser la compagnie. La situation à Khareef va exploser à
nouveau... Tes puits de pétrole vont être nationalisés et vendus au profit
d'un consortium que je dirige... Tu n'as plus d'échappatoire, C.C..
Pamela se leva et
s'approcha de C.C. qui la fixait, impassible, accusant les coups les uns derrière
les autres.
- Le plus simple pour
toi est de baisser les armes et de signer...
Elle fit glisser sur
la table de verre un document de quelques pages.
Lentement, C.C. le
prit sans quitter Pamela des yeux.
Son regard le
parcourut avec vitesse, puis ses traits se crispèrent.
- Jamais !
C.C. figea ses yeux
dans ceux de Pamela.
- Je vais le redire
au cas où tu n'aurais pas bien compris. Jamais !
Pamela ne bougea pas.
- Je ne suis pas
surprise. Ted...
Ted apporta à Pamela
une enveloppe.
- Tiens, regarde
cette photo. Comme je ne suis pas ingrate, je te laisse 48 heures pour me donner
ta décision...
Channing prit
l'enveloppe, il hésitait à l'ouvrir. Puis il la reposa sur la table de verre
sans l'ouvrir.
- Jamais, Pamela.
Jamais.
C.C. se retourna et
quitta la pièce, puis, avant de sortir, il marqua une pause.
- Je ne sais pas ce
que tu cherches à prouver ou à gagner. Mais une chose est certaine, je vais me
battre et te détruire... J'aurais pu avoir pitié de toi, si notre bataille ne
concernait que les affaires... Mais tu as voulu toucher à ma famille, à mes
enfants... Je vais te détruire, te mettre à terre ne me satisfera pas... Je
vais te faire si mal, si mal...
- C.C., ce dont tu
parles, je l'ai déjà vécu lorsque tu m'as pris Mason... Ce jour-là, j'ai
perdu l'humanité qui vivait en moi... Alors, cela va être un combat à mort,
sans pitié... Et n'oublie pas, 48 heures...
C.C. Capwell quitta
la pièce et se réfugia dans son bureau. Là, il passa de nombreux coups de fil
pour découvrir que le scénario dépeint par Pamela était véritablement en
train de se produire.