Santa Barbara, Acte 2

Chapitre 38 : Seul...

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Et avec la participation exceptionnelle
de
Joan Collins dans le rôle d'Alexis Morell Carrington Colby Dexter Rowan
et de Patrick Duffy dans le rôle de Bobby Ewing

Seul, comme en exil
Comme un naufragé sur son île
Comme le funambule sur un fil

Seul parce qu'on a tout pris, parce qu'on a eu tort
C'est se croire en vie même quand on est mort
C'est abandonner sa chance à un autre
Sans jamais pouvoir oublier sa faute
Seul parce que l'amour a changé de camp
C'est des cris de peine, mais qui les entend ?

Seul parce qu'on n'a pas su lire entre les lignes
Qu'on n'a pas voulu regarder les signes
Parce qu'on écoutait sans jamais le croire
Quand l'amour s'en va, c'est toujours trop tard
Seul, c'est une nuit qui n'en finit pas
C'est une elle sans lui, c'est un toi sans moi

Seul, comme en équilibre
Seul, prisonnier parce qu'on est libre
Seul comme une histoire sans son livre


Prison de Santa Barbara : Sophia Wayne Armonti Capwell.

Sophia regardait fixement le plafond de sa cellule depuis des heures. Incertaine de la suite des événements, elle restait toutefois intimement persuadée qu'elle avait raison dans les choix qu'elle venait de prendre; elle suivait la bonne voie. Après tout, elle ne jouait que son rôle de mère : protéger ses enfants de tous les dangers.

- Seigneur, je vous en prie, protégez ma petite fille... Je vous en prie...

Les larmes avaient cessé de couler. Elle avait franchi les barrières du désespoir. Résignée, Sophia acceptait la peine qui allait être la sienne.

Son esprit ne cessait de s'en retourner vers le passé, vers les heures de bonheur immense avant sa tragique disparition. A cette époque, elle était heureuse, pleinement... Aucun sombre nuage ne planait au dessus de sa famille. Elle vivait heureuse auprès de Channing, ses enfants autour d'elle; ses secrets bien à l'abri, cachés derrière des murailles qu'elle croyait alors indestructibles.

Aujourd'hui, sa vie était tout autre. Channing Junior n'était plus et, avec lui, les secrets étaient remontés à la surface. Etait-ce un mal, un bien ? Sophia ne saurait le dire... A présent, elle pouvait toucher la frontière entre sa vie d'avant et sa vie d'aujourd'hui... Car ses enfants lui renvoyaient avec violence les preuves de toutes ses erreurs. Eden, plus que tout autre de ses enfants chéris, payait le prix fort. Perdue dans une réalité dont ni elle, ni C.C. n'avaient hélas conscience, elle se devait d'affronter leurs erreurs. Se pouvait-il vraiment qu'Eden soit l'assassin de Franco Parisi ?

- Que Dieu nous vienne en aide...

Sophia, et c'est cela qui avait guidé son choix, avait l'intime conviction qu'Eden était parfaitement capable d'un tel acte. Et Channing aussi le croyait, car pour protéger sa fille, il avait accepté de perdre les Entreprises Capwell.

- Quel est donc ce secret, cette personne que tu souhaitais protéger, ma petite fille chérie ? Je suis certaine que tu n'as pas tiré sans d'excellentes raisons, tu n'avais pas d'autres choix... Pourvu que Connor arrive à découvrir très vite la vérité...

Sophia se leva et s'appuya contre les barreaux de sa cellule. La solitude, l'isolement, elle les avait déjà affronté et vaincu, cela ne lui faisait pas peur. Ce que Sophia craignait par-dessus tout restait la vérité...

- Si Eden est véritablement coupable, qu'allons-nous faire... Nous avons déjà failli perdre Kelly avec Peter ou Dylan... Pas mes petites filles...

 

La maison des Perkins : Tyler McCandless.

Assis dans sa voiture, Tyler regardait la façade de l'ancienne maison des Perkins. Brick y avait habité un temps avant de partir s'installer avec Jane Wilson au Canada. Tyler forçait son esprit à retrouver d'anciens souvenirs.

Ses forces commençaient à lui manquer. Son face à face avec Kelly et Marisa l'avait fatigué bien au-delà de ce qu'il avait imaginé. Tyler restait insatisfait de cette rencontre; quelque chose au fond de lui lui assurait que Marisa ne croyait pas en lui, ne croyait pas au retour de Joe. Son regard se perdit sur la maison.

- Je savais bien que cela serait difficile... Joe est mort pour eux depuis bien trop longtemps.

Soudain, il ouvrit la pochette posée sur le siège d'à côté. Elle renfermait de nombreuses coupures de presse relatives à Joe Perkins. Le dossier contenait tout sur lui, du meurtre de Channing Junior à sa romance avec la riche héritière Capwell, à la bataille contre Peter Flint, pour finir à la mort de Joe, un jour de mars.

Tyler s'attarda un long moment sur l'annonce des fiançailles de Kelly Capwell et de Peter Flint. Tyler les caressa de sa main.

- Je dois poursuivre ce plongeon dans le passé.

Tyler mit en marche la voiture et s'empressa de quitter la rue, vers une autre destination.

 

Toit de l'Hôtel Capwell : Mason Capwell.

Du sommet de l'Hôtel Capwell, Mason fixait la baie de Santa Barbara qui scintillait à ses pieds. Un sentiment de puissance et de possession le prenait au ventre. Une partie de lui s'imaginait maître de cette ville. Ici, il pouvait librement se comparer à Dieu et défier son père. Ici, il avait perdu la part de vie qui l'habitait. Sans trahir Julia ou qui que soit d'autre, la perte de Mary avait entraîné une rupture au fond de lui : il y aurait toujours un Mason avant et un Mason après. Tout comme il avait connu cette rupture avec le départ de sa mère. Mason pouvait encore sentir les changements dans le coeur du petit garçon qu'il était. Sonny Sprockett restait l'incarnation vivante de ce changement.

Mason tendit une main vers le lointain. Dans son esprit, le souvenir de sa rencontre avec Mary sur un nuage, au cours de son coma, revenait à la surface. La chaleur de la présence de sa bien-aimée le réchauffait.

- Mary, pourquoi m'as-tu abandonné ? Maman, pourquoi a-t-il fallu que tu partes ? Ne pouvais-tu pas m'emmener avec toi ? Si tu savais comme j'ai souffert d'être seul !! J'étais si seul !

La violence de ces longues années d'absence lui mordait la chair avec une telle rage. Et avec cette solitude, Mason pouvait aussi entendre les répliques cinglantes de son demi-frère, Channing Junior. Ce petit-frère tant détesté qui, aujourd'hui, ne représentait plus rien, si ce n'est un vague souvenir...

- Il avait pourtant raison... Je suis seul et je resterai seul toute ma vie... Je ne mérite pas que l'on s'intéresse à moi. Ma mère m'a abandonné, et mon père ne m'a gardé que pour les apparences... Si ma mère avait vraiment voulu de moi, elle aurait dû se battre pour me garder... Faire de moi une arme de vengeance comme Jeffrey et Elena... Moi, je ne suis rien...

Des larmes d'amertume coulaient sur le visage de Mason. Il ressentit alors, pleinement, comme un appel, le besoin de l'alcool. Ses veines se languissaient de ce flux puissant, apaisant.

- Aujourd'hui tu es revenue et tu me demandes de te faire confiance, de t'aimer... Mais je n'ai pas eu assez de temps pour apprendre à t'aimer. Je n'ai aimé que l'image de toi que je me suis construite... Et elle est si différente de la réalité. Dans mes rêves, tu m'aimes, maman... Tu m'aimes... Et celle que je vois n'aime que le mal qu'elle pourra faire à Channing. Et tu ne vois en moi qu'un moyen et non la finalité... Je suis toujours aussi seul...

Mason s'accrocha à l'enseigne lumineuse, en haut du toit de l'hôtel. Il resta ainsi quelques minutes, avant de reprendre ses forces.

- Mary, guide-moi sur la bonne route. Je ne peux pas aller vers l'un comme vers l'autre. Je choisis mon camp. Je ne me rangerai ni auprès de toi, maman, ni auprès de toi, Channing... Je serai pour Mason... Je serai le seul à choisir ce camp, mais c'est le mien... Celui que j'ai choisi.

Fier de sa décision, Mason quitta les lieux et s'empressa de retourner chez lui, rejoindre les bras de Julia et de Samantha, les seuls remèdes à sa solitude.

 

Reportage de Deana Kincaid.

Le vent sur la terrasse au sommet de la Tour Capwell rendait difficiles les prises de vues, mais Deana Kincaid avait exigé que le reportage ait lieu à cet endroit.

- Allez, on tourne, qu'on en finisse vite. Et cette fois-ci, cela doit être la bonne !

Deana termina de relire rapidement ses notes. Une certaine satisfaction la parcourait, elle qui avait dû affronter dans le passé la journaliste Eden Capwell Castillo, était particulièrement contente de la tournure de la situation. Puisque Eden avait su lui voler sa place au sein de KSB8, Deana trouvait sa vengeance dans le fait de commenter la chute de sa famille.

- Je me trouve tout au sommet de la Tour Capwell, symbole absolu de la mainmise de cette famille, sur notre ville et sur tout l'Etat. Mais aujourd'hui, cette tour menace de s'effondrer. Hier, l'empire Capwell était au bord du gouffre. Aujourd'hui, il n'existe plus. Du Sénat de Washington sont arrivées de nouvelles décisions. La commission sénatoriale vient de rendre publiques ses conclusions : les entreprises Capwell sont officiellement reconnues responsables de la catastrophe naturelle qui s'est abattue sur Khareef. Les entreprises Capwell sont dans l'obligation de participer financièrement à la dépollution du site. Les Entreprises Capwell ont leurs avoirs et leurs biens situés dans cette région du globe saisis au profit d'un homme, le Sheikh Idi Ben Adir. Enfin, les Entreprises Capwell, à compter de ce jour, n'existent plus. Pour l'heure, cela ne concerne que le nom. En effet, nous savons que depuis peu, la direction des Entreprises Capwell a changé de main; ce n'est plus Channing Capwell qui gère cet empire, mais sa première épouse, Pamela Pepperidge Capwell Conrad. Et aujourd'hui, Pamela, ou qui ce soit par la suite qui prenne le contrôle de cette société, n'aura le droit d'utiliser le nom des Entreprises Capwell. Par le passé déjà, une première fois, une telle décision avait été prise à l'encontre des Pétroles Ewing. Il est important de souligner que Bobby Ewing, l'un des héritiers des Pétroles Ewing a justement pris part à cette décision. Habitants de Santa Barbara, un nouveau jour se lève sur notre cité, un jour loin de la mainmise des Capwell...

 

Souterrain reliant les villas Capwell et Lockridge : Eden Capwell.

Perdue dans ses pensées, Eden / Lisa s'activait à lancer des cailloux sur le sable qui recouvrait le sol du tunnel. Pour l'heure, Eden / Lisa voulait chasser toutes pensées, toutes sensations de son esprit : elle aspirait à l'oubli...

Depuis le milieu de l'après-midi, elle restait là, dans une semi obscurité et dans le silence. Elle trouvait un certain réconfort à être seule. A être complètement seule, puisque depuis quelques jours, Lisa se taisait. Et Eden se retrouvait véritablement seule... Eden ferma les yeux. Elle laissa l'oubli prendre possession de son corps. Elle lutta un moment à chasser l'espoir de son esprit, car le souvenir d'un amour entier, immortel, intemporel, s'emparait de son être. Le souvenir de Cruz était revenu une nuit et, depuis, il ne l'avait plus jamais quittée.

De vagues sensations s'éveillaient en elle. De toutes ses forces, Eden luttait pour les contenir. Plus tard, elle pourrait se laisser gagner pleinement, entièrement, totalement, par le souvenir de Cruz. Mais pour l'heure, elle devait affronter sa solitude et faire taire l'autre qui vivait en elle.

- Je dois trouver le lien manquant entre Barr Industries et Franco Parisi. Je dois trouver la pièce restée dans l'ombre de ma mémoire...

Seule mais déterminée, Eden gagna la sortie du tunnel par la propriété Lockridge.

- Il est temps pour moi de m'émanciper de Kirk. A présent que je sais qu'il n'est pas l'homme qu'il prétend être...

 

Cimetière de Santa Barbara : Tyler McCandless

De la maison des Perkins, Tyler McCandless avait roulé directement jusqu'au cimetière de la ville, situé à proximité de la mission de Goletta. Sans la moindre hésitation, il gagna la tombe d'Antonio Fiorno, creusée dans la nouvelle aile du cimetière. Tyler savait que pas loin de celle-ci se trouvait celle de Joe Perkins.

- Nous voici revenus presqu'au point de départ, Antonio... Ou devrais-je dire Peter, puisque c'est le nom que tu avais choisi pour vivre ta vie ici. Je dois bien reconnaître que tu avais fait le bon choix.

Tyler regarda tout autour de lui, pour s'assurer que personne ne l'observait. Puis il s'accroupit au plus près de la pierre tombale, posant une main sur la stèle.

- Tu as choisi, je le sais, de prendre mes initiales pour renaître à Santa Barbara, hein, Antonio. Peter Flint pour Paulo Fiorno... Et je te jure, grand frère, que je suis venu ici pour terminer ta vengeance contre Kelly Capwell. Aujourd'hui, je suis arrivé à lui faire croire que Joe n'était pas mort et que j'étais lui. Heureusement que tu m'as laissé tous les détails dans ton journal intime. Il est si facile de la duper... De lui dire ce qu'elle rêve d'entendre...

Tout en parlant, le cynisme de Paulo s'entendait dans le son de sa voix.

- Bientôt, très bientôt, elle succombera à Joe. Je t'en fais le serment. A ce moment, tel un rapace, je refermerai mes griffes sur elle et je la conduirai dans le désert. Je terminerai le travail que tu avais commencé.

Seul sur la tombe d'Antonio, Paulo se laissait gagner par ces étranges retrouvailles. Tout en parlant avec son frère, son esprit réfléchissait à la prochaine étape : il devait accompagner Kelly à la vente aux enchères et rencontrer le reste de la famille Capwell. Il était certain qu'ils ne comprendraient pas, qu'ils ne le croiraient pas, mais cela était sans importance. Seule comptait sa vengeance.

 

Capwell Tower, Santa Barbara : Kirk Cranston.

Du haut de la Capwell Tower, Kirk admirait la vue qui s'offrait à lui : la ville de Santa Barbara s'étendait à ses pieds. Toute la baie scintillait de mille feux. Kirk Cranston se laissait pénétrer par cette vue, et la sensation de pouvoir qui en émanait le grisait. De vieux souvenirs remontèrent à la surface. Petit, il adorait venir avec son père Jack Lee dans le bureau de C.C. Capwell, non pas parce que c'était là le siège du pouvoir Capwell, mais en raison de la vue et de la sensation de possession qui allait avec.

Son regard se porta au loin, en direction du quartier de Montecito, vers la villa Capwell. Car c'est là-bas que se concentrait tout le pouvoir. Son esprit errait à l'intérieur de la villa et redonnait vie aux habitants des lieux. D'abord, Kirk songea à Channing Junior, l'héritier Capwell tellement imbu de sa personne qu'il en était vulgaire et puant. De fil en aiguille, il songea aux autres enfants Capwell : Mason, Eden, Kelly... Tous l'avaient méprisé et l'avaient maintenu à l'écart de leurs jeux et de leurs vies parce qu'il n'était pas aussi bien qu'eux.

Aujourd'hui, il tenait sa vengeance.

- Bientôt, vous ramperez tous à mes pieds... Vous me supplierez pour obtenir quelques miettes... Bientôt, tout cet empire sera à moi. Les entreprises. L'argent. Le pouvoir. La villa... Tu vois, papa, j'ai réussi là où tu as échoué... Moi, j'ai réussi...

En dépit de son immense satisfaction d'avoir réussi, Kirk restait seul. Immensément seul.

 

Reportage de Deana Kincaid.

Du haut des marches du tribunal de la ville, Deana Kincaid terminait de se faire maquiller et coiffer. Elle semblait rayonnante, en dépit de l'heure tardive. Cette fois-ci, elle allait devancer Warren Lockridge et son maudit journal dans l'annonce de ce scoop. Son indic à la police lui avait assuré que, pour l'heure, elle était la seule personne au courant.

- Deana, on est prêt !

Deana ferma une fraction de seconde les yeux, puis prit le micro et se positionna face à la caméra, alors que le décompte avant le direct venait de commencer.

- Chers amis, bonsoir. Je me trouve actuellement juste devant le tribunal de la ville, où par l'intermédiaire du Juge David Raymond, je viens d'apprendre une nouvelle de la plus haute importance. Alors que nous sommes à moins de 24 heures de l'ouverture de la vente aux enchères des biens Capwell, Sophia, l'ex-femme de C.C. Capwell, vient de signer des aveux pour le moins surprenants. Elle s'est elle-même présentée il y a quelques heures au poste de police pour reconnaître le meurtre de Franco Parisi. Je n'ai malheureusement pas plus d'informations, car trop d'éléments restent encore dans le brouillard. Mais d'après les informations transmises, Sophia serait revenue d'Europe pour tuer Franco Parisi, ce dernier visant à détruire l'Empire Capwell. Il est toutefois curieux de voir qu'à chaque fois qu'un des enfants Capwell est suspecté de meurtre, cette famille, qui se croit bien au dessus des lois, n'est pas à une déclaration, vraie ou fausse, pour se protéger. Souvenez-vous de l'évasion de Cruz Castillo alors qu'il était suspecté du meurtre d'Elena Nikolas. Souvenez-vous de Kelly Capwell, alors recherchée pour le meurtre de Dylan Hartley ! Souvenez-vous de Kelly ou d'Eden suspectées du meurtre de Robert Barr, le propre fils de Franco ! Que nous cache cette nouvelle déclaration ? Est-ce bien Sophia qui a tiré ou une autre personne ? Je vous ferai part de nouvelles informations le plus rapidement possible. En attendant, mes chers concitoyens, je vous souhaite une bonne soirée...

Deana ferma à nouveau les yeux. Et elle songea à son prochain scoop, qu'elle réaliserait du musée lors de la vente aux enchères, puisque Pamela Conrad lui avait assuré un peu plus tôt dans la journée qu'elle lui réserverait l'exclusivité de cette soirée.

- Bientôt, je pourrai prétendre à une couverture nationale.

 

La Mesa.

Installée à une table du restaurant mexicain, Kelly jouait avec la cuillère de sa tasse à café. Les paroles de Marisa (qui venait juste de partir) restaient gravées dans sa mémoire. «Kelly, je vous en prie... Ne foncez pas tête baissée. Je sais la force de votre amour pour mon Joe, je sais le bonheur qui vous habite, mais... Mais, je ne sais pas trouver les mots. Au fond de mon coeur reste un vide immense depuis sa mort et je sais qu'au fond de mon coeur de mère, Tyler ne vient pas combler ce vide...»

Kelly ferma les yeux. Son esprit remontait le temps, tel un cheval au galop pour retrouver la sensation des bras de Joe. De son Joe. Des souvenirs remontèrent à la surface... Des souvenirs d'avant la mort de Channing Junior. Kelly replongeait dans un monde couleur rose bonbon, au goût sucré. Dans ce monde, elle se blottissait, elle sentait les lèvres de Joe sur les siennes, elle entendait les battements de son coeur battre à l'unisson de celui de son tendre et unique amour.

Le temps s'écoulait; Kelly restait indifférente au temps, heureuse de retrouver une partie de sa vie. Même si, pour l'heure, ce n'était qu'en rêve.

Lorsqu'elle reprit conscience de la réalité, Kelly sortit son portable et envoya un message à Tyler, non à Joe : «Retrouve-moi là où tout a commencé».

 

Villa Capwell.

La colère montait aux joues de Channing Capwell. Ses yeux ne pouvaient se détacher de l'écran de télé qui diffusait le reportage de Deana Kincaid. De mémoire de Channing, il n'avait jamais autant détesté une femme, si ce n'est Pamela, Gina, et bien d'autres...

Fou de colère, il se rua sur la table en osier à ses côtés et renversa les bouteilles et les verres de cristal posés dessus. Tels des diamants, ils scintillaient à même le sol.

- Je la déteste... Je déteste tous ces mensonges ! !

La violence des cris ameuta bien vite Kelly et Ted qui venaient de se retrouver.

- Papa, que se passe-t-il ?

- Je hais cette femme et je promets de faire en sorte qu'elle ne puisse plus jamais travailler, même au sein de l'équipe de la plus petite rédaction de la plus infime feuille de chou de l'Etat !

- Papa, je t'en prie.

Channing continuait de se défouler sur les objets autour de lui.

- Nous traîner dans la boue... Tous autant que nous sommes ! Peu m'importe les mensonges qu'elle puisse dire ou écrire sur les Entreprises Capwell, je ne pense qu'à Sophia...

- A ma maman.

Ted et Kelly se dévisagèrent. Ils ne comprenaient pas.

Très vite, C.C. finit par lui expliquer la réalité de la situation : Sophia venait de se déclarer coupable du meurtre de Franco Parisi, en lieu et place d'Eden. Les mots tombèrent comme un couperet.

 

Prison de Santa Barbara : Sophia Wayne Armonti Capwell.

Channing Capwell s'engagea sur le parking privé de la prison. Il avait exigé de ne rencontrer personne lors de sa visite à Sophia. Fort heureusement pour lui, il restait encore en ville des personnes de confiance, des personnes capables de lui rendre service.

Très vite, il s'engouffra dans le bâtiment. Il savait qu'il n'aurait que quelques minutes, quelques minutes pour faire revenir Sophia vers lui, quelques minutes pour l'empêcher de faire la plus grande des erreurs.

Burt, un des policiers, l'accueillit. Sans la moindre parole, il lui fit signe de le suivre. Ils n'échangèrent pas le moindre mot alors qu'ils avançaient dans le couloir de la prison.

- Voilà Monsieur Capwell, vous avez cinq minutes.

- Merci, Burt.

Channing Capwell le gratifia d'une amicale poignée de main. Puis, son regard se posa sur la femme qu'il aimait tant depuis tellement d'années, et qu'il savait qu'il aimerait toujours. Sophia était assise sur son lit, repliée sur elle-même.

- Sophia, chérie...

Sophia leva lentement les yeux sur lui. Ils restèrent ainsi de longues secondes enlacés par le regard, ressuscitant par ce simple contact les flammes d'un amour éternel et indestructible.

- Chérie, je vais tout faire pour te faire sortir de cet endroit.

- Non.

Sophia s'approcha des barreaux et prit la main de son amour entre les siennes.

- Non. Je te demande de ne rien faire. Je veux croire que je reste le seul rempart à la liberté d'Eden. Je veux espérer que je peux la sauver de l'abysse le long duquel elle erre. Tant que je suis coupable, nul ne peut être condamné... Je t'en prie. Laisse-moi la protéger à ma façon. Je te laisse te battre. Je te connais, C.C., et je sais que tu gardes encore un as dans ta manche... Laisse-moi peut-être être celui de ma petite Eden...

- Même...

- Même si pour cela je dois être à tout jamais séparée de vous. Si la liberté d'Eden est à ce prix, je me dois de le payer. Je t'aime, Channing. Je t'ai toujours aimé. Bien au-delà des mots, bien au-delà du temps. J'ai toujours eu en moi cette évidence. Je t'appartiens. Nous nous appartenons. Et la force de notre amour nous survivra. Nous l'avons pleinement transmise à nos enfants. C'est mon héritage. Notre amour n'aura jamais de fin. Eden, Kelly et Ted en entretiendront la flamme pour l'éternité.

- Oh, Sophia, comme je t'aime...

- Je t'aime, Channing. Je suis tienne pour toujours. N'oublie jamais pour le meilleur et pour le pire, nous sommes mari et femme; bien avant qu'un prêtre ait scellé notre union.

Leurs mains s'entrelacèrent et s'embrassèrent bien plus profondément que n'auraient pu le faire leurs lèvres.

- Channing, promets-moi d'entretenir notre amour... Comme si j'étais toujours auprès de toi. C'est la seule chance de salut pour notre famille.

- Je te le jure, ma douce et tendre Sophia. Je te le promets...

Burt, lentement, s'approcha.

- C'est fini, Monsieur Capwell.

Channing plongea ses yeux dans ceux de Sophia, lui transférant de sa force, de son pouvoir, de son amour. Sophia résistait contre les larmes qu'elle sentait poindre dans son coeur.

- Channing, tu dois sauver Eden... Il te faut faire revenir Cruz... Seul la force de son amour peut la libérer de Lisa...

Channing quitta la prison, tandis que Sophia s'effondrait. Son monde s'écroulait lentement, sans chance de salut. Et alors qu'elle luttait pour maintenir le navire à flot, elle se souvint d'une phrase de Pamela prononcée peu de temps après son premier mariage avec Channing.

- Vous croyez l'avoir tout à vous. Il n'en sera jamais ainsi. Je suis et resterai la première Madame Channing Capwell... Pour moi, il s'est battu contre les siens. J'aurai toujours une place particulière dans son coeur. Et il me reviendra quand je le souhaiterai. Il me reviendra et vous n'y pourrez rien.

 

Atrium, villa Capwell.

Réunis dans l'atrium, Kelly et Ted regardait la fin de l'intervention de Deana. Ni l'un ni l'autre ne comprenait les drames qui s'abattaient sur leur famille. D'abord la venue de Venise Armonti, puis le retour d'Eden, qui avait manqué une nouvelle fois de tuer leur mère. Et à présent, l'annonce de la fin des Entreprises Capwell, conjuguée aux aveux de leur mère...

- Je suis certaine qu'elle est innocente... Maman est incapable de tuer quelqu'un.

- Tu sais...

Ted préféra ne pas finir sa phrase, car l'image de leur mère était très différente de celle qu'ils gardaient au fond de leur coeur. Après tout, Sophia n'avait elle pas tué son propre fils en voulant tuer Lionel Lockridge.

Ted serra très fort sa soeur dans ses bras.

- Tu sais, je me moque, petite soeur, des Entreprises Capwell. Seule compte la famille. A présent que tu es revenue, il faut retrouver Eden. Sans elle, il ne peut y avoir d'unité dans la famille. Nous devons croire en son retour, un miracle est possible...

Dans le coeur de Kelly, les paroles de Ted trouvèrent un écho : après tout, elle-même avait connu un miracle, son Joe lui était revenu.

- Viens avec moi, il faut que je te montre quelque chose... Ou plutôt quelqu'un...

Kelly fit sortir son frère de la villa et le conduisit près du belvédère. Là, un homme attendait. Au cours du trajet, Kelly avait commencé à parler avec Ted. Bien qu'il comprenait l'excitation de sa soeur, il ne comprenait pas ce qui en était à l'origine. Et lorsqu'elle lui présenta Tyler comme Joe Perkins, Ted Capwell fit de son mieux pour encaisser le choc. Il ne savait que croire.

Il choisit toutefois, devant Kelly, d'accepter le retour à la vie de Joe Perkins. D'autant que pour lui, il ne conservait que peu de souvenir de cet homme. Les seuls souvenirs qu'il conservait étaient liés à Laken Lockridge... et à Warren.

Alors que Kelly et Tyler roucoulaient comme au premier jour, Ted choisit de faire confiance à son ami. Arrivé à la villa, il prit contact avec lui pour lui faire rencontrer Tyler, afin qu'à eux deux, ils puissent se faire une opinion.

 

Hôpital de Santa Barbara.

Eden Capwell Castillo ajusta le foulard et les larges lunettes qui masquaient son visage. Au sortir d'une violente altercation avec Pamela, elle s'était décidée.

- Je dois franchir le pas et oser m'aventurer de l'autre côté de la barrière, quitte à découvrir la preuve de ma culpabilité...

Alors qu'elle errait dans les couloirs de l'hôpital, elle ne put s'empêcher de lire le gros titre du Santa Barbara Chronicles : Sophia Wayne Capwell Armonti venait de se livrer aux autorités pour le meurtre de Franco Parisi. Eden s'approcha d'une chaise et s'empressa de lire la totalité de l'article.

- Ce n'est pas possible. Sophia n'était pas présente...

Eden ferma un instant les yeux, obligeant sa mémoire à se concentrer, mais rien ne vint. Résignée, elle choisit de poursuivre sa course et se faufila dans une vieille chambre à l'écart de toutes activités.

- Bonjour, Heather. Merci d'être venue.

Heather Donnelly regarda son amie retirer les artifices qui cachaient la femme qu'elle était. Heather avait pris le premier avion dès qu'elle avait eu Eden au téléphone.

- Je ne pouvais pas faire autrement, Eden.

Les deux femmes s'étreignirent longuement : Eden, heureuse de retrouver un à un les gestes, les amis de son ancienne vie.

- Eden, avant de commencer, il faut...

- Pas la peine, Heather. Je suis déterminée. Je sais les risques de faire cette séance... Et je connais aussi les risques de ne pas la faire. Je suis prête.

Eden prit place dans un fauteuil face à son amie, et se concentra de tout son être.

- Tu peux commencer le décompte.

- Bien. Tes paupières sont lourdes. Tu sens la fatigue te gagner...

A mesure que Heather parlait doucement, dans l'esprit d'Eden, une autre présence s'éveillait. D'abord c'était celle de Lisa, puis au loin, elle pouvait deviner la présence plus sournoise de son frère aîné, Channing Junior. Ces deux entités qui co-existaient en elle, sentant qu'une bataille se préparait, aspiraient à reprendre les commandes.

Sur son fauteuil, Eden s'agitait.

- Tout est calme, Eden. Tu te trouves à la villa de ton père. C'est soir de fête. Eden, peux-tu me dire où tu es ?

- Arrêtez ! Je ne suis pas Eden.

- Et qui es-tu ?

- Je suis Lisa. Lisa ... Je suis la véritable fille de Channing. Je suis née un 3 mai, alors que Sophia et Channing Junior se disputaient au sujet de Lionel Lockridge et de l'héritage Capwell.

- Lisa, peux-tu me décrire l'endroit où tu trouves en ce jour de fête, alors que Channing et Franco Parisi vont célébrer la création de Barr Industries ?

Dans son esprit, Lisa ferma les yeux et se sentit aspirer par une spirale infernale. La chute était vertigineuse vers le passé.

- Je suis dans le bureau aux côtés de mon père et de Franco. Ils sont heureux. Je les entend parler de victoire et de profit. Mais, ils semblent ne pas se soucier de moi et de mes sentiments pour Robert. Depuis trois jours, Robert a quitté Santa Barbara pour Las Sirenas. C'est lui qui doit signer les papiers au nom de son père. En réalité, c'est parce qu'ils ne veulent pas que Robert et moi restons ensemble. Mais cela n'a pas d'importance. Bientôt, je quitterai cette villa et je m'en irai pour Las Sirenas. Je rejoindrai Robert.

Mes pas guidés par la colère me conduisent hors de cette pièce, où Eden Capwell n'est plus la bienvenue. En chemin, je croise Channing Junior. Il affiche toujours ce sourire que je déteste, comme s'il savait avant vous l'heure de votre dernier souffle et qu'il se satisfaisait à vous maintenir dans l'ignorance. Inconsciemment, mon regard le suit et je le vois non pas rejoindre notre père, mais  ouvrir la porte qui mène au sous-sol et à la cave. Je choisis de le suivre. Alors que je m'approche, j'entends d'autres voix en provenance de la cave. Je reconnais celle de Jack Lee, l'avocat de papa. Il y a aussi la voix d'une femme que je ne connais pas. Channing Junior parle avec eux. A plusieurs reprises, je les entends prononcer le nom de Barr Industries et de Franco. La femme plaisante en parlant de la nouvelle identité de Robert. Je ne comprends pas lorsqu'elle dit que son nouveau nom est Robert Barr. Channing se moque de lui et de moi. Ses mots sont comme des couteaux qui me transpercent le coeur. Puis, je l'entends dire à la femme : Tu avais raison sur toute la ligne... Si seulement je t'avais pour mère au lien de cette pauvre Sophia, je crois que j'aurais pris bien plus de plaisir à vivre...

La colère et la rage explosent dans tout mon être... J'allais le remettre en place, quand j'entends des pas qui se dirigent vers la cave. Je n'ai d'autre possibilité que de me cacher derrière un vieux pressoir. C'est Franco. Il se faufile au milieu du groupe.

Ils participent tous au même projet, j'en suis certaine. Je les entends se moquer de mon père, de sa chute à venir qu'il n'avait pas vu arriver. Je veux sortir de ma cachette pour leur hurler ma colère, leur dire que j'avertirai mon père et qu'il les détruira tous. Je ne vis que pour le nom Capwell. J'en oublie mon amour pour Robert. Je ne peux concevoir que peut-être Robert a, lui aussi, trahi au nom de je ne sais quoi ma famille et moi... Non, notre amour ne peut rimer avec trahison. Des larmes roulent sur mes yeux.

Comment décrire la violence des forces passionnelles qui me submergent alors ?

Mon coeur panse difficilement les blessures de Channing : le départ non négociable de Robert vers Las Sirenas. Alors, à présent, c'est trop.

Alors que mon esprit envisage des possibilités, le ton change dans la cave. Les autres raillent Franco pour s'être fait dupé, alors que celui-ci réclame de revoir son fils.

Lentement, Franco comprend qu'il s'est lui aussi fait piéger. C'est à ce moment-là que Jack Lee remarque ma présence. Je viens me placer instinctivement aux côtés de Franco. Channing Junior se place devant la femme pour ne pas que je la reconnaisse, mais j'entrevois une partie de son visage et je reconnais Pamela.

Je me précipite vers l'arme posée sur un fut de chêne et en menace Channing Junior et les autres. Je veux les conduire auprès de mon père. Pamela s'échappe, Channing Junior s'approche de moi et veut me prendre mon arme. Jack Lee écarte Franco de moi. On se retrouve tel que je me tiens entre Franco et Jack Lee; Channing Junior face à nous trois. J'entends ses remarques désagréables, il se vante d'être l'héritier, d'avoir détruit Mason et que bientôt il nous écrasera tous, Kelly, Ted et moi.

Soudain, n'en pouvant plus j'arme le pistolet et choisis de tirer sur un fut à côté de Channing Junior. Je veux qu'il se taise, je veux lui faire peur, lui montrer que je suis une Capwell, une véritable Capwell tout comme lui. Je tire à plusieurs reprises quand, tout à coup, Franco s'effondre, blessé à plusieurs reprises. Et lorsque mon père arrive, je tiens encore l'arme, et Jack Lee et Channing Junior jurent que j'ai tiré... Pourtant, mes tirs ne peuvent avoir tué Franco. Je visais à hauteur de la tête de Channing Junior.

- Tais-toi, espèce de vieille folle !

La violence de la voix de Channing Junior déchira le silence de la pièce.

Assise sur sa chaise, Eden transpirait à grosses gouttes. Dans son esprit, la bataille entre Channing Junior et Lisa devenait de plus en plus violente de secondes en secondes. Sa raison vacillait. Elle tenait à présent des propos incohérents.

Heather essaya de son mieux de la calmer, mais le temps qu'elle prenne une seringue posée sur le bureau, Eden / Lisa / Channing Junior avait déjà quitté la pièce.

Heather sortit très vite son téléphone portable de son sac et contacta la villa Capwell pour les prévenir du danger.

 

Bureau de la villa Capwell.

Dans le bureau de la villa, tout le monde attendait que Channing vienne les rejoindre. Mason, assis sur un des lourds fauteuils de cuir, regardait fixement le premier portrait de famille : tous les enfants Capwell étaient réunis, de Channing Junior à Ted. Il ne manquait que lui et Greg.

Julia restait en pleine discussion avec Daniel. Tous deux s'étaient résignés au combat perdu. Pamela avait gagné.

Kelly et Ted se parlaient en secret. Kelly, toute heureuse d'avoir retrouvé les siens, s'était confiée à son petit frère. Même s'il n'en revenait pas réellement, Kelly avait su le convaincre de la possibilité qui rendait possible le retour à la vie de Joe Perkins.

Augusta s'était assise sur le fauteuil du maître. Son esprit songeait à Lionel, son mari. Elle essayait de savoir s'il lui manquait réellement. Et elle n'osait se répondre par l'affirmative. Car aujourd'hui, elle avait réussi à acquérir tout ce qu'elle avait aspiré posséder : la reconnaissance, l'indépendance. Elle était devenue ce que Minx avait toujours voulu être : l'égale de Channing Capwell. Mais au fond d'elle, Augusta pouvait éprouver l'absence de Lionel, de leur folie qui les habitait.

Greg restait à l'écart : cette famille n'était pas la sienne, ou du moins pas vraiment. Il restait un invité parmi les siens. Seul Dan avait de l'importance; il lui avait appris certes à aimer à être aimer, mais surtout il lui a trouvé une place. Il n'existait au milieu des Capwell que grâce à la présence de son amant.

Soudain, Rosa conduisit un homme devant le bureau, puis elle poussa la porte.

- Monsieur Bobby Ewing demande à voir Madame Capwell.

Bobby Ewing pénétra dans la pièce et tous les regards se portèrent sur lui : vêtu d'un jean, d'une chemise de cow-boy et d'un stetson, il jurait dans le décor Capwell.

- Bonjour à tous. J'arrive juste de Dallas. Je suis désolé pour Washington, mais je n'ai vraiment rien pu faire. Ils étaient comme enragés. Au Sénat, ils veulent la peau des Entreprises Capwell. Le seul nom qui revenait sans cesse à chacune de mes questions, était Pamela Conrad. J'ai aussi appris que cela avait quelque chose à voir avec la mort de Parisi et la création de Barr Industries à Las Sirenas.

- Bravo, quel détective... On pourrait vous remettre la médaille d'or du Sherlock Holmes en herbe.

- Mason, je t'en prie, ne soit pas cinglant !

- Laissez, Julia, c'est sans importance.

Aussitôt, Mason se leva de son siège et s'approcha très vite de Bobby. Il lui administra un très joli coup de poing en plein visage.

- Et ça, ça a de l'importance ?

Tout le monde s'interposa entre les deux hommes pour éviter que la situation ne dégénère.

- Mason, cela ne sert à rien. Je t'en prie !

- A rien, Julia ? Cet homme vient chez nous pour soi-disant nous défendre et, à l'arrivée, il détruit jusqu'au nom des Entreprises Capwell...

- C'est exact, le nom des Entreprises Capwell est détruit... J'ignore le nom de vos ennemis, mais je peux vous assurer, Mason Capwell, qu'ils siègent dans les plus hautes sphères de l'Etat.

Alors que Bobby poursuivait ses explications, le téléphone sonna. C'est Daniel qui décrocha, en même temps que Channing sur une autre ligne. Il entendit seulement le début de la conversation.

- Triple C, c'est Alexis. Je suis en ville...

En raccrochant, il sentit le poids des regards posés sur lui.

- Une certaine Alexis, qui serait en ville.

Avant que d'autres questions ne fusent, C.C. poussa la porte du bureau.

- Allez, tous au musée !

 

Baie de Santa Barbara, au bord des falaises.

Revenue sur la falaise, celle-là même où, des années plus tôt, elle avait choisi de dire adieu à Cruz Castillo, l'amour de toute sa vie, Eden / Lisa / Channing Junior était revenue se concentrer avant de partir pour le musée. Dans la violence des flots, elle revoyait la violence de ses sentiments. Ni Lisa, ni Channing Junior, ni Eden ne parvenaient à prendre le dessus. Elle passait d'une personnalité à l'autre : la séance d'hypnose avec Heather Donnelly avait réveillé les vieux démons qui hantaient Eden Tyler Capwell Cranston Castillo...

- Qui suis-je vraiment ? Si je n'ai pas tiré, cela ne peut être que Jack Lee, car Channing Junior me faisait face. Il a dû attendre que je tire pour tirer à son tour.

- Bien vu, petite soeur. Tu ne pensais pas que nous allions le laisser parler ? Franco est mort, parce qu'il n'a pas eu le courage d'aller au bout de ses choix. Et il en sera de même si tu refuses de te rendre au musée ce soir, et d'accomplir ce qui doit être ton destin. Petite soeur, il est temps pour toi de me venger...

Eden ferma les yeux. Lisa et Channing Junior menaçaient chacun à tour de rôle de la détruire. Elle devait trouver en elle une force capable de les faire taire au moment opportun. Pour l'heure, elle choisit de les laisser la guider.

Elle remonta dans sa voiture, habillée avec un smoking d'homme. Non pas la réplique, mais le même smoking que portait Channing Junior le jour de sa mort. Elle cachait la marque de la balle par une jolie broche d'or et d'argent.

- Allez, en route pour le musée, il est temps d'en finir.

 

Extérieur de la villa Capwell.

La limousine noire des Capwell attendait devant l'entrée de la villa. Channing affichait un visage impassible; perdu dans un nuage de pensées, nul ne pouvait y lire la moindre trace de doute ou de colère. Channing, pourtant, se rendait au musée pour assister à la vente aux enchères de ses biens.

Julia et Mason se tenaient par la main. L'un comme l'autre n'avait aucune envie d'assister à cette soirée qui verrait le sacre de Pamela au dessus des ruines Capwell. Mason appréhendait cette soirée où il devrait tourner le dos à sa mère et à son père. Sa mère, il le savait, s'en remettrait vite : elle pourrait avoir Kirk, ou même Jeffrey. Quant à Channing, il ne pouvait avoir Eden, l'autre enfant après Channing Junior auquel il envisageait de transmettre l'Empire Capwell, empire qui n'existait que dans les livres d'histoire.

Daniel, Greg et Bobby Ewing étaient en pleine discussion. Daniel se renseignait sur les recours possibles pour rendre possible la continuité du nom des Entreprises Capwell.

Ted escortait tout ce monde. Il se sentait un peu à l'écart. Quelques minutes plus tôt, il avait eu, par l'intermédiaire d'Augusta, l'assurance que Warren serait présent, et il se languissait de parler avec lui.

Kelly était la seule à rayonner littéralement. D'autant qu'elle s'écarta du groupe pour rejoindre Tyler, jusqu'alors caché par les arbres.

- Papa, vous tous, j'ai une grande nouvelle à vous apprendre. Joe est vivant. Il est là... Et je suis si heureuse de l'avoir retrouvé !

Channing s'arrêta net et regarda l'homme en face de lui. Il plongea son regard dans celui de cet inconnu qui n'en était pas vraiment un. Tyler / Joe finit par détourner le premier le regard.

- Kelly, tu montes dans la voiture. Vite !

- Papa ! Je ne suis plus une enfant. Tyler et moi, nous irons à la soirée. Soit avec toi. Soit sans toi.

- Je te conseille alors de prendre un taxi.

Channing prit alors place dans la voiture, et ordonna aux autres d'en faire autant. Seul Ted rejoignit Kelly.

- Moi, je viens avec toi.

Personne ne vit alors le voile qui embruma les yeux de Tyler.

 

Dans la limousine, Channing chercha à savoir qui pouvait être au courant de cet étrange retour.

- Joe est mort. Depuis des années. Jamais je n'ai cru qu'il pouvait être assez bien pour ma fille. Ce n'est pas aujourd'hui que je vais l'accepter. Daniel, je veux que vous remuiez terre et mer s'il le faut, mais je veux tout savoir sur ce Tyler.

- Channing, ne pensez-vous pas que Kelly est assez grande pour...

- Julia, c'est bien au-delà de ce que vous pouvez croire. Je risque de perdre Eden, ce soir. Si vous pensez que je vais laissez partir loin de la famille mon autre fille, mon autre héritière, vous faites erreur...

Blessée par les paroles de Channing, Julia serra tendrement la main de son mari. Elle savait aussi que Mason devait souffrir de cette absence de considération. Elle lui glissa à l'oreille :

- Je t'aime, mon héritier Capwell !

Mason ferma les yeux. La solitude lui pesait tant.

 

Reportage de Deana Kincaid, en direct du musée de Santa Barbara.

C'est sous le porche de l'entrée du musée que Deana Kincaid saluait les nombreux invités, plus prestigieux les uns que les autres, qui se présentaient à la vente aux enchères.

Un peu à l'écart, on pouvait voir Pamela Pepperidge Capwell Conrad qui affichait un très radieux sourire. Elle portait une robe verte qui rehaussait la rousseur de ses cheveux. Elle affichait fièrement sur sa robe une banderole comme celle de Miss America, sur laquelle on pouvait lire : The Woman of the year.

A ses côtés, on retrouvait bien sûr Kirk Cranston, son homme de loi, ainsi qu'à la surprise générale, le Dr Alexander Nikolas. Ce dernier avait traversé tous les Etats-Unis pour assister au sacre de celle qu'il aimait depuis de longues années.

Pamela serrait parfois la main des invités, mais le plus souvent, elle les honorait d'un large sourire.

- Kirk, voyez-vous les Capwell ?

- Non, ils ne sont pas encore arrivés.

Deana commentait chacune des arrivées : du maire de la ville à l'adjoint du gouverneur, du Juge David Raymond au groupe de sénateurs qui avaient, des heures plus tôt, voté la fin des Entreprises Capwell aux riches fortunes de la ville.

Deana ne bougea toutefois pas lorsque Augusta Lockridge s'avança au bras de son fils. Vêtue d'une robe à paillettes, Augusta scintillait sur le tapis rouge.

Augusta s'approcha de Pamela.

- Pamy chérie, tant de tralala pour une si petite soirée ! Je vous assure, je ne compte rien acheter. A moins que vous vous considériez comme un souvenir de Channing, auquel cas je suis prête à mettre trois dollars.

- Augusta, jamais vous ne comprendrez l'art... Il me semble que c'est Lionel qui est expert en la matière... Peut-être devons-nous lui en toucher un mot. D'ailleurs, je ne vois pas Sophia, certainement qu'ils sont retenus pour une autre soirée !

- Ahahah... Que grand bien lui fasse, Pamela. Je ne suis pas si désespérée que vous pour me contenter de vieux restes de ma vie passée. N'est-ce pas là la raison à la présence de cher Alex... Servir de bouche trou...

- Comment osez-vous...

Augusta s'éloigna.

Au loin, tout le monde remarqua la limousine Capwell qui avançait.

Une femme, toute vêtue de blanc, s'avança. Son boa en plumes blanches, telle une traîne, ondulait à chacun de ses pas. Son regard croisa celui de Channing. Personne ne remarque le sourire qu'ils échangeaient. Alexis Morell Carrington Colby, telle une reine, marquait chacun de ses pas sur le tapis rouge. Elle ignora superbement Pamela alors qu'elle entrait dans le musée, et se dirigea directement vers le Sheikh Idi Ben Adir.

Les cris et les insultes venaient de monter d'un cran. Tous les invités s'étaient rassemblés autour du clan Capwell d'une part, et du clan de Pamela d'autre part.

Soudain, un coup de feu retentit et une personne cria dans le clan Capwell. Tout le monde entendit clairement Mason hurler.

- Vite une ambulance, nous avons un blessé !...

Chapitre 39