Santa Barbara, Acte 2

Chapitre 29 : De vieilles connaissances...

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Et avec la participation exceptionnelle
de Patrick Duffy
dans le rôle de Bobby Ewing

Il ne faut jamais revenir
aux temps cachés des souvenirs
du temps béni de son enfance.
Car parmi tous les souvenirs
ceux de l'enfance sont les pires,
ceux de l'enfance nous déchirent.
Oh ma très chérie, oh ma mère,
où êtes-vous donc aujourd'hui ?
Vous dormez au
chaud de la terre.
Et moi je suis venue ici
pour y retrouver votre rire,
vos colères et votre jeunesse.
Et je suis seule avec ma détresse.

 

Bureau de Warren Lockridge au Santa Barbara Conscience.

Installée dans le bureau de son époux, B.J. lisait la page centrale sur le procès des Entreprises Capwell. L'article suivait l'éditorial qu'elle avait elle-même signé. Elle avait largement commenté le revirement de situation, en raison des documents déposés en pleine audience par Augusta, sa belle-mère. B.J. aussi, comme tous les autres journalistes de la ville, rapportait la macabre découverte faite suite à la seconde explosion sur les terres de Pacific Sud. Comme elle le soulignait dans son article, Channing Capwell ne pouvait en être à l'origine. Il restait maintenant à découvrir qui se cachait derrière l'explosion. B.J. en était certaine : cette personne était étroitement liée avec la mort de Franco Parisi.

- Il ne peut en être autrement...

Soudain son téléphone portable sonna. Il s'agissait de Warren qui l'avertissait qu'il rentrait à Santa Barbara, et qu'il serait dans un moment à l'hôpital de la ville. B.J. s'empressa de quitter le bureau pour le rejoindre. Warren lui manquait terriblement...

 

Poste de police de Santa Barbara.

Julia s'arrêta un moment devant la porte de l'ancien bureau de Cruz Castillo. A chaque fois qu'elle revenait ici, elle ne pouvait s'empêcher de songer à son ami; il lui manquait tellement. Elle avait aujourd'hui rendez-vous avec Connor qui voulait s'entretenir avec elle de l'affaire de Gracie.

Julia arrangea ses longs cheveux et poussa la porte qui conduisait aux salles d'interrogatoires. Elle savait qu'à quelques pas de là, Connor devait être en train d'interroger Gracie sur les raisons de son acte. Julia, qui avait passé une très mauvaise nuit, se sentait incapable de défendre Gracie. Toute la nuit, elle n'avait eu de cesse de réfléchir à la question : elle ne le pouvait pas, c'était bien au-delà de ses forces...

Au bout d'un long moment, Connor vint rejoindre Julia. Bien sûr, il lui parla de Gracie.

- Pour le moment, elle n'a pas essayé ni d'expliquer ni de justifier son geste. Elle se réfugie derrière un profond silence. Lorsqu'elle parle, c'est pour demander à voir un avocat et elle ne veut que vous, Julia.

- Ce n'est pas possible, Connor. Je vous l'ai déjà dit. Ce n'est pas possible...

Un silence des plus gênants s'installa entre eux, Connor attendant que Julia exprime plus précisément les raisons de son refus. Ce qu'elle ne fit pas.

- Je ne vous ai pas fait venir pour cela, bien que je pense qu'il faudra que vous vous expliquiez avec Gracie. J'ai une personne qui souhaite vous parler, suite au procès qui a été fait contre les Entreprises Capwell...

- Connor, un jugement a été rendu. Il n'y a pas d'affaire et il n'y en a jamais eue.

- Je sais, mais c'est au sujet du nouveau scandale véhiculé dans la presse par Deana Kincaid, au sujet du pipeline pour le gaz.

Julia n'en croyait pas ses yeux. A nouveau, on faisait plus confiance aux dires de Deana plutôt qu'aux réelles motivations de Channing et d'Augusta, les maîtres de Pacific Sud.

- Connor, je n'ai aucune information à ce sujet. Vous devriez voir directement avec Augusta ou avec Channing.

Connor conduisit Julia dans son bureau.

- Julia, il n'y a pas d'enquête. C'est seulement une personne, un politicien je crois, qui m'a contacté pour avoir des informations plus précises sur Pacific Sud, sans passer par Channing ou votre soeur. Il est là.

Un homme se leva. Julia le regarda attentivement. Elle ne le connaissait pas. Elle le trouva tout de suite très séduisant; il dégageait une réelle aura de charme et de force.

- Bonjour, je m'appelle Bobby Ewing, et je suis envoyé par le sénateur David Jacobs. Je travaille au sein d'une commission sur l'environnement et...

Bobby Ewing fut interrompu par la sonnerie du téléphone de Julia. Elle s'éloigna un peu pour prendre son appel.

- Excusez-moi, messieurs, mais il faut que j'aille à l'hôpital. Mason vient de rentrer.

Alors que Julia allait en profiter pour s'esquiver discrètement sans avoir à inventer un mensonge, Bobby Ewing se proposa de l'accompagner pour discuter plus en détail de l'objet de sa mission. Et Julia ne put refuser, face au large sourire si naturel que lui présenta Bobby Ewing.

 

Hôpital de Santa Barbara.

L'hélicoptère des Entreprises Capwell se posa sur l'héliport de l'hôpital. Aussitôt infirmiers et médecins se précipitèrent sur le monstre d'acier pour en extraire le corps toujours inanimé de Brandon DeMott. Aux côtés du petit garçon descendirent ensuite, dans un état pitoyable, Mason et Ted Capwell, ce dernier s'appuyait sur son ami Warren Lockridge.

- S'il vous plait, est-ce qu'on peut aussi s'occuper de Ted ? Vite ! Il est blessé...

Effectivement, Ted portait une vilaine blessure à la tête, et son torse portait les traces de nombreux coups, signes de sa lutte contre les éléments. Las de fatigue, Ted s'évanouit aussitôt qu'il fut pris en charge. Pendant ce temps, Mason et Warren n'échangèrent aucun regard : les deux se détestaient toujours autant.

- Warren, restez avec Ted. Je vais aller avec Brandon, on ne peut le laisser seul...

- Et Santana ?

Oubliée de tous, Santana Andrade descendit lentement de l'hélicoptère. Pour elle, le temps restait figé, elle revivait sans cesse la même scène. Elle tenait Brandon par les mains, à l'approche de Mason et de Warren, quand soudain le sol s'effondra sous les pieds de Brandon.

Les cheveux sales, collées sur son visage, Santana n'était plus que l'ombre d'elle-même : un fantôme surgi du passé...

- Brandon, mon bébé... Ta maman viendra te chercher... Non, je vous en prie, ne le prenez pas. C'est mon fils. Laissez-moi le voir au moins une seule fois...

Vaincue par les événements, la faiblesse de son esprit et le passé, Santana s'écroula sur le sol. Heureusement, un infirmier vint la relever.

- Venez avec moi...

 

Salle d'audience du tribunal de Santa Barbara.

- Channing, ce que vous me demandez là est parfaitement impossible. Je ne pas signer le retrait de la garde de Brandon à Gina sans même l'entendre. C'est parfaitement illégal !!

- Parce que l'acharnement dont vous avez fait part, avec votre nouvel ami Kirk Cranston, est légal, lui ? Ne vous moquez pas de moi, David.

- Je ne fais que...

- Vous vous êtes acharné contre moi et ma société. Et si vous ne voulez pas que j'en parle au gouverneur ou au sénateur, vous feriez bien de me donner le droit de garde exclusif de mon petit-fils...

- Channing, je ne peux pas.

Les deux hommes dans la salle d'audience se faisaient face, C.C. dominant David Raymond de toute sa hauteur.

- En plus, me faire du chantage dans ce lieu, je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure solution, Channing.

- Oh, David ! ! Toi et moi nous savons pertinemment que ce n'est pas du chantage. Dans la journée, je peux joindre un autre juge qui me signera l'ordonnance que je VEUX. Si je passe par toi, c'est juste pour démontrer à Gina qu'elle est finie, ici, à Santa Barbara. Quant à toi, je te promets que lorsque j'aurais contacté ma liste d'amis, tu ne pourras plus jamais siéger dans un tribunal... Ou bien certainement en tant qu'accusé !

David s'inclina. Il le savait, les relations des Capwell dépassaient largement les frontières de l'Etat, pour aller certainement jusqu'à Washington. Résigné, il retourna derrière son bureau et signa un document.

- Tiens, voilà l'arrêt de mort que tu me demandes.

Channing ne put s'empêcher de sourire, en songeant à son futur face à face avec Gina.

- David, rajoute aussi l'interdiction de s'approcher à plus de 200 mètres de Brandon.

David s'exécuta, il n'avait pas d'autres choix.

- A présent, je veux croire que tu ne parleras pas de moi à tes amis, Channing. Tu sais, je pourrais t'être utile... Avec le corps de Franco Parisi découvert sur tes terres, avoir un juge...

- Arrête, tu me fais pitié, David. Je n'ai jamais vraiment eu besoin de toi, et ce n'est pas aujourd'hui que je vais commencer.

Sur ces dernières paroles, Channing quitta le tribunal, tenant entre les mains le moyen de rayer définitivement Gina de sa vie. Il pourrait alors à présent s'attacher à reconquérir Sophia.

 

Pacific Sud.

Autour des nouvelles ruines sur le terrain de Pacific Sud, nombreux étaient les hommes en uniformes : pompiers, policiers scientifiques, ouvriers, tout le monde s'affairait tel des milliers de fourmis autour d'une fourmilière.

De la fenêtre de son bureau, Augusta observait ce débordement d'activités. Malgré les nombreux dossiers en attente sur son bureau, Augusta ne pouvait détourner son esprit de la découverte du corps de Franco Parisi. Le temps n'avait pas effacé le souvenir de ce charismatique italien.

- Et maintenant, quel prochaine catastrophe me prépares-tu, Channing ?

Alors qu'elle songeait au passé, elle finit par remarquer une ombre dans l'encadrement de la porte.

- Tiens, la grande journaliste Deana Kincaid vient me faire l'honneur de sa visite...

Deana s'avança.

- Enfin, grande... Quand on voit les mensonges que vous écrivez, on peut douter de vos talents et de vos sources..

Augusta s'assit à même son bureau.

- Augusta chérie, je venais juste savoir comment vous allez après toutes ces péripéties qui jalonnent votre arrivée dans le monde des affaires.

- Deana, Deana... Comment vous faire comprendre que je ne suis pas Gina ? Ce ne sont pas vos flatteries plus mesquines les unes que les autres...

- Augusta, nous savons vous et moi pour le corps de Parisi.

- Et alors ?

- Alors, d'après Pamela, Franco et vous étiez plus que des amis.

- Deana, si vos seules sources sont les ex-femmes de Channing, c'est certain que vous n'aurez pas le moindre compliment à mon égard. Que vous ayez pu vous faire berner par Gina, déjà, me parait impensable... Mais là, avec Pamela... Vous n'allez pas nous refaire le même scénario. Nous ne sommes pas dans Des Jours et des Vies et je ne suis pas Vivian Alamain. Et puisqu'on parle de Pamela, questionnez-la sur ses rapports avec Parisi et ses associés de l'époque. Parlez-lui de son retour après le mariage de C.C. et de Sophia...

Deana reculait lentement face à Augusta.

- Deana, vous savez, en ville, vous n'êtes rien. Et votre dernier fiasco de reportage ne va rien arranger pour vous. Vous avez beau coucher avec l'éditeur de votre feuille de choux, vous ne faites plus trembler personne.

- C'est ce que vous pensez à tort, Augusta. Je suis certaine que Lionel serait troublé...

- Qu'importe ce que vous pouvez écrire sur moi, Deana. Vous êtes aussi cuite qu'une pomme au four. Et quant à vos menaces, même Breeze n'aurait pas peur de vous.

- Je sais suffisamment...

- Oui. Oui. Vous croyez tout savoir. Et bien, écrivez tout ce que vous croyez. Et n'oubliez pas de me faire parvenir un exemplaire signé de votre article.

Augusta fusilla du regard Deana. Et cette dernière finit par s'effacer complètement de la vue de la nouvelle reine de Pacific Sud.

 

Hôpital de Santa Barbara.

Plusieurs médecins s'affairaient autour du corps inanimé de Brandon. De l'autre côté de la porte, Mason restait le regard figé sur le visage de Brandon, lui murmurant mentalement des paroles de soutien. Dans ses mains, Mason serrait toujours fermement le masque que tenait Brandon lorsque Ted l'avait sauvé de l'océan.

Quelque part, au fond de lui, Mason ressentait l'appel de l'alcool. Pour l'heure, il était suffisamment lointain pour qu'il puisse lui résister.

- Qui que vous soyez là-haut, protégez-le, je vous en prie... Mary, ma douce Mary, je te confie son âme... Fais en sorte qu'il nous revienne, sain et sauf...

 

Dans une autre salle, deux infirmières soignaient les blessures de Ted Capwell. Evidement, l'une d'elle, la plus jeune, était ravie de soigner le plus séduisant des fils Capwell. Nul doute que Ted allait s'en remettre rapidement, puisque ces soins ne se composaient que de quelques points de suture sur la tempe, et un large bandage sur le torse.

- Monsieur Capwell, je me permets de vous dire tout ce qu'a bien répété le docteur, il vous faut beaucoup de repos.

Et comme on le soignait, Ted ne pouvait s‘empêcher de penser à Brandon et à l'étrange masque en or qu'il tenait fermement contre lui. Ted ferma les yeux, et un instant il revit la grotte dans laquelle il trouva Brandon : la sensation de froid et de mort le reprit.

 

Dans la chambre de Brick, un peu plus loin dans le couloir, Lionel avait fini par s'endormir. Il venait de remplacer Marisa et Jane au chevet de Brick. Depuis que Sophia avait exigé de ramener Brick en ville, il n'avait pas fermé l'oeil. Inconsciemment, il craignait qu'un danger ne s'abatte à nouveau sur son fils. Lionel, qui avait largement traversé le monde, croyait en une ancienne légende : le coma est un long voyage initiatique entre la vie et la mort. Cette route est peuplée de danger, car la personne dans le coma peut voir et entendre les vivants tout comme les morts... Et Lionel n'ignorait pas que les morts à Santa Barbara étaient peut-être plus dangereux que les vivants...

Et tandis qu'il dormait profondément, il n'entendit pas la porte de la chambre qui s'ouvrait sur un individu entièrement vêtu de noir. Un large chapeau et une épaisse barbe dissimulaient son visage. Il porta un regard rempli de haine sur Lionel, mais, pour l'heure, Lionel Lockridge n'était pas son centre d'intérêt. Son regard, très vite, s'en retourna sur le corps de Brick Wallace, allongé, immobile sur son lit d'hôpital. Lentement, l'ombre s'approcha de Brick. Avec détermination, elle se plaça auprès de lui.

Ce n'était pas la première fois que Dominic devait agir ainsi. Des années plus tôt, il s'était introduit de la même façon, dans la villa Capwell, pour se retrouver, un jour de fête, face à face avec la preuve de sa trahison. Aujourd'hui, il en était de même, il allait effacer définitivement toute trace de ce passé qui le reliait encore avec Lionel Lockridge. Sa raison n'hésita pas un seul instant, bien que Lionel soit lui aussi présent dans la pièce.

Dans la tête de Dominic, une voix qui était restée muette durant de très longues années se mit à nouveau à lui parler.

Dominic sortit une seringue de la poche de sa veste noire et s'apprêta à l'injecter dans le perfuseur de Brick.

 

Alors qu'elle regardait l'océan du haut du balcon de sa chambre d'hôtel, Eden / Lisa ferma les paupières : l'empreinte d'un souvenir venait de resurgir devant ses yeux. Elle se tenait dans une pièce, une sorte de bibliothèque plongée dans le noir. Elle portait un costume d'homme. Elle portait aussi une arme à la main. Le canon restait figé sur un fauteuil de cuir... Sa main laissa tomber le verre d'eau qu'elle renfermait.

 

Les médecins qui s'affairaient autour de Brandon ressentirent tous, la même impression de froid. Puis, la seconde d'après, le coeur du petit garçon s'arrêta un très bref moment. Et tous l'entendirent crier...

 

Les yeux de Brick restaient figés dans le vague. Depuis l'accident, ils n'avaient plus jamais cillé, mais en cette seconde, ses pupilles se dilatèrent et se tournèrent vers l'ombre qui le menaçaient. 

Dominic s'apprêta à piquer le perfuseur de Brick, lorsqu'une main se referma avec violence sur la sienne.

- Non. Tu ne peux pas faire cela.

Dominic se retourna vers la main qui l'empêchait de mener à bien sa mission. Son regard croisa celui de Lionel. Le masque de Dominic se morcela, libérant Sophia de son emprise.

- Mon Dieu, non...

Elle essaya de se débattre, ayant tout de suite compris ce qu'elle venait d'essayer de faire. Un moment, Lionel réussit à la blottir contre lui. Il sentait les larmes de douleur qui s'échappaient de son amie. Et lorsque la force de Dominic et la voix en elle se furent tues, Sophia se dégagea de Lionel, les yeux remplis de larmes. Leurs regards finirent par se croiser; et Sophia put lire dans les yeux de Lionel aucun reproche, seulement la preuve de son indéfectible soutien.

Ensuite, Sophia retira perruque, fausse barbe et lunettes pour redevenir la femme fragile qu'elle était réellement. Et après un ultime regard en direction de Brick, Sophia sortit de la chambre et s'éloigna en direction de la chapelle de l'hôpital.

 

A quelques centimètres de là, un homme l'épiait. Ses yeux d'un bleu profond pénétrèrent en Sophia qui, dans sa fuite, s'arrêta. Elle chercha un moment l'origine du malaise qui la paralysa. Elle ne vit rien; elle entendit simplement une voix en italien qui lui murmura : On se retrouvera bientôt. Bientôt.

 

Jardin japonais de Santa Barbara.

Venise  avait rapidement cédé face aux exigences de Marcello. Et en voyant Lisa, elle avait compris la vengeance de Marcello et elle avait même fini par partager les moindres idées de son plan.

Pour l'heure, Venise Armonti s'activait à en donner des autres, pour transformer le jardin japonais de la ville en scène pour le grand défilé Armonti. Là, Venise donnait des ordres pour l'éclairage. Puis elle passait à un autre groupe pour valider les tenues des différents modèles qui allaient être sur le podium. Ensuite, elle donnait des ordres très précis aux coiffeurs et maquilleurs pour le style très particulier qu'elle voulait donner à ce défilé. Elle voulait retranscrire en ce lieu ce que pouvait être dans l'esprit des hommes, le japon médiéval. De nombreux éléments du décor se dressaient çà et là : le mythique temple japonais, devant une toile high tech représentant le mont Fuji Yama.

- Je veux que les teintes principales des lumières soient dans le rouge et l'or. Prévoyez plus de sacs pour les pétales de cerisiers japonais. Je veux avoir, alors que se présentera le dernier modèle, une explosion de pétales...

Venise s'occupait de tout. Elle avait sans difficulté cédé au plan de Marcello. Et il lui tardait à présent de se retrouver le soir du défilé pour reprendre pleinement possession du titre Armonti qui lui revenait de plein droit. Car elle restait certaine que Sophia ne résisterait pas à l'attaque qu'elle allait subir.

- Maman, dans très peu de temps, tu verras, je t'aurai vengée...

 

Club 71.

- Tu ne devineras pas qui j'ai soigné aujourd'hui : Ted Capwell ! Il a été amené d'urgence du Mexique, où il est allé chercher le petit-fils Capwell... Brennan, non, Brandon...

Gina, à une table voisine, en lâcha sa fourchette. En écoutant d'une oreille distraite la conversation de la table voisine, elle apprit les heures terribles que venait de traverser son fils.

- Ce n'est pas possible ! Et Channing qui était au courant...

Gina approcha son oreille de la table et finit par apprendre toute l'histoire : de l'enlèvement de Brandon par Santana à l'arrivée de Mason, et au sauvetage de Ted et Warren...

Aussi sec, elle se leva, quitta le restaurant et se précipita à l'hôpital de Santa Barbara, plus inquiète que jamais.

- Tien bon, Brandon, maman arrive...

 

Hôpital de Santa Barbara.

Dans le couloir face à l'entrée des urgences, la tension était à son comble. Channing Capwell attendait avec impatience des nouvelles de l'état de santé de son petit-fils. Il était là, seul, depuis plusieurs heures. De temps à autre, il harcelait une pauvre infirmière pour obtenir des réponses.

Ted, accompagné de Warren, finit par arriver. Channing prit son fils dans ses bras et le remercia chaleureusement d'avoir sauvé son petit-fils.

- Je suis si fier de toi, Ted... Tu m'as ramené Brandon. Merci.

Channing remarqua à peine la présence de Warren Lockridge. Les deux hommes, depuis l'article publié par Warren sur la tentative de meurtre d'Eden sur Sophia, ne se parlaient pas. Et puis le rapprochement de Lionel et de Sophia n'allait pas dans le sens où C.C. pouvait baisser sa garde.

Warren prit place à l'écart sur un des fauteuils, tandis que Channing Capwell questionnait Ted. Ce dernier faisait de son mieux pour résumer l'histoire à son père, en justifiant au maximum les actes de Santana.

- Bon sang, qu'est-ce qu'il lui a pris ? Elle est complètement folle, à présent. Depuis sa dernière fausse couche, elle a littéralement perdu la raison. Et tu dis que Mason était là lui aussi... Il n'a rien dû faire...

Warren, intérieurement, se réjouissait : il assistait à une pure scène Capwell. Channing manipulant ses enfants : il en félicitait un et rabaissait le second. Bien que Warren n'appréciait pas Mason, il trouvait des plus injustes le comportement de Channing : car Mason avait fait tout son possible pour sauver Brandon et Santana en même temps.

- Oh, Ted, arrête de lui trouver des excuses. Un jour, tu sais, mon fils, il faudra que tu ouvres les yeux, et que tu te rendes compte de ce qu'il est vraiment : un incapable. Il est parfaitement incapable de faire quelque chose de bien. D'ailleurs, il n'y a qu'à voir sa vie... Ah, on ne peut pas dire que c'est une réussite. Il aurait pu être procureur, ou sénateur depuis la mort de Channing....

Ted n'écoutait déjà plus. Il connaissait parfaitement l'histoire.

- Si jamais il arrive quelque chose à Brandon, cela sera de sa faute...

Assis sur chaise, Warren songeait à la situation : depuis sa naissance, l'histoire de Brandon oscillait entre drame et réussite, pleurs et rires...

Soudain, B.J. arriva. Elle se précipita dans les bras de son mari, le touchant sur tous ses membres comme pour s'assurer qu'il était bien vivant. Puis, elle se dirigea vers Ted.

- Merci de me l'avoir ramené vivant.

Warren, Ted et B.J. discutèrent alors de l'étrange masque en or que Brandon tenait fermement contre lui lorsque Ted le sauva de la colère de l'océan.

- C'est étrange, plus j'y repense et plus je trouve que le masque ressemble au portrait de ton frère, Ted. C'est le portrait de Channing. J'en suis certain.

- Je ne saurais dire, Warren... Il ressemble un peu à tout le monde, je crois.

- Non, je t'assure que c'est Channing Junior.

Pour confirmer ses dires, Warren sortit son téléphone et montra à Ted une photo qu'il avait prise.

- Oui, il a peut-être un air de Channing Junior.

En réalité, bien que Ted ne parvienne pas à le voir, le masque en or qu'avait retrouvé Brandon portait bel et bien les traits de Channing Junior. D'ailleurs, alors qu'il se trouvait actuellement au bloc, Brandon se trouvait mentalement confronté à son père biologique. Dans un épais brouillard blanc, le père et le fils se faisaient face. Il n'y avait aucune animosité dans le regard de Channing Junior, simplement une pointe de mépris : d'être remplacé par ça dans le coeur du puissant Channing Creighton Capwell.

Dans son coma, Brandon songeait à sa vie, indifférent à la présence de son père biologique. Bien sûr, sa mère occupait une grand part de sa mémoire affective, mais Brandon rêvait et espérait le retour de Keith dans sa vie. De tous les hommes qui avaient traversé sa vie et celle de sa mère, Keith conservait une place à part dans son coeur. Ensuite, Brandon se mit à songer à Mason : son grand frère de coeur...

 

Suite présidentielle de l'Hôtel Capwell.

Assise sur la terrasse protégée par de souples rideaux, Eden / Lisa parcourait des yeux la liste des invités à la grande fête Armonti. Intérieurement, il lui tardait que cette soirée se déroule pour obtenir les réponses à toutes ses questions, comme lui avait promis Marcello. Eden / Lisa avait hâte de retrouver André. Depuis qu'elle avait quitté Paris, son coeur ne cessait de la tourmenter.

Eden / Lisa finit par se lever et se dirigea vers le coffre de bois précieux qui renfermait la tiare Armonti. Ce magnifique bijou porté par toutes les Comtesses Armonti et offert par l'Empereur d'Autriche à sa maîtresse, la hantait littéralement. Elle était certaine de l'avoir déjà vu dans sa vie. Et pourtant, elle n'en conservait aucun souvenir.

Son regard, ensuite, se porta machinalement sur un dépliant de l'hôtel. Au dos du livret, on retrouvait la photo de C.C. Capwell, le fondateur de l'hôtel, ainsi que celle d'Eden Capwell Castillo, la propriétaire du restaurant l'Orient Express. Les regards se croisèrent et se fixèrent. Eden / Lisa se concentra sur ce visage qui ressemblait étrangement au sien. Mais, malgré tous ses efforts, elle ne parvenait pas à franchir l'épais voile qui obscurcissait ses souvenirs.

De l'autre côté de la glace sans teint, Marcello observait sa créature. Il se délectait de la situation : dans le creux de sa main, il en était certain, il tenait le destin d'Eden Capwell, la fille chérie de Channing et de Sophia. Il savait qu'elle était l'enfant la plus fragile du clan; d'ailleurs il avait déjà réussi avec l'aide de Channing Junior à la manipuler à sa guise. Et cette fois-ci, Eden n'aurait pas l'amour de Cruz pour la sauver.

- Tu es ma force, Eden... Tu es notre vengeance. Le sort en est jeté.

 

Jardin japonais de Santa Barbara.

Alors que la répétition du défilé venait de s'achever, T.J., au lieu de retourner sous les grandes tentes blanches qui tenaient lieu de vestiaires, se rapprocha de l'endroit qui servait de bureau à Venise. Elle était en grande conversation avec George, l'homme de l'ombre de Sophia. Et à les voir, la discussion était des plus animées.

T.J. remarqua sur le bureau la liste des invités d'Armonti's. Il remarqua tout de suite le nom de tous les membres Capwell, ainsi que celui de Sophia. T.J., qui avait l'habitude de nager en eaux troubles, su avec certitude que cette soirée-là allait être très spéciale, un peu comme la fête d'opening de Pacific Sud, orchestrée par Augusta. Il se concentra pour essayer de découvrir la nature du drame qui pourrait éventuellement avoir lieu.

Il n'entendit pas arriver Venise, et ce n'est que lorsqu'elle laissa courir sa main sur sa cuisse qu'il réalisa qu'elle était là.

- T.J., ce genre de chose n'est pas pour toi. Tu es juste là pour faire joli.

- Et toi, tu es là pour quoi ? Je ne pense pas que tout cela vienne de toi, mais plutôt de Marcello. Car c'est lui qui tire les ficelles....

Tout en lui parlant, Venise jouait avec les coutures du caleçon de T.J.. Ses doigts se promenaient avec envie sur le corps musclé de l'égérie masculine de la marque.

- T.J., c'est ton corps qui plait... Alors ne fais que ce que tu sais bien faire.

T.J. se détourna face à Venise. Il lu dans son regard la force de l'envie qu'elle avait de lui. C'était toujours le cas avec les femmes : d'Olivia à Sophia, en passant par Kelly. Il accentuait toujours, non sans violence, leur désir.

Lentement, il prit l'autre main de Venise, portant un doigt sur ses lèvres et joua avec.

- Fais bien attention à toi, petite fille... J'ai peur que tu ailles au devant de nombreuses désillusions. Sophia, je la connais, ne baissera pas les armes, et...

- Chut...

Venise lui ferma les lèvres d'un baiser passionné. Et son corps ordonna à celui de T.J. de se lier ensemble dans une douce étreinte. Pour le moment, elle voulait être une femme et oublier un peu sa vengeance...

 

Hôpital de Santa Barbara.

Un des médecins se dirigea vers Channing Capwell et, du regard, il lui fit signe qu'il souhaitait lui parler en privé. Au même moment, Mason arriva dans le hall, en poussant Santana qui se tenait sur un fauteuil roulant. Les traits de la mexicaine étaient rongés par l'angoisse et par la fatigue. Ce n'était plus la femme que les Capwell avaient connue; une autre avait pris à présent possession de son être. Maintenu à l'épaule par la main ferme de Mason, Santana n'osait regarder ni Ted, ni Warren et encore moins Channing Capwell.

Puis ce fut un hurlement qui déchira la pièce. Gina DeMott Capwell entra et se rua sur Santana.

- C'est de sa faute... Faites-la partir d'ici !

La rencontre entre les deux femmes fut des plus violentes : Gina renversa Santana de son fauteuil et elle lui donnait à présent des coups de pieds sur tout le corps. Et tout en la frappant, elle ne cessait de l'accuser de tous les maux que traversait Brandon.

Mason et Warren s'interposèrent rapidement. Mason empoigna et souleva Gina qui, dans l'action, avait perdu ses chaussures à talons. Quant à Santana, le visage défait, elle ne pouvait intérieurement que comprendre la colère de Gina.

Warren installa Santana sur un fauteuil, aux côtés de B.J.. Pendant ce temps, Gina continuait de hurler.

- Je veux voir mon fils !. Laissez-moi passer ! Je veux voir Brandon ! Je suis sa mère !

A l'écart, le médecin ne comprenait plus : on lui avait certifié que C.C. Capwell était le seul représentant légal de l'enfant.

Mason faisait de son mieux pour calmer Gina. Il lui expliquait la situation, que pour le moment Brandon était au bloc et que les meilleurs praticiens de la ville se tenaient autour de lui. Mais cela ne suffisait pas. Gina avait besoin que quelqu'un endure sa colère et Santana était, à ses yeux, la personne appropriée.

- C'est de sa faute. C'est elle, elle l'a enlevé...

Profitant d'un relâchement des bras de Mason, Gina se précipita sur Santana. Elle tenta de la gifler, de lui tirer les cheveux, de lui faire le plus de mal possible. B.J. et Warren s'interposèrent. Santana, elle, ne répliquait pas. Elle venait de plonger à nouveau dans son mutisme.

Channing s'interposa alors.

- Gina ! !

Reconnaissant la voix de C.C. Capwell, elle stoppa net son geste et se détourna vers lui. Ils se faisaient face à face et Channing pu voir, même s'il ne le voulait pas, toute l'angoisse de Gina.

Gina, elle, trouva dans le regard de Channing tout le mépris qu'il lui accordait naturellement.

- Regarde, Channing. Regarde bien. Tout cela est de ta faute. Si tu ne l'avais pas laissé approcher de MON fils, nous n'en serions pas là.

- Tais-toi !

Autour d'eux plus personne n'osait bouger.

- Tais toi, Gina. Je t'avais ordonnée de disparaître...

Gina détourna son regard de Channing et se concentra sur le médecin.

- Docteur, comment va-t-il ?

- Il est...

- Ne lui dites rien. Elle n'a plus aucun droit sur l'enfant.

Gina se retourna vers Channing et, lentement, s'approcha de lui.

- Aucun droit ? Channing je suis sa mère ! Que tu le veuilles ou non, Brandon est mon fils.

- Plus maintenant. Depuis ce matin, j'ai une ordonnance du juge qui me donne l'entière autorité sur Brandon et, par la même occasion, il te retire la garde.

- NNNNNoooooooonnnnnnn ! ! Tu ne peux pas...

Mason, qui s'était approché de Gina, prit le document et le parcouru rapidement.

- C'est exact, Gina. Le juge David Raymond vient de lui confier la garde absolue de Brandon.

- Non, ce n'est pas possible...

Tous les regards se portèrent sur Gina. Durant une fraction de seconde, son armure, son arrogance, sa rage se brisèrent et laissèrent voir, aux yeux de tous, la profonde détresse d'une mère. Puis, elle se transforma à nouveau en ce qu'elle était devenue : Gina DeMott comme habitée par une autre femme, une certaine Robin Mattson.

- Tu ne peux pas me faire cela, Channing. Brandon m'aime. Je suis sa mère.

Channing n'écoutait plus. Il avait repris le contrôle de la vie de son petit-fils, contrôle qu'il avait perdu en 1979.

Mason, tout en maintenant Gina, s'approcha de son père.

- Papa, tu ne peux pas faire cela. Tu ne peux pas jouer avec la vie de Brandon comme cela.

- Oh, arrête ! Brandon est mon héritier, c'est normal qu'il retrouve sa place au sein de la famille Capwell.

- Mais pas ainsi. Gina est sa mère !

- Sa mère ! Laisse moi rire. Même un crocodile a plus de sentiments maternels qu'elle...

Gina se précipita sur Channing. Elle l'agrippa au cou et tous deux tombèrent à la renverse. Pendant un moment, tout le monde s'écarta, comme pour montrer qu'ils valaient mieux les laisser se battre. Puis Ted sépara son père de Gina. C.C. avait du mal à retrouver son souffle.

- Eloignez-moi cette femme, elle a essayé de me tuer !

- Papa...

- Laisse-moi, Ted !

Lentement Channing retrouvait le contrôle de lui, tandis que Mason maintenait fermement Gina dans ses bras. Au bout de quelques secondes, elle repassa à l'attaque.

- Channing, tu ne peux pas me le prendre, c'est mon bébé, mon petit garçon.

- Gina ! Cette fois-ci, tu as perdu. Brandon est à moi. Tu n'as plus aucun droit sur lui.

- Non. Prends-moi tout ce que tu veux, mais pas mon Brandon...

 

Julia, qui venait d'arriver accompagnée de Bobby Ewing, assista à toute la scène et son coeur s'emplit de peine lorsqu'elle vit la tendresse que mettait Mason à consoler Gina.

Mason murmurait des paroles douces à Gina. Il essayait de la calmer. Et lorsqu'il sentit que c'était le cas, il s'approcha à nouveau de son père.

- Ne vois-tu pas que tu es en train d'augmenter les souffrances de Brandon et de ces deux femmes ? Brandon n'est pas une récompense, ni pour toi ni pour l'une de ces deux mères.

- Mason, arrête. Je te connais, tu t'inquiètes pour ton héritage... Ou pour l'une de ces deux femmes qui se sont toutes les deux refusées à tes avances.

- Ah, mon héritage... Je m'en moque de mon héritage. Je te parle de Brandon et de la souffrance, du vide, de l'absence que tu es en train de construire dans son coeur. Comment crois-tu qu'il va se sentir lorsqu'il sera sans nouvelle de Gina, de sa mère ?

- Il s'y habituera.

- Tu ne comprends donc rien, papa. Regarde ce que tu as fait à Pamela et à moi. Regarde ce que nous sommes devenus...

- Arrête. Brandon n'est pas comme toi. Toi, tu n'es rien. Lui, il...

- Il n'est pas Channing Junior.

Les derniers mots résonnèrent avec violence dans le hall. Tout le monde dévisageait Mason et son père.

- Il n'est pas Channing Junior et il ne le sera jamais. Channing Junior est mort. Mort. Mort.

Doucement, Channing contracta son poing et cogna Mason en plein visage.

- Tu peux me frapper encore et encore, cela ne fera pas revenir Channing.

- Espèce de...

- Ahahaha... Je reconnais bien là mon père... Ce grand homme... Tu nous en veux à tous d'être vivants, parce que Channing n'est plus là. Mais réfléchis bien : l'aimerais-tu autant s'il était encore vivant ?

- Arrête Mason, tu dépasses les bornes.

- Tu oublies que Channing Junior est le fils de Lionel. Et détail important, qu'il était homosexuel....

N'en pouvant plus, C.C. se rua sur Mason.

- Tu vas te taire... Tu vas la fermer !

Warren et Ted se précipitèrent pour séparer le père et le fils. Lorsque ce fut fait, la tension augmenta encore d'un cran, lorsque Ted se plaça du côté de Mason.

- Papa, laisse Gina voir son fils. Elle l'aime...

- Non, pas toi aussi.

Et soudain, le regard de Channing croisa celui de Sophia. Elle se tenait dans l'encadrement d'une porte, appuyée sur le bras de Lionel. Sa colère explosa. Il se senti trahi par tous les siens.

- Brandon est à moi maintenant. Sortez tous d'ici, avant que j'appelle la police pour vous faire expulser...

Alors que Channing hurlait ses ordres, le docteur était allé chercher des agents de sécurité qui obligèrent tout le monde à quitter les lieux. Seul Channing resta, à attendre des nouvelles de Brandon.

En s'éloignant, Gina essaya de s'approcher de lui. Elle lui posa une main sur l'épaule.

- Channing, si tu veux, je peux rester...

- De quel côté es-tu, Sophia ? Du mien ou de celui de Mason ?

Sophia leva les yeux vers ceux de l'homme qu'elle aimait. En dépit de tous ses défauts, elle ne pouvait empêcher son coeur de battre au même rythme que celui de Channing. Et ce, même si très souvent, ils ne partageaient pas les mêmes idéaux.

- Va t'en, Sophia. Je ne peux supporter de lire dans tes yeux ta trahison.

- Channing, je t'aime...

- Va t'en...

Et Sophia s'en alla, après avoir regardé longuement, une dernière fois, l'homme de sa vie. 

Resté seul, le corps de Channing se plia sous le poids de sa détresse et de sa solitude. Bien qu'il ne voulait pas y penser, il ne pouvait empêcher son esprit de lui rappeler le passé : Pamela et l'abandon de Mason, Elena, cette fille qu'il n'avait pas connue, Channing Junior et le secret de sa naissance, Sophia et sa tragique disparition, et Brandon...

- Il faut que ce soit la bonne solution. Il ne peut y en avoir d'autres, si je dois laisser un héritier à la famille... 

A l'écart, dans un autre hall de l'hôpital, près d'un distributeur de café, Mason consolait Gina. Elle semblait réellement abattue. Warren et B.J. raccompagnaient Santana dans sa chambre. Quant à Ted, il déambulait entre Mason et Channing, cherchant sa place entre son père et son frère qu'il aimait. Il savait qu'un jour, il lui faudrait choisir un camp : mais comment choisir entre un père et un frère ? 

Cachée derrière Bobby Ewing, Julia Capwell observait son mari.

- Vous les connaissez, ces gens ? Moi, ils me rappellent un peu ma famille. A Dallas, c'est comme cela tous les jours...

- C'est mon mari, là...

- Ah, je comprends pourquoi vous ne souriez plus alors... 

Face à eux, Mason et Gina semblaient danser une bien étrange danse. Gina s'accrochait littéralement aux bras de Mason; elle était anéantie par la nouvelle, par le comportement de Channing, qui ne l'étonnait pas plus que cela. Gina ne cessait par ailleurs de parler de vengeance; son esprit s'activait à mettre en place un plan pour détruire Channing et dont la monnaie d'échange serait la garde de Brandon.

Mason, lui, en voulait à son père de se servir de Brandon. Il retrouvait là, dans les agissements de son père, le même comportement qu'il avait eu avec lui, des années plus tôt, lors du divorce d'avec Pamela. La même rage possédait Channing Capwell, une rage qui était parfaitement capable de séparer une mère de son fils, quel que soit la force de l'amour qui les reliait l'un à l'autre.

- Je te promets, Gina, que je ne le laisserai pas se servir de Brandon. Il n'en fera pas son héritier, comme il dit. J'ai trop souffert de mon côté pour le laisser agir de même aujourd'hui.

C'est alors que Mason remarqua la présence de son épouse. Très vite, il s'écarta de Gina pour aller la rejoindre. Et ignorant complètement la présence de l'homme à ses côtés, il la prit amoureusement dans ses bras.

Julia restait tendue, ne répondant que timidement à son étreinte.

- Je suis là, chérie. Je suis rentré, tout va s'arranger.

- Je l'espère.

Du milieu de la pièce, Gina observait la scène. Ses yeux se plantaient dans ceux de Julia, comme pour lui dire qu'il était revenu pour la soutenir elle.

- Je vais reconduire Gina à l'hôtel et après je viendrai te rejoindre et je t'expliquerai tout.

- Tu vas...

Julia n'en croyait pas ses oreilles.

- Mason, moi aussi j'ai besoin de toi. Bien plus qu'elle !

- Je sais. Mais je ne peux pas la laisser dans cet état. Channing vient de lui prendre Brandon.

- Et ?

- Ne vois-tu pas qu'il se sert de lui, comme au moment de sa naissance ? Il fait miroiter devant Gina et Santana la garde de cet enfant, sans se préoccuper des conséquences sur Brandon ou sur elles.

- Et c'est là qu'intervient le grand Mason !

Mason se libéra des bras de Julia.

- Ne sois pas jalouse, je te prie. Je m'occupe de Brandon.

- Non, Mason. D'après ce que je viens de voir, tu t'occupes de Gina. Seulement de Gina !

Très vite, le ton monta entre eux. Tant de non-dits restaient en suspens depuis l'accident qui avait coûté la vie à leur bébé. Julia, depuis ce triste jour, n'avait pas pu avoir une seule seconde d'entretien avec son mari, et elle gardait en elle tant de pleurs, tant de rage, tant de colère. De son côté, Mason poursuivait de cacher derrière une certaine arrogance, ses blessures. Blessures qui venaient d'être mises à nu par le comportement de son père. Il revivait au travers de Brandon toute la souffrance qu'il avait connue lorsque Channing avait mis à la porte Pamela, sa mère. Depuis ce jour, il n'avait plus jamais été le même. Et à présent, l'histoire se répétait...

- Julia, je t'en prie... Ce temps-là est bien fini.

- Mason, peux-tu venir ? J'ai besoin de toi. Je suis si lasse.

Tous les regards se portèrent sur Gina, qui appelait à l'aide son chevalier servant.

- Va la rejoindre... Et tu peux toi aussi passer la nuit à l'hôtel. Sam et moi nous pouvons encore attendre avant de te voir. Attendre que Gina en ait fini avec toi !

C'est alors que Mason remarqua la présence de Bobby Ewing, qui soutenait d'une main ferme Julia.

- Et j'imagine que lui, il te sert de baby-sitter...

- Ne soit pas insultant, Mason.

- Oh arrête avec tes leçons de morale, Julia. Si ce n'est pas Donnelly ou Nichols, cela doit être un autre.

Puis, il s'adressa à Bobby Ewing.

- Je ne sais pas qui vous êtes ou ce que vous attendez, mais Julia fait toujours cela lorsque je m'absente. Il faut qu'elle se trouve un dérivatif... Moi, j'ai l'alcool, elle c'est les...

CLAC !

La gifle qu'administra Julia à Mason déchira le silence.

- Aurais-je mis dans le mille ?

Et Mason adressa son plus joli sourire à Bobby, puis à Julia.

- J'ai toujours aimé lorsque tu te montrais jalouse.

- Mason, va t'occuper de l'autre... Et ne rentre pas à la maison pour le moment. Je te ferai suivre tes affaires directement à l'hôtel. A moins que tu ne veuilles renouer avec le passé...

- Arrête Julia, là tu deviens pathétique...

Bobby s'interposa alors.

- Laissez-le, il n'en vaut pas la peine. Venez, je vais vous reconduire.

- Lâchez-là !

Et Mason chercha à séparer Julia de Bobby Ewing. Les deux hommes en vinrent aussitôt aux mains. Julia, profondément blessée, s'éloigna. Elle n'en pouvait plus de toute cette violence : d'abord Gracie, puis Mason...

La bagarre tourna rapidement à l'avantage de Bobby.

- Je vous conseille de ne plus lui manquer de respect.

- C'est ma femme...

Bobby se releva et rattrapa Julia dans les couloirs.

- Venez, je vais vous conduire dans un endroit qui vous fera oublier toute cette soirée.

 

Villa Capwell.

Comme depuis le départ de Sophia, Channing mangeait seul dans l'atrium de sa villa. Tout en avalant rapidement une salade mexicaine, il lisait le dernier compte-rendu de la bourse. La fin du procès des Entreprises Capwell n'avait pas relancé, comme il l'espérait, le cours de l'action de sa société. C'est à peine si elle avait repris trois points. Dans un même temps, l'action de Pacific Sud ne cessait de progresser. A ce rythme là, Augusta et lui pourraient très rapidement étendre le projet et ainsi construire le pipeline qui amènera l'eau potable dans la vallée, de l'autre côté de la montagne.

Channing, sentant une certaine lassitude, dénoua sa cravate.

- Les choses vont bientôt rentrer dans l'ordre. Brandon va aller mieux, il va venir vivre ici et je pourrai en faire mon héritier, quoique les autres peuvent en dire.

- C'est bien cela, ce qu'il te manque, un héritier.

Surpris par cette présence, Channing se retourna et se trouva face à face avec Pamela. Il ne lui laissa même pas remarquer son trouble. Depuis 1991 et son internement en asile psychiatrique, il n'avait pas eu de nouvelles de sa première épouse.

- Ne prend pas ton air outré, Channing, nous sommes en quelques sortes de vieilles connaissances...

- Que viens-tu faire chez moi ?

- Je pourrais te dire que j'ai vu de la lumière et que je suis entrée, mais ce n'est pas le cas...

- Ils ont osé te laisser sortir de ton asile de fous ?

Pamela, tout en parlant, promenait son regard sur la décoration de la villa.

- Je ne te l'ai peut-être jamais dit, mais j'ai toujours adoré cette villa. Je me suis toujours sentie chez moi.

- Elle n'est pas à toi, Pamela, et quoique tu fasses, elle ne le sera jamais. Alors dehors !

- Tu ne veux pas prendre cinq minutes et parler du bon temps, comme de vieux amis qui se retrouvent ?

- Non. Je n'ai pas de souvenirs agréables...

- Je me souviens pourtant de mon retour où nous avons presque failli nous retrouver, il me semble.

La colère montait chez Channing. Il ne réalisait pas combien toutes ses ex-femmes lui tapaient sur les nerfs. La sonnerie à l'entrée de la villa lui permit de s'éclipser. Il alla ouvrir et se trouva nez à nez avec Connor McCabe, accompagné de plusieurs policiers.

- Est-ce trop demander que d'avoir une seule soirée de répit ?

- Je suis navré, Monsieur Capwell.

- J'en doute. Alors, c'est pourquoi cette fois-ci ?

Les hommes en bleus pénétrèrent dans la villa.

- Je voudrais des informations sur Franco Parisi. Par exemple, savoir pourquoi il est mort et a été retrouvé chez vous ?

- Cela tombe bien, Channing, moi aussi je serais curieuse de savoir comment Franco est mort ? D'autant qu'il y a peu, Eden et Kelly ont toutes les deux eu d'étroites relations avec les jumeaux Parisi...

Channing fut contraint et forcé de présenter Pamela à Connor. Et du regard, C.C. fusilla son ex-femme.

- Monsieur Capwell, qu'avez-vous à dire ?

- Rien. Je n'ai rien à dire. Ni ce soir. Ni demain. Franco Parisi est mort, et si vous voulez savoir pourquoi il est mort sur mes terres, il faut lui poser la question...

Channing détourna la tête vers Pamela.

- A qui ?

- A Franco lui-même, car je n'en sais rien. Maintenant, bonsoir. Si vous n'avez rien d'autre à faire, je vous demande de quitter ma propriété. Et toi aussi, Pamela.

Tout le monde ressortit de la villa. Et au moment où Channing refermait la lourde porte de bois, Pamela revint sur ses pas.

- Channing, je serais curieuse de savoir qui tu protèges cette fois. L'un de tes enfants : Mason, Eden ou Kelly. A moins que cela ne soit Sophia... Après tout, ce n'est pas la première fois qu'elle tuerait quelqu'un...

- Dehors...

Channing referma la porte avec violence. Il n'en pouvait plus. Le seul point positif de cette journée est qu'il venait, grâce à Brandon et Channing Creighton Capwell Lockridge, de trouver des héritiers pour lui succéder. Il gagna la salle à manger de la villa et son regard se perdit sur l'immense tableau du portrait de famille. Il songea à Eden, sa fille aînée, qui lui manquait tant...

 

Poste de police de Santa Barbara.

Julia n'avait rien perdu de sa mauvaise humeur : depuis hier, les choses ne se déroulaient pas comme elle le souhaitait. D'abord, il y avait ce Bobby Ewing qui, tout au long de la soirée, lui avait posé des questions sur le projet Pacific Sud, avant de lui faire si gentiment la cour. Ensuite, il y avait Mason qui, dès son retour, s'était précipité dans les bras de Gina, comme à leur habitude... Et maintenant, il y avait ce coup de fil de Connor pour lui demander, non, lui ordonner, de venir sur le champ au poste, car Gracie commençait à parler avec Mason.

Julia gara rapidement sa voiture et se précipita dans la salle d'audition des témoins. Mason était là, habillé comme la veille, auprès de Gracie. Tout de suite, il se leva vers elle, mais Julia le stoppa du regard : elle ne voulait pas d'une scène ici, et la nuit passée n'avait rien effacé.

- Mason, nous parlerons après.

- Comme tu voudras. Je viens de m'entretenir avec Gracie...

Mason fit alors un compte-rendu détaillé de sa conversation avec Gracie. Julia, immobile, écoutait. Les paroles de son mari glissaient sur elle et, de temps à autre, elle dévisageait Gracie. Mais, en dépit de tous ses efforts, elle ne parvenait pas à éprouver de la compassion pour elle. Pour elle, les choses restaient très simples : elle avait tué son fils et menti à la police. Et pire que tout, elle lui avait menti à elle, alors qu'elle lui faisait pleinement confiance. Non, rien au monde ne pouvait excuser un tel acte.

Julia et Mason finirent par quitter la pièce et se retrouvèrent autour d'une tasse de café.

- Tu te rends compte, elle n'a que 16 ans. Comment peut-elle savoir ce qui est bien et ce qui est mal ?

- Mason, je t'en prie, pas de cela avec moi. N'essaye pas de me convaincre qu'elle peut être excusable... Garde ta plaidoirie pour le procès, mais avec moi cela ne marchera pas.

- Julia, Julia... Plus je te regarde et plus je t'admire... Cette force, cette détermination que rien ne peut ébranler... Ne vois-tu pas que le monde n'est pas comme toi ? Que Gracie n'est pas aussi forte que toi ?

- Non, Mason, tu te trompes, je ne suis pas si forte... Et je fais de mon mieux pour résister... Comme aurait pu le faire Gracie.

- Elle ne savait pas comment faire. Elle voulait vivre sa vie, la vie d'une jeune fille de 16 ans...

- Et parce qu'elle voulait vivre comme tout le monde, cela explique son acte ? Non, cela ne marchera pas au tribunal, pas avec des mères.

- Et que voulais-tu qu'elle fasse, Julia ? Elle ne pouvait pas faire autrement... Dans son raisonnement, elle n'avait pas d'autres choix. Je sais que c'est horrible et je mesure parfaitement le poids de mes mots, mais dans sa logique qui lui est propre, c'est Chester qui l'empêchait de vivre sa vie. Il y avait sa vie d'avant Chester et sa vie d'après. Et là, elle ne parvenait pas à concilier les deux. Sa vie d'avant n'était pas encore terminée qu'il a fallu qu'elle devienne une autre. Et elle n'était pas prête. Elle n'était pas prête à laisser partir l'autre Gracie, l'insouciante Gracie, celle d'avant, pour devenir une mère... Crois-moi, il lui a fallu bien plus de courage que tu ne penses pour prendre cette décision...

Julia ne tenait plus en place. L'électricité qu'elle dégageait irradiait d'elle, de partout.

- Du courage... Non, ce n'est pas du courage. Parle-moi de folie, je veux bien, mais pas de courage. Elle a tué son enfant, et aucune mère au monde ne pourra le lui pardonner. Un enfant, cela nous prend aux tripes. Oui, c'est terrible, c'est une part de nous qu'on nous arrache pour devenir une autre. Et lorsqu'on le tient dans ses bras, je peux t'assurer que la vie d'avant, quelques soient les rêves d'alors, réalisés ou non, plus rien n'a plus aucune importance. Ce petit être est en nous. En nous.

- Julia, justement... Il n'était pas en elle...

- Arrête, Mason... Je ne peux pas cautionner un tel acte, c'est tellement... à l'opposé de ce que je suis. Quand je pense que nous l'avons laissée rentrer dans notre maison, que nous l'avons laissée garder Sam... Et quand je pense à ce qu'elle aurait pu lui faire...

- Julia, viens...

Mason attira sa femme contre lui. Julia se laissa aller un moment contre le corps si solide en apparence de Mason.

- Je ne peux pas la défendre. Elle est coupable... A mes yeux, elle est coupable...

- Chut... Chut... Va lui parler. Ecoute-la.

- Non, Mason. Cela m'est impossible. C'est bien au-delà de mes forces. La seule chose que je peux faire, c'est appeler Skyler Gates pour qu'il la voit. Et c'est tout. Si tu veux la défendre, ne te gènes pas. Mais ne compte pas sur moi.

- Et pour nous ?

Julia s'écarta.

- Pour nous... Es-tu prête à nous défendre, nous aussi, ou préfères-tu laisser tomber ?

- Je ne sais pas, Mason. Pour le moment, je ne sais pas. Je voudrais être avec toi, je le jure. J'ai besoin de toi. Sam aussi a besoin de toi. Mais j'ai si peur de ce qui pourrait arriver si...

- Il ne s'est rien passé avec Gina...

- Je le sais. Je t'aime, Mason, mais j'ai besoin d'un peu de temps. Je voudrais que tu me dises certaines choses...

La sonnerie du portable de Mason les interrompit.

- Il faut que je parte. Le puissant Channing a besoin de son fils... Un de ses anciens associés, une vieille connaissance, a été retrouvé mort dans le parc de la villa.

- Oui, il s'agit de Franco Parisi.

En entendant le nom, Mason pâlit et quitta la pièce.

 

A bord du Kallysta.

Augusta Lockridge monta sur le pont du bateau de son ex-mari. Elle trouva tout de suite Sophia qui, de la pointe avant du bateau, observait la baie de Santa Barbara.

- La grande différence entre vous et moi, c'est que je préfère être parmi ces lumières plutôt que de les contempler.

Surprise, Sophia se détourna.

- Ah, Augusta...

Augusta sortit deux flûtes et une bouteille de champagne. Sophia ne parut pas surprise de l'absence de gène qui caractérisait Augusta. Elles se connaissaient sur le bout des ongles.

- Je ne vous invite pas...

- Grand Dieu, non, je suis chez moi. Ici, c'est vous l'invitée.

Augusta remplit les deux flûtes.

- Au rétablissement de Brick !

- Merci, mais je doute que vous êtes venue me parler de l'état de santé de mon fils.

- C'est exact. Mais vous savez, Sophia, tout comme vous, je suis une mère et je me fais toujours du souci pour chacun de mes enfants, pour Laken ou pour Warren. J'ai toujours été prête à les aider, à les protéger et à me battre pour eux...

Comme le soulignait Augusta, elles avaient cela en commun : telles des lionnes, elles étaient prêtes à tout pour défendre leurs enfants.

- Sincèrement, je prie pour qu'il se réveille. Un si bel homme, c'est dommage de le voir dans cet état...

Augusta se resservit.

- Sophia, je voulais savoir ce qu'il en était de votre relation avec Lionel.

Décontenancée, Sophia ne sut que répondre.

- De ma relation avec Lionel ?

- Oui, parce que, que vous couchiez ensemble, ne me gène pas. Ce qui m'ennuie, c'est que pendant ce temps, Channing est libre. Je voudrais bien lui mettre le grappin dessus, mais honnêtement, j'ai peur de m'ennuyer avec lui.

- Mais...

- Sophia, Lionel est à moi. Nous avons lui et moi une étincelle que personne n'a en ville. Je sais que nous allons nous retrouver. Alors, si vous retournez auprès du second homme de votre vie, Channing, je vous fais cadeau des parts d'Armonti's que je possède. Je me suis renseignée, avec celles que j'ai et les vôtres, vous pouvez reprendre le contrôle de votre société. Sophia, je vous laisse jusqu'au grand défilé pour me donner une réponse. En fonction de vous, je verrai si je cautionne la nouvelle présidente ou non... Sur ce, bonne soirée...

 

Club 71.

Tout de suite après, Augusta débarqua au Club 71, où l'attendait sa soeur Julia et un certain Bobby Ewing, envoyé d'un sénateur, pour la questionner sur le projet de Pacific Sud. Augusta débarqua dans une tornade de joie et de bonne humeur et, lorsqu'elle entra, nombreux furent les regards masculins qui se tournèrent vers sa silhouette à l'allure de tigresse.

- Si Julia m'avait dit que c'était un charmant jeune homme, je me serais déshabillée pour l'occasion...

Augusta plongea son regard dans les yeux noirs de Bobby Ewing, lui faisant parfaitement comprendre que la discussion pouvait durer toute la nuit. D'ailleurs, alors qu'elle répondait à ses questions, elle se laissa à caresser la cuisse musclé du texan. Ce dernier ne broncha pas. Mais lorsqu'ils en eurent terminé du projet et que la discussion prenait un tour plus personnel, Bobby regarda Augusta avec détermination.

- Excusez-moi, mais pour le reste de la soirée, Julia m'a réservé rien que pour elle.

Et aussitôt, il se tourna vers la malheureuse et l'embrassa à pleine bouche.

Dépitée, Augusta quitta les lieux.

 

Bureau de Warren Lockridge au Santa Barbara Conscience.

Habillée en tout et pour tout de la chemise de son mari, B.J. terminait de lire l'éditorial de demain. Warren avait opté pour un long éditorial : en effet, il retraçait en deux pages le destin des femmes de Santa Barbara. Et au travers d'elles, il réalisait une très belle parabole sur la souffrance et la violence actuelle.

- C'est un bel article, mon chéri. Un peu long, mais très ancré dans notre époque.

- Tu ne penses pas que c'est trop personnel ?

 

- Non. Bon d'accord, on reconnaîtra tout de suite l'affaire de Gracie et le dilemme de ta tante. Pour Santana et Gina, seules les personnes proches pourront faire le parallèle. C'est d'autant bien écrit que tu conclues sur la souffrance que nous laissons en héritage, à nos enfants... Je ne peux m'empêcher de penser à Brandon.

 

- Je le connais, il s'en remettra. Avec une mère comme la sienne, il ne peut que s'en remettre...

 

B.J. s'assit sur le bureau de bois, attendant que son mari daigne revenir de la salle de bains.

 

- Tu sais, je ne peux aussi m'empêcher de penser à l'héritage que Cruz m'a laissé et qu'il va pouvoir laisser à ses autres enfants, à présent qu'il est tout seul... A voir le destin des Capwell, cela ne donne pas envie de faire partie de cette famille.

 

- C'est un peu partout pareil... Regarde chez moi...

 

- Quand je vois ta mère, je m'interroge sur l'héritage qu'elle va te laisser...

 

- Un brin de folie et d'excentricité...

 

Warren terminait de remettre les bretelles de son pantalon sur son torse nu.

 

- Un peu comme cela...

 

Warren attrapa sa femme et, lentement, la couvrit de baisers.

 

- Hum... La prochaine fois que je verrai ta mère, je te promets de la regarder différemment.

 

Jardin japonais de Santa Barbara.

 

Santa Barbara, ce soir, avait mis son habit de fête. La ville entière s'était parée d'or et de lumières pour accueillir l'unique défilé d'Armonti's. Tout le monde attendait dans la parc japonais de la ville, réaménagé pour l'occasion. Au centre du parc, flottant sur le l'eau, courrait un pont de bois qui servirait aux défilés des mannequins.

A l'entrée du parc, Deana Kincaid, secondée par son photographe, surveillait toutes les allées et venues des limousines. Si Venise Armonti était déjà présente sur les lieux, avec les autres actionnaires de la société, il manquait encore Sophia Capwell Armonti. Il se murmurait même qu'elle n'assisterait pas au défilé. Soudain, tous les regards se tournèrent vers le couple qui descendait d'une voiture. Il s'agissait de Pamela Pepperidge Capwell Conrad et de son fils Mason Capwell. Mason, bien que surpris par le retour inattendu de sa mère, n'avait pas eu d'autre choix que d'accepter l'invitation de Pamela, d'autant plus que depuis sa dispute avec Julia, il habitait à l'hôtel Capwell. Julia, elle, n'était pas venue. Elle préférait passer la soirée aux côtés de Daniel et de Greg. Ce dernier, bien que fils de C.C. Capwell, n'avait pas reçu de carton d'invitation. Mason et Pamela rentrèrent dans le parc sans accorder le moindre mot à Deana. Elle imaginait qu'ils se réservaient pour Warren et B.J. et leur  journal.

Un long moment plus tard, Sophia Armonti se montra enfin. Elle était escortée du plus jeune de ses enfants et le héros de la semaine, Ted. Pour l'occasion, Sophia portait une magnifique robe de soirée vert émeraude. Le teint pâle, les traits tirés, Sophia se laissa photographier, puis s'empressa de rentrer dans la tribune officielle, en prenant bien garde de ne pas croiser Venise. Dès son arrivée, George se précipita sur elle pour lui parler de la situation de la société. La donne avait encore changé : Venise ne possédait plus autant d'actions, et surtout elle était à cours de liquidités pour pouvoir en racheter de nouvelles. Certains petits porteurs seraient prêts à la destituer si Sophia se représentait pour le poste de présidente. Il se murmurait qu'une tierce personne achetait en cachette les actions. Sophia ne le savait que trop bien : Augusta Lockridge lui avait proposé de lui céder ses parts en échange de la liberté de Lionel. Sophia chercha du regard C.C.. Et elle tomba tout de suite sur Pamela. Les deux femmes se toisèrent un moment, mais ni l'une ni l'autre n'osa ouvrir les hostilités.

Pendant que Sophia et Pamela se jugeaient, une limousine noire, portant le blason des Capwell, s'avança jusqu'à l'entrée du parc. Lentement, tout de noir vêtu, Channing en descendit et alla ouvrir la portière à son invitée : Augusta arriva, toute en lamé or et satin rouge. Les flashs crépitèrent et Augusta et Channing se laissèrent prendre au jeu. Augusta se risqua même à parler un moment avec Deana Kincaid.

Hôpital de Santa Barbara.

Pendant ce temps-là, Gina s'absenta un moment de la chambre de Brandon. Pour pouvoir accéder à la chambre de son fils, Gina avait dû se déguiser en femme de ménage. Le visage recouvert de maquillage noir, Gina referma lentement la porte. Elle sortit son téléphone portable et laissa un message sur le répondeur de Kirk.

- Kirk, c'est Gina. Je veux tout savoir ce que savait Jack Lee sur Franco Parisi. Votre prix sera le mien.  A une vieille connaissance comme moi et qui a en plus un ennemi commun...

Jardin japonais de Santa Barbara.

Le défilé Armonti s'achevait sur une note de réussite absolue. Dans les coulisses, Venise jubilait. Tout s'était passé à merveille. Critiques et presse se montraient unanimes : il s'agissait d'une très grande réussite.

- Venise, cela va être à vous dans une minute.

Autour du podium principal, une foule de techniciens s'afférait. Le ponton de bois était en train de se transformer en temple japonais, et toute la foule se concentrait devant.

Perdue au milieu de la foule, Sophia s'accrochait à Ted, blessée dans son orgueil de femme par le jeu sinistre que jouait Pamela. Dès qu'elle avait vu Channing, elle s'était précipitée sur lui, telle un cobra guettant sa proie avant de la mettre à mort. D'après ce que lui avait raconté Ted, c'était même Augusta qui, à plusieurs reprises, avait sorti Channing des griffes de cette femme.

Augusta, elle, se félicitait. Elle venait de rendre les pleins pouvoirs sur Armonti's à Sophia. Dans l'enveloppe qu'elles venaient de s'échanger, Sophia récupérait plus de 15% de sa société, en échange de la liberté de Lionel. Augusta se souciait peu de Lionel, ce qu'elle voulait en réalité c'était écarter Channing de la gestion de Pacific Sud. Il s'agissait de son projet et elle entendait bien le gérer toute seule.

Soudain, l'obscurité se fit. Et T.J., habillé d'un kimono transparent qui mettait parfaitement en valeur sa musculature, se présenta sur la scène. Une multitude de lampions japonais s'illuminèrent. T.J. présenta les remerciements et annonça l'arrivée de la gérante de la société et organisatrice de cette soirée, ainsi que l'héritier d'Armonti's.

Venise se présenta au centre de la scène, habillée d'une magnifique robe fourreau bleu nuit. Derrière elle, un écran géant retransmettait la scène. La foule semblait fascinée par la mise en scène. T.J. poursuivait.

- A l'occasion de cette merveilleuse soirée, Marcello Armonti, héritier en titre de la famille Armonti, afin d'honorer et de remercier Venise pour la réussite de cette soirée, souhaite lui faire un cadeau tout particulier. Un cadeau qui appartient à la famille depuis de très nombreuses générations...

Sur l'écran géant, la silhouette de Venise se transforma. Au début, personne dans la foule ne remarqua le changement de l'image.

Sophia, qui se trouvait dans les premiers rangs, reconnut tout de suite la robe. Il s'agissait de la réplique exacte de la robe que le Comte avait exigé qu'elle porte lors de sa présentation officielle. Ce jour-là, elle portait aussi comme seul et unique bijou le diadème Armonti, constitué de nombreux diamant. En levant les yeux sur l'écran, Sophia se reconnut sur l'image : la silhouette diffusée était la sienne.

- Non, ce n'est pas possible...

Effectivement, la femme sur l'écran n'était plus Venise Armonti, mais Sophia Armonti. Alors que T.J. continuait ses éloges sur Venise, tout le monde remarqua que les images diffusées montraient Sophia et non pas Venise. Le diadème scintillait sur les cheveux d'or de Sophia. Les deux silhouettes de femmes se superposèrent et, dans un éclair, le diadème prit possession de l'écran. Il irradiait littéralement.

Sophia s'accrocha au bras de Ted, consciente que quelque chose se tramait. Elle chercha d'ailleurs à s'éloigner et se réfugia à proximité de Channing, qui se trouvait en pleine conversation avec Gianni.

Sur l'écran, une nouvelle silhouette apparut. Ce n'était plus Venise Armonti. Ce n'était plus Sophia Armonti. Il s'agissait de Lisa / Eden Capwell Cranston Castillo. Sur les images, elle descendait un large escalier de pierre. Elle portait la robe bleu nuit et le diadème sur les cheveux.

Sur l'estrade, Venise se retourna et hurla : NNNOOONNN ! !

D'autres qui avaient reconnu Eden dans le public criaient son nom : Eden !!...

A l'écart, le regard de Channing et de Sophia se tourna vers la même silhouette qui s'avançait vers eux. Eden, au bras de Marcello, marchait à ses côtés. Eden resplendissait et ressemblait tant à sa mère que Sophia crut se voir dans un miroir.

- Ma petite fille ! !

Sur le podium ce fut l'obscurité. Et le silence.

Autour de Channing, Sophia, Gianni, Marcello et Eden, ce fut aussi le silence.

 

A l'hôpital, dans la chambre de Brick, ce fut aussi le silence. Les différentes machines qui le maintenaient en vie s'arrêtèrent.

Le silence s'imposa aussi dans la chambre de Brandon.

 

Au devant de Channing et de Sophia, se tenait immobile Eden, qui ne semblait pas les reconnaître. Derrière, Marcello souriait.

- Nous voici entre vieilles connaissances, le reste n'a que peu d'importance...

Channing remarqua alors le canon du revolver que Marcello pointait sur Eden.

- Je me souviens d'un 20 mai où j'ai failli avoir ma vengeance. Ce soir, cela sera la bonne. Grant et toi, vous m'avez pris ma soeur. Ce soir, je vais vous prendre bien plus qu'un enfant... Vous allez savoir toute la vérité, rien que la vérité, je le jure ! AH AH AHA AH...

Tout en parlant, Marcello conduisit sa petite troupe à l'écart. Ils prirent un ponton de bois et se retrouvèrent bientôt isolés au milieu d'un petit lac, invisible aux yeux du monde.

- Je vous avais promis que je reviendrais... Channing, un jour je t'avais dit que je te prendrai tes enfants pour venger ma soeur. Et bien cela va être chose faite. Eden sera ma seconde victime...

Sophia supplia Marcello d'arrêter, elle supplia Eden de revenir à elle.

- Laisse, Sophia, il a dû l'hypnotiser ou la droguer... Marcello, je ne sais pas à quel jeu tu joues, mais cela ne va pas se passer comme tu l'as prévu !

- Oh que si, Channing. Cette fois-ci, il n'y aura personne pour vous sauver...

Chapitre 30