Santa Barbara, Acte 2

Chapitre 26 : S'il suffisait...

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S'il suffisait qu'on s'aime, s'il suffisait d'aimer

Si l'on changeait les choses un peu, rien qu'en aimant donner

S'il suffisait qu'on s'aime, s'il suffisait d'aimer

Je ferais de ce monde un rêve, une éternité...

Poste de Police de Santa Barbara.

Assise dans la salle d'interrogatoire du poste de police, Gracie Lively tenait fermement ses bras repliés autour d'elle. A chaque pause dans l'interrogatoire de Connor, Gracie fredonnait une chanson de Céline Dion : «Je rêve son visage, je décline son corps...». Elle se rattachait indubitablement à cette mélodie, comme ci elle avait le pouvoir de ne pas sombrer.

Depuis le début de la matinée, Connor McCabe l'interrogeait en présence de Julia Capwell. L'enquête n'avançait pas. Gracie racontait toujours les mêmes phrases, ne tenant pas compte ni des questions, ni de l'inexactitude des faits qu'elle rapportait. Elle était rentrée de la soirée à l'Oasis. Elle avait retrouvé Chester qu'elle avait confié à une amie dont l'identité changeait régulièrement, puis s'était levée dans la nuit et, au matin, elle avait retrouvé Chester, son Chester, mort.

- Je ne crois pas sa version, Julia. C'est comme cela... Je sens qu'il y a quelque chose derrière qu'elle ne peut pas ou ne veut pas nous dire...

- Connor, je la connais. Je crains de deviner ce que tu penses et je préfère t'arrêter tout de suite, ce n'est pas possible. Je la connais. Vous qui n'avez pas d'enfant, vous ne pouvez pas comprendre ce que c'est d'avoir cette part de nous, vivante, qui soudain n'est plus. Quand j'essaye de me mettre à sa place... Connor, un jour on m'a pris Samantha et je peux vous assurer que je n'étais plus rationnelle... Ma raison m'avait quitté parce que mon envie de vivre n'était plus là. Je ne voulais qu'une seule chose, c'est qu'on me rende mon bébé...

- D'accord, mais...

- Mais quoi ? Elle a trouvé son fils mort. C'est naturel qu'elle soit incohérente. Elle a besoin d'aide, pas qu'on la harcèle de questions.

Julia leva les yeux vers la pendule.

- Il est temps que j'aille au tribunal. Envoie-lui un psychiatre au lieu de l'interroger. Au cours de sa thérapie, elle acceptera la mort de Chester et elle pourra te raconter la chronologie de cette soirée.

- Peut-être...

- Appelle si tu veux de ma part le docteur Skyler Gates. Il a aidé B.J. et je crois qu'il pourra aider Gracie...

 

Rue de Cancun, Mexique.

Mason s'assit sur les marches d'escalier de l'immeuble de l'appartement de Danny Andrade. Ce dernier venait de partir travailler. Les deux hommes s'étaient longuement regardés, et il était évident que Dany avait reconnu Mason. Malheureusement pour la suite, ni l'un ni l'autre n'avait osé faire le pas qui aurait pu empêcher le drame d'arriver.

Assis sur les marches, Mason fixait religieusement le béton du trottoir. Ses pensées n'arrivaient pas à trouver la paix; elles passaient sans cesse de Brandon à son enfance, de Santana à Pamela, et de Julia à Mary. Mason avait beau se concentrer, il n'arrivait pas à trouver le chaînon manquant qui lui permettrait de relier ses pensées les unes aux autres.

- Je suis certain que tout ceci n'est pas anodin.

Mason lança au loin la canette de soda qu'il avait bue. Son corps et son esprit réclamaient quelque chose de plus fort. Il sentait qu'il avait besoin d'alcool, de feu pour apaiser les tourments de son âme.

Mason hésita longuement. Mais au moment où sa décision fut prise, il alla se chercher un verre de tequila et entendit des cris en provenance de l'appartement de Danny. Aussitôt, il s'y précipita.

 

Tribunal de Santa Barbara.

Devant les portes fermées du tribunal, de nombreux manifestants s'étaient regroupés et créaient une réelle situation de crise, alors que venait de s'ouvrir le procès des Entreprises Capwell pour l'incendie et le désastre écologique qui menaçait la ville.

La police rencontrait de sérieuses difficultés pour contenir les opposants, car toutes les personnes réclamaient certes la justice pour les responsables, mais exigeaient aussi et surtout le maintien du projet de Pacific Sud.

De nombreux journalistes couvraient l'événement et B.J. Lockridge couvrait elle-même le procès pour le Santa Barbara Chronicles. Elle avait réussi à obtenir un entretien avec le maire de la ville qui s'opposait fermement à ce genre de manifestations, et à présent elle recueillait les témoignages de plusieurs manifestants. Pour l'heure, B.J. se refusait à prendre en compte l'avis des propriétaires de Pacific Sud, à savoir C.C. Capwell et sa propre belle-mère, Augusta.

D'ailleurs, sur le perron de tribunal, Augusta regardait avec un franc sourire la situation à ses pieds. Arrivée en retard, elle n'avait pu entrer dans la salle d'audience.

- Augusta, je dois te dire que je ne suis pas trop mécontente de toi...

Tout en se parlant, Augusta Lockridge prit la voix de sa belle-mère, Minx.

Augusta ne ménageait pas ses efforts pour faire aboutir le projet de Pacific Sud. Dans un premier temps, elle avait envoyé des lettres et des pétitions, et aujourd'hui une grande manifestation pour l'ouverture du procès. Augusta sentait que son heure approchait...

Augusta se retira derrière une colonne du tribunal, car les portes venaient de s'ouvrir et elle désirait s'entretenir un moment en tête à tête avec sa soeur, Julia.

 

Bureau de la Villa Capwell.

Assis derrière son lourd bureau, C.C regardait le compte-rendu du procès à la télévision. Il n'en revenait pas. Pour le moment, ni Daniel ni Julia n'avait eu la possibilité de s'exprimer. David Raymond avait fait en sorte de ne laisser la parole qu'aux associations écologistes et aux victimes.

- S'ils ne peuvent me défendre, je monterai moi-même au créneau. Et puis qu'est-ce que c'est que cette foule ?

En colère, Channing ne comprenait pas qu'on ose le poursuivre, lui, pour un crime qu'il n'avait pas commis. Bien qu'il n'arrive pas à en obtenir la preuve, David Raymond devait le croire sur parole, n'était-il pas un homme de confiance ?

Alors qu'il bougonnait seul, dans son antre, Gina fit irruption, plus en colère que jamais.

- Channing, comment se fait-il que mes cartes de crédit ont été bloquées ?!

- Gina, pas maintenant...

Habillée entièrement de cuir bleu acier, Gina s'assit sur le bureau. Maquillée avec excès, elle tenait à la main un verre d'alcool.

- Pas maintenant... Channing, c'est important !

Les yeux de C.C. retournèrent sur le poste de télévision. Folle de rage, Gina s'empressa de l'éteindre avant de reprendre sa place.

- Channing, j'ai honoré ma part du marché, à toi de remplir la tienne. Je veux pouvoir jouir du privilège d'être Madame Channing Creighton Capwell.... Je veux mon argent.

- Je suis navré, Gina, mais l'argent et les comptes aujourd'hui sont sous la responsabilité d'Augusta Lockridge... C'est elle qui détient le pouvoir...

Channing ne savait pas s'il devait rire ou pleurer de la situation : Augusta, certes, empêchait Gina de gaspiller la fortune Capwell, mais savoir qu'une Lockridge détenait les rênes de la bourse Capwell...

- Channing, il va falloir changer de comportement... Je n'ai pas besoin de te redire les termes du contrat. S'il suffisait d'être Madame Capwell pour... Channing, je t'ai rendu le sceau de ta famille... Je t'ai rendu ton honneur. N'oublie pas que je peux te le reprendre à tout moment... Il suffit simplement que j'aille voir les journalistes et que je leur parle de ton ancêtre... J'imagine que cela nuirait à l'image Capwell de savoir que Nathaniel Capwell a tué Horatio Lockridge... J'imagine qu'après le scandale causé par Courtney, l'empire Capwell...

Fou de rage, C.C se dressa et empoigna Gina par le bras.

- Hors de ma vue, vipère ! Tu as eu ce que tu voulais, tu es redevenue ma femme. Jamais il n'a été question de plus.

La colère et la haine déformaient les traits de Gina.

- Oh que si, Channing, je veux plus. Plus que ce que tu ne pourras pas me donner. Je ne te demande pas de remplir ton devoir conjugal, car à ton âge...

C.C., fou de colère, gifla Gina. La claque résonna lourdement dans la pièce. Et Gina, manquant de tomber, se raccrocha au bureau. Elle s'empara de son verre et le lança à la figure de Channing.

- Si tu crois que tu vas t'en tirer ainsi, Channing, tu te trompes. Je ne suis plus la petite femme craintive qui a débarqué en ville en 1984. Je suis devenue plus forte... Et j'attends de toi que tu respectes les termes du contrat. Je veux le nom Capwell, l'argent Capwell et le pouvoir Capwell... Si Augusta te pose problème, tu n'as qu'à t'en charger... Après tout, lequel d'entre vous, Capwell, qui vous croyez supérieur à nous, n'a pas tué quelqu'un... Sophia, son fils. Pamela, son amant... Courtney, sa soeur... Quel beau tableau de famille quand j'irai voir la presse ! Oh que si, Channing, je veux plus. Plus que ce que tu ne pourras pas me donner.

Gina dominait littéralement Channing. Une lueur de rage explosait dans ses yeux. Puis, la même lueur embrasa les yeux de Channing. Il se rua sur elle, porta les mains sur le cou de Gina, et tenta de l'étrangler.

- Je jure que je vais te tuer... Je vais te tuer....

- Aha Ha Ahaa !

Gina avait beau se débattre, l'air commençait à lui manquer.

Alerté par les cris, Greg pénétra dans le bureau et sépara son père de Gina, non sans difficultés. Greg resta interposé entre eux.

- Channing, si tu ne veux pas tout perdre, n'oublie pas. L'argent et le pouvoir Capwell... Je peux tout te reprendre, quand je le voudrais...

Anéanti, Channing tomba presque dans les bras de son fils.

- Elle va finir par me tuer si jamais je ne lui donne pas ce qu'elle veut...

 

Rue de Cancun, Mexique.

Arrivé devant la porte d'entrée de l'appartement de Danny Andrade, Mason s'arrêta un instant, à l'écoute du moindre bruit. Curieusement, c'était le silence, un bien étrange silence... L'oreille appuyée contre la porte, Mason guettait...

Après un long moment de silence, l'explosion arriva : cris et pleurs de Brandon, hurlements de Santana. Puis, des sons comme des éclats de verre se superposèrent aux cris. N'en tenant plus, Mason défonça la porte, qui céda rapidement. Il manqua de s'effondrer dans un véritable champ de guerre. Brandon se trouvait au milieu de la pièce, face à Santana qui ne cessait de hurler. Tant Brandon que Mason remarquèrent la métamorphose de Santana; c'était comme si la raison l'abandonnait.

- Maman, c'est moi qui lui ai demandé de venir...

Les yeux noirs de Santana fixait les deux hommes. Son corps frémissait.

- Mason, va t'en, tu n'as rien à faire ici. Laisse-nous !

- Voyons, Santana...

Une nouvelle Santana se superposa à l'ancienne, une femme tigresse qui allait sortir des griffes acérées pour défendre son fils. Lentement, elle s'approcha de son fils et se plaça volontairement entre Mason et lui.

- Santana, je crois qu'il est temps...

- ...Pour nous de partir, Mason. Oui, c'est cela, il faut que nous partions, Brandon et moi, nous devons changer d'air.

- Santana, fuir ne te servira à rien. Brandon doit rentrer à Santa Barbara. Si tu veux, je vais le prendre avec moi.

Discrètement, Santana murmura à Brandon d'aller chercher ses affaires, et la flamme noire qui brillait dans les yeux de la mexicaine l'obligea à obéir.

- Santana, je te peux te comprendre... Mais  pour Brandon, il faut que vous reveniez à Santa Barbara, c'est là qu'est sa place, c'est là que l'attend sa famille.

- Sa famille, laisse-moi rire, Mason, tu les connais autant que moi. Ce n'est pas une famille, c'est un nid de serpents, tous prêts à se mordre les uns et les autres pour savoir à qui ira l'héritage. Non, tu ne dis pas le contraire, tu les connais aussi bien que moi.

- Peut-être, mais Brandon a besoin de sa mère.

- Mais je suis sa mère!!!

Le cri de Santana déchira l'espace et ouvrit une nouvelle brèche des plus profondes dans sa raison, qui s'effritait de secondes en secondes.

- Je suis sa mère, Mason, et je défie quiconque de me dire le contraire. Et parce que je suis sa mère, je veux le protéger de ces rapaces que vous êtes. Je veux l'éloigner de Gina, de cette mégère qui ne court qu'après l'argent Capwell, je veux l'éloigner de C.C. qui ne rêve que d'en faire un autre Channing Junior. Je veux le protéger de vous. Le protéger de vous ! ! Et toi plus que quiconque devrait me comprendre.

L'espace d'un instant, le souvenir d'une vie passée, pas si lointaine, se dessina dans l'esprit de Mason, avec en toile de fond sa propre enfance et le visage de sa mère, Pamela. Et la présence de Sonny, son autre lui, reprenait vie dans son corps. Mason ressentait qu'il devait protéger  Brandon de cette souffrance-là. En sauvant Brandon, en l'empêchant de connaître cette vie-là, il pourrait peut-être se sauver lui aussi...

- Santana, je comprends. Je te jure que je comprends, mais Brandon ne peut pas, ne doit pas finir comme moi. Il a droit à une vie heureuse, tu ne crois pas?

- Oui. Et cette vie, c'est moi qui vais lui l'offrir. Loin de Santa Barbara, loin des Capwell.

Mason s'approchait doucement de la jeune femme.

- Brandon et moi nous n'avons pas besoin de vous pour être heureux. Je peux tout lui offrir, j'ai tant d'amour à lui donner. Alors que vous, vous n'avez que du venin à nous donner. Mason, je te connais, je t'ai vu grandir, et je ne veux pas que mon fils connaisse cela. Je ne veux pas qu'il soit élevé par une autre femme que moi, sa mère. Je ne veux pas qu'on l'aime pour autre chose qu'il est.

Alors que Santana lui parlait, Mason ne put s'empêcher de pleurer, car la vie que refusait Santana pour Brandon était celle qu'il avait vécue.

- Je ne veux pas qu'on lui fasse miroiter un héritage, qu'on le mette en compétition avec les autres... Je veux qu'il connaisse l'amour d'une mère. La présence d'une famille autour de lui. L'amour des siens... Cela, je peux lui l'offrir. Je n'ai rien contre toi, Mason, mais je ne veux pas qu'on en fasse un autre toi ou un autre Channing Junior. Mais bon sang, regardez-vous, les Capwell, regardez votre famille, elle n'est que séparation et haine. Même Eden, celle qu'on croyait intouchable, n'a pas résisté à la malédiction qui pèse sur vous...

- Santana...

- Non, tais-toi, Mason. Sois honnête au moins une fois avec moi. Tu crois que la vie que tu lui proposes au sein de la famille Capwell est meilleure que celle que je peux lui donner ? Echangerais-tu ton enfance contre une autre enfance, mais auprès de ta mère Pamela ? Penses-tu que si elle en avait eu le choix, Pamela t'aurais laissé vivre dans cette famille ?

L'âme de Mason tremblait, il la sentait marcher le long d'un profond précipice : l'enfant qu'il n'avait jamais été, espérait encore tellement de pouvoir un jour se blottir contre les bras de sa mère et non dans ceux d'une étrangère qui se languissait de bercer ses fils de sang. L'enfant qu'il aurait aimé être espérait encore être aimé par les siens, pour ce qu'il était et non pas être mis de côté parce qu'il était l'aîné et le fils d'une autre.

- Ce n'est pas la même chose. Tu dis aimer Brandon, mais tu ne tiens pas compte de son avis, de ce qu'il veut.

Les mots le déchiraient dans son âme; il se retenait presque.

- Santana, laisse-moi t'aider!

Et lorsque Mason posa sa main sur son bras, la femme se fit tigresse.

- Bien. Va dans la chambre, prendre les affaires de Brandon. Il va rentrer...

Mason s'éloigna, tandis que Santana se glissa vers Brandon, l'empoigna par le bras et le guida vers la porte. Elle réussit  à sortir de chez son frère toujours en tenant fermement Brandon. Malheureusement pour elle, Brandon cria lorsqu'ils franchirent la porte, ce qui raviva les réflexes de Mason.

 

Santana et Brandon réussirent à monter dans la voiture de Danny, alors que Mason perdit du temps à la recherche de ses clés qu'il avait perdues en défonçant la porte. Ce n'est que dans la voiture que Santana remarqua qu'elle avait oublié son sac et par conséquent ses comprimés. Tout en conduisant, elle ordonna à Brandon de lui prêter son portable et laissa un message sur le répondeur de Warren Lockridge, pour qu'il vienne à son secours.

Santana faisait route vers Tulum, dans les ruines mayas qu'elle connaissait parfaitement. C'est là que Warren devait la retrouver le lendemain. En levant la tête, Santana remarqua la voiture de Mason dans le rétroviseur.

- Ah, si j'avais mes comprimés...

Santana se massait fermement les tempes, consciente que l'autre revenait en elle.

En chemin, après avoir repris un peu le contrôle de ses esprits, elle joignit celui qu'elle considérait comme son unique secours : Warren Lockridge. Elle lui laissa un message sur son répondeur, lui demandant de venir la retrouver au plus vite à Tulum, car elle avait Mason à ses trousses et qu'elle craignait pour sa vie.

 

Club 71.

A l'écart dans un box de la partie restaurant du Club 71, Julia Capwell et Daniel McBride poursuivaient leur discussion sur les premières heures du procès. Ils savaient aussi qu'à quelques pas d'eux, le Juge David Raymond et le maire de la ville en faisaient de même, se félicitant de ce début de procès.

Au bout de plusieurs minutes, Daniel remarqua que Julia ne l'écoutait plus, d'ailleurs elle remuait lentement ses pâtes, le regard perdu dans sa sauce bolognaise.

- ...Enfin, Julia, je voulais dire combien...

Julia n'écoutait pas. Elle finit toutefois par prendre conscience du silence.

- Julia, je sais que Mason te manque et que tu te sens en partie coupable pour Gracie, mais cela ne va pas nous aider à gagner ce procès...

- Ce n'est pas cela.

- Tu ne penses pas à Mason ?

Affectueusement, Daniel posa sa main sur celle de son amie.

- Bien sûr que si, Daniel, mais ce n'est pas cela.

Julia posa sa fourchette et, lentement, elle paraissait reprendre consistance.

- Je pense à un ami que tu n'as pas connu. Tu l'aurais aussi trouvé formidable j'en suis sûre...

- A un ami ? Et pas à Mason... Ne me caches-tu rien, Julia ?

- Si tu savais comme il me manque, si tu pouvais imaginer combien Cruz me manque. Depuis son départ, j'ai l'impression que rien ne va. J'appréciais tant sa compagnie, mais depuis qu'il a quitté la ville, j'ai comme l'impression que Santa Barbara n'est plus la même. La ville a perdu son âme. Cela va te paraître idiot, mais imagine Gotham City sans Batman. Et bien pour moi, c'est pareil. Crois-moi, si Cruz était là, il nous aiderait et on y verrait clair dans le jeu de Kirk. Je crois qu'ils se haïssent aussi forts l'un que l'autre. Cruz saurait aussi trouver les mots justes pour Gracie. Et cela n'a rien à voir contre toi, Daniel, car tu sais que je t'aime bien, mais j'aurais une épaule où pleurer un moment... Cruz est comme moi, il est amoureux d'une Capwell... Il y a des choses qu'il saurait comprendre...

Des fines larmes coulaient sur les joues de Julia. Pour la toute première fois depuis le départ précipité de son grand ami, elle trouvait les mots pour évoquer le vide de son absence. Car Cruz c'était l'ami, le confident... Tout au long de sa vie à Santa Barbara, le chemin de Julia n'avait cessé de croiser celui de Cruz et Eden.

- J'ai tant besoin de lui, en fin de compte. Je me souviens de moments passés dans son salon, où l'un comme l'autre on devait surmonter nos angoisses d'être abandonnés par l'être aimé... Il me manque tant...

- Je comprends... Je te jure que je te comprends.

- Et puis, j'ai en ce moment l'impression d'être seule... Si seule... Gracie et ses problèmes. Lionel qui est au Canada. Mason qui court après Santana... Je me retrouve toute seule... Et je déteste cela. Excuse-moi.

Julia se leva et quitta la table pour les toilettes, afin de redonner un semblant de paix à son visage. Bien sûr, David Raymond remarqua son trouble et s'en félicita : le procès semblait déjà gagner et avec Mason loin, il gardait encore une chance...

Julia regagna le plus discrètement possible sa table.

- Daniel, pour le procès, je suis certaine qu'il ne faut pas abattre nos cartes tout de suite... J'ai l'impression qu'il faut les laisser gagner en confiance. Je connais David, et je peux dire que lorsqu'il aura l'impression d'avoir gagné, il baissera sa garde... Et puis, je viens d'avoir Pearl au téléphone et pour cette nuit, il nous propose une petite virée des plus intéressantes...

Julia fit signe à Daniel d'approcher son oreille et elle lui murmura sa conversation avec Pearl.

 

Bureau d'Armonti's.

George entra sans frapper dans la salle du conseil d'administration d'Armonti's. Il désirait depuis le début de la journée se retrouver face à face avec Venise. Bien qu'il n'avait pas encore obtenu l'aval de son amie Sophia, il aspirait à mettre les choses au clair avec Venise : la donne venait de changer. Avec la vente des actions par Marcello quelques temps plus tôt, Venise n'était plus l'actionnaire principale de la société, et il se pouvait, du moins George l'espérait, que le contrôle de la société passe entre de nouvelles mains.

Venise avait réuni autour d'elle différents créateurs, et elle travaillait sur la mise en place des SPA dans les plus grands magasins du pays. D'ailleurs, George ne pouvait que la féliciter de cette brillante idée, car la clientèle affluait : après un long moment d'achats, les clientes appréciaient grandement ce moment de détente offert par Armonti's. D'autant que Venise était en cours de négociations avec une grande chaîne de cosmétiques pour mettre très prochainement en vente une ligne Armonti's.

- Venise, pourrais-je vous voir un moment ?

- A quel sujet ?

C'est à peine si elle avait levé les yeux.

George la contempla un moment. D'accord, il ne l'appréciait pas pour ce qu'elle avait osé faire à Sophia, mais d'un certain côté, il lui trouvait de nombreuses qualités.

- Pouvons-nous en discuter en privé ?

Venise se leva, et elle et George gagnèrent son bureau, à savoir l'ancien bureau de Sophia.

- Venise, je sais que la situation est délicate, mais dès le retour en ville de Sophia, j'exigerai une nouvelle réunion extraordinaire du conseil d'administration.

- Pour ?

Les nerfs de Venise se contractèrent. Elle était parfaitement consciente de l'enjeu, et elle s'affairait de nuit comme de jour à joindre Marcello pour qu'il lui explique son brusque revirement.

- Venise, à ce jour, vous n'êtes plus l'actionnaire principale d'Armonti's. Je ne connais pas le capital d'actions que vous détenez, mais à ce que je peux imaginer, il se pourrait que Sophia, au vu de ses parts, puisse reprendre le contrôle... D'autant que les derniers transferts de fonds d'Armonti's à des fins non justifiées feront certainement changer la position des autres actionnaires...

Venise arracha des mains les papiers que tenait George. Avec rapidité et précision, elle les consulta. Elle ne pouvait nier l'évidence. D'importantes sommes d'argent avaient été retirées ces derniers jours, sans son aval.

- J'imagine que si vous ignoriez tout de ces transferts de fonds, on doit en chercher l'origine auprès de Marcello, en qui vous avez donné tous pouvoirs...

- Sortez, George. Laissez-moi seule un moment.

Venise s'effondra sur son fauteuil : la situation était encore pire qu'elle ne l'imaginait. Marcello avait déjà vendu une grande partie des actions qu'elle possédait et à présent il se servait des fonds d'Armonti's comme réserve personnelle... Ce n'était pas la vengeance qu'elle espérait ! Ce n'était pas le combat qu'elle souhaitait mener !

Venise resta un long moment à réfléchir, essayant d'analyser au mieux la situation. La sonnerie de l'interphone la fit sursauter et la ramena avec violence dans la réalité.

- Non, je ne veux voir personne et je ne suis pas au courant d'une soirée exceptionnelle donnée par Armonti's...

Venise ne comprenait plus. La situation lui échappait complètement. Elle se regarda un moment dans le miroir qui trônait dans son bureau. Là, la force de sa solitude lui apparut comme une cicatrice en plein visage. Elle se rua hors de son bureau et gagna la salle d'essayage, où elle savait qu'on était en train de préparer la nouvelle ligne masculine en présence de T.J.. Là, elle exigea que tout le monde sorte, à l'exception de T.J..

Venise s'approcha de lui et le regarda vêtu d'un jean et d'une chemise faite de différents morceaux de tissus. Lentement, elle défit les aiguilles qui retenaient la chemise et y fit courir ses doigts sur la peau de T.J.. Celui-ci essaya de se dégager.

- Ne fais pas celui que cela dérange. Pas avec moi.

Elle arrêta ses doigts sur ses pectoraux, dessinant la ligne de ses muscles.

- Fais-moi l'amour, bel italien. Là, tout de suite... J'en ai besoin. En ce moment, je ne veux pas être seule...

 

Salle privée de l'Oasis.

Augusta Lockridge vérifia les derniers préparatifs de sa petite fête privée. Pour l'heure, tout se déroulait à merveille : C.C. et sa femme Gina n'allaient pas tarder à arriver.

Soudain, un serveur vint se présenter, escortant le nouveau couple Capwell. Augusta les accueillit avec ferveur, embrassant Channing et Gina.

- Quelle fête, chère Augusta... J'espère pour Channing et pour moi qu'elle sera moins dangereuse que la dernière !

- Ne vous en faites pas, Gina, elle sera des plus... champêtres !

En effet, le salon privé de l'Oasis avait été transformé en véritable saloon texan. Augusta s'était librement servi de ce qu'elle avait découvert au cours de son bref séjour à Dallas. Elle portait même pour l'occasion une chemise de cow-boy, des bottes et un véritable stetson.

- Dites-moi, Augusta, est-ce que l'état des finances de la reine de Pacific Sud sont au plus bas ? Quand je vois ce cadre si fermier...

- Gina, cela suffit. Augusta, peut-on savoir pourquoi nous sommes là ?

Alors que Channing s'interrogeait, Julia, Greg et Daniel entrèrent à leur tour. Tous les regards se portaient sur les nombreux ballots de foin qui décoraient le salon.

- Ce soir, c'est bière pour tout le monde !

Et c'est autour d'une table en verre qui diffusait des images de rodéo que tous prirent place. Le même serveur revint avec des morceaux de viande grillée. Autour du repas, Augusta leur parla de son séjour à Dallas. Personne ne semblait comprendre le but caché d'Augusta, car cette soirée ne pouvait pas être anodine.

Gina ne cessait de se moquer d'Augusta, n'hésitant pas à la traiter de fermière. C.C., par moment, tentait de parler du procès avec Daniel ou Julia, mais ces derniers restaient des plus évasifs. Greg, quant à lui, était peut-être le seul qui s'amusait.

- Avant de passer à l'objet de cette petite soirée, je voudrais juste vous faire écouter un petit morceau de musique très country...

Elias vint s'installer sur un ballot de paille dans un angle de la salle, sortit un vieil harmonica et, après le signal d'Augusta, se mit à jouer. Bien que la musique était des plus entraînantes, personne ne s'était levé pour danser. Seul Greg marquait du pied le rythme et, discrètement, sa main s'était posée sur la cuisse de Daniel. Durant tout le morceau, Augusta ne pouvait s'empêcher, à la dérobée, d'observer Gina. Augusta souriait intérieurement : elle semblait ne pas avoir reconnu Elias.

Elias s'arrêta et commença un second morceau typique du folklore texan. C.C. n'en pouvait plus, on le voyait se consumer à petit feu.

- Bon ça suffit, Augusta, j'imagine que vous ne nous avez pas invités pour danser ou écouter de la musique, alors venez-en au fait, et qu'on en termine de cette mascarade !

Augusta se leva et rejoignit Elias.

- Je vous avais prévenu qu'ils n'apprécieraient pas votre musique... C'est que sous le maquillage, nous paraissons bien plus civilisés que vous autres éleveurs de bétails... Et en parlant de bétails, je pourrais vous vendre un vieux canasson dont plus personne ne fait rien... N'est-ce pas, Gina ?

Folle de rage, Gina se leva, sous le regard amusé de Greg et Daniel.

- Augusta, je ne vous permets pas...

Imperturbable, Augusta poursuivait son discours. Elle conduisit Elias à la table et lui présenta les différents invités. Bien sûr, elle termina par Gina qui, à contrecoeur, lui serra la main.

- Et j'oubliais de vous présenter l'artiste de cette soirée. Je vous demande d'applaudir Elias... Elias DeMott, votre ancien beau-frère, Gina...

Le cerveau de Gina ne fit qu'un tour. Elle se souvenait vaguement de la famille de Stockman, et elle était certaine qu'Elias n'en faisait pas partie. Channing, de son côté, cherchait le lien manquant entre Stockman et ce vieil homme noir, joueur de musique country.

- Elias est le frère par alliance de Stockman, Gina. Vous voyez, Elias, je vous avais dit qu'elle ne se souviendrait pas de vous. Oh, j'imagine qu'il n'y a rien entre vous, puisque le mariage avec Stockman n'est pas valable... Donc elle ne fait pas partie de votre famille...

Gina pâlit : des brides de souvenirs lui revenaient en mémoire.

- Comment cela pas valable ?...

Channing, lui aussi, replongea dans le passé.

- Augusta, j'étais présent et je peux vous assurer que le mariage a bien été célébré...

- Oui, mais par un pasteur rejeté de l'église. Il y a peut-être eu un mariage, mais Stockman savait qu'il ne serait pas valable...

- Comment osez-vous ! ! Vous n'êtes qu'une sale garce, et je vais vous faire regretter ce moment !

Augusta s'approcha de Channing avec plusieurs documents à la main.

- Channing, elle vous a menti sur toute la ligne. Car elle savait. Voici le premier codicille que Minx m'a laissé. Tout y est expliqué noir sur blanc. Une semaine après le mariage, elle a reçu un mot ordonnant à Stockman et à elle de signer des documents pour légaliser leur union. Mais, Gina ne l'a jamais fait. Ainsi, elle n'est jamais vraiment devenue Madame Stockman DeMott, et elle n'est pas vraiment non plus la mère de Brandon.

Gina enrageait et Greg la retenait.

- Channing, ne l'écoute pas ! C'est une vieille folle qui veut se venger de moi, parce que je lui ai volé Lionel... Ce n'est qu'un tissu de mensonges !

- Non, M'dame. Elle a r'ison. A la mort de Stockman, j'vous ai contacté pour le dire. Mais v'm'avez versé 5 000 dollars pour mon silence...

- C'est faux !

Gina parvint à se libérer et fonça sur Augusta. Les deux femmes s'empoignèrent par les habits. Pendant ce temps, Channing lisait les documents du codicille de Minx.

Daniel et Greg se précipitèrent pour séparer les deux femmes : Gina semblait être la plus mal en point. Elle ne cessait de hurler : Espèce de vieille folle !

- Channing, il ne faut pas la croire. Tout ceci n'est qu'un ramassis de mensonges... Elle est jalouse que j'ai pu épouser Lionel...

Gina poursuivait ses lamentations, elle était de plus en plus pathétique. Puis soudain, la rage et la haine reprirent le dessus.

- Channing, fais attention. Tu oublies que je connais le secret de ton ancêtre... Et je pourrais tout dire à la presse.

Augusta rayonnait, elle regardait fixement Gina.

- Gina, qu'allez-vous dire à la presse ? Qu'il y a près de 50 ans, deux hommes se sont battus à mort pour l'amour d'une femme. Et bien, faites. Vous n'aurez aucune preuve. Les corps dans l'Amanda Lockridge ne prouvent rien.

Augusta se plaça au côté de Channing.

- Oui, Nathaniel voulait Amanda pour lui, et il s'est battu à mort avec Horatio... Qui va être intéressé par cette histoire ? Personne !

- Ne l'écoute pas, Channing, pense au prestige de ton nom...

Pendant que Gina poursuivait ses lamentations, Daniel avait repris les documents et les consultait, tandis qu'Augusta parlementait avec Channing.

- Channing, c'est le moment de se débarrasser d'elle une bonne fois pour toutes. Je vous laisse toutes les preuves pour faire annuler votre mariage et pour lui rependre Brandon, votre petit-fils... Et en plus, je vous rends le contrôle de votre argent... En échange, je veux ses parts de Pacific Sud. C'est tout ce que j'ai à gagner... Si ce n'est de me débarrasser de cette garce....

Machinalement, Channing jouait avec le sceau de sa famille, puis, lorsqu'il leva les yeux sur Gina, il ne vit plus que la femme qu'elle avait toujours été : la femme qui avait couché avec Mason, la femme qui avait menti et intrigué pour se faire épouser, la femme qui avait fait incarcérer Kelly, la femme qui se dressait encore et toujours entre Sophia et lui.

- Gina, rentrons. Merci, Augusta, de m'avoir ouvert les yeux...

Victorieuse, Augusta regarda s'éloigner Gina qui, pour la première fois de sa vie, n'avait plus rien à dire.

- Allez, ce soir c'est moi qui régale, bière à volonté !

Seule Julia ne disait rien. Elle était la seule à songer à Brandon et au mal qu'on allait lui faire pour rien, lui qui restait innocent à ces manipulations.

- Me voilà présidente de Pacific Sud !

 

Aéroport de Santa Barbara.

- Warren, tout est prêt, nous allons décoller.

Suite au coup de fil de Santana, que Ted avait malencontreusement intercepté, Warren avait décidé de partir pour le Mexique et de porter secours à Santana. De son côté, Ted avait prévenu Mason pour comprendre ce qui était en train de se passer de l'autre côté de la frontière. Et parce que tout le monde, en fin de compte, voulait aider Brandon, Ted avait fait préparer le jet de la compagnie de son père pour qu'ils puissent partir pour Tulum.

- Tout est prêt, nous serons là-bas en fin d'après-midi.

- Ted, s'il suffisait d'aller là-bas, de retrouver Santana et de la ramener gentiment ici à Santa Barbara... Mais sans vouloir me montrer insultant avec ta famille, je crois que ton père lui a fait beaucoup trop de mal...

Ted approuva de la tête. Il n'ignorait pas les aléas de la vie, toutes ces étapes qu'avaient dû traverser Santana pour en arriver là, au point de rupture. Il se souvint alors des paroles de Hayley : «S'il suffisait d'aimer, tout serait très simple... Mais parfois l'amour ne suffit pas. L'amour qu'on croit témoigner aux autres n'a pas toujours l'apparence de ce que l'autre espère. S'il suffisait d'aimer...»

- Ted, tu as bien donné au pilote les informations que m'a transmises Sawyer ?

- Oui. Je lui ai recommandé de faire vite. Je crains un nouveau drame pour Santana ou pour Mason...

 

Ruines Maya de Tulum, Mexique.

Santana avait garé sa voiture à l'écart, sur le parking du site touristique de Tulum. Elle avait laissé sur le portable de Warren la localisation de l'endroit précis où elle l'attendrait avec Brandon.

Santana transpirait à grosses gouttes. Elle luttait du mieux qu'elle pouvait contre le mal qui la rongeait de l'intérieur. Depuis qu'elle roulait avec Brandon, elle entendait sans cesse le rire de Channing Junior. Parce qu'elle l'avait côtoyé de prêt, elle savait comme il pouvait se montrer cruel et méprisant. D'ailleurs, au début de leur histoire, il passait toujours près d'elle avec ce regard lourd de mépris pour les gens de sa condition. Elle se souvenait aussi de ses railleries continuelles envers Mason, parce qu'il n'était pas de Sophia. En évoquant le souvenir de l'ancienne maîtresse de la villa Capwell, Santana fut prise de violents maux de tête. La douleur se faisait plus persistante.

A ses côtés, Brandon ne bougeait pas. Il se faisait le plus petit possible. La femme à ses côtés n'était plus celle qu'il avait connue, celle qu'il avait appris à aimer. Il voyait bien que quelque chose n'allait pas en elle, mais il ne savait pas comment faire pour percer la rancoeur qui suintait d'elle. A présent, il craignait le pire. Elle ne cessait de murmurer, comme dans ses rares moments de sommeil, le nom de Channing Junior... Il l'entendait parler de meurtre, d'abandon, de mauvaise mère. Brandon craignait qu'elle ne se fasse du mal, car jamais, il en était certain, elle n'oserait porter la main contre lui.

Roulé en boule sur le siège avant, Brandon priait pour que Mason arrive au plus vite et le libère de ce cauchemar.

 

Villa Capwell.

Gina gara sa voiture juste devant l'entrée de la Villa Capwell, plus encore que jamais contre Augusta Lockridge. Elle avait vainement tenté auprès de plusieurs banques de la ville de transférer de l'argent du compte Capwell vers son compte personnel aux îles Caïman, et personne n'avait pu valider le transfert. A chaque fois, elle avait entendu la même réponse : Sans la signature d'Augusta Lockridge, nous ne pouvons rien faire.

- Je la hais...

Gina fit claquer la portière de son cabriolet avec force.

- Elle va me le payer, je le jure...

Et à peine venait-elle de pousser la lourde porte de la villa que deux vigiles se précipitèrent sur elle et l'empêchèrent d'avancer.

- Poussez-vous, je suis chez moi ici...

Les deux hommes lui firent barrage, tandis que Gina hurlait, griffait, se débattait du mieux qu'elle pouvait. Au bout d'un moment, C.C., le sourire aux lèvres, se détacha d'une des lourdes amphores de pierre qui ornaient l'atrium.

- Gina, à partir de ce jour, la porte de ma maison t'est définitivement fermée. Ce n'est plus chez toi. Et ce ne le sera plus jamais. De plus, depuis 3 heures de l'après-midi, tu n'es même plus madame Channing Capwell. A vrai dire, tu n'es plus rien.

- Mais Channing...

- Tais-toi. Te voir et t'entendre me dégoûte... Je ne veux plus jamais avoir à faire quoi que ce soit à faire avec toi. Ni moi, ni aucun membre de ma famille.

Gina resta paralysée, tant la haine dans le regard de Channing était visible; et puis son coeur songeait à Brandon. Elle ne voulait pas lui faire penser à son fils...

- Tiens, cette fois-ci, je t'ai fait tes valises. Tu n'as ni plus ni moins que ce que tu avais la première fois que tu as mis un pied dans cette villa. Pauvre fou que j'étais à l'époque de croire en ton innocence... Autant inviter le diable dans sa maison !

- Channing, il faut que je t'explique...

- Tais-toi. Les documents d'Augusta sont des plus clairs. Tu as menti. Depuis le début tu as menti. S'il suffisait de... En 1984, il aurait suffi que j'écoute Eden et nous n'en serions pas là aujourd'hui. Augusta a récupéré tes part de Pacific Sud. Moi, je reprends ma liberté... Et je reprends Brandon... En même temps que le divorce, j'ai fait annulé l'acte d'adoption... Et Brandon est officiellement mon fils adoptif.

- Non... Non...

Telle une tigresse, Gina essaya de bondir sur Channing, elle voulait lui faire autant de mal qu'il venait de lui en faire.

- Non, tu n'as pas le droit.... Brandon est mon fils...

- Non, Gina. L'adoption ne peut être validée que par ton mariage avec Stockman. Sans mariage, il n'y a pas d'adoption...

- Non ! Tu n'as pas le droit Channing. Et je voulais te dire aussi que je vais me battre pour vous reprendre à toi et Lionel, la garde de mon fils. Channing III sera bientôt ici, que tu le veuilles ou non. Il deviendra un Capwell, je t'en fais la promesse, et il en oubliera même le son de ta voix...

Channing tourna le dos, indifférent aux menaces, aux cris, aux pleurs de Gina.

Celle-ci, lentement, se calma, son coeur venait de se briser : Channing lui volait ce fils qu'elle aimait tant, il lui volait sa vie, tout simplement. Brisée, anéantie, elle se laissa guider par les deux vigiles qui l'installèrent dans sa voiture avec ses valises et elle se laissa conduire hors de la villa Capwell.

 

Tribunal de Santa Barbara.

Augusta réussit à rentrer dans la salle d'audience, avant que le garde ne ferme les portes pour la reprise du procès. Sans le moindre égard pour la cour, elle se précipita sur sa soeur Julia, qui lui lançait des regards assassins.

- Augusta, je t'en prie, pas ici... La séance va bientôt reprendre.

Incrédule, le maire et le juge David Raymond la dévisageaient avec stupeur. Sûre d'elle, Augusta Lockridge osa même faire un petit signe de la main et un clin d'oeil à l'adresse de David Raymond.

Julia ne savait plus où se mettre.

- Augusta, je t'en prie... David...

- Il faisait moins le fier quand il te tournait autour, lorsqu'Angela s'est fait la belle ! !

Augusta s'assit à cheval sur les genoux de Daniel.

- Et n'en profitez pas, vous !

Augusta rayonnait, elle se sentait observée, et tout le monde dans cette pièce du tribunal restait accroché à sa présence. Elle était le centre de ce monde, ce qu'elle recherchait.

- Julia, je viens de signer un nouveau projet pour Pacific Sud. Que tu gagnes ou tu perdes ce procès, cela n'a aucune importance pour moi, car Pacific Sud se fera. Je viens d'avoir confirmation par le cabinet du gouverneur : le projet congrès écologique et océanique se fera dans la salle de conférence de Pacific Sud. Cette fois-ci, c'est définitif...

- Très bien, Augusta, mais je crains que si les Entreprises Capwell et nous perdons ce procès, ton projet de Pacific Sud ne reste qu'un joli rêve. Et pour être honnête avec toi, je crains vraiment que nous puissions perdre. David peut nous détruire... Il a toutes les cartes en mains, tant que nous n'avons pas le papier de l'accord entre C.C. et l'armée.

C'est alors qu'Augusta remarqua la présence de l'autre côté de l'allée de Kirk Cranston.

- Et lui, Julia ?

- Lui, c'est celui qui s'occupe des sales besognes... Et pour le moment, nous n'avons aucune preuve.

- Ne t'en fais pas, petite soeur, j'en aurai...

- Et comment ? Cela fais des semaines que nous cherchons un élément qui pourrait l'incriminer, et toi....

- Et oui...

Augusta se leva, arrangea le bustier de sa robe, et déposa un franc baiser sur les lèvres de Daniel, avant de lui essayer le rouge aux lèvres qu'elle avait laissé.

- Mon petit Daniel, je vais vous montrer ce qu'est une femme, et une Lockridge qui plus est...

Augusta s'approcha de Kirk et fit signe au Juge Raymond de commencer la séance. Elle murmura à l'oreille de Kirk.

- Dites-moi, jeune homme, il me semble vous avoir vu traîner sur les terres Capwell avant l'incendie. Je sais que vous êtes comme votre père, lâche et attiré par l'argent, comme un papillon par la lumière. Si vous ne voulez pas que je vous détruise, dites-moi quel est votre prix ? Je saurai me montrer généreuse...

Tout en lui parlant, Augusta faisait courir ses ongles rouge sang, sur la peau nue du bras de Kirk. Ce dernier la regarda alors avec son plus grand sourire.

- Bien trop cher pour une vieille peau comme vous, je le crains, Augusta. Vous savez, des plus malins que vous ont déjà essayé de m'arrêter et regardez, je suis toujours là.

- Comme cela va m'amuser de vous chasser, Kirk... Vous serez mon premier Capwell que je ferai saigner, car il me semble que la petite babiole qui bat en vous appartenait à une Capwell...

A l'annonce de ces mots, le coeur de Kirk s'emballa et une forte sueur lui monta au visage.

- Ne vous en faites pas, mon petit, la vieille peau, comme vous dites, en sait plus long sur vous que vous ne l'imaginez. Votre père, enfin adoptif, était des plus bavards sur l'oreiller... Une fois que je l'avais bien épuisé, il me confiait bon nombre de secrets, en particulier ceux des Capwell... Et parfois, même les siens.

La tension de Kirk était à son maximum. Augusta le sentait. Elle avait ferré son poisson, il ne lui restait plus qu'à le ramener...

- Kirk, je vous fais une proposition que je ne vous ferai pas deux fois : le document reliant le Général Bradford et Channing Capwell, contre le nom de votre mère.

Augusta le dévisagea. Elle pouvait lire son envie dans ses yeux, dans chacun de ses gestes.

- Vous avez jusqu'à ce soir minuit...

N'en tenant plus, Kirk se leva et quitta en sueur la salle du tribunal. Pendant ce temps, Augusta se repoudra les joues.

Kirk trébucha sur les escaliers du tribunal. Il s'accrocha à un lampadaire et, tandis qu'il sombrait dans les images d'une autre vie qui n'était pas la sienne, celle de Madeline lui revenait à l'esprit. Tout comme elle, il se sentait souillé par les mains de Grant posées sur son corps...

- Maman...

Dans un même cri, Kirk et Madeline hurlèrent le mot magique capable d'apaiser tous les tourments.

 

Villa Armonti.

Gianni accompagna Lisa / Eden jusqu'à dans le salon Renaissance de l'imposante Villa italienne. Elle ignorait tout des raisons de sa présence ici. Et malgré le fait que Gianni lui avait certifié qu'elle comprendrait tout et qu'elle ne risquait rien, Lisa conservait une certaine sensation de crainte.

Arrivée dans le salon, elle regarda Gianni s'éloigner.

- Ne vous inquiétez pas, il va arriver.

C'est alors qu'en levant les yeux, elle remarqua l'immense tableau qui lui faisait face. Il s'agissait d'une femme, une femme blonde qui lui ressemblait étrangement. Sur le tableau, elle portait une longue robe fourreau bleu nuit. Elle posait dans une vaste pièce, a priori un salon de musique, car un piano à queue blanc se dessinait dans un angle. Lisa / Eden ne pouvait détacher son regard de celui de la jeune femme. Elle était à la fois elle et pas elle. Tout son être était captivé par le tableau; elle ne prêta aucune attention à l'entrée de Marcello Armonti dans la pièce. Marcello l'observait : il profitait pleinement de ce moment crucial. Le destin de sa famille et le sien se mettaient en marche. Et Eden / Lisa serait l'accélérateur de ce destin...

Eden / Lisa fixait le diadème qui ornait la chevelure de la jeune femme. Ses doigts tremblaient à la vue de ce merveilleux bijou. Ses doigts l'avaient tenu, elle en était certaine.

- Bonjour Lisa, laissez-moi vous conter l'histoire de ce portrait...

 

Hôpital de Vancouver.

Sophia Capwell veillait son fils aîné. Elle ne voulait pas quitter sa chambre, certaine au fond de son coeur que lorsqu'elle sortirait de cette chambre, les chances de survie de Brick disparaîtraient. Définitivement.

A différents moments, alors qu'elle dévisageait Brick, elle voyait un autre visage se substituer à celui de son fils de sang, celui de son autre fils, son fils de coeur : Channing Capwell Junior. La première fois, Sophia manqua de s'évanouir. A présent, elle attendait ces apparitions, certaine que Channing cherchait à s'expliquer avec elle. Tout comme dans le passé, lorsqu'il avait envoyé Eden pour la tuer, Channing aspirait à se venger d'elle, de cette femme qui l'avait abattu.

Mais plus que tout, Sophia voulait protéger le petit Johnny du drame qui risquait de se jouer dans cette chambre. C'est pour cela qu'elle l'avait pris à Channing et rendu à sa grand-mère Marisa, c'est pour cela qu'elle le maintenait éloigné de cette pièce. Sophia voulait garder le plus de distance possible entre Johnny et l'ombre de Channing Junior. Aujourd'hui, elle avait réussi à le faire garder par Jane et Marisa. Seul Lionel viendrait la rejoindre. Le père et la mère pour deux fils. Deux moitiés d'enfants pour deux parents qui ne les avaient jamais connus.

Et tandis qu'elle songeait à Channing Junior et à Brick, des voix se mirent à hurler dans sa tête. Elle ne pouvait pas comprendre le moindre mot, mais une violente douleur la terrassa. Sophia finit par s'écrouler inconsciente sur le lit de Brick.

Et lorsque Lionel poussa la porte et qu'il se précipita sur elle, il aurait pu jurer voir la main d'un homme appuyé sur la nuque de Sophia. Et pour lui cela ne faisait aucun doute que l'ombre et la main étaient celles de Channing Junior...

 

Chapelle de l'hôpital de Santa Barbara.

Courtney finit par fermer les yeux.

- Madeline, je t'en prie, parle-moi.

Depuis qu'elle avait tué le dernier bourreau de sa soeur, la voix de Madeline s'était tue. Le silence avait chassé la colère, la rage et la haine. Courtney était redevenue la petite fille qu'elle avait toujours été : cachée par l'omniprésence de sa soeur.

Depuis qu'elle avait tout expliqué à Pearl, elle avait retrouvé un peu de sérénité, bien que son coeur n'avait pas encore trouvé la paix. Il manquait quelque chose pour que Madeline soit enfin en paix, mais elle ne savait pas quoi. Grant, leur père, était mort. Elle avait tué Michael Bradford II pour effacer toute la honte qui rongeait le corps de Madeline et de toutes les autres femmes. Elle avait confié à Pearl les crimes de leurs pères respectifs. Elle lui avait légué les carnets de son père, elle espérait qu'il en ferait bon usage...

- Peut-être que j'aurais dû les confier à son frère Brian, il en aurait écrit un roman...

Le doute habitait Courtney; elle ne savait que faire pour offrir à sa soeur la paix qu'elle méritait.

- S'il suffisait de laver la honte... S'il suffisait de t'aimer, Madeline. Mais ce n'est pas cela... S'il suffisait de le dire haut et fort pour que l'on puisse oublier... S'il suffisait d'aimer...

 

Villa sur les hauteurs.

Pearl avait garé la voiture de location bien au-delà du portail de la villa où habitait Kirk Cranston. Accompagné de Julia, Daniel et Greg, ils attendaient que sa voiture quitte les lieux pour aller fouiller l'endroit. A cette occasion, ils s'étaient tous habillés de noir et peint le visage à la cire. Au cours du trajet, comme pour tromper leur père, ils s'étaient largement moqués de leur "côté sombre". Seul Pearl gardait les traits tendus : après sa visite à Madeline et sur la tombe de son père, il savait que ce soir, il jouait gros.

Au bout de ce qu'il leur sembla être une éternité, plusieurs voitures quittèrent la villa pour une destination inconnue.

- Peut-être devrions-nous les suivre ?

- Je ne crois pas, Greg, nous ne serions pas trop de tous pour fouiller la villa. Nous cherchons un simple bout de papier.

Lentement et sans bruit, quatre ombres escaladèrent le mur de la propriété et se faufilèrent à l'intérieur de la villa. Pearl ouvrait la marche, habitué à ce genre d'exercice. Il se souvenait de son intrusion dans l'institut Rawlings à la recherche de Kelly et de son frère Brian. Julia courait sur ses talons, suivie de Daniel et de Greg.

- Maintenant, écoutez-moi. Nous avons un peu moins d'une heure pour fouiller la maison et trouver les documents d'accord entre l'armée et C.C.. Faites attention à vous. Julia restera avec moi, et Greg et Daniel formeront la seconde équipe. Faites très attention à vous.

Les deux équipes se dispersèrent dans la villa, cherchant, inspectant, fouillant le moindre petit recoin, en prenant bien soin de faire le moins de bruit possible et de tout remettre à sa place. Julia fut la première à croire avoir trouvé le précieux document. Cachés derrière une vieille étagère, elle trouva de nombreuses photos des membres de la famille Capwell, ainsi qu'un arbre généalogique. Elle s'attarda un moment à observer les visages qui lui étaient familiers : Channing, Sophia, Ted, Kelly, Eden, Cruz, Gina. Elle s'attarda plus longuement sur le portrait d'Eden, car Kirk, comme par vengeance l'avait entouré de plusieurs traits rouges. Très certainement, elle aurait dû être la cible d'origine.

Greg et Daniel manquèrent de se retrouver nez à nez avec un groupes de gardes. Ils se retrouvèrent bloqués un long moment dans un placard à balai. Et contrairement à Daniel, Greg paraissait détendu, un peu comme si les risques de cette soirée ne lui apparaissaient pas si importants.

Pearl réussit à ouvrir la porte du bureau de Kirk. Il hésita un moment avant de l'ouvrir. Il eut beau fouiller la pièce, il ne trouva pas le document tant cherché. Il regarda différents dossiers, dont un qui comportait la garde précise de la propriété Capwell. Il fit quelques photos à l'aide de son téléphone : il réalisa que les différentes croix précisaient les points de départs de l'incendie. Il photographia aussi les contrats de location des camions qui avaient servi à déverser les produits toxiques sur la propriété. Des éléments importants changeaient de main. Mais bien sûr, tout cela n'aurait aucun sens s'ils n'arrivaient pas à prouver que le gestionnaire de ces terres était l'armée, le corps d'armée géré par son propre père...

Julia finit par rejoindre Pearl. Elle était bredouille tout comme Greg et Daniel, qui arrivèrent au moment-même où une voiture se garait au devant de la villa. Les quatre apprentis voleurs s'éclipsèrent par une fenêtre ouverte, priant que Kirk et ses sbires n'aient pas lâché les chiens.

 

Plate-forme pétrolière désaffectée.

Les hommes de Kirk Cranston maniaient avec difficultés la vedette qui les conduisait vers l'ancienne plate-forme pétrolière Capwell, au large de la baie de Santa Barbara. Cette ancienne plate-forme avait tout connu : de l'exploitation pétrolière à un casino.

Assis à l'avant du bateau, Kirk s'inquiétait sur les raisons de ce mystérieux rendez-vous. Il allait enfin rencontrer le cerveau de toute l'opération et il n'était pas certain que cela soit à son avantage. Pourtant, il avait obéit à tous les ordres : n'avait-il pas mis le feu aux terres Capwell, n'avait-il pas subtilisé tous les documents permettant de faire le lien avec l'armée, n'avait-il pas réduit au silence le Général Bradford, le seul homme capable de sauver C.C. Capwell ? Non, il avait bien obéit à tous les ordres. Et aujourd'hui, si les choses ne se présentaient pas comme prévu, la responsabilités incombait à David Raymond qui n'était pas capable de faire loi dans son propre tribunal.

La plate-forme approchait. Kirk, machinalement, lança un regard vers la baie et, inconsciemment, se dit qu'en cas de problème, il lui serait très difficile de rejoindre la côte à la nage.

Une fois accosté, il chercha du regard un second navire : celui du maître du jeu, comme il aimait à nommer l'inconnu qui lui donnait des ordres. Il n'en vit aucun, et pourtant, il n'y avait qu'un seul port d'attache à la plate-forme.

Il gagna rapidement le lieu de rendez-vous : l'ancienne salle de poker du casino. Après un long moment d'attente, il finit par entendre le bruit d'un hélicoptère qui atterrissait sur l'ancien héliport.

Après plusieurs minutes, deux hommes en noir arrivèrent dans l'ancienne salle de jeu, rapidement suivis d'une ombre. Kirk la détailla longuement. Et passé la surprise, un sourire se dessina sur ses lèvres.

- Vous ! Curieusement, cela ne me surprend pas plus que cela. C'est à présent que j'aurais dû penser à vous...

- Oser croire que j'avais fini par oublier ma vengeance, c'est bien mal me connaître... Il est grand temps, je pense, que Channing paye pour le mal qu'il m'a fait.

- D'accord, mais pour quoi tout cela ? Vous n'avez rien à gagner à détruire les Entreprises Capwell...

- Je me moque de sa compagnie. Je veux qu'il la perde, c'est tout. Moi, je rêve simplement de m'installer à la Villa et de le chasser comme il m'a chassé, lui et sa traînée de Sophia. Je veux le mettre à la porte, ses enfants avec et m'y installer dans cette villa qui a été la mienne, avec mes fils... Je sais qu'un jour, elle sera à moi et j'y vivrai, heureuse, avec Mason et Jeffrey... En attendant...

Pamela, la toute première épouse de Channing, s'approcha de l'ancienne table de poker.

- Il reste encore des choses à faire, parce que je ne suis plus certaine que le procès se déroule selon ma convenance.

- Vous savez, David...

- Assez d'excuses, j'ai encore d'autres armes. D'ailleurs...

Pamela prit des documents des mains d'un des hommes et tendit l'enveloppe à Kirk.

- Cette fois-ci, je veux que vous soyez plus discret... Personne ne doit savoir. Du moins pour le moment.

- Et pour Augusta Lockridge ?

- Elle... Vous croyez vraiment qu'elle compte et qu'elle peut m'attendre... Je suis bien meilleure qu'elle à ce petit jeu...

Kirk s'attarda à la lecture des documents.

- Et vous pensez que cela va suffire, car après l'incendie et la pollution des terres, je ne vois pas...

- Kirk, je ne vous demande pas de réfléchir. Faites, c'est tout. Quant au reste, laissez-moi le choix des armes. Il s'agit là de votre dernière chance, et je ne tolèrerai pas la moindre erreur. N'oubliez pas que j'en sais assez sur vous et votre père pour vous nuire, vraiment. Et ne variez pas d'un millimètre, l'endroit est des plus stratégiques...

Et avant que Kirk Cranston ne puisse lui poser d'autres questions, Pamela s'en retourna dans sa cachette, préparer la suite de son plan. Resté seul, Kirk analysa la situation : le procès risquait de lui échapper et il s'attendait à subir les foudres de Pamela, si jamais il n'obéissait pas correctement à ses ordres. D'ailleurs, il était persuadé qu'elle était capable de le détruire... Son père, dans le passé, avait plusieurs fois fait allusion à sa rage.

Obligé de réussir, Kirk récupéra ses affaires avant de regagner la ville. Tout en voguant sur l'océan, Kirk s'activait à réfléchir à une issue de secours...

Chapitre 27