Santa Barbara, Acte 2 | ||||||
Chapitre 26 : S'il suffisait... |
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S'il
suffisait qu'on s'aime, s'il suffisait d'aimer
Si
l'on changeait les choses un peu, rien qu'en aimant donner
S'il
suffisait qu'on s'aime, s'il suffisait d'aimer
Je
ferais de ce monde un rêve, une éternité...
Assise
dans la salle d'interrogatoire du poste de police, Gracie Lively tenait
fermement ses bras repliés autour d'elle. A chaque pause dans l'interrogatoire
de Connor, Gracie fredonnait une chanson de Céline Dion : «Je rêve son
visage, je décline son corps...». Elle se rattachait indubitablement à cette
mélodie, comme ci elle avait le pouvoir de ne pas sombrer.
Depuis
le début de la matinée, Connor McCabe l'interrogeait en présence de Julia
Capwell. L'enquête n'avançait pas. Gracie racontait toujours les mêmes
phrases, ne tenant pas compte ni des questions, ni de l'inexactitude des faits
qu'elle rapportait. Elle était rentrée de la soirée à l'Oasis. Elle avait
retrouvé Chester qu'elle avait confié à une amie dont l'identité changeait régulièrement,
puis s'était levée dans la nuit et, au matin, elle avait retrouvé Chester,
son Chester, mort.
-
Je ne crois pas sa version, Julia. C'est comme cela... Je sens qu'il y a quelque
chose derrière qu'elle ne peut pas ou ne veut pas nous dire...
-
Connor, je la connais. Je crains de deviner ce que tu penses et je préfère t'arrêter
tout de suite, ce n'est pas possible. Je la connais. Vous qui n'avez pas d'enfant,
vous ne pouvez pas comprendre ce que c'est d'avoir cette part de nous, vivante,
qui soudain n'est plus. Quand j'essaye de me mettre à sa place... Connor, un
jour on m'a pris Samantha et je peux vous assurer que je n'étais plus
rationnelle... Ma raison m'avait quitté parce que mon envie de vivre n'était
plus là. Je ne voulais qu'une seule chose, c'est qu'on me rende mon bébé...
-
D'accord, mais...
-
Mais quoi ? Elle a trouvé son fils mort. C'est naturel qu'elle soit incohérente.
Elle a besoin d'aide, pas qu'on la harcèle de questions.
Julia
leva les yeux vers la pendule.
-
Il est temps que j'aille au tribunal. Envoie-lui un psychiatre au lieu de l'interroger.
Au cours de sa thérapie, elle acceptera la mort de Chester et elle pourra te
raconter la chronologie de cette soirée.
-
Peut-être...
- Appelle si tu veux de ma part le docteur Skyler Gates. Il a aidé B.J. et je crois qu'il pourra aider Gracie...
Rue de Cancun, Mexique.
Mason
s'assit sur les marches d'escalier de l'immeuble de l'appartement de Danny
Andrade. Ce dernier venait de partir travailler. Les deux hommes s'étaient
longuement regardés, et il était évident que Dany avait reconnu Mason.
Malheureusement pour la suite, ni l'un ni l'autre n'avait osé faire le pas qui
aurait pu empêcher le drame d'arriver.
Assis
sur les marches, Mason fixait religieusement le béton du trottoir. Ses pensées
n'arrivaient pas à trouver la paix; elles passaient sans cesse de Brandon à
son enfance, de Santana à Pamela, et de Julia à Mary. Mason avait beau se
concentrer, il n'arrivait pas à trouver le chaînon manquant qui lui permettrait
de relier ses pensées les unes aux autres.
-
Je suis certain que tout ceci n'est pas anodin.
Mason
lança au loin la canette de soda qu'il avait bue. Son corps et son esprit réclamaient
quelque chose de plus fort. Il sentait qu'il avait besoin d'alcool, de feu pour
apaiser les tourments de son âme.
Mason hésita longuement. Mais au moment où sa décision fut prise, il alla se chercher un verre de tequila et entendit des cris en provenance de l'appartement de Danny. Aussitôt, il s'y précipita.
Tribunal de Santa Barbara.
Devant
les portes fermées du tribunal, de nombreux manifestants s'étaient regroupés
et créaient une réelle situation de crise, alors que venait de s'ouvrir le
procès des Entreprises Capwell pour l'incendie et le désastre écologique qui
menaçait la ville.
La
police rencontrait de sérieuses difficultés pour contenir les opposants, car
toutes les personnes réclamaient certes la justice pour les responsables, mais
exigeaient aussi et surtout le maintien du projet de Pacific Sud.
De
nombreux journalistes couvraient l'événement et B.J. Lockridge couvrait elle-même
le procès pour le Santa Barbara Chronicles. Elle avait réussi à obtenir un
entretien avec le maire de la ville qui s'opposait fermement à ce genre de
manifestations, et à présent elle recueillait les témoignages de plusieurs
manifestants. Pour l'heure, B.J. se refusait à prendre en compte l'avis des
propriétaires de Pacific Sud, à savoir C.C. Capwell et sa propre belle-mère,
Augusta.
D'ailleurs,
sur le perron de tribunal, Augusta regardait avec un franc sourire la situation
à ses pieds. Arrivée en retard, elle n'avait pu entrer dans la salle d'audience.
-
Augusta, je dois te dire que je ne suis pas trop mécontente de toi...
Tout
en se parlant, Augusta Lockridge prit la voix de sa belle-mère, Minx.
Augusta
ne ménageait pas ses efforts pour faire aboutir le projet de Pacific Sud. Dans
un premier temps, elle avait envoyé des lettres et des pétitions, et aujourd'hui
une grande manifestation pour l'ouverture du procès. Augusta sentait que son
heure approchait...
Augusta se retira derrière une colonne du tribunal, car les portes venaient de s'ouvrir et elle désirait s'entretenir un moment en tête à tête avec sa soeur, Julia.
Bureau de la Villa Capwell.
Assis
derrière son lourd bureau, C.C regardait le compte-rendu du procès à la télévision.
Il n'en revenait pas. Pour le moment, ni Daniel ni Julia n'avait eu la
possibilité de s'exprimer. David Raymond avait fait en sorte de ne laisser la
parole qu'aux associations écologistes et aux victimes.
-
S'ils ne peuvent me défendre, je monterai moi-même au créneau. Et puis qu'est-ce
que c'est que cette foule ?
En
colère, Channing ne comprenait pas qu'on ose le poursuivre, lui, pour un crime
qu'il n'avait pas commis. Bien qu'il n'arrive pas à en obtenir la preuve, David
Raymond devait le croire sur parole, n'était-il pas un homme de confiance ?
Alors
qu'il bougonnait seul, dans son antre, Gina fit irruption, plus en colère que
jamais.
-
Channing, comment se fait-il que mes cartes de crédit ont été bloquées ?!
-
Gina, pas maintenant...
Habillée
entièrement de cuir bleu acier, Gina s'assit sur le bureau. Maquillée avec excès,
elle tenait à la main un verre d'alcool.
-
Pas maintenant... Channing, c'est important !
Les
yeux de C.C. retournèrent sur le poste de télévision. Folle de rage, Gina s'empressa
de l'éteindre avant de reprendre sa place.
-
Channing, j'ai honoré ma part du marché, à toi de remplir la tienne. Je veux
pouvoir jouir du privilège d'être Madame Channing Creighton Capwell.... Je
veux mon argent.
-
Je suis navré, Gina, mais l'argent et les comptes aujourd'hui sont sous la
responsabilité d'Augusta Lockridge... C'est elle qui détient le pouvoir...
Channing
ne savait pas s'il devait rire ou pleurer de la situation : Augusta,
certes, empêchait Gina de gaspiller la fortune Capwell, mais savoir qu'une
Lockridge détenait les rênes de la bourse Capwell...
-
Channing, il va falloir changer de comportement... Je n'ai pas besoin de te
redire les termes du contrat. S'il suffisait d'être Madame Capwell pour...
Channing, je t'ai rendu le sceau de ta famille... Je t'ai rendu ton honneur. N'oublie
pas que je peux te le reprendre à tout moment... Il suffit simplement que j'aille
voir les journalistes et que je leur parle de ton ancêtre... J'imagine que cela
nuirait à l'image Capwell de savoir que Nathaniel Capwell a tué Horatio
Lockridge... J'imagine qu'après le scandale causé par Courtney, l'empire
Capwell...
Fou
de rage, C.C se dressa et empoigna Gina par le bras.
-
Hors de ma vue, vipère ! Tu as eu ce que tu voulais, tu es redevenue ma
femme. Jamais il n'a été question de plus.
La
colère et la haine déformaient les traits de Gina.
-
Oh que si, Channing, je veux plus. Plus que ce que tu ne pourras pas me donner.
Je ne te demande pas de remplir ton devoir conjugal, car à ton âge...
C.C.,
fou de colère, gifla Gina. La claque résonna lourdement dans la pièce. Et
Gina, manquant de tomber, se raccrocha au bureau. Elle s'empara de son verre et
le lança à la figure de Channing.
-
Si tu crois que tu vas t'en tirer ainsi, Channing, tu te trompes. Je ne suis
plus la petite femme craintive qui a débarqué en ville en 1984. Je suis
devenue plus forte... Et j'attends de toi que tu respectes les termes du
contrat. Je veux le nom Capwell, l'argent Capwell et le pouvoir Capwell... Si
Augusta te pose problème, tu n'as qu'à t'en charger... Après tout, lequel d'entre
vous, Capwell, qui vous croyez supérieur à nous, n'a pas tué quelqu'un...
Sophia, son fils. Pamela, son amant... Courtney, sa soeur... Quel beau tableau
de famille quand j'irai voir la presse ! Oh que si, Channing, je veux plus.
Plus que ce que tu ne pourras pas me donner.
Gina
dominait littéralement Channing. Une lueur de rage explosait dans ses yeux.
Puis, la même lueur embrasa les yeux de Channing. Il se rua sur elle, porta les
mains sur le cou de Gina, et tenta de l'étrangler.
-
Je jure que je vais te tuer... Je vais te tuer....
-
Aha Ha Ahaa !
Gina
avait beau se débattre, l'air commençait à lui manquer.
Alerté
par les cris, Greg pénétra dans le bureau et sépara son père de Gina, non
sans difficultés. Greg resta interposé entre eux.
-
Channing, si tu ne veux pas tout perdre, n'oublie pas. L'argent et le pouvoir
Capwell... Je peux tout te reprendre, quand je le voudrais...
Anéanti,
Channing tomba presque dans les bras de son fils.
- Elle va finir par me tuer si jamais je ne lui donne pas ce qu'elle veut...
Rue de Cancun, Mexique.
Arrivé
devant la porte d'entrée de l'appartement de Danny Andrade, Mason s'arrêta un
instant, à l'écoute du moindre bruit. Curieusement, c'était le silence, un
bien étrange silence... L'oreille appuyée contre la porte, Mason guettait...
Après
un long moment de silence, l'explosion arriva : cris et pleurs de Brandon,
hurlements de Santana. Puis, des sons comme des éclats de verre se superposèrent
aux cris. N'en tenant plus, Mason défonça la porte, qui céda rapidement. Il
manqua de s'effondrer dans un véritable champ de guerre. Brandon se trouvait au
milieu de la pièce, face à Santana qui ne cessait de hurler. Tant Brandon que
Mason remarquèrent la métamorphose de Santana; c'était comme si la raison l'abandonnait.
-
Maman, c'est moi qui lui ai demandé de venir...
Les
yeux noirs de Santana fixait les deux hommes. Son corps frémissait.
-
Mason, va t'en, tu n'as rien à faire ici. Laisse-nous !
-
Voyons, Santana...
Une
nouvelle Santana se superposa à l'ancienne, une femme tigresse qui allait
sortir des griffes acérées pour défendre son fils. Lentement, elle s'approcha
de son fils et se plaça volontairement entre Mason et lui.
-
Santana, je crois qu'il est temps...
-
...Pour nous de partir, Mason. Oui, c'est cela, il faut que nous partions,
Brandon et moi, nous devons changer d'air.
-
Santana, fuir ne te servira à rien. Brandon doit rentrer à Santa Barbara. Si
tu veux, je vais le prendre avec moi.
Discrètement,
Santana murmura à Brandon d'aller chercher ses affaires, et la flamme noire qui
brillait dans les yeux de la mexicaine l'obligea à obéir.
-
Santana, je te peux te comprendre... Mais pour
Brandon, il faut que vous reveniez à Santa Barbara, c'est là qu'est sa place,
c'est là que l'attend sa famille.
-
Sa famille, laisse-moi rire, Mason, tu les connais autant que moi. Ce n'est pas
une famille, c'est un nid de serpents, tous prêts à se mordre les uns et les
autres pour savoir à qui ira l'héritage. Non, tu ne dis pas le contraire, tu
les connais aussi bien que moi.
-
Peut-être, mais Brandon a besoin de sa mère.
-
Mais je suis sa mère!!!
Le
cri de Santana déchira l'espace et ouvrit une nouvelle brèche des plus
profondes dans sa raison, qui s'effritait de secondes en secondes.
-
Je suis sa mère, Mason, et je défie quiconque de me dire le contraire. Et
parce que je suis sa mère, je veux le protéger de ces rapaces que vous êtes.
Je veux l'éloigner de Gina, de cette mégère qui ne court qu'après l'argent
Capwell, je veux l'éloigner de C.C. qui ne rêve que d'en faire un autre
Channing Junior. Je veux le protéger de vous. Le protéger de vous ! ! Et toi
plus que quiconque devrait me comprendre.
L'espace
d'un instant, le souvenir d'une vie passée, pas si lointaine, se dessina dans l'esprit
de Mason, avec en toile de fond sa propre enfance et le visage de sa mère,
Pamela. Et la présence de Sonny, son autre lui, reprenait vie dans son corps.
Mason ressentait qu'il devait protéger Brandon
de cette souffrance-là. En sauvant Brandon, en l'empêchant de connaître cette
vie-là, il pourrait peut-être se sauver lui aussi...
-
Santana, je comprends. Je te jure que je comprends, mais Brandon ne peut pas, ne
doit pas finir comme moi. Il a droit à une vie heureuse, tu ne crois pas?
-
Oui. Et cette vie, c'est moi qui vais lui l'offrir. Loin de Santa Barbara, loin
des Capwell.
Mason
s'approchait doucement de la jeune femme.
-
Brandon et moi nous n'avons pas besoin de vous pour être heureux. Je peux tout
lui offrir, j'ai tant d'amour à lui donner. Alors que vous, vous n'avez que du
venin à nous donner. Mason, je te connais, je t'ai vu grandir, et je ne veux
pas que mon fils connaisse cela. Je ne veux pas qu'il soit élevé par une autre
femme que moi, sa mère. Je ne veux pas qu'on l'aime pour autre chose qu'il est.
Alors
que Santana lui parlait, Mason ne put s'empêcher de pleurer, car la vie que
refusait Santana pour Brandon était celle qu'il avait vécue.
-
Je ne veux pas qu'on lui fasse miroiter un héritage, qu'on le mette en compétition
avec les autres... Je veux qu'il connaisse l'amour d'une mère. La présence d'une
famille autour de lui. L'amour des siens... Cela, je peux lui l'offrir. Je n'ai
rien contre toi, Mason, mais je ne veux pas qu'on en fasse un autre toi ou un
autre Channing Junior. Mais bon sang, regardez-vous, les Capwell, regardez votre
famille, elle n'est que séparation et haine. Même Eden, celle qu'on croyait
intouchable, n'a pas résisté à la malédiction qui pèse sur vous...
-
Santana...
-
Non, tais-toi, Mason. Sois honnête au moins une fois avec moi. Tu crois que la
vie que tu lui proposes au sein de la famille Capwell est meilleure que celle
que je peux lui donner ? Echangerais-tu ton enfance contre une autre enfance,
mais auprès de ta mère Pamela ? Penses-tu que si elle en avait eu le choix,
Pamela t'aurais laissé vivre dans cette famille ?
L'âme
de Mason tremblait, il la sentait marcher le long d'un profond précipice : l'enfant
qu'il n'avait jamais été, espérait encore tellement de pouvoir un jour se
blottir contre les bras de sa mère et non dans ceux d'une étrangère qui se
languissait de bercer ses fils de sang. L'enfant qu'il aurait aimé être espérait
encore être aimé par les siens, pour ce qu'il était et non pas être mis de côté
parce qu'il était l'aîné et le fils d'une autre.
-
Ce n'est pas la même chose. Tu dis aimer Brandon, mais tu ne tiens pas compte
de son avis, de ce qu'il veut.
Les
mots le déchiraient dans son âme; il se retenait presque.
-
Santana, laisse-moi t'aider!
Et
lorsque Mason posa sa main sur son bras, la femme se fit tigresse.
-
Bien. Va dans la chambre, prendre les affaires de Brandon. Il va rentrer...
Mason s'éloigna, tandis que Santana se glissa vers Brandon, l'empoigna par le bras et le guida vers la porte. Elle réussit à sortir de chez son frère toujours en tenant fermement Brandon. Malheureusement pour elle, Brandon cria lorsqu'ils franchirent la porte, ce qui raviva les réflexes de Mason.
Santana
et Brandon réussirent à monter dans la voiture de Danny, alors que Mason
perdit du temps à la recherche de ses clés qu'il avait perdues en défonçant
la porte. Ce n'est que dans la voiture que Santana remarqua qu'elle avait oublié
son sac et par conséquent ses comprimés. Tout en conduisant, elle ordonna à
Brandon de lui prêter son portable et laissa un message sur le répondeur de
Warren Lockridge, pour qu'il vienne à son secours.
Santana
faisait route vers Tulum, dans les ruines mayas qu'elle connaissait
parfaitement. C'est là que Warren devait la retrouver le lendemain. En levant
la tête, Santana remarqua la voiture de Mason dans le rétroviseur.
-
Ah, si j'avais mes comprimés...
Santana
se massait fermement les tempes, consciente que l'autre revenait en elle.
En chemin, après avoir repris un peu le contrôle de ses esprits, elle joignit celui qu'elle considérait comme son unique secours : Warren Lockridge. Elle lui laissa un message sur son répondeur, lui demandant de venir la retrouver au plus vite à Tulum, car elle avait Mason à ses trousses et qu'elle craignait pour sa vie.
Club 71.
A
l'écart dans un box de la partie restaurant du Club 71, Julia Capwell et Daniel
McBride poursuivaient leur discussion sur les premières heures du procès. Ils
savaient aussi qu'à quelques pas d'eux, le Juge David Raymond et le maire de la
ville en faisaient de même, se félicitant de ce début de procès.
Au
bout de plusieurs minutes, Daniel remarqua que Julia ne l'écoutait plus, d'ailleurs
elle remuait lentement ses pâtes, le regard perdu dans sa sauce bolognaise.
-
...Enfin, Julia, je voulais dire combien...
Julia
n'écoutait pas. Elle finit toutefois par prendre conscience du silence.
-
Julia, je sais que Mason te manque et que tu te sens en partie coupable pour
Gracie, mais cela ne va pas nous aider à gagner ce procès...
-
Ce n'est pas cela.
-
Tu ne penses pas à Mason ?
Affectueusement,
Daniel posa sa main sur celle de son amie.
-
Bien sûr que si, Daniel, mais ce n'est pas cela.
Julia
posa sa fourchette et, lentement, elle paraissait reprendre consistance.
-
Je pense à un ami que tu n'as pas connu. Tu l'aurais aussi trouvé formidable j'en
suis sûre...
-
A un ami ? Et pas à Mason... Ne me caches-tu rien, Julia ?
-
Si tu savais comme il me manque, si tu pouvais imaginer combien Cruz me manque.
Depuis son départ, j'ai l'impression que rien ne va. J'appréciais tant sa
compagnie, mais depuis qu'il a quitté la ville, j'ai comme l'impression que
Santa Barbara n'est plus la même. La ville a perdu son âme. Cela va te paraître
idiot, mais imagine Gotham City sans Batman. Et bien pour moi, c'est
pareil. Crois-moi, si Cruz était là, il nous aiderait et on y verrait clair
dans le jeu de Kirk. Je crois qu'ils se haïssent aussi forts l'un que l'autre.
Cruz saurait aussi trouver les mots justes pour Gracie. Et cela n'a rien à voir
contre toi, Daniel, car tu sais que je t'aime bien, mais j'aurais une épaule où
pleurer un moment... Cruz est comme moi, il est amoureux d'une Capwell... Il y a
des choses qu'il saurait comprendre...
Des
fines larmes coulaient sur les joues de Julia. Pour la toute première fois
depuis le départ précipité de son grand ami, elle trouvait les mots pour évoquer
le vide de son absence. Car Cruz c'était l'ami, le confident... Tout au long de
sa vie à Santa Barbara, le chemin de Julia n'avait cessé de croiser celui de
Cruz et Eden.
-
J'ai tant besoin de lui, en fin de compte. Je me souviens de moments passés
dans son salon, où l'un comme l'autre on devait surmonter nos angoisses d'être
abandonnés par l'être aimé... Il me manque tant...
-
Je comprends... Je te jure que je te comprends.
-
Et puis, j'ai en ce moment l'impression d'être seule... Si seule... Gracie et
ses problèmes. Lionel qui est au Canada. Mason qui court après Santana... Je
me retrouve toute seule... Et je déteste cela. Excuse-moi.
Julia
se leva et quitta la table pour les toilettes, afin de redonner un semblant de
paix à son visage. Bien sûr, David Raymond remarqua son trouble et s'en félicita :
le procès semblait déjà gagner et avec Mason loin, il gardait encore une
chance...
Julia
regagna le plus discrètement possible sa table.
-
Daniel, pour le procès, je suis certaine qu'il ne faut pas abattre nos cartes
tout de suite... J'ai l'impression qu'il faut les laisser gagner en confiance.
Je connais David, et je peux dire que lorsqu'il aura l'impression d'avoir gagné,
il baissera sa garde... Et puis, je viens d'avoir Pearl au téléphone et pour
cette nuit, il nous propose une petite virée des plus intéressantes...
Julia fit signe à Daniel d'approcher son oreille et elle lui murmura sa conversation avec Pearl.
Bureau d'Armonti's.
George
entra sans frapper dans la salle du conseil d'administration d'Armonti's. Il désirait
depuis le début de la journée se retrouver face à face avec Venise. Bien qu'il
n'avait pas encore obtenu l'aval de son amie Sophia, il aspirait à mettre les
choses au clair avec Venise : la donne venait de changer. Avec la vente des
actions par Marcello quelques temps plus tôt, Venise n'était plus l'actionnaire
principale de la société, et il se pouvait, du moins George l'espérait, que
le contrôle de la société passe entre de nouvelles mains.
Venise
avait réuni autour d'elle différents créateurs, et elle travaillait sur la
mise en place des SPA dans les plus grands magasins du pays. D'ailleurs, George
ne pouvait que la féliciter de cette brillante idée, car la clientèle
affluait : après un long moment d'achats, les clientes appréciaient
grandement ce moment de détente offert par Armonti's. D'autant que Venise était
en cours de négociations avec une grande chaîne de cosmétiques pour mettre très
prochainement en vente une ligne Armonti's.
-
Venise, pourrais-je vous voir un moment ?
-
A quel sujet ?
C'est
à peine si elle avait levé les yeux.
George
la contempla un moment. D'accord, il ne l'appréciait pas pour ce qu'elle avait
osé faire à Sophia, mais d'un certain côté, il lui trouvait de nombreuses
qualités.
-
Pouvons-nous en discuter en privé ?
Venise
se leva, et elle et George gagnèrent son bureau, à savoir l'ancien bureau de
Sophia.
-
Venise, je sais que la situation est délicate, mais dès le retour en
ville de Sophia, j'exigerai une nouvelle réunion extraordinaire du conseil d'administration.
-
Pour ?
Les
nerfs de Venise se contractèrent. Elle était parfaitement consciente de l'enjeu,
et elle s'affairait de nuit comme de jour à joindre Marcello pour qu'il lui
explique son brusque revirement.
-
Venise, à ce jour, vous n'êtes plus l'actionnaire principale d'Armonti's. Je
ne connais pas le capital d'actions que vous détenez, mais à ce que je peux
imaginer, il se pourrait que Sophia, au vu de ses parts, puisse reprendre le
contrôle... D'autant que les derniers transferts de fonds d'Armonti's à des
fins non justifiées feront certainement changer la position des autres
actionnaires...
Venise
arracha des mains les papiers que tenait George. Avec rapidité et précision,
elle les consulta. Elle ne pouvait nier l'évidence. D'importantes sommes d'argent
avaient été retirées ces derniers jours, sans son aval.
-
J'imagine que si vous ignoriez tout de ces transferts de fonds, on doit en
chercher l'origine auprès de Marcello, en qui vous avez donné tous pouvoirs...
-
Sortez, George. Laissez-moi seule un moment.
Venise
s'effondra sur son fauteuil : la situation était encore pire qu'elle ne l'imaginait.
Marcello avait déjà vendu une grande partie des actions qu'elle possédait et
à présent il se servait des fonds d'Armonti's comme réserve personnelle... Ce
n'était pas la vengeance qu'elle espérait ! Ce n'était pas le combat qu'elle
souhaitait mener !
Venise
resta un long moment à réfléchir, essayant d'analyser au mieux la situation.
La sonnerie de l'interphone la fit sursauter et la ramena avec violence dans la
réalité.
-
Non, je ne veux voir personne et je ne suis pas au courant d'une soirée
exceptionnelle donnée par Armonti's...
Venise
ne comprenait plus. La situation lui échappait complètement. Elle se regarda
un moment dans le miroir qui trônait dans son bureau. Là, la force de sa
solitude lui apparut comme une cicatrice en plein visage. Elle se rua hors de
son bureau et gagna la salle d'essayage, où elle savait qu'on était en train
de préparer la nouvelle ligne masculine en présence de T.J.. Là, elle exigea
que tout le monde sorte, à l'exception de T.J..
Venise
s'approcha de lui et le regarda vêtu d'un jean et d'une chemise faite de différents
morceaux de tissus. Lentement, elle défit les aiguilles qui retenaient la
chemise et y fit courir ses doigts sur la peau de T.J.. Celui-ci essaya de
se dégager.
-
Ne fais pas celui que cela dérange. Pas avec moi.
Elle
arrêta ses doigts sur ses pectoraux, dessinant la ligne de ses muscles.
- Fais-moi l'amour, bel italien. Là, tout de suite... J'en ai besoin. En ce moment, je ne veux pas être seule...
Salle privée de l'Oasis.
Augusta
Lockridge vérifia les derniers préparatifs de sa petite fête privée. Pour l'heure,
tout se déroulait à merveille : C.C. et sa femme Gina n'allaient pas tarder à
arriver.
Soudain,
un serveur vint se présenter, escortant le nouveau couple Capwell. Augusta les
accueillit avec ferveur, embrassant Channing et Gina.
-
Quelle fête, chère Augusta... J'espère pour Channing et pour moi qu'elle sera
moins dangereuse que la dernière !
-
Ne vous en faites pas, Gina, elle sera des plus... champêtres !
En
effet, le salon privé de l'Oasis avait été transformé en véritable saloon
texan. Augusta s'était librement servi de ce qu'elle avait découvert au cours
de son bref séjour à Dallas. Elle portait même pour l'occasion une chemise de
cow-boy, des bottes et un véritable stetson.
-
Dites-moi, Augusta, est-ce que l'état des finances de la reine de Pacific Sud
sont au plus bas ? Quand je vois ce cadre si fermier...
-
Gina, cela suffit. Augusta, peut-on savoir pourquoi nous sommes là ?
Alors
que Channing s'interrogeait, Julia, Greg et Daniel entrèrent à leur tour. Tous
les regards se portaient sur les nombreux ballots de foin qui décoraient le
salon.
-
Ce soir, c'est bière pour tout le monde !
Et
c'est autour d'une table en verre qui diffusait des images de rodéo que tous
prirent place. Le même serveur revint avec des morceaux de viande grillée.
Autour du repas, Augusta leur parla de son séjour à Dallas. Personne ne
semblait comprendre le but caché d'Augusta, car cette soirée ne pouvait pas être
anodine.
Gina
ne cessait de se moquer d'Augusta, n'hésitant pas à la traiter de fermière.
C.C., par moment, tentait de parler du procès avec Daniel ou Julia, mais ces
derniers restaient des plus évasifs. Greg, quant à lui, était peut-être le
seul qui s'amusait.
-
Avant de passer à l'objet de cette petite soirée, je voudrais juste vous faire
écouter un petit morceau de musique très country...
Elias
vint s'installer sur un ballot de paille dans un angle de la salle, sortit un
vieil harmonica et, après le signal d'Augusta, se mit à jouer. Bien que la
musique était des plus entraînantes, personne ne s'était levé pour danser.
Seul Greg marquait du pied le rythme et, discrètement, sa main s'était posée
sur la cuisse de Daniel. Durant tout le morceau, Augusta ne pouvait s'empêcher,
à la dérobée, d'observer Gina. Augusta souriait intérieurement : elle
semblait ne pas avoir reconnu Elias.
Elias
s'arrêta et commença un second morceau typique du folklore texan. C.C. n'en
pouvait plus, on le voyait se consumer à petit feu.
-
Bon ça suffit, Augusta, j'imagine que vous ne nous avez pas invités pour
danser ou écouter de la musique, alors venez-en au fait, et qu'on en termine de
cette mascarade !
Augusta
se leva et rejoignit Elias.
-
Je vous avais prévenu qu'ils n'apprécieraient pas votre musique... C'est que
sous le maquillage, nous paraissons bien plus civilisés que vous autres éleveurs
de bétails... Et en parlant de bétails, je pourrais vous vendre un vieux
canasson dont plus personne ne fait rien... N'est-ce pas, Gina ?
Folle
de rage, Gina se leva, sous le regard amusé de Greg et Daniel.
-
Augusta, je ne vous permets pas...
Imperturbable,
Augusta poursuivait son discours. Elle conduisit Elias à la table et lui présenta
les différents invités. Bien sûr, elle termina par Gina qui, à contrecoeur,
lui serra la main.
-
Et j'oubliais de vous présenter l'artiste de cette soirée. Je vous demande d'applaudir
Elias... Elias DeMott, votre ancien beau-frère, Gina...
Le
cerveau de Gina ne fit qu'un tour. Elle se souvenait vaguement de la famille de
Stockman, et elle était certaine qu'Elias n'en faisait pas partie. Channing, de
son côté, cherchait le lien manquant entre Stockman et ce vieil homme noir,
joueur de musique country.
-
Elias est le frère par alliance de Stockman, Gina. Vous voyez, Elias, je vous
avais dit qu'elle ne se souviendrait pas de vous. Oh, j'imagine qu'il n'y a rien
entre vous, puisque le mariage avec Stockman n'est pas valable... Donc elle ne
fait pas partie de votre famille...
Gina
pâlit : des brides de souvenirs lui revenaient en mémoire.
-
Comment cela pas valable ?...
Channing,
lui aussi, replongea dans le passé.
-
Augusta, j'étais présent et je peux vous assurer que le mariage a bien été célébré...
-
Oui, mais par un pasteur rejeté de l'église. Il y a peut-être eu un mariage,
mais Stockman savait qu'il ne serait pas valable...
-
Comment osez-vous ! ! Vous n'êtes qu'une sale garce, et je vais vous
faire regretter ce moment !
Augusta
s'approcha de Channing avec plusieurs documents à la main.
-
Channing, elle vous a menti sur toute la ligne. Car elle savait. Voici le
premier codicille que Minx m'a laissé. Tout y est expliqué noir sur blanc. Une
semaine après le mariage, elle a reçu un mot ordonnant à Stockman et à elle
de signer des documents pour légaliser leur union. Mais, Gina ne l'a jamais
fait. Ainsi, elle n'est jamais vraiment devenue Madame Stockman DeMott, et elle
n'est pas vraiment non plus la mère de Brandon.
Gina
enrageait et Greg la retenait.
-
Channing, ne l'écoute pas ! C'est une vieille folle qui veut se venger de
moi, parce que je lui ai volé Lionel... Ce n'est qu'un tissu de mensonges !
-
Non, M'dame. Elle a r'ison. A la mort de Stockman, j'vous ai contacté pour le
dire. Mais v'm'avez versé 5 000 dollars pour mon silence...
-
C'est faux !
Gina
parvint à se libérer et fonça sur Augusta. Les deux femmes s'empoignèrent
par les habits. Pendant ce temps, Channing lisait les documents du codicille de
Minx.
Daniel
et Greg se précipitèrent pour séparer les deux femmes : Gina semblait être
la plus mal en point. Elle ne cessait de hurler : Espèce de vieille folle !
-
Channing, il ne faut pas la croire. Tout ceci n'est qu'un ramassis de mensonges...
Elle est jalouse que j'ai pu épouser Lionel...
Gina
poursuivait ses lamentations, elle était de plus en plus pathétique. Puis
soudain, la rage et la haine reprirent le dessus.
- Channing, fais attention. Tu oublies que je connais le secret de ton ancêtre...
Et je pourrais tout dire à la presse.
Augusta
rayonnait, elle regardait fixement Gina.
-
Gina, qu'allez-vous dire à la presse ? Qu'il y a près de 50 ans, deux
hommes se sont battus à mort pour l'amour d'une femme. Et bien, faites. Vous n'aurez
aucune preuve. Les corps dans l'Amanda Lockridge ne prouvent rien.
Augusta
se plaça au côté de Channing.
-
Oui, Nathaniel voulait Amanda pour lui, et il s'est battu à mort avec Horatio...
Qui va être intéressé par cette histoire ? Personne !
-
Ne l'écoute pas, Channing, pense au prestige de ton nom...
Pendant
que Gina poursuivait ses lamentations, Daniel avait repris les documents et les
consultait, tandis qu'Augusta parlementait avec Channing.
-
Channing, c'est le moment de se débarrasser d'elle une bonne fois pour toutes.
Je vous laisse toutes les preuves pour faire annuler votre mariage et pour lui
rependre Brandon, votre petit-fils... Et en plus, je vous rends le contrôle de
votre argent... En échange, je veux ses parts de Pacific Sud. C'est tout ce que
j'ai à gagner... Si ce n'est de me débarrasser de cette garce....
Machinalement,
Channing jouait avec le sceau de sa famille, puis, lorsqu'il leva les yeux sur
Gina, il ne vit plus que la femme qu'elle avait toujours été : la femme
qui avait couché avec Mason, la femme qui avait menti et intrigué pour se
faire épouser, la femme qui avait fait incarcérer Kelly, la femme qui se
dressait encore et toujours entre Sophia et lui.
-
Gina, rentrons. Merci, Augusta, de m'avoir ouvert les yeux...
Victorieuse,
Augusta regarda s'éloigner Gina qui, pour la première fois de sa vie, n'avait
plus rien à dire.
-
Allez, ce soir c'est moi qui régale, bière à volonté !
Seule
Julia ne disait rien. Elle était la seule à songer à Brandon et au mal qu'on
allait lui faire pour rien, lui qui restait innocent à ces manipulations.
- Me voilà présidente de Pacific Sud !
Aéroport de Santa Barbara.
-
Warren, tout est prêt, nous allons décoller.
Suite
au coup de fil de Santana, que Ted avait malencontreusement intercepté, Warren
avait décidé de partir pour le Mexique et de porter secours à Santana. De son
côté, Ted avait prévenu Mason pour comprendre ce qui était en train de se
passer de l'autre côté de la frontière. Et parce que tout le monde, en fin de
compte, voulait aider Brandon, Ted avait fait préparer le jet de la compagnie
de son père pour qu'ils puissent partir pour Tulum.
-
Tout est prêt, nous serons là-bas en fin d'après-midi.
-
Ted, s'il suffisait d'aller là-bas, de retrouver Santana et de la ramener
gentiment ici à Santa Barbara... Mais sans vouloir me montrer insultant avec ta
famille, je crois que ton père lui a fait beaucoup trop de mal...
Ted
approuva de la tête. Il n'ignorait pas les aléas de la vie, toutes ces étapes
qu'avaient dû traverser Santana pour en arriver là, au point de rupture. Il se
souvint alors des paroles de Hayley : «S'il suffisait d'aimer, tout serait
très simple... Mais parfois l'amour ne suffit pas. L'amour qu'on croit témoigner
aux autres n'a pas toujours l'apparence de ce que l'autre espère. S'il
suffisait d'aimer...»
-
Ted, tu as bien donné au pilote les informations que m'a transmises Sawyer ?
- Oui. Je lui ai recommandé de faire vite. Je crains un nouveau drame pour Santana ou pour Mason...
Ruines Maya de Tulum, Mexique.
Santana avait garé sa voiture à l'écart, sur
le parking du site touristique de Tulum. Elle avait laissé sur le portable de
Warren la localisation de l'endroit précis où elle l'attendrait avec Brandon.
Santana
transpirait à grosses gouttes. Elle luttait du mieux qu'elle pouvait contre le
mal qui la rongeait de l'intérieur. Depuis qu'elle roulait avec Brandon, elle
entendait sans cesse le rire de Channing Junior. Parce qu'elle l'avait côtoyé de prêt, elle savait comme il pouvait se montrer cruel et méprisant. D'ailleurs,
au début de leur histoire, il passait toujours près d'elle avec ce regard
lourd de mépris pour les gens de sa condition. Elle se souvenait aussi de ses
railleries continuelles envers Mason, parce qu'il n'était pas de Sophia. En évoquant
le souvenir de l'ancienne maîtresse de la villa Capwell, Santana fut prise de
violents maux de tête. La douleur se faisait plus persistante.
A
ses côtés, Brandon ne bougeait pas. Il se faisait le plus petit possible. La
femme à ses côtés n'était plus celle qu'il avait connue, celle qu'il avait
appris à aimer. Il voyait bien que quelque chose n'allait pas en elle, mais il
ne savait pas comment faire pour percer la rancoeur qui suintait d'elle. A présent,
il craignait le pire. Elle ne cessait de murmurer, comme dans ses rares moments
de sommeil, le nom de Channing Junior... Il l'entendait parler de meurtre, d'abandon,
de mauvaise mère. Brandon craignait qu'elle ne se fasse du mal, car jamais, il
en était certain, elle n'oserait porter la main contre lui.
Roulé en boule sur le siège avant, Brandon priait pour que Mason arrive au plus vite et le libère de ce cauchemar.
Villa Capwell.
Gina
gara sa voiture juste devant l'entrée de la Villa Capwell, plus encore que
jamais contre Augusta Lockridge. Elle avait vainement tenté auprès de
plusieurs banques de la ville de transférer de l'argent du compte Capwell vers
son compte personnel aux îles Caïman, et personne n'avait pu valider le
transfert. A chaque fois, elle avait entendu la même réponse : Sans la
signature d'Augusta Lockridge, nous ne pouvons rien faire.
-
Je la hais...
Gina
fit claquer la portière de son cabriolet avec force.
-
Elle va me le payer, je le jure...
Et
à peine venait-elle de pousser la lourde porte de la villa que deux vigiles se
précipitèrent sur elle et l'empêchèrent d'avancer.
-
Poussez-vous, je suis chez moi ici...
Les
deux hommes lui firent barrage, tandis que Gina hurlait, griffait, se débattait
du mieux qu'elle pouvait. Au bout d'un moment, C.C., le sourire aux lèvres, se
détacha d'une des lourdes amphores de pierre qui ornaient l'atrium.
-
Gina, à partir de ce jour, la porte de ma maison t'est définitivement fermée.
Ce n'est plus chez toi. Et ce ne le sera plus jamais. De plus, depuis 3 heures
de l'après-midi, tu n'es même plus madame Channing Capwell. A vrai dire, tu n'es
plus rien.
-
Mais Channing...
-
Tais-toi. Te voir et t'entendre me dégoûte... Je ne veux plus jamais avoir à
faire quoi que ce soit à faire avec toi. Ni moi, ni aucun membre de ma famille.
Gina
resta paralysée, tant la haine dans le regard de Channing était visible; et
puis son coeur songeait à Brandon. Elle ne voulait pas lui faire penser à son
fils...
-
Tiens, cette fois-ci, je t'ai fait tes valises. Tu n'as ni plus ni moins que ce
que tu avais la première fois que tu as mis un pied dans cette villa. Pauvre
fou que j'étais à l'époque de croire en ton innocence... Autant inviter le
diable dans sa maison !
-
Channing, il faut que je t'explique...
-
Tais-toi. Les documents d'Augusta sont des plus clairs. Tu as menti. Depuis le début
tu as menti. S'il suffisait de... En 1984, il aurait suffi que j'écoute Eden et
nous n'en serions pas là aujourd'hui. Augusta a récupéré tes part de Pacific
Sud. Moi, je reprends ma liberté... Et je reprends Brandon... En même temps
que le divorce, j'ai fait annulé l'acte d'adoption... Et Brandon est
officiellement mon fils adoptif.
-
Non... Non...
Telle
une tigresse, Gina essaya de bondir sur Channing, elle voulait lui faire autant
de mal qu'il venait de lui en faire.
-
Non, tu n'as pas le droit.... Brandon est mon fils...
-
Non, Gina. L'adoption ne peut être validée que par ton mariage avec Stockman.
Sans mariage, il n'y a pas d'adoption...
-
Non ! Tu n'as pas le droit Channing. Et je voulais te dire aussi que je
vais me battre pour vous reprendre à toi et Lionel, la garde de mon fils.
Channing III sera bientôt ici, que tu le veuilles ou non. Il deviendra un
Capwell, je t'en fais la promesse, et il en oubliera même le son de ta voix...
Channing
tourna le dos, indifférent aux menaces, aux cris, aux pleurs de Gina.
Celle-ci, lentement, se calma, son coeur venait de se briser : Channing lui volait ce fils qu'elle aimait tant, il lui volait sa vie, tout simplement. Brisée, anéantie, elle se laissa guider par les deux vigiles qui l'installèrent dans sa voiture avec ses valises et elle se laissa conduire hors de la villa Capwell.
Tribunal de Santa Barbara.
Augusta
réussit à rentrer dans la salle d'audience, avant que le garde ne ferme les
portes pour la reprise du procès. Sans le moindre égard pour la cour, elle se
précipita sur sa soeur Julia, qui lui lançait des regards assassins.
-
Augusta, je t'en prie, pas ici... La séance va bientôt reprendre.
Incrédule,
le maire et le juge David Raymond la dévisageaient avec stupeur. Sûre d'elle,
Augusta Lockridge osa même faire un petit signe de la main et un clin d'oeil à
l'adresse de David Raymond.
Julia
ne savait plus où se mettre.
- Augusta, je t'en prie...
David...
-
Il faisait moins le fier quand il te tournait autour, lorsqu'Angela s'est fait
la belle ! !
Augusta
s'assit à cheval sur les genoux de Daniel.
-
Et n'en profitez pas, vous !
Augusta
rayonnait, elle se sentait observée, et tout le monde dans cette pièce du
tribunal restait accroché à sa présence. Elle était le centre de ce monde,
ce qu'elle recherchait.
-
Julia, je viens de signer un nouveau projet pour Pacific Sud. Que tu gagnes ou
tu perdes ce procès, cela n'a aucune importance pour moi, car Pacific Sud se
fera. Je viens d'avoir confirmation par le cabinet du gouverneur : le
projet congrès écologique et océanique se fera dans la salle de conférence
de Pacific Sud. Cette fois-ci, c'est définitif...
-
Très bien, Augusta, mais je crains que si les Entreprises Capwell et nous
perdons ce procès, ton projet de Pacific Sud ne reste qu'un joli rêve. Et pour
être honnête avec toi, je crains vraiment que nous puissions perdre. David
peut nous détruire... Il a toutes les cartes en mains, tant que nous n'avons
pas le papier de l'accord entre C.C. et l'armée.
C'est
alors qu'Augusta remarqua la présence de l'autre côté de l'allée de Kirk
Cranston.
-
Et lui, Julia ?
-
Lui, c'est celui qui s'occupe des sales besognes... Et pour le moment, nous n'avons
aucune preuve.
-
Ne t'en fais pas, petite soeur, j'en aurai...
-
Et comment ? Cela fais des semaines que nous cherchons un élément qui
pourrait l'incriminer, et toi....
-
Et oui...
Augusta
se leva, arrangea le bustier de sa robe, et déposa un franc baiser sur les lèvres
de Daniel, avant de lui essayer le rouge aux lèvres qu'elle avait laissé.
-
Mon petit Daniel, je vais vous montrer ce qu'est une femme, et une Lockridge qui
plus est...
Augusta
s'approcha de Kirk et fit signe au Juge Raymond de commencer la séance. Elle
murmura à l'oreille de Kirk.
-
Dites-moi, jeune homme, il me semble vous avoir vu traîner sur les terres
Capwell avant l'incendie. Je sais que vous êtes comme votre père, lâche et
attiré par l'argent, comme un papillon par la lumière. Si vous ne voulez pas
que je vous détruise, dites-moi quel est votre prix ? Je saurai me montrer
généreuse...
Tout
en lui parlant, Augusta faisait courir ses ongles rouge sang, sur la peau nue du
bras de Kirk. Ce dernier la regarda alors avec son plus grand sourire.
-
Bien trop cher pour une vieille peau comme vous, je le crains, Augusta. Vous
savez, des plus malins que vous ont déjà essayé de m'arrêter et regardez, je
suis toujours là.
-
Comme cela va m'amuser de vous chasser, Kirk... Vous serez mon premier Capwell
que je ferai saigner, car il me semble que la petite babiole qui bat en vous
appartenait à une Capwell...
A
l'annonce de ces mots, le coeur de Kirk s'emballa et une forte sueur lui monta
au visage.
-
Ne vous en faites pas, mon petit, la vieille peau, comme vous dites, en sait
plus long sur vous que vous ne l'imaginez. Votre père, enfin adoptif, était
des plus bavards sur l'oreiller... Une fois que je l'avais bien épuisé, il me
confiait bon nombre de secrets, en particulier ceux des Capwell... Et parfois, même
les siens.
La
tension de Kirk était à son maximum. Augusta le sentait. Elle avait ferré son
poisson, il ne lui restait plus qu'à le ramener...
-
Kirk, je vous fais une proposition que je ne vous ferai pas deux fois : le
document reliant le Général Bradford et Channing Capwell, contre le nom de
votre mère.
Augusta
le dévisagea. Elle pouvait lire son envie dans ses yeux, dans chacun de ses
gestes.
-
Vous avez jusqu'à ce soir minuit...
N'en
tenant plus, Kirk se leva et quitta en sueur la salle du tribunal. Pendant ce
temps, Augusta se repoudra les joues.
Kirk
trébucha sur les escaliers du tribunal. Il s'accrocha à un lampadaire et,
tandis qu'il sombrait dans les images d'une autre vie qui n'était pas la
sienne, celle de Madeline lui revenait à l'esprit. Tout comme elle, il se
sentait souillé par les mains de Grant posées sur son corps...
-
Maman...
Dans un même cri, Kirk et Madeline hurlèrent le mot magique capable d'apaiser tous les tourments.
Villa Armonti.
Gianni
accompagna Lisa / Eden jusqu'à dans le salon Renaissance de l'imposante Villa
italienne. Elle ignorait tout des raisons de sa présence ici. Et malgré le
fait que Gianni lui avait certifié qu'elle comprendrait tout et qu'elle ne
risquait rien, Lisa conservait une certaine sensation de crainte.
Arrivée
dans le salon, elle regarda Gianni s'éloigner.
-
Ne vous inquiétez pas, il va arriver.
C'est
alors qu'en levant les yeux, elle remarqua l'immense tableau qui lui faisait
face. Il s'agissait d'une femme, une femme blonde qui lui ressemblait étrangement.
Sur le tableau, elle portait une longue robe fourreau bleu nuit. Elle posait
dans une vaste pièce, a priori un salon de musique, car un piano à queue blanc
se dessinait dans un angle. Lisa / Eden ne pouvait détacher son regard de celui
de la jeune femme. Elle était à la fois elle et pas elle. Tout son être était
captivé par le tableau; elle ne prêta aucune attention à l'entrée de
Marcello Armonti dans la pièce. Marcello l'observait : il profitait
pleinement de ce moment crucial. Le destin de sa famille et le sien se mettaient
en marche. Et Eden / Lisa serait l'accélérateur de ce destin...
Eden
/ Lisa fixait le diadème qui ornait la chevelure de la jeune femme. Ses doigts
tremblaient à la vue de ce merveilleux bijou. Ses doigts l'avaient tenu, elle
en était certaine.
- Bonjour Lisa, laissez-moi vous conter l'histoire de ce portrait...
Hôpital de Vancouver.
Sophia
Capwell veillait son fils aîné. Elle ne voulait pas quitter sa chambre,
certaine au fond de son coeur que lorsqu'elle sortirait de cette chambre, les
chances de survie de Brick disparaîtraient. Définitivement.
A
différents moments, alors qu'elle dévisageait Brick, elle voyait un autre
visage se substituer à celui de son fils de sang, celui de son autre fils, son
fils de coeur : Channing Capwell Junior. La première fois, Sophia manqua
de s'évanouir. A présent, elle attendait ces apparitions, certaine que
Channing cherchait à s'expliquer avec elle. Tout comme dans le passé, lorsqu'il
avait envoyé Eden pour la tuer, Channing aspirait à se venger d'elle, de cette
femme qui l'avait abattu.
Mais
plus que tout, Sophia voulait protéger le petit Johnny du drame qui risquait de
se jouer dans cette chambre. C'est pour cela qu'elle l'avait pris à Channing et
rendu à sa grand-mère Marisa, c'est pour cela qu'elle le maintenait éloigné
de cette pièce. Sophia voulait garder le plus de distance possible entre Johnny
et l'ombre de Channing Junior. Aujourd'hui, elle avait réussi à le faire
garder par Jane et Marisa. Seul Lionel viendrait la rejoindre. Le père et la mère
pour deux fils. Deux moitiés d'enfants pour deux parents qui ne les avaient
jamais connus.
Et
tandis qu'elle songeait à Channing Junior et à Brick, des voix se mirent à
hurler dans sa tête. Elle ne pouvait pas comprendre le moindre mot, mais une
violente douleur la terrassa. Sophia finit par s'écrouler inconsciente sur le
lit de Brick.
Et lorsque Lionel poussa la porte et qu'il se précipita sur elle, il aurait pu jurer voir la main d'un homme appuyé sur la nuque de Sophia. Et pour lui cela ne faisait aucun doute que l'ombre et la main étaient celles de Channing Junior...
Chapelle de l'hôpital de Santa Barbara.
Courtney
finit par fermer les yeux.
-
Madeline, je t'en prie, parle-moi.
Depuis
qu'elle avait tué le dernier bourreau de sa soeur, la voix de Madeline s'était
tue. Le silence avait chassé la colère, la rage et la haine. Courtney était
redevenue la petite fille qu'elle avait toujours été : cachée par l'omniprésence
de sa soeur.
Depuis
qu'elle avait tout expliqué à Pearl, elle avait retrouvé un peu de sérénité,
bien que son coeur n'avait pas encore trouvé la paix. Il manquait quelque chose
pour que Madeline soit enfin en paix, mais elle ne savait pas quoi. Grant, leur
père, était mort. Elle avait tué Michael Bradford II pour effacer toute la
honte qui rongeait le corps de Madeline et de toutes les autres femmes. Elle
avait confié à Pearl les crimes de leurs pères respectifs. Elle lui avait légué
les carnets de son père, elle espérait qu'il en ferait bon usage...
-
Peut-être que j'aurais dû les confier à son frère Brian, il en aurait écrit
un roman...
Le
doute habitait Courtney; elle ne savait que faire pour offrir à sa soeur la
paix qu'elle méritait.
- S'il suffisait de laver la honte... S'il suffisait de t'aimer, Madeline. Mais ce n'est pas cela... S'il suffisait de le dire haut et fort pour que l'on puisse oublier... S'il suffisait d'aimer...
Villa sur les hauteurs.
Pearl
avait garé la voiture de location bien au-delà du portail de la villa où
habitait Kirk Cranston. Accompagné de Julia, Daniel et Greg, ils attendaient
que sa voiture quitte les lieux pour aller fouiller l'endroit. A cette occasion,
ils s'étaient tous habillés de noir et peint le visage à la cire. Au cours du
trajet, comme pour tromper leur père, ils s'étaient largement moqués de leur
"côté sombre". Seul Pearl gardait les traits tendus : après sa
visite à Madeline et sur la tombe de son père, il savait que ce soir, il
jouait gros.
Au
bout de ce qu'il leur sembla être une éternité, plusieurs voitures quittèrent
la villa pour une destination inconnue.
-
Peut-être devrions-nous les suivre ?
-
Je ne crois pas, Greg, nous ne serions pas trop de tous pour fouiller la villa.
Nous cherchons un simple bout de papier.
Lentement
et sans bruit, quatre ombres escaladèrent le mur de la propriété et se faufilèrent
à l'intérieur de la villa. Pearl ouvrait la marche, habitué à ce genre d'exercice.
Il se souvenait de son intrusion dans l'institut Rawlings à la recherche de
Kelly et de son frère Brian. Julia courait sur ses talons, suivie de Daniel et
de Greg.
-
Maintenant, écoutez-moi. Nous avons un peu moins d'une heure pour fouiller la
maison et trouver les documents d'accord entre l'armée et C.C.. Faites
attention à vous. Julia restera avec moi, et Greg et Daniel formeront la
seconde équipe. Faites très attention à vous.
Les
deux équipes se dispersèrent dans la villa, cherchant, inspectant, fouillant
le moindre petit recoin, en prenant bien soin de faire le moins de bruit
possible et de tout remettre à sa place. Julia fut la première à croire avoir
trouvé le précieux document. Cachés derrière une vieille étagère, elle
trouva de nombreuses photos des membres de la famille Capwell, ainsi qu'un arbre
généalogique. Elle s'attarda un moment à observer les visages qui lui étaient
familiers : Channing, Sophia, Ted, Kelly, Eden, Cruz, Gina. Elle s'attarda
plus longuement sur le portrait d'Eden, car Kirk, comme par vengeance l'avait
entouré de plusieurs traits rouges. Très certainement, elle aurait dû être
la cible d'origine.
Greg
et Daniel manquèrent de se retrouver nez à nez avec un groupes de gardes. Ils
se retrouvèrent bloqués un long moment dans un placard à balai. Et
contrairement à Daniel, Greg paraissait détendu, un peu comme si les risques
de cette soirée ne lui apparaissaient pas si importants.
Pearl
réussit à ouvrir la porte du bureau de Kirk. Il hésita un moment avant de l'ouvrir.
Il eut beau fouiller la pièce, il ne trouva pas le document tant cherché. Il
regarda différents dossiers, dont un qui comportait la garde précise de la
propriété Capwell. Il fit quelques photos à l'aide de son téléphone :
il réalisa que les différentes croix précisaient les points de départs de l'incendie.
Il photographia aussi les contrats de location des camions qui avaient servi à
déverser les produits toxiques sur la propriété. Des éléments importants
changeaient de main. Mais bien sûr, tout cela n'aurait aucun sens s'ils n'arrivaient
pas à prouver que le gestionnaire de ces terres était l'armée, le corps d'armée
géré par son propre père...
Julia finit par rejoindre Pearl. Elle était bredouille tout comme Greg et Daniel, qui arrivèrent au moment-même où une voiture se garait au devant de la villa. Les quatre apprentis voleurs s'éclipsèrent par une fenêtre ouverte, priant que Kirk et ses sbires n'aient pas lâché les chiens.
Plate-forme pétrolière désaffectée.
Les
hommes de Kirk Cranston maniaient avec difficultés la vedette qui les
conduisait vers l'ancienne plate-forme pétrolière Capwell, au large de la baie
de Santa Barbara. Cette ancienne plate-forme avait tout connu : de l'exploitation
pétrolière à un casino.
Assis
à l'avant du bateau, Kirk s'inquiétait sur les raisons de ce mystérieux
rendez-vous. Il allait enfin rencontrer le cerveau de toute l'opération et il n'était
pas certain que cela soit à son avantage. Pourtant, il avait obéit à tous les
ordres : n'avait-il pas mis le feu aux terres Capwell, n'avait-il pas
subtilisé tous les documents permettant de faire le lien avec l'armée, n'avait-il
pas réduit au silence le Général Bradford, le seul homme capable de sauver
C.C. Capwell ? Non, il avait bien obéit à tous les ordres. Et aujourd'hui,
si les choses ne se présentaient pas comme prévu, la responsabilités
incombait à David Raymond qui n'était pas capable de faire loi dans son
propre tribunal.
La
plate-forme approchait. Kirk, machinalement, lança un regard vers la baie et,
inconsciemment, se dit qu'en cas de problème, il lui serait très difficile de
rejoindre la côte à la nage.
Une
fois accosté, il chercha du regard un second navire : celui du maître du
jeu, comme il aimait à nommer l'inconnu qui lui donnait des ordres. Il n'en vit
aucun, et pourtant, il n'y avait qu'un seul port d'attache à la plate-forme.
Il
gagna rapidement le lieu de rendez-vous : l'ancienne salle de poker du
casino. Après un long moment d'attente, il finit par entendre le bruit d'un hélicoptère
qui atterrissait sur l'ancien héliport.
Après
plusieurs minutes, deux hommes en noir arrivèrent dans l'ancienne salle de jeu,
rapidement suivis d'une ombre. Kirk la détailla longuement. Et passé la
surprise, un sourire se dessina sur ses lèvres.
-
Vous ! Curieusement, cela ne me surprend pas plus que cela. C'est à présent
que j'aurais dû penser à vous...
-
Oser croire que j'avais fini par oublier ma vengeance, c'est bien mal me connaître...
Il est grand temps, je pense, que Channing paye pour le mal qu'il m'a fait.
-
D'accord, mais pour quoi tout cela ? Vous n'avez rien à gagner à détruire
les Entreprises Capwell...
-
Je me moque de sa compagnie. Je veux qu'il la perde, c'est tout. Moi, je rêve
simplement de m'installer à la Villa et de le chasser comme il m'a chassé, lui
et sa traînée de Sophia. Je veux le mettre à la porte, ses enfants avec et m'y
installer dans cette villa qui a été la mienne, avec mes fils... Je sais qu'un
jour, elle sera à moi et j'y vivrai, heureuse, avec Mason et Jeffrey... En
attendant...
Pamela,
la toute première épouse de Channing, s'approcha de l'ancienne table de poker.
-
Il reste encore des choses à faire, parce que je ne suis plus certaine que le
procès se déroule selon ma convenance.
-
Vous savez, David...
-
Assez d'excuses, j'ai encore d'autres armes. D'ailleurs...
Pamela
prit des documents des mains d'un des hommes et tendit l'enveloppe à Kirk.
-
Cette fois-ci, je veux que vous soyez plus discret... Personne ne doit savoir.
Du moins pour le moment.
-
Et pour Augusta Lockridge ?
-
Elle... Vous croyez vraiment qu'elle compte et qu'elle peut m'attendre... Je
suis bien meilleure qu'elle à ce petit jeu...
Kirk
s'attarda à la lecture des documents.
-
Et vous pensez que cela va suffire, car après l'incendie et la pollution des
terres, je ne vois pas...
-
Kirk, je ne vous demande pas de réfléchir. Faites, c'est tout. Quant au reste,
laissez-moi le choix des armes. Il s'agit là de votre dernière chance, et je
ne tolèrerai pas la moindre erreur. N'oubliez pas que j'en sais assez sur vous
et votre père pour vous nuire, vraiment. Et ne variez pas d'un millimètre, l'endroit
est des plus stratégiques...
Et
avant que Kirk Cranston ne puisse lui poser d'autres questions, Pamela s'en
retourna dans sa cachette, préparer la suite de son plan. Resté seul, Kirk
analysa la situation : le procès risquait de lui échapper et il s'attendait
à subir les foudres de Pamela, si jamais il n'obéissait pas correctement à
ses ordres. D'ailleurs, il était persuadé qu'elle était capable de le détruire...
Son père, dans le passé, avait plusieurs fois fait allusion à sa rage.
Obligé
de réussir, Kirk récupéra ses affaires avant de regagner la ville. Tout en
voguant sur l'océan, Kirk s'activait à réfléchir à une issue de secours...