Santa Barbara, Acte 2

Chapitre 24 : Without a trace...

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Et avec la participation exceptionnelle
d
'Anthony LaPaglia dans le rôle de Jack Malone, de Poppy Montgomery dans le rôle de Samantha Spade, d'Enrique Murciano dans le rôle de Danny Taylor, de Marianne Jean Baptiste dans le rôle de Vivian Johnson

Appartement de Santana Andrade.

En s'étirant, Mason se cogna violemment la tête contre le mur. Péniblement, il ouvrit un oeil et le referma aussitôt. La lumière du soleil était trop forte, beaucoup trop forte. A tâtons, il chercha un mur pour reprendre appui, et lorsque le monde entier autour de lui cessa de tourner, il réussit à entrouvrir les yeux. Dans sa tête, la musique des mariachis continuait de résonner.

- Je n'aurais jamais dû te faire confiance, Santana...

Mason tituba jusqu'à l'entrée de l'appartement de Santana à Campeche. Une fois à l'intérieur de l'appartement, au frais, il lança un dernier coup d'oeil vers le jardin, où il venait de passer la nuit. Mason se laissa glisser contre le mur, heureux de sentir un soutien solide derrière lui.

- Bon sang, mais qu'est-ce que j'ai encore fait...

Les images qui lui revenaient de la soirée d'hier soir restaient complètement masquées par un épais brouillard. Seule une sérieuse gueule de bois lui remémorait le repas d'hier soir.

Mason ferma les yeux et s'endormit, ou plutôt, il laissa les heures s'écouler.

Trois heures plus tard, Mason ouvrit à nouveau les yeux. Le soleil n'inondait plus de ses rayons l'entrée de l'appartement de Santana Andrade. Lentement, il retrouvait un peu de ses esprits. En titubant, il se leva, rajusta sa chemise et se dirigea vers le salon. Il prit sur la table une bouteille d'eau et s'empressa de la boire avidement. Il avait soif, soif à cause de l'alcool, soif à cause des épices. Après avoir complètement bu la bouteille, il se laissa tomber dans un fauteuil. Le repas de la veille lui revenait en mémoire.

Tout s'était pourtant bien passé depuis son arrivé à Campeche quelques jours plus tôt. Passé l'effet de surprise, Santana avait donné l'impression d'avoir accepté la venue du fils Capwell sur ses terres. Brandon et lui avaient su trouver les mots justes pour expliquer son arrivée. Santana avait visiblement accepté. D'ailleurs, Santana et Mason avait retrouvé un peu de leur complicité d'antan. Brandon, de son côté, avait fait en sorte que personne n'aborde trop vite le fond du problème. Et jusqu'à hier soir, ils avaient tous apprécié et profité des journées mexicaines. Tout avait hélas basculé, en fin d'après-midi, quand Mason avait laissé sous-entendre qu'il allait regagner Santa Barbara en compagnie de Brandon. Ce ne fut qu'à ce moment précis que Mason pu constater la fragilité de l'état mental de la jeune femme. Elle  avait eu beau se cacher derrière ses cheveux noirs, Mason avait vu un éclat de lumière terrible dans son regard.

Santana avait alors changé. Elle avait pris plus que d'ordinaire de ses cachets. Elle était devenue plus instable, désirant subitement tout et son contraire. Malheureusement, à l'inverse de Brandon, Mason sous-estimait l'état de Santana. Il avait donc accepté l'invitation de Santana pour un repas d'adieu. Il faut dire qu'elle avait sorti le grand jeu : elle lui avait promis de lui faire revivre le passé... Et certaine de son charme, Santana avait enroulé ses paroles d'un regard langoureux, rempli de feu.

Et quelle ne fut pas la surprise de Mason, lorsque Santana l'accueillit en tenue légère, lui sautant presque au cou, et refusant chacune de ses excuses : il s'agissait de leur nuit d'adieu. Santana avait préparé de la tequila et un plat de fajitas spécial. Et Mason s'était laissé prendre au piège de celle qui restera, sans nul doute, son premier amour. Des images du passé se superposèrent dans son esprit. Il revoyait la passion qui animait la jeune et belle servante de la villa, son regard de braise qui éveillait en lui les feux de la passion.

Déstabilisé, Mason en oubliait presque son amour pour Julia. Le passé prenait vie pour lui. Il se laissa aller à boire plus que de raison, d'autant plus facilement que Santana lui promettait une fin de soirée torride. Brandon avait réussi à s'éclipser, ravi de son futur départ du Mexique.

Littéralement hypnotisé par Santana, Mason se laissa aller, répondant aux avances de la belle mexicaine, heureux d'avoir pu lui voler plusieurs baisers. Ensuite, Mason succomba au épices des fajitas. Mason détestait cela parce que son estomac ne le supportait pas. Et Santana lui avait déjà fait le coup.

- Je ne peux pas te faire confiance. Et tu sais que je serais toujours capable de succomber à ton regard de braise...

Mason comprit, dès qu'il eut repris ses esprits, que Santana s'était enfuie à nouveau avec Brandon.

Il ouvrit une seconde bouteille d'eau et s'arrosa copieusement les cheveux et le visage avec. Il lui fallait réagir vite pour rattraper la jeune femme et l'empêcher d'aggraver encore son état.

Mason sortit de l'appartement et se rendit chez la voisine de Santana, une jeune femme du nom d'Ava Lazar. Il réussit, contre de l'argent, à lui emprunter sa voiture et son téléphone portable. Mason s'empressa de joindre l'ancienne gouvernante de sa famille, Rosa, afin de lui demander où pouvait s'être rendue Santana. Ros,a qui habitait à présent chez son autre fille, Olivia, lui confia l'adresse de Danny. Il habitait et travaillait à Cancun, la grande station balnéaire de l'autre côté du Yucatan.

Ensuite, Mason laissa un message sur le répondeur de Julia : Bonjour, ne t'inquiète pas, je suis au Mexique, je te rappellerai plus tard. Je vous embrasse, Sam et toi. Je vous aime fort.

 

Poste de Police de Santa Barbara.

Entourée de Julia Capwell, son avocate, et de Connor McCabe, Gracie Lively, pour la énième fois, revenait sur les évènements de la nuit de la Saint Nicolas.

Bien sûr, suite à la mort de son fils, Gracie n'arrivait pas à avoir un discours cohérent. Souvent, elle se mélangeait dans ses faits et dans la chronologie de cette terrible nuit. A plusieurs reprises, elle chercha soutien et réconfort auprès de Julia, qui lui offrait toute l'affection et la tendresse dont elle avait besoin.

D'ailleurs, voyant que Gracie était sur le point de craquer nerveusement, Julia demanda l'arrêt de l'interrogatoire à Connor.

- Je crois qu'il faut qu'on arrête, Connor, elle n'en peut plus.

- Je suis fatiguée... si... C'est comme si ma vie s'était arrêtée quand j'ai poussé la porte de sa chambre et que je l'ai trouvé immobile dans son lit...

Connor finit par se rendre à l'avis de Julia.

- D'accord. On va en rester là, pour le moment.

Puis, d'un commun accord, Julia et Connor se donnèrent rendez-vous chez elle.

- Cela sera plus facile, je pense, de revenir sur ce drame, dans un environnement qui lui soit plus familier. A être ainsi interrogée, en plus de sa peine, elle doit se sentir coupable...

Connor accepta et referma le dossier Chester jusqu'à ce soir.

- De toutes façons, il faut que j'aille interroger Courtney, en présence des psychiatres...

 

Hôpital de Santa Barbara.

- Monsieur Capwell, voulez-vous rester couché ?

Une infirmière de l'hôpital s'empressa de maintenir C.C. sur son lit. Depuis qu'il avait pleinement repris conscience après sa chute à l'Oasis, au cours de la grande fête de la Saint Nicolas, Channing ne voulait pas tenir en place. Il avait d'abord exigé des nouvelles de l'état de santé de Pearl et du Général Bradford. A présent qu'il savait que sa nièce, Courtney, hospitalisée dans l'aile psychiatrie de l'établissement, allait être interrogée par la police suite au drame, il ne pouvait pas rester sans rien faire, allongé sur ce lit d'hôpital.

- Monsieur Capwell, vous ne pouvez pas vous lever, il est encore trop tôt. Nous n'avons pas encore tous les résultats de vos examens. Suite au choc à la tête, vous êtes resté inconscient plus d'une demi heure...

Channing s'était levé et avait commencé à s'habiller avec le costume de la fête, dans la petite salle de bain de sa chambre. Il marmonnait dans sa barbe des propos que l'infirmière ne comprenait pas : il parlait d'honneur, d'héritage et de famille.

Channing prit une longue minute pour asperger son visage d'eau froide : il avait grandement besoin de faire le point sur la situation. Et comme à son habitude, il se parla tout seul.

- Pour Gina, je verrai plus tard. Elle a eu ce qu'elle voulait, elle va donc me laisser tranquille pendant un moment.

Tout en parlant, C.C. ne cessait de jouer avec le sceau Capwell retrouvé.

- Augusta et Pacific Sud, je m'en occuperai tout de suite après. De toutes façons, je suis certain qu'Augusta s'occupera bien du projet; elle ne vas pas saborder le navire elle-même, d'autant qu'elle en est le capitaine. Sophia, Oh... Sophia... Je n'ai pas encore pu lui parler, depuis l'annonce de mon remariage... Elle comprendra. Quand je lui raconterai tout, elle comprendra. Si elle m'aime vraiment, elle devra comprendre...

C.C., une fraction de seconde, s'appuya fortement sur le lavabo, à la recherche de nouvelles forces. Et pour la première fois depuis longtemps, il sentit une réelle lassitude au fond de lui.

- Il faut à présent que je m'occupe de cette pauvre Courtney. Je dois à tout prix lui faire éviter la prison. Et faire en sorte que tout le monde oublie ces propos qu'elle a tenus à cette maudite fête, sur son père et sur Michael... J'espère qu'il va s'en sortir... Comment pourrais-je prouver mon innocence s'il meurt... S'il s'en sort indemne, et que j'arrive à faire oublier son sinistre passé, je l'obligerai à dire la vérité. Il n'aura pas d'autre choix...

Tandis qu'il faisait l'état des lieux, Daniel McBride venait de rentrer dans sa chambre. Il avait promis de passer le voir, avant d'assister à l'interrogatoire de Courtney.

Les deux hommes quittèrent la chambre. Daniel n'osa interroger Channing sur son état de santé, d'autant que les traits tendus et fatigués trahissaient parfaitement son état.

 

Pacific Sud.

Derrière l'immense baie vitrée de son bureau, Augusta Lockridge fixait l'océan qui venait s'écraser avec violence sur la falaise.

- Je vous laisse encore une chance, Gina, de quitter la tête haute, Pacific Sud. Je ne veux pas de vous ici. Que vous soyez redevenue pour la quatrième ou la cinquième fois Madame Capwell ne change rien au problème... Je veux vous voir partir...

Face à elle, Gina se délectait de la situation. Pour la première fois, elle venait de mettre un pied dans le monde des affaires de Channing, et elle n'allait pas laisser passer cette chance.

- Augusta, je crois que vous n'avez pas bien compris. Channing ne vous laisse pas le choix. Je suis votre associée... Et j'accepte de vous laisser le plus grand bureau... Mais je ne partirai pas. Vous et moi allons travailler ensemble.

Augusta enrageait. Sa colère possédait la même violence que celle des vagues de l'océan.

- Je ne vais pas me battre avec vous aujourd'hui. Je suis trop heureuse du retour de Warren. Mais vous allez partir...

- Vous oublié que je possède le secret de l'Amanda Lockridge... Je sais que Horatio a tué Nathaniel... Je connais les origines de la guerre entre Capwell et Lockridge. Et si vous ne voulez pas que sur l'oreiller, j'en parle à Channing, il faudra me laisser ma part de Pacific Sud.

Augusta ne blêmit pas. Elle savait que Gina, même si elle possédait l'épave de l'Amanda Lockridge, n'en avait pas pour autant percé le secret.

- Gina, voici le document dans lequel vous renoncez à vos parts de Pacific Sud. Signez-le ou je ferai de votre vie un véritable enfer !

Gina regarda bien en face Augusta. Les deux femmes ne se détestaient pas, c'était au-delà de la haine.

- Peut-être que tout compte fait, je demanderai à Channing le plus grand bureau... Peu m'importe que ce soit le vôtre, Augusta... Après tout, je vous ai déjà volé votre mari une fois, ce coup-ci, je me contenterai du fauteuil...

Et Gina quitta la pièce, laissant une Augusta ravie de devoir se battre, en fin de compte.

Elle s'empressa ensuite de composer le numéro de Warren, au journal, alors qu'il était en train de préparer un article complet sur la soirée de la Saint Nicolas.

 

Bureau du FBI à New York.

Dans les bureau du J. Edgar Hoover Building, qu'occupait le FBI à New York, l'équipe de recherche dirigée par Jack Malone, tenait une réunion lorsqu'une secrétaire arriva avec un appel urgent pour Sawyer Walker. Martin Fitzgerald se leva et prit l'appel sous le regard surpris de ses collaborateurs. Il s'écarta pour répondre à l'appel.

- Allô ?

- Augusta Lockridge, je suis la belle-mère de B.J..

- Je ne peux...

- J'ai besoin de vous. Je sais que vous travaillez au FBI, et il faudrait que vous me retrouviez quelqu'un.

- Je... Mais, cela ne marche pas comme cela. Je suis en réunion et...

- Voyons, Sawyer, je peux vous appeler Sawyer, on est de la même famille...

- Mais...

- J'ai besoin que vous me recherchiez une femme du nom de Dotty DeMott. C'est urgent. Est-ce que vous avez bien noté son nom : Dotty DeMott.

- Oui, mais avez-vous d'autres informations à me communiquer ?

- Non. Vous pensez bien que si j'avais son adresse ou son numéro de téléphone,  je ne passerais pas par vous.

- Je vais voir ce que je peux faire, mais je ne vous promets rien.

- Merci. Je n'en attendais pas mieux d'un membre de la famille. Tenez-moi au courant.

Sawyer, ou Martin, retourna s'asseoir et assista à la fin de sa réunion.

 

Hôpital de Santa Barbara.

Escorté par un policier, C.C. dû quitter la chambre de Courtney qui ne tenait à voir aucun Capwell. Seul Daniel pu assister à l'interrogatoire de Connor McCabe. Avant de quitter la pièce, C.C. put arracher la promesse à Daniel d'empêcher par tous les moyens Courtney de détruire la réputation de la famille Capwell.

Avant de quitter les lieux, Channing jeta un dernier regard en direction de la jeune femme brune, qui semblait si fragile, assise à même le sol, repliée sur elle-même. Mais au moment où leurs regards se croisèrent, C.C. su que le feu Capwell brillait en elle, et qu'elle serait prête à se battre pour atteindre son but : détruire son père pour venger sa mère et sa soeur.

Dès que Channing quitta les lieux, Courtney retrouva lentement un semblant de raison. Elle vint s'asseoir à proximité de Daniel, le touchant à plusieurs reprises comme pour s'assurer de son soutien physique. Longtemps elle parla de son enfance, elle parla de Madeline; de l'infinie détresse et tristesse qui n'avaient cessé d'habiter l'héritière Capwell. Elle ne chercha aucune excuse, avouant même la folie de sa mère. Ce qui troubla toutefois Connor, ce fut le détachement avec lequel elle parlait des siens, de sa famille. Elle donnait l'impression de ne plus être habitée par le moindre sentiment. C'est à peine si elle laissait percevoir sa haine dans ses propos à l'encontre du Général Bradford.

Courtney avoua une partie de ses peurs, réclamant même un soutien psychologique pour l'aider à comprendre le drame de la nuit de la Saint Nicolas.

L'entretien dura à peine deux heures et Daniel laissa parler Courtney en dépit des ordres de Channing, il la laissa parler car, tout comme les psychiatres, il vit dans sa prise de parole le seul moyen de la libérer de sa folie. Au bout des deux heures, ils quittèrent tous la pièce et Courtney fut reconduite dans sa chambre. Et bien qu'on lui refusa, Courtney donna l'impression de comprendre qu'elle ne pouvait pas voir Pearl.

Daniel suivit la jeune femme et lui promit de lui apporter des nouvelles de son ancien ami.

 

Chez Daniel McBride.

Julia referma le rideau qui délimitait la grande terrasse de son appartement. Gracie avait fini par s'endormir, en dépit des questions, en dépit de sa souffrance, en dépit de la culpabilité qui la rongeait. Julia la regarda dormir un moment sur le canapé avant de rejoindre Connor, Daniel et Greg. Installés sur la terrasse, les trois hommes ne savaient que penser face aux inquiétudes de Julia. Pour tous, il paraissait inconcevable que Julia puisse avoir raison.

Daniel allait reprendre la conversation, lorsque le téléphone portable de Julia se mit à sonner. Daniel répondit à Mason, et le tendit non sans crainte à la jeune femme. Julia s'écarta pour répondre à Mason. Mentalement, Julia faisait le point sur leur couple : depuis son réveil après l'accident, elle n'avait pas vraiment eu de contact avec lui. Que savait-elle aujourd'hui ? Qu'il était au Mexique !

Julia laissa parler Mason : il lui expliqua les raisons de son absence. Il avait eu des nouvelles de Brandon et il était parti le chercher au Mexique, où très certainement Santana venait de l'enlever. Julia ne dit rien. A plusieurs reprises, elle se retint de lui dire que cela ne servait à rien de courir après l'enfant d'un autre quand on est déjà papa d'une merveilleuse petite fille, que cela ne servait à rien de courir après une autre femme, quand on a une épouse qui se languit de vous à la maison. Mason essaya de lui expliquer son attachement à Brandon, mais Julia qui ne réalisait pas l'existence du lien qui l'unissait à l'enfant, ne voyait qu'en arrière plan, l'ombre de Gina... Gina qui, depuis son arrivée à Santa Barbara, avait jeté son dévolu sur le fils Capwell.

C'est à peine si Julia lui parla de la situation avec Gracie : d'ailleurs qu'aurait-il pu dire ?

Julia raccrocha avant d'avoir écouté d'une oreille distraite la déclaration de Mason. Plutôt que de l'entendre lui murmurer des mots doux au téléphone, elle espérait l'avoir contre son corps...

Julia ferma les yeux un moment, et se laissa rêver à serrer le corps de Mason contre le sien. Lentement, elle sentit la chaleur de sa présence, mais aussi la force de son absence. Voilà, tel était leur vie de couple : un subtil mélange de présence et d'absence, de mariage et de divorce...

- Que c'est dur d'aimer un Capwell ! ! Il faut dire que vous n'avez pas la même définition de l'amour que nous autres.

Tout le monde regarda Julia.

- Je ne disais pas cela pour toi, Greg... Mais être avec un Capwell, c'est tout sauf le calme plat, et je ne suis pas certaine que l'amour puisse résister au feu qui vous ronge. D'ailleurs il n'y a qu'à voir Eden et Cruz... Même pour eux, l'amour qui les unissait n'a pas été suffisant... Et je ne parle pas de Channing et de Sophia... Il me semble évident qu'aujourd'hui Mason et moi marchons sur le même chemin... Je n'aurais plus la force de rester...

Les pleurs de Gracie à l'étage l'empêchèrent de terminer.

Alors que Julia monta la rejoindre, Greg et Daniel se regardèrent et Greg tendit une main à Daniel qu'il serra fermement dans la sienne. Greg avait peur que les paroles de Julia trouvent un écho dans le coeur de son amant.

Connor, quant à lui, songea à Kelly et comprit et approuvait intérieurement les propos de Julia : son amour pour Kelly n'avait pas résisté au feu Capwell qui consumait tous les membres de cette famille.

 

Terrasse de l'Orient Express.

Face à l'océan, Venise profitait de cette agréable fin de soirée : elle venait d'en terminer avec une difficile réunion avec des annonceurs. Le projet de transformation de la société Armonti's allait faire la couverture des plus grands quotidiens nationaux. De plus, la création de la ligne pour homme avec T.J. comme mannequin vedette allait profiter des fêtes de fin d'années pour s'étendre sur tout le pays.

- Gianni, je n'étais pas certaine de réussir, mais après cette réunion, je suis certaine de mériter les pleins pouvoirs à Armonti's. Sophia ne me résistera pas longtemps.

- J'en suis certain, Venise.

Venise se frotta énergiquement les tempes et le cuir chevelu, mettant un terme à son brushing.

- J'aime tellement la mer que je pourrais rester des heures à fixer l'eau. C'est elle, je crois, qui me donne ma force.

Gianni but une gorgée de son verre de vin. Il attendait que Venise lui explique la suite de la réunion.

- Au début, les annonceurs n'étaient pas très certains de soutenir la campagne...

Venise poursuivit, toujours le regard rivé sur l'océan.

- Ce sont les californiens qui ont été les plus durs à convaincre, ils ne voulaient pas se mesurer à C.C.. Mais comme le Santa Barbara Chronicles a signé pour une double page...

Et Venise raconta à Gianni sa nouvelle victoire. Armonti's serait bientôt sur toutes les lèvres, et une fête spéciale serait même donné, le 31 décembre au soir à New York.

- D'accord, il faudra que j'y aille avec T.J.. Mais je suis certaine que cela en vaut le coup.

Gianni leva son verre : au nouveau succès d'Armonti's.

- Bien sûr, pour réaliser ce rêve, j'aurais besoin de liquidités. D'ailleurs, vous n'aurez qu'à vendre le surplus d'actions de la société, maintenant que le conseil d'administration a validé ma nomination, je n'en ai plus vraiment besoin.

- Hug...

- Pardon, Gianni ?

Gianni faillit renverser son verre.

- Vous n'êtes pas au courant ?

Venise blêmit.

- Marcello a déjà vendu ce stock d'actions et utilisé la quasi-totalité de vos liquidités. Je pensais que vous étiez au courant. J'ai effectué moi-même la vente et le transfert de fonds à partir des documents que vous lui aviez signés.

Venise n'écoutait plus. Marcello l'avait trahie. Jamais elle n'avait donné l'ordre de vendre le stock d'action d'Armonti's, jamais elle n'avait donné l'ordre d'utiliser ses liquidités. Le poids de la trahison, lié au poids d'une éventuelle défaite, s'abattirent sur ses épaules.

- Marcello...

Gianni poursuivait en essayant de se justifier : il avait entre les mains tous les documents signés de sa main.

Venise réfléchissait : si elle ne trouvait pas le moyen de payer la campagne publicitaire, Armonti's risquait de changer à nouveau de main, et il en serait fini de son rêve. De fines larmes, telles des éclats de cristal, brillaient au coin des yeux de Venise. La colère et la frustration la gagnaient. Gianni parlait encore, cherchant un moyen de trouver de l'argent. Mais Venise savait qu'aucune banque ne lui débloquerait l'argent assez vite, d'autant plus qu'elle ne possédait comme garantie que ses actions de la société, et elle ne voulait pas les mettre en jeu.

Venise se leva et s'appuya contre la barrière du restaurant, face à l'océan.

- Il doit bien exister un moyen...

- Venise, il vous reste encore vos biens en Italie... Ils pourraient couvrir largement la campagne, à condition de la revoir à la baisse...

- Jamais. Ces biens sont dans ma famille depuis des siècles. Ils m'appartiennent... Enfin, Gianni, vous me voyez vendre la villa à Florence... De toutes façons, si je veux conserver mon fauteuil, je ne peux pas réduire la campagne, pas après la réunion de toute à l'heure avec les actionnaires... Il faut que je trouve cet argent...

Venise sentit ses forces qui la quittaient. Elle était prête pourtant à tous les combats contre Sophia, mais pas contre Marcello.

Des larmes amères roulaient sur ses joues. Venise ne comprenait pas : Marcello l'avait toujours soutenue dans son combat. Il en était presque à l'origine.

- Je ne comprends pas...

Lui qui l'avait si longtemps soutenue, comment et pourquoi en était-il venu à la trahir ?

 

Villa Armonti sur les hauteurs de Venise.

Marcello avançait sous le péristyle, son fauteuil poussé par un nouvel homme de main. Il lui murmura quelques mots en italien, auxquels Marcello répondit en hochant la tête. Il paraissait détendu, à peine fatigué par le voyage. Il gagna un salon richement décoré dans le plus pur style de Venise. La maison appartenait à la famille Armonti's depuis près de quatre générations. C'est d'ailleurs ici, dans cette splendide villa, que s'était réfugiée dans un premier temps, Francesca, la mère de Venise. C'est d'ailleurs ici que Marcello avait conduit Sophia, avant de la présenter au Comte. C'est même entre ces murs qu'il avait assisté à leur union.

Marcello ne se laissa pourtant pas emporter par les souvenirs. Il fallait qu'il joue vite et bien s'il voulait enfin obtenir sa vengeance.

Il s'arrêta pour regarder son téléphone portable : pour la énième fois de la journée, Venise essayait de le joindre. Certainement qu'elle venait de découvrir les transferts d'argent. Marcello ne décrocha pas, il ne voulait pas lui parler. Il s'en chargerait à son retour à Santa Barbara.

Son homme de main introduisit un homme dans le salon. Les deux hommes se saluèrent; bien sûr qu'ils se connaissaient, et certainement depuis longtemps. L'inconnu salua chaleureusement Marcello, visiblement heureux de le revoir en Italie.

- Mon ami, as-tu pu racheter...

- Oui. Non sans mal... Mais il est là...

Marcello sentit un feu nouveau se répandre dans ses veines. Il sentait l'heure de sa revanche qui avançait à grands pas : encore quelques jours et il donnerait à Channing l'heure du choix. Ce choix que lui enfant n'avait pas eu...

- Le voici.

De derrière lui, l'inconnu sortit un coffre en merisier finement travaillé.

- Il m'a fallut verser tout l'argent que tu m'as confié...

Mais Marcello n'écoutait déjà plus. Ses yeux restaient rivés sur le coffre.

Lentement, il ouvrit les deux portes de bois et libéra un splendide bijou : le diadème Armonti. Les doigts de Marcello se tendirent et il lui fallut le toucher, le sentir, pour s'imprégner de sa présence. Ses doigts ne caressaient pas, ils glissaient sur le bijou.

- Oh... Merci... J'ai attendu ce moment si longtemps...

Son ami lui accorda quelques minutes d'intimité avec le bijou, comme s'il s'était agit de retrouvailles avec une personne.

- Et quant à la jeune femme...

- Elle a été hospitalisé dans mon service. Et comme vous le désirez, on la maintient dans un état de stress avancé : pour l'heure, elle ne sait pas bien qui elle est... Elle oscille entre Lisa et Eden, comme selon vos souhaits. Il ne manque que l'élément déclencheur qui la fera basculer vers l'une ou l'autre de ces entités...

- Bien...

Marcello ferme les yeux, laissant le destin se dessiner devant lui. Bientôt viendrait l'heure du face à face entre Channing et lui. Bientôt...

 

Villa Capwell.

Channing Capwell regagna sa villa très fatigué par les épreuves des derniers jours. Il avait exigé de sortir de l'hôpital, il n'en pouvait plus de rester enfermé dans cette chambre. Il avait besoin de retrouver le feu de l'action : ne devait-il pas faire face à un procès difficile qui débuterait avec la nouvelle année ?

Channing déposa ses affaires se la table en osier de l'atrium. Il avait appris que Ted se trouvait au journal en compagnie de Warren, et il se sentait trahi par le comportement de son fils. Il aurait aimé en ces heures difficiles retrouver l'unité familiale qui caractérisait le clan Capwell.

- Maudits enfants !

Channing se servit un verre de bourbon et s'installa dans un des fauteuils. Il desserra sa cravate et posa ses pieds sur un autre fauteuil. Pour une rare fois dans sa vie, il ressentait tout le poids de la fatigue, de l'âge, de l'héritage Capwell. Son esprit, jamais au repos, resongeait aux derniers événements : à l'incendie sur ses terres, au départ de tous ses enfants, à Sophia qui habitait sur le bateau de Lionel, à la solitude qui hantait les murs de la villa, à Courtney qui traversait des heures sombres, à Kirk Cranston qui était revenu d'entre les morts pour le détruire, à Eden qui lui manquait terriblement.

- Eden... Kelly... Ted et Mason... Qu'est devenue la famille Capwell après toutes ces années, me reviendrez-vous ? Et Channing...

Son esprit, comme souvent depuis quelques mois, s'en retournait vers le souvenir de son fils tant aimé, Channing Junior.

Perdu dans ses pensées, il n'entendit pas Gina qui traversa l'atrium, surprise de le voir de retour. Elle l'observa un moment, puis se faufila jusqu'à lui et lui glissa une main par l'encolure de sa chemise. Channing, qui avait fermé les yeux, sursauta et manqua de tomber de sa chaise.

- Je vois que je te fais encore de l'effet !

Tout le corps de Channing se raidit.

- Ne me touche pas !

Je suis ta femme !

La main de Gina se fit plus caressante.

- Voyons, Channing, je pourrais pour toi réveiller le bon vieux temps ! !

- Le bon vieux temps...

Channing se leva et dévisagea Gina. Il la vit avec des yeux totalement nouveaux. Il voyait enfin l'arriviste qui se cachait derrière ce sourire de femme fragile, il découvrait l'ambition derrière un masque de manque d'assurance. Il superposa mentalement le visage de la femme qui était venu le rejoindre en 1984 à la mort de son mari, à la femme qu'il venait d'épouser une troisième fois dans une église d'Antigua.

- Comment ai-je pu ?

- Pardon ?

Gina se servit elle aussi un verre et rejoignit son époux; langoureusement, elle lui caressa le bras.

- Attends-moi.

Channing s'absenta un moment. Gina en profita pour tamiser la lumière de l'atrium, créant non pas une atmosphère intime, mais étouffante. Channing finit par revenir avec quelque chose dans les bras. Il le lui tendit.

- Tiens, frotte-toi à ça, cela te refroidira le sang ! Quant à moi, je vais me coucher, et seul...

Channing donna un seau à champagne rempli de glaçons.

- Je me souviens d'une époque, où tu ne me repoussais pas... Mais peut-être qu'aujourd'hui tu me refuses ce que tout mari se doit de faire à sa femme, uniquement pour me cacher une certaine impuissance ?...

Les paroles de Gina résonnèrent dans le vide.

 

Parc de la Villa Capwell.

Augusta et Channing quittèrent les écuries Capwell. Augusta avait exigé de partir en ballade à cheval tôt dans la matinée : elle avait d'importants secrets à lui révéler.

Ils trottèrent longtemps avant oser aborder l'objet de la ballade. Dans un premier temps, ils parlèrent du futur procès et de l'avancement du projet de Pacific Sud. Les idées proposées par Augusta intéressaient Channing, même si, comme elle le suggérait, il devait se séparer d'une partie des Entreprises Capwell.

- Voyons Channing, plutôt que de tout perdre, je ne vois pas où pourrait être l'erreur d'investir dans la recherche pour trouver un substitut au pétrole. J'ai bien consulté les derniers rapports des gisements mexicains. Il faut les vendre à qui en voudra, d'autant plus qu'ils sont presque à secs.

Channing écouta attentivement chacune des remarques d'Augusta, tout en s'interrogeant sur les raisons de la transformation d'Augusta. Où était passé la femme frivole qu'il avait détesté lors de son mariage avec Lionel, cette femme qui avait comploté contre lui et sa famille, qui avait aussi couché avec pas mal d'hommes dans son lit...

Ils s'arrêtèrent un moment au bord de l'océan. Au loin se devinaient les constructions de Pacific Sud. Augusta se tourna face à C.C..

- Channing, je ne connais pas les raisons autres que financières au simulacre de mariage avec Gina, et je ne veux pas les savoir... Vu le comportement vulgaire qu'elle affichait avec Keith, j'imagine qu'elle doit satisfaire bon nombre de fantasmes...

Channing rougit, il chercha à se justifier, mais Augusta ne lui laissa pas le temps de placer un mot.

- J'ai vu aussi la bague... Le sceau Capwell à la fête...

- Oui...

- Il est temps pour moi de vous raconter les véritables raisons du naufrage de l'Amanda Lockridge... Amanda, à l'époque était follement amoureuse de Nathaniel. Les choses auraient pu bien se passer mais, comme vous le savez, Nathaniel était un homme violent. Suite à une sérieuse défaite au jeu contre Horatio, il avait perdu une grande partie de l'héritage Capwell. Je ne vous parlerai que du fameux terrain en bord de mer que vous nous avez volé en 1984. Dans sa folie, il mit même en jeu Amanda. Cette dernière ne pu que quitter le continent pour rejoindre sa famille. Horatio finit par la convaincre de revenir avec ses biens, pour s'installer définitivement à la villa Lockridge. Malheureusement, Nathaniel eu vent de son retour et accosta le voilier alors qu'il était dans la baie. Horatio et Nathaniel se battirent et Nathaniel fut tué. Gina a retrouvé le voilier avec le cadavre et le sceau Capwell. Puis, Horatio et Amanda se marièrent et de leur union naquit Lionel. Le reste de l'histoire, c'est le combat Capwell - Lockridge tel que nous le connaissons.

Channing, immobile, écoutait attentivement les paroles d'Augusta, paroles qui lui dévoilaient un secret qu'il avait en partie deviné.

- Aujourd'hui Gina veut me faire chanter avec cette vieille histoire pour obtenir une partie de Pacific Sud... En ce qui me concerne, elle peut tout dire à la presse... Elle n'aura rien de Pacific Sud.

Channing expliqua au contraire qu'il ne voulait pas de scandale.

- Channing, nous savons tous que cette histoire fera peut-être la une des tabloïds pendant un moment, et après... Moi, je vous parle du projet de Pacific Sud... Gina doit-elle vraiment en faire partie ? C'est la seule question.

Après un moment, C.C. finit par lâcher un léger souffle : Non.

- Très bien. Alors, voici une arme contre Gina.

Augusta remit à Channing Capwell l'enveloppe du premier codicille de Minx.

- Ceci contient les preuves que le mariage entre Gina et Stockman DeMott est faux. Grâce à ces papiers, nous pourrons proposer un marché à Gina : Brandon contre Pacific Sud... Et on pourra même, si l'envie qu'elle vous éveille le permet, inclure le re-remariage dans la balance... J'ai déjà contacté à New York, l'équipe de recherche du FBI où travaille Sawyer pour retrouver le reste de la famille DeMott...

Channing se tût et consulta les documents. Augusta lui offrait une véritable chance de se débarrasser de Gina.

- Je rentre à la villa...

Channing partit au galop vers sa maison, suivi de près par Augusta.

 

Villa Capwell, un moment plus tard.

Channing et Augusta marchaient le long de la piscine de la propriété après leur ballade à cheval. Depuis qu'Augusta lui avait confié l'arme contre Gina, Channing n'avait pas dit le moindre mot : son cerveau analysait la situation. Augusta lui permettait d'empêcher un nouveau scandale contre la famille Capwell. Augusta lui donnait sur un plateau la chance de se débarrasser de Gina : Brandon valait-il d'être sacrifié pour qu'il puisse retrouver sa liberté ? Mais une fois sa liberté retrouvée, il pourrait retourner vers Sophia, qu'il n'avait toujours pas revue depuis l'annonce de son remariage.

C.C. réfléchissait, lorsque des cris perçants jaillirent par les fenêtres de la villa.

Telle une furie, Gina sortit de la villa et s'approcha du couple qui marchait en silence.

- Qu'est-ce que cela veut dire ?

Gina ne cessait de hurler.

- Channing, je veux, non, j'exige une explication !

Channing regarda sa jeune épouse sans comprendre.

- Je viens de chez Van Cleef et Arpels pour m'acheter une parure digne de la nouvelle Madame Capwell, lorsqu'on m'a averti que mon achat ne sera validé que lorsqu'Augusta Lockridge aura contresigné le chèque... Comment cette... cette vipère peut-elle contrôler ton argent, Channing ?

Les yeux de Gina lançaient des pieux sur Augusta. Cette dernière ne pu réprimer un large sourire.

- Channing, je veux une explication...

Le regard de Channing passa d'Augusta à Gina, puis de Gina à Augusta.

Les deux femmes se défièrent.

- Channing, je veux mon argent... Je veux disposer de mon argent quand bon me semble, et non pas dépendre du bon vouloir de cette garce...

La seule chose que pu dire Channing, c'était qu'il ne comprenait pas et c'était bien la vérité. Augusta, quant à elle, exultait.

- Madame Capwell, je suis navrée, mais si vous avez épousé le vieil homme que voici pour l'argent, c'est raté.

Gina sauta au cou d'Augusta.

- Je vais la tuer, cette folle. Channing, je jure que je vais la tuer...

Channing, qui ne comprenait rien, les laissa se battre et s'assit sur un des transats.

Augusta et Gina, comme d'habitude, se battaient. Et une nouvelle fois, Augusta eut le dessus et poussa Gina dans l'eau de la piscine.

- Un bon bain, je ne connais rien de mieux pour remettre les idées en place. Profitez-en Gina, puisque tous les spas vous refuseront l'accès... Il ne vous reste que la piscine... ou le purin...

Gina se redressa dans l'eau. Elle pouvait à peine bouger, gênée par l'eau et sa robe. Augusta arrangea sa tenue d'équitation et prit Channing par le bras.

- Channing, j'ai trouvé un jour un papier signé de votre main, dans lequel vous laissez tous vos biens à l'exception de la villa, à un inconnu. Consciente de la valeur de l'enjeu, je me suis empressée de mettre mon nom pour protéger la fortune Capwell...

- Mais, je devais tout donner à Mason. A Mason, pour que Gina n'ait rien.

- Rassurez-vous, elle n'aura rien ! ! !

Augusta Lockridge rayonnait. Elle venait une nouvelle fois de battre Gina et, incontestablement, elle venait de clouer le bec à Channing.

- J'aurais dû me douter que ce document ne s'était pas envolé... Vous allez me le rendre, Augusta, sur le champ...

- Vous le rendre, Channing. Et laisser Gina se servir de votre fortune... Pour qu'elle détruise Pacific Sud, jamais. Tout est légal, Channing, car si vous dévoilez que ce document est un faux, vous serez obligé de donner à Gina ce quelle voudra... Vous avez plus à perdre à vous allier avec elle qu'avec moi.

- Je vous méprise toutes les deux. Vous ne valez pas mieux l'une que l'autre...

Channing quitta les lieux, l'esprit dévasté par les problèmes liés aux femmes : de Pamela à Gina, en passant par Augusta et Santana, il n'avait eu que des problèmes. Il n'y avait qu'avec Sophia que tout fonctionnait parfaitement. Arrivé à la villa, Channing s'empressa de joindre par téléphone sa douce Sophia. Il laissa un message sur sa messagerie, sans lui parler de son mariage.

 

Salle de rédaction du Santa Barbara Chronicles.

Warren et B.J. fêtaient leurs retrouvailles dans la salle-même de rédaction du journal. Elle était si impatiente de retrouver son mari. B.J. savourait pleinement ces minutes, elle qui avait dû affronter le silence en Irak, sa belle-mère, la peur et l'angoisse de l'attente.

- J'ai cru que jamais plus je ne te reverrai. Personne n'avait la moindre information sur ton enlèvement...

Lentement, avec tendresse et caresses, Warren finir par repousser les angoisses de ces moments. Il couvrit ses lèvres de baisers, puis son cou, et B.J. s'abandonna dans les bas de son mari.

- Je suis si heureuse...

De caresses en caresses, Warren et B.J. se battirent un monde où seule leur passion retrouvée existait. Le monde extérieur disparaissait lentement sous la profondeur de leur baiser. Et tandis que les mains de B.J. s'aventuraient sous la chemise de Warren, ils glissèrent lentement sur le tapis de la pièce. Plus rien ne semblait exister à l'exception de ces deux corps qui se retrouvaient après de longs mois de séparation. L'inquiétude se dissipait, de même que les peurs qui avaient rongé leurs esprits.

- Oh, Warren, si tu savais comme tu m'as manqué...

Sous les lampes de la salle de rédaction du journal, Warren et B.J. laissèrent libre cours à leur amour.

- Merci chérie pour tous ces instants de bonheur. Merci de ne pas m'obliger à te parler de ces heures... En parler, chercher à comprendre, serait m'obliger à les revivre... Merci d'accepter mes silences, et de laisser Ted seul dépositaire de mes souvenirs...

B.J. plongea ses yeux dans ceux de son mari, et lui transmis toute la sincérité de son amour. Elle comprenait...

- Je t'aime, Warren... Et s'il faut que je m'efface à certains moments pour laisser la place à Ted, je le ferai.

Ils songèrent alors à leur dernière dispute où Warren l'avait laissée pour retrouver Ted, pour se retrouver ensemble, comme lors de la détention. Par moments, ils avaient besoin de se retrouver ensemble; comme si leur enlèvement les avait rapprochés. Et comme ils aimaient à le dire maintenant, après avoir été des presque beaux-frères qui se détestaient, ils se comportaient à présent un peu comme des frères.

Ils profitèrent encore longuement de ces instants magiques où le monde autour n'existait pas. Warren finit par entendre des pas dans le bureau voisin. Il se leva rapidement, enfila un caleçon et une chemise, et se glissa dans son bureau où il se retrouva face à face avec Ted.

- Je te dérange certainement...

Pour le moins amusé, Ted sourit à son ami. Une réelle complicité passait entre eux.

- J'imagine que l'édition de demain sera fameuse ! !

- Excellente. Elle mériterait même une réédition.

Warren termina de s'habiller et prit place sur son fauteuil, pendant que Ted lui racontait les dernières secousses à la villa Capwell.

- Le plus étrange, c'est que je n'ai jamais autant vu ta mère que maintenant. Même quand je sortais avec Laken, je la croisais moins souvent...

- Tu crois qu'elle nous cache quelque chose avec...

- Avec mon père... Non ! ! Avec Gina à la maison, ce n'est pas possible... Je trouve simplement étrange qu'elle soit aussi présente et aussi proche de mon père. A croire que Capwell et Lockridge sont en train de mettre définitivement un terme à cette stupide querelle.

L'arrivée de B.J. les interrompit. Ted s'empressa de la saluer, et ils parlèrent joyeusement autour du café et des croissants que Warren avait fait venir. Ils donnaient l'impression d'un groupe d'amis qui se connaissait depuis des années.

- Alors Ted, si tu nous donnais la raison de ta venue au journal. Serait-ce pour me voler une nouvelle fois mon mari ?

Warren fixa B.J..

- Non, pas cette fois. Je te le laisse. C'est d'ailleurs toi que je venais voir.

- Moi ?

- Dans la nuit, j'ai eu Mason au téléphone.

Ted raconta le périple de Mason au Mexique. Warren ne put s'empêcher de rire au vilain tour que venait de jouer la sulfureuse mexicaine au seul Capwell qu'il n'aimait pas.

- Tu veux mon avis, cela lui va bien. Il s'est si souvent moqué d'elle qu'elle a eu raison de se jouer de lui ! !  Je lève ma tasse à Santana, pour avoir osé nous venger de Mason ! !  Pardon, Ted, je crois que jamais je ne pourrai faire la paix avec lui... Nous sommes trop différents.

- Différents, je ne suis pas sûr. A votre façon, vous êtes complémentaires...

Ted et Warren parlèrent un moment avant que B.J. ne les ramène à la réalité.

- Vous philosopherez sur Mason après, que puis-je pour toi, Ted ?

- J'ai besoin de ton frère. Tu nous a dit qu'il travaillait au FBI sous une autre identité et qu'il s'occupait de retrouver des personnes disparues.

- Oui.

- Tu veux qu'il retrouve ton frère ? Laisse Mason se changer les idées dans la jungle. Je suis sûr que cela lui fera du bien et Julia aura droit au retour d'un homme neuf.

Tout en parlant, Warren imagina Mason en complet veston, perdu au fin fond de la jungle, lui qui était habitué et perdu sans air conditionné, sans bar, sans femme et sans argent...

- Qui sait, il va peut-être se transformer en Indiana Jones ! ! ! ! ! !

L'image de Mason en costume déchiré, un sombrero sur la tête, une bouteille de Tequila à la main, assis au milieu d'un champ de cactus, se matérialisa dans sa tête.

- Pauvre Mason ! ! !

Ted et B.J. laissèrent Warren à sa crise de rire et il lui parla de Brandon.

- Santana a quitté Campeche avec Brandon. Elle l'a enlevé et Mason craint qu'elle ne fasse du mal à Brandon.

- Elle ne fera jamais de mal à Brandon, c'est son fils.

- Je sais, Warren, mais...

Et Ted leur reporta les craintes de Mason.

B.J. finit par accepter la demande de Ted. Elle composa le numéro de Sawyer et parla longuement avec lui. Il rappela un moment plus tard.

- Il vient d'en parler avec son supérieur. Son équipe va faire son possible pour localiser Brandon et Santana.

- Merci.

 

Cancun, Mexique.

Santana trouva non sans mal l'hôtel 5 étoiles dans lequel travaillait Danny, comme barman. Après quelques difficultés, elle réussit à s'introduire dans l'hôtel et trouva Danny. Il avait bien changé depuis l'époque où il s'amusait avec Ted Capwell, l'alcool et la drogue avait eu raison de sa jeunesse.

Avec facilité, Santana réussit à convaincre son frère de lui donner les clés de son appartement et de ne pas dire à leur mère qu'elle était venu le rejoindre. Danny n'avait pas posé la moindre question. Peu lui importait les raisons de sa soeur, il avait bien d‘autres soucis en tête.

Suivi de Brandon, Santana quitta l'hôtel et partit à la recherche du petit appartement de Danny, en espérant que Mason ne puisse découvrir la présence de Danny au Mexique. Cependant, Santana avait conscience qu'en raison des problèmes de Danny avec la justice américaine, Mason ferait rapidement le lien entre elle et sa nouvelle cachette...

- Allez viens mon chéri, j'ai besoin de prendre mes médicaments et de me reposer.

Brandon obéit. Son cerveau réfléchissait au moyen de prévenir Mason de sa présence ici à Cancun, car il avait pleinement conscience que Santana avait d'autres problèmes de santé.

 

Hôpital de Santa Barbara.

La nuit venait de tomber sur la ville et une frêle silhouette errait dans les couloirs de l'hôpital. Avec facilité, Courtney Capwell avait pu détourner l'attention du garde qui surveillait sa porte. Quoique pouvait en penser Connor McCabe, le nom Capwell ouvrait toutes les portes de Santa Barbara.

Sans la moindre difficulté, elle réussit à rejoindre l'étage où était hospitalisé le Général Bradford. Telle une ombre, elle se faufila dans sa chambre et attendit à ses côtés qu'il ressente sa présence en ouvrant les yeux. A la vue de Courtney, l'horreur se matérialisa sur les traits du militaire. D'un geste, elle lui fit comprendre qu'il ne devait pas prononcer le moindre mot. L'homme la regardait avec effroi, conscient que l'heure du jugement approchait.

- Je suis venue entendre votre confession...

Les yeux de Courtney ne trahissaient pas la moindre émotion.

- Je veux entendre la confession d'un repenti pour tous les crimes qu'il a commis, pour le mal qu'il a fait à ma Madeline...

Du regard, Michael cherchait de l'aide, mais en raison de l'heure tardive, personne ne viendrait à son secours.

Courtney prit place à ses côtés sur le lit.

- Parlez-moi de ces jeunes femmes aux Pays-Bas, pendant la guerre... Parlez-moi de mon père.

Avec une très grande fermeté, la main de Courtney se referma sur le poignet du Général. L'un comme l'autre savait qu'ils avaient rendez-vous avec leur destin. Dans l'esprit de Courtney, le visage de Madeline se matérialisa, puis dansa devant elle la scène de leur dernière rencontre dans le motel, où Madeline la suppliait de mettre un terme à son calvaire.

Dans un souffle glacial, elle lui murmura : n'oubliez pas que je suis la seule personne qui peut vous pardonner, au nom de Grant, au nom de Madeline...

Des ombres pesantes chargées de silence s'écrasèrent sur la chambre, l'air se fit plus rare. Si le souvenir de Madeline hantait encore l'esprit de Courtney, le Général Bradford revoyait les silhouettes de tant de jeunes filles, de jeunes garçons qu'il avait trompés, qu'il avait trahis, qu'il avait abusés en compagnie de Grant. Il pouvait presque entendre leur longue plainte, comme un long cri continu qui déchirait la nuit.

Les premiers mots lui arrachèrent des grimaces de douleur, la souffrance était telle qu'elle dépassait celle causée par la balle. Puis, son flot de paroles se fit plus régulier. Il avouait ses pires péchés, espérant une possible absolution : Grant l'accompagnait sur ce chemin de croix... Il parla des dénonciations des juifs aux Pays-Bas qu'ils avaient organisés et orchestrés Grant et lui, en échange de bijoux, de tableaux de valeurs et autres cadeaux. Il avoua ensuite leur découverte du plaisir au cours d'orgies en présence de soldats allemands, de sa fascination naissante pour les jeunes filles...

- ...On était devenu non pas dépendant, c'était bien au-delà de cela... C'était devenu vital pour nous... Il faut nous comprendre... C'est comme une drogue qui nous aurait possédés...

Immobile, Courtney écoutait la longue confession qu'elle était venue chercher. Les mots lui lacéraient les oreilles et, pourtant, elle en demandait encore plus. Elle voulait comprendre pour Madeline, pour Rose et aussi pour elle... Bien que cette souffrance et ces horreurs restaient indescriptibles, l'âme et le corps de Courtney semblaient souffrir leurs maux. L'image de Madeline se faisait plus insistante : Courtney revoyait sa soeur aînée la supplier de mettre un terme à son cauchemar.

- ...Au début, je n'y croyais pas moi-même quand ton père a fait venir ta soeur... Il expliquait que c'était là sa contribution à notre secret... Pour conserver les biens volés... Durant des années...

Courtney n'écoutait plus : l'horreur venait de la prendre et elle se laissait glisser dans sa spirale infernale. A nouveau, comme lors du meurtre de Madeline, l'horreur la prenait dans ses griffes et la serrait, la serrait...

- Madeline est morte à cause de vous. Ma mère est devenue folle à cause de vos crimes...

Michael leva les yeux vers la jeune femme. Il lu dans son regard qu'il ne pouvait exister de pardon pour ses fautes. Résigné, il ferma les yeux et attendit la sanction.

- J'ai délivré Madeline de vos griffes. Et je l'ai tuée... Vous avez détruit ma famille au nom de... de cela.

Courtney se leva du lit et sortit une seringue de sa poche. Avec des gestes infiniment précis, elle la remplit à l'aide d'une ampoule. Et sans réellement voir le Général qui tentait de se débattre devant elle, elle planta l'aiguille dans la perfusion.

Le temps s'écoulait lentement au rythme du goutte à goutte qui déversait la mort dans les veines du Général Michael Baldwin Bradford. Courtney le regardait fixement dans les yeux, essayant de capter l'instant précis où il serait jugé pour toutes ses fautes.

Il s'éteignit lentement, sans la moindre crise.

Assurée de la mort de son bourreau, Courtney quitta la chambre comme elle était venue pour regagner la sienne. Elle acheva la lettre qu'elle avait commencé à écrire dès son arrivée à l'hôpital, puis la donna à une infirmière acquise à la cause Capwell, l'argent, pour qu'elle la transmette à Pearl. C'était sa confession à elle : Pearl devait comprendre, car un jour, elle lui avait donné son amour.

Courtney enfin se glissa sous les draps, certaine que Pearl allait comprendre et lui revenir.

 

Tribunal de Santa Barbara.

- Il est trop tard pour reculer David, vous êtes autant impliqué que moi dans cette histoire.

David Raymond déambulait dans son bureau, alors que Kirk en quasi maître des lieux avait pris place sur le lourd fauteuil de cuir.

David n'en revenait pas. Le plan infaillible de Kirk tournait au vinaigre. D'accord, Channing Capwell ne possédait pas encore de preuves irréfutables de son innocence, mais le doute se creusait, et le procès qui débuterait dans quelques jours, après les fêtes du nouvel an, risquait d'être plus difficile que prévu.

- Il ne faut pas faire cette tête, on savait que cela allait être difficile...

- C'est facile pour vous de parler ainsi Kirk, vous n'avez rien à perdre... Mais moi...

- Vous serez l'homme qui aura mis Channing Capwell à terre...

- Je l'espère...

- Il ne faut pas vous en faire... J'ai encore mon arme secrète.

- Non, on va en rester là... C'est plus simple. Nous avons quoi ? Un incendie qui a ravagé des milliers d'hectares, une catastrophe écologique, un mort maintenant... Je crois que cela suffit...

- C'est comme vous voulez...

David commençait à imaginer le pire : perdre le procès contre C.C. et être rayé du barreau pour avoir pactisé avec le diable pour arriver à ses fins C'est vrai, qu'avait-il fait ? Détruire des preuves, conseiller un criminel pour couvrir ses actes et accuser à tort un innocent... Personne ne pourrait croire en son innocence.

- Je suis foutu...

- Il ne faut pas dire cela, David...

David regarda l'homme assis à sa place : il semblait se délecter de la situation. Il prenait un réel plaisir à sentir le danger derrière chacun de ses actes.

- Il ne faut pas s'en faire, je suis certain qu'il nous aidera...

- Il... Je l'espère... Je l'espère...

David se laissa glisser sur un des fauteuils de lin réservé à ses visiteurs. Il cherchait un moyen d'en finir avec cette situation.

- Il faudrait savoir ce que la vieille femme a remis à Augusta, le jour ou le lendemain de l'inauguration de Pacific Sud. J'ai vu une partie du dossier sur l'épaule de Julia, et il me semble qu'elle a des photos compromettantes pour nous...

- Je peux m'en charger... Et la faire taire.

- Je ne veux pas savoir. Elle s'appelle... C'est facile comme C.C., Channing... Angela Channing.

David expliqua à Kirk qu'à présent, elle seule détenait peut-être une ou plusieurs preuves de l'innocence des Entreprises Capwell, à présent que le Général était mort. Mentalement, David faisait le point : tout le dossier incriminait les Entreprises Capwell tant que les documents reliant l'armée à Channing restaient dans l'ombre. Et seul Kirk et un mort les détenaient. Tout allait donc pour le mieux, à condition qu'aucune autre preuve ne vienne à apparaître...

 

State Street.

Augusta Lockridge sortit du magasin d'un des plus célèbres créateurs de bijoux. Elle venait de rendre la parure qu'elle avait louée à l'occasion de sa grande fête à l'Oasis. Elle songea un moment à aller faire son shopping dans le célèbre magasin Pamela's; haut lieu de la mode locale qu'elle avait l'habitude de fréquenter : elle adorait essayer mille et une tenues, transformer le magasin en véritable lieu de siège et ne rien acheter. Pamela, l'horrible propriétaire, la détestait, mais depuis qu'Augusta avait retrouvé l'ancienne fortune des Lockridge, elle ne pouvait se permettre la moindre réflexion, et Augusta se délectait de la voir souffrir en silence.

La sonnerie de son téléphone portable l'obligea à changer de route.

- Allô ?... Ah, Sawyer Walker... Oui, oui, j'entends bien Sawyer Walker...

Augusta ne pouvait s'empêcher de jouer avec Sawyer qui avait commencé une nouvelle vie à New York, sous un nouveau nom.

- Envoyez-moi toutes ces informations par mail... Je vous en prie. Merci.

Augusta raccrocha, le sourire aux lèvres.

- Gina, j'aurai ta peau... Gina, j'aurai ta peau... Gina, Gina, j'aurai ta peau...

 

Suite présidentielle de l'Hôtel Capwell.

- Alors, combien comptes-tu me donner pour ces informations...

T.J. se redressa dans le lit et remonta sur lui le drap.

- Tu fais le timide aujourd'hui...

D'un mouvement rapide, Augusta fit glisser le drap qui couvrait le torse de T.J.

- Je t'ai connu moins pudique...

Augusta se leva et se glissa dans le dos de T.J.. Lentement, elle fit glisser ses ongles sur sa peau halée, jouant avec les muscles de l'ancien propriétaire de la Tanière.

- Tu oses me demander de l'argent, après ces fougueux instants... Voudrais-tu insinuer que je n'ai pas su te dédommager à la hauteur de tes informations...

T.J. se laissa faire, habitué à n'être que le jouet de ces femmes. Après Venise, il était content de retrouver le piment d'Augusta Lockridge. Lentement, mais avec fermeté, il glissa la main d'Augusta vers sa bouche.

- Augusta... Comme tu me l'as si souvent dit... Cela n'est que plaisir, cela n'entre pas en compte dans les affaires. Propose-moi de l'argent, et je te parlerai des secrets de Venise...

- Comme si la vie de cette sinistre personne pouvait bien m'intéresser...

- Augusta, avec les secrets de Venise, tu pourrais contrôler Armonti's et de là Sophia...

Durant une seconde, la main d'Augusta cessa de jouer avec les muscles de T.J.. Elle semblait intéressée par la proposition du gigolo.

- Sophia, le grand amour de Capwell, la...

- Je n'ai pas besoin que tu me fasses son état civil.

Augusta attira le corps de son amant contre elle et lui glissa quelques mots à l'oreille avant de la couvrir de baisers.

- Si tu me l'obtiens, je te trouverai une place au sein de Pacific Sud... Sophia, j'aurai ta peau... Sophia, Sophia, j'aurai ta peau...

 

Club 71.

En terrasse du bar, B.J. dévorait des yeux Warren, qui avait pris place derrière le piano du club et interprétait une chanson d'amour, Lovers in the Dark. Au cours de la chanson, leurs regards se croisèrent : leur complicité n'avait pas perdu de sa magie, depuis le jour où elle l'avait rencontré, sous les traits de Troy.

Malheureusement pour elle, Ted Capwell revint s'asseoir à leur table et mit un terme à cet instant de magie. Depuis leur retour d'Irak, B.J. se sentait jalouse du nouvel ami de son époux. Ce n'est pas qu'elle le détestait; mais contrairement à Warren, elle ne partageait rien avec le dernier fils Capwell. Par ailleurs, elle conservait l'image d'un Ted immature, à la recherche de sa place : Warren lui avait longuement parlé de lui avant leur départ en Irak.

L'un comme l'autre avait pleinement conscience de la tension qui existait entre eux. Trop de non-dits les empêchaient de faire le premier pas : B.J. était la femme du nouvel meilleur ami de Ted, et la fille de son ex-beau-frère, ce qui n'arrangeait pas les choses.

B.J., entre deux silences, glissa à Ted que son frère, à Washington, avait retrouvé la trace de Santana Andrade. B.J. lui tendit la feuille avec l'adresse de son frère à Cancun. Ted la remercia et s'éclipsa aussitôt pour avertir Mason de sa découverte.

 

Hôpital de Santa Barbara.

Connor McCabe avait réuni C.C., Pearl et Daniel dans la salle d'attente du service où était hospitalisée Courtney. Il venait de leur apprendre la mort pour l'heure inexpliquée du Général Michael Baldwin Bradford. Pearl semblait bien plus affecté par la mort de son père que ce qu'on aurait pu croire. Il lui fallut un long moment pour assimiler sa mort.

Dans son discours, Connor ne cacha pas que, pour l'heure, tous les soupçons se portaient sur Courtney Capwell, car dans l'enceinte de l'hôpital, elle était la seule personne à en vouloir à mort à Michael.

- Seule l'autopsie pourra déterminer les causes exactes de la mort...

Channing enrageait. On s'en prenait encore à sa famille. Machinalement, il joua avec le sceau Capwell, fraîchement retrouvé. Il faisait de son mieux pour contenir sa colère. Ce n'est qu'après le départ de Pearl qu'il s'en prit ouvertement à Connor.

- Vous ne pensez pas, Connor, que cela fait beaucoup contre ma famille...

Daniel tenta de s'interposer, mais le seul regard de son patron le figea sur place. C.C. retrouvait le caractère qui faisait de lui un pur Capwell : il suffisait qu'on s'en prenne à sa compagnie ou à sa famille pour voir rouge.

- Vous me harcelez déjà pour l'incendie sur mes terres, maintenant vous déclarez ouvertement que ma nièce est coupable de meurtre... La prochaine fois, ce sera quoi ? Je vous le demande, Connor. Je ne sais pas si tout cela est lié avec le départ de Kelly, mais croyez-moi, je ne suis pas dupe. Et le gouverneur ne sera pas dupe non plus. Bon sang, je suis Channing Capwell.

- C'est pour cela...

- Taisez-vous. Vous n'êtes rien !

Une rage physique s'empara de C.C.. Il s'approchait dangereusement de Connor.

- Taisez-vous. Vous n'êtes même pas capable de comprendre que ce meurtre est lié avec tout le reste. La vérité, c'est que Michael allait témoigner pour moi. Vous entendez, il allait témoigner pour moi, pour les Entreprises Capwell, et... Kirk qui se cache derrière tout cela, ne pouvait pas le supporter. Il ne pouvait pas perdre une nouvelle fois contre ma famille... C'est aussi simple que cela, il a tué l'alibi qui pouvait me sauver et le détruire...

- Monsieur Capwell. Je mènerai l'enquête et nous verrons bien. Mais pour l'heure, c'est Courtney qui est la principale suspecte, d'autant que c'est elle qui a tiré sur lui, à l'Oasis...

Channing empoigna Connor par le col. Daniel s'interposa et attrapa les mains de Channing. Et c'est un Connor tremblant qui quitta la pièce.

- Vous, ne me touchez pas !

Avec violence, C.C. se détacha des mains de son avocat.

 

Aéroport de Santa Barbara.

Assise au milieu de la salle d'attente, Sophia Armonti attendait le départ de son vol pour le Canada. Sophia avait accepté la proposition de Lionel, à savoir passer les fêtes de fin d'années avec lui et Brick. Il était certain que Brick, leur fils, sentirait leur présence et qu'il serait heureux de les savoir à son chevet.

Sophia avait accepté avec empressement, maintenant qu'elle avait appris le remariage de Channing et de Gina; plus rien ne la retenait à Santa Barbara.

Sophia replongea dans l'étude du dossier que lui avait remis George. George lui avait transmis les dernière données sur l'état des actions de Venise. Grâce au transfert de fonds entre Capwell Enterprises et son propre compte, elle détenait assez de liquidités pour reprendre le contrôle de sa société.

Toutefois, pour l'heure, Sophia ne songeait plus à sa bataille contre Venise. Son être tout entier restait meurtri par la nouvelle du remariage de C.C. et de Gina. Jamais Sophia n'aurait pu imaginer pareille trahison. Elle qui secrètement espérait toujours, non pas de redevenir madame Channing Capwell, mais simplement retrouver un foyer auprès de l'homme qu'elle n'avait jamais cessé d'aimer. Son coeur ne pouvait se résoudre à accepter la perte de Channing. Son corps, son âme, avait besoin de cet homme, de sa force, de son amour... Sophia faisait de son mieux pour refouler ses larmes. Depuis qu'elle avait appris la nouvelle, elle ne cessait de se torturer, en revivant les souvenirs de son amour pour Channing. De leur rencontre à leur premier mariage en 1961. De la naissance de chacun de leurs enfants. De leur séjour à Peeble Creek, où ils conçurent Eden. De tous leurs mariages. Sophia s'enfermait dans ses souvenirs. Elle n'était pas encore prête à tourner la page, car telle une adolescente, elle était retombée amoureuse de cet homme, après son émouvant discours lors du mariage de Warren et B.J..

- Channing, pourquoi m'as-tu abandonnée ?

C'est en larmes que Sophia prit place dans l'avion qui allait la conduire au chevet de son fils, et dans les bras de son premier amant...

Chapitre 25