Santa Barbara, Acte 2 | ||||||
Chapitre 21 : ...Et des réponses qui n'en sont pas... |
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Et
avec la participation exceptionnelle de William Devane dans le rôle de Gregory Sumner |
La
vie ne tient qu'à un fil...
Le
fil de la raison...
Retrouver
le fil du temps...
Pour
toutes ces petites choses qui ne tiennent en fin de compte qu'à du détail.
Souvent, on cherche à comprendre, on cherche à donner une explication et l'on
attache peut-être trop d'importance, à ce qui n'a que l'éclat de l'apparence.
Pour certains, il s'agit d'un mariage, pour d'autre d'une vengeance, d'une dette
qu'on honore après des années... Et si en fin de compte il ne s'agissait que
de fausses excuses pour nous détourner de l'essentiel, de ce qui compte
vraiment : avoir une présence à nos côtés. Quand on est Channing
Capwell, on pense qu'il s'agit du pouvoir, du pouvoir lié à ce simple nom de
famille. Quand on est Mason, on jure que c'est l'alcool. Si on voit la vie avec
les yeux de Gina, cela a l'apparence d'un mariage. Et si on est du côté d'Eden,
on tremble pour cette femme qui s'est perdue et qui caresse l'idée d'un
autre...
Car
l'amour aussi ne tient qu'à un fil...
Antigua, Guatemala.
Le
taxi qui les avait pris en bas de l'hôtel principal d'Antigua, El Antigua
Capwell Hotel, stoppa devant l'entrée de l'église de Santa Flores.
-
Revenez nous chercher dans deux heures.
-
No problemo...
-
Quel temps merveilleux, je dois admettre que je passe un moment merveilleux...
-
Terminons cela au plus vite, Gina...
Channing
Capwell et Gina pénétrèrent dans l'église où un jeune prêtre vint les
accueillir.
-
Plutôt joli garçon, ...
Gina
attrapa la main de Channing et se serra contre lui.
-
Même si l'endroit est différent, Channing, j'espère que cela te rappelles de
bons souvenirs...
- Tais-toi, Gina... Avec toi, il n'y a rien de bon... Et je doute qu'il puisse sortir quelque chose de bien de toute cette mascarade...
Bagdad.
La
voiture de l'ancien sénateur Gregory Sumner roulait à vive allure dans les
rues de la capitale irakienne. Arrivé quelques minutes plus tôt par avion,
Gregory Sumner s'était longuement entretenu avec le représentant de l'armée
américaine. Après lui avoir montré des documents, un long cortège de
voitures et de véhicules avait quitté l'aéroport pour le sud de la ville.
Gregory
ne comprenait toujours pas le comportement du Général Michael Bradford :
pourquoi avait-il signé l'ordre d'arrestation et d'emprisonnement du jeune
Ted Capwell ? Cela n'avait parfaitement aucun sens. D'autant plus
que Greg savait que les deux hommes se connaissaient bien, puisqu'ils avaient
servi les Etats-Unis dans la même compagnie, lors de la seconde guerre
mondiale. Greg referma la pochette qui renfermait tous les documents.
-
Dans quelques minutes, j'aurai remboursé ma dette, et toutes traces du projet
Empire Valley seront définitivement effacées. Gary et Abby ne pourront découvrir
la finalité du projet...
Après
avoir roulé un long moment dans les rues de la capitale, le cortège traversa
une zone plus désertique, avant d'arriver dans un petit village. Le conducteur
se retourna.
-
Nous arrivons.
-
Bien.
Les
véhicules stoppèrent devant un groupe de maisons. L'ancien sénateur descendit
après avoir attendu que la zone soit bien sécurisée. Là, le commandant de l'expédition
vint le rejoindre et le conduisit dans une des maisons. Ils descendirent les
marches pour atteindre la cave. Il fallut du temps pour que les yeux de l'ancien
sénateur s'habituent à la pénombre. Enfin, il finit par remarquer la présence
de deux corps, enchaînés l'un à l'autre. D'un simple mouvement de tête,
Gregory Sumner donna l'ordre de s'occuper des deux hommes. Inconscients, ni Ted
Capwell, ni Warren Lockridge ne bougèrent lorsqu'ils furent pris en charge par
une équipe médicale. C'est à peine s'ils réalisèrent que pour la première
fois depuis plusieurs mois, on les sépara.
Greg
remonta et ordonna au convoi de prendre la route en sens inverse, en direction
de l'aéroport.
-
Et c'est tout... Tu as fait le déplacement depuis Knots Landing, juste pour
chercher ces deux personnes ! Ils doivent être très importants à tes
yeux, pour que Monsieur Sumner fasse le voyage.
-
Tais-toi, Anne, personne ne t'a obligée à venir.
Alors
que le convoi reprenait la chemin de l'aéroport, Gregory songea qu'enfin, la
page Empire Valley était tournée. Définitivement. Depuis que Gary Ewing avait
fait exploser le site, seul, Channing Creighton Capwell détenait des preuves au
sujet de la teneur réelle du site. A présent, plus personne ne pouvait lui
nuire. En rendant Ted à son père, Gregory reprenait pleinement le contrôle.
Confortablement installé dans sa voiture, Greg sortit un cigare et l'alluma, sans se soucier de son épouse à ses côtés : plus rien ne m'empêche à présent de reconstruire Empire Valley.
Villa Capwell.
Sophia
poussa la lourde porte de bois et pénétra dans l'atrium de la villa. La pièce,
tout comme le reste de la villa, était entièrement plongée dans le noir. Elle
n'avait croisé aucun domestique.
-
Channing... Channing, c'est moi, c'est Sophia...
Le
son de sa voix se perdit contre les piliers décorés de fleurs fraîches, et
contre les lourdes amphores.
Le
poids de la fatigue et de la solitude s'abattirent brusquement sur les épaules
de Sophia. Elle se sentait si lasse. Entre le décalage horaire et la vue de son
fils, Brick, allongé sur un lit d'hôpital entre la vie et la mort, Sophia
sentit qu'elle était en train de perdre pied. Depuis combien de temps
affrontait-elle des tensions ? Elle n'aurait su le dire.
Elle
s'assit sur le rebord de la fontaine, se massa énergiquement la nuque. Et pour
la première fois, elle comprit Mason, qui puisait force et réconfort dans l'alcool.
-
Ce n'est pas possible, je ne peux plonger ainsi... Je ne suis pas aussi
fragile...
Pourtant,
en dépit de sa force, Sophia marchait au bord du gouffre.
-
Entre mon combat pour Armonti's et les découvertes sur la mort de Channing
Junior, je n'ai pas eu une seconde à moi. Oh, Channing, pourquoi n'es-tu pas là,
à mes côtés, pour m'aider ?
Sophia
se résigna à ne pas prévenir George de son retour.
-
Après tout, demain, demain est un nouveau jour... Demain...
Sophia trembla : de peur, de froid, de solitude. Plus que jamais, elle éprouvait le manque de la présence de Channing ou de Lionel à ses côtés. Depuis son retour à Santa Barbara en 1984, elle n'avait jamais été aussi seule. Channing ou Lionel avaient toujours été là pour la soutenir. Face au cancer. Face au meurtre de son fils. Face à la perte d'Eden. Face à Ken... Il y avait toujours eu Channing ou Lionel...
-
Je ne peux pas baisser les bras... Et pourtant, cela pourrait être une
solution... la solution. Laisser Channing, car au bout du compte, nous ne sommes
pas fait pour vivre ensemble. Laisser mes enfants qui ont tous, tous quitté la
maison, pour s'éloigner de moi... Laisser Eden à sa maladie, Ted à son
humanitaire, et Kelly à son oubli... Je pourrais partir et laisser Armonti's à
Venise... Je pourrais...
C'est
alors qu'un souffle glacé traversa la pièce de part en part. Sophia ressentit
une présence, comme une ombre, un fantôme qui hantait ces lieux.
-
Channing... Mon chéri, tout serait si simple, si je savais qu'avec le temps tu
me pardonnais... Si seulement je pouvais avoir ton pardon, je crois que j'abandonnerais
tout... Je partirais finir ma vie ailleurs...
Sophia
se leva. Elle marcha jusqu'à la table en osier. Elle remarqua les photos qu'on
avait sorties et abandonnées là... Il y avait Ted, Kelly avec Jeffrey, Kelly
qui semblait si heureuse... Eden, le jour de son mariage avec Cruz, Mason avec
Julia et Samantha... En les regardant une à une, Sophia ressentit toute la
souffrance de Channing, lorsqu'il les avait déposées.
-
La famille... Channing, tes paroles me reviennent en mémoire. Les paroles de
ton père. Et avant lui, les paroles de ton grand-père : sauvegarder l'héritage...
La terre... La terre et la famille sont les seuls biens qui méritent qu'on se
batte... La terre et la famille... Ma famille...
Sans
raison, Sophia gagna le salon et se plaça devant le portrait de famille :
Ted, Kelly, Eden, Mason, Channing et elle trônaient en place d'honneur de la pièce.
C'est alors que Sophia remarqua la présence de Greg. Leurs regards se croisèrent.
D'abord surpris de se revoir ici, Greg et Sophia finirent par se parler. Et Greg
confia à Sophia l'intrusion soudaine de Gina dans la vie de Channing.
-
Cette garce est encore là. Jamais elle ne nous laissera en paix.
Sophia
prit place sur un canapé face à Greg. Les forces lui revenaient. Elle sentait
qu'elle devait prendre le relais de Channing et se battre pour l'héritage, la
famille et la terre. Après tout, elle était devenue, il y a des années, une
Capwell. Et lorsque que Greg lui parla de la soirée de la Saint Nicolas organisée
par Augusta Lockridge, Sophia sut qu'elle s'y rendrait parce que, ce soir, elle
aurait à affronter Gina et Augusta pour défendre les Capwell, pour défendre
Channing...
Autour d'elle, la famille Capwell devait se reformer. Greg allait trouver sa place, elle allait lui offrir cette chance. Ted, elle l'espérait, lui reviendrait. Peut-être même Eden, dont elle avait rêvé à plusieurs reprises. Kelly aussi. Mason... Elle venait enfin de trouver un mode de communication avec lui. Et Channing Junior peut-être allait aussi enfin finir par trouver la paix...
Un canal de Venise.
Lisa
marchait le long d'un canal à l'écart de la ville. Elle errait plus qu'elle ne
se promenait dans la ville. Trop de choses avaient changé depuis sa dernière
visite à Venise en compagnie d'André. Tout était différent. Les lieux qu'elle
avait découvert avec lui s'étaient fanés. Tout comme Paris. Lisa ne se
sentait plus à sa place nulle part. Une autre vivait en elle et ne
reconnaissait pas ces lieux : un peu comme si les souvenirs de Lisa
appartenaient à une autre vie.
Tandis
qu'elle marchait, Lisa se tordait nerveusement les mains. Elle finit cependant
par prendre une importante décision : elle quitterait Venise demain dans
la journée, et elle partirait pour Vienne. Il lui fallait poursuivre son périple,
jusqu'à ce qu'elle retrouve le souvenir, non, la présence d'André.
BANG !!
Une
détonation résonna dans le lointain. Et Lisa sortit de sa rêverie. Soudain, d'autres
images se substituèrent à la vue de Venise. Elle se tenait dans un bureau. La
pièce était quasiment plongée dans l'obscurité. Elle portait un smoking, un
smoking d'homme. Ses traits étaient tendus. Son regard se porta au devant d'elle :
un corps de femme était allongé. Lisa avait beau puiser dans ses souvenirs, le
visage de la femme étendue là, possédait un je ne sais quoi de familier. C'était
un peu comme si c'était elle, mais en plus âgée. Elle portait les cheveux
cours et une robe saumon.
Dans
son rêve, Lisa leva les yeux, et elle vit un visage dans un miroir.
Lisa
se détourna. Le visage se dessinait aussi à la surface des vagues. Et un rire
apporté par la mer se déversa sur elle. Lisa se mit à trembler.
-
Channing, ...
L'autre
femme qui vivait en elle, reprenait le contrôle de sa vie.
Lisa
paniqua et se mit à courir. Et pour éviter, dans un virage, un groupe de
personnes, Lisa donna un violent coup de rein dans sa course, son pied glissa
sur le trottoir et Lisa... Lisa chuta dans la mer.
Comme
elle tombait, le souvenir d'une autre chute se superposa à celle-ci dans son
esprit. Elle portait un chemisier vert, et elle était accrochée à des
rochers. Face à elle, un homme tentait désespérément de l'agripper par la
main. L'homme la regardait avec un mélange d'amour et de crainte. Il ne cessait
de répéter : Eden, prends-moi la main...
Lisa
chutait dans son rêve, comme dans la réalité. La chute n'en finissait pas.
Puis l'eau pénétra dans ses poumons, alors qu'elle commençait à se débattre.
L'eau de la mer. L'eau de l'océan. Au loin, elle entendait encore, affaibli par
le bruit des vagues, les cris et les pleurs d'un homme. Un à un, les fils qui
retenaient prisonniers les fils de la raison de l'autre se cassèrent.
Lisa voulut crier : Eden... L'eau s'engouffra dans ses poumons. Et d'autres images lui apparurent. Elle revoyait le visage de sa mère. C'était elle, étendue à ses pieds... Elle se revoyait une arme à la main, en train de l'attendre dans le bureau, parlant à une ombre dans le miroir... Eden renaissait. Et soudain, un autre mot se dessina sur ses lèvres : Cruz...
Maison de Julia et Mason Capwell.
Mason
poussa la porte de sa maison.
-
Julia !! Julia, c'est moi...
Mason
posa sa valise. Passée la surprise de la trouver vide, il remarqua qu'elle
paraissait complètement inhabitée, peut-être parce qu'il n'y avait aucune décoration,
en cette période d'avent. Il fit le tour de toutes les pièces, et il s'arrêta
dans la chambre de Sam. Son lit était vide, sans peluche. La même solitude que
durant son absence s'empara de lui.
-
Maman, tous tes plans ont échoué... Si tu as tué Channing Junior pour faire
de moi l'héritier Capwell, c'est raté. Regarde-moi, je suis seul. Seul...
Mason
prit son téléphone portable et composa le numéro de la chambre de l'établissement
où était internée Pamela. Cela faisait tellement longtemps qu'ils ne s'étaient
pas parlé.
Au bout de plusieurs sonneries, Mason tomba sur un homme, certainement un infirmier. Et il raccrocha, sans prendre la peine de lui parler.
Oasis Club.
En plein travaux d'aménagement de l'Oasis Club pour sa garden-party à l'occasion
de la Saint Nicolas, Augusta Lockridge s'impatientait. Comme à son habitude,
elle s'était montrée odieuse avec les serveurs, le traiteur et toutes les
personnes qui s'affairaient autour d'elle. Augusta enrageait. Elle cherchait une
explication au comportement de C.C. et de Gina.
-
Mais bon sang, pourquoi est-il parti avec elle... Qu'a-t-elle donc manigancé
dans son cerveau torturé... Elle ne peut pas avoir percé le secret d'Amanda...
Ce n'est pas possible... Je sais qu'il est encore caché aux yeux du monde.
Inquiète
et intriguée, Augusta ressortit de la poche de sa veste, le papier qu'elle
avait subtilisé à la villa Capwell. Augusta, par l'intermédiaire de Julia,
savait que Daniel et Greg étaient à la recherche de ce document... S'ils apprenaient
qu'il était entre ses mains...
-
Non, jamais Julia trahirait mon secret... D'ailleurs où est-elle ?
Augusta
promena son regard sur toute la salle : elle ne vit pas la moindre trace de
sa soeur.
-
Elle devait pourtant venir ici.
Elle
replongea dans les préparatifs. Elle avait tout organisé pour que sa fête
soit une réussite. Nul doute pour elle, que cette soirée allait rester dans
les annales de la ville. Elle allait paraître elle une Lockridge, au bras de
Channing Capwell. Elle se souvenait encore de toutes les fois où les Capwell
avaient ridiculisé les Lockridge, mais cette fois-ci, les choses allaient être
totalement différentes. Les Capwell allaient conserver leur pouvoir... grâce
aux Lockridge.
Alors
qu'elle donnait des ordres, parfois contradictoires, Augusta commençait déjà
à savourer son triomphe. Elle s'imaginait sous le dôme de fleurs, près de la
grande fontaine, au bras de Channing Capwell. Tous les grands de la Côte Ouest
seraient présents... Quelle entrée...
La
sonnerie de son portable la replongea violemment dans la réalité.
-
Oui, Julia ? Ne parle pas si vite, je n'ai pas tout compris. Pacific Sud ?
Mais nous avions rendez-vous ici, à l'Oasis. Non, je ne veux pas aller à
Pacific Sud, j'ai encore des choses à préparer. Un meurtre ? J'arrive...
Augusta
raccrocha. Elle réalisa soudain qu'elle avait même oublié de demander à
Julia qui venait d'être tué.
-
J'espère que cela n'est pas quelqu'un d'important... Il ne faudrait pas que
cela vienne gâcher ma fête.
Augusta laissa donc tout tomber et monta dans sa voiture pour Pacific Sud.
Maison de Daniel McBride.
Appuyé
contre le rebord du balcon de son appartement, Daniel terminait de boire son
quatrième café. Depuis qu'il était rentré d'Australie, bien qu'il avait eu l'explication
qu'il désirait avec son amant, Daniel se rongeait les sangs. Il avait perdu le
papier le plus important que ne lui avait jamais confié Channing Capwell.
Les
traits tirés par la peur et le remord, Daniel s'enfermait dans un tel mutisme
que plus rien ne paraissait capable de faire taire ses angoisses.
Inlassablement, il marmonnait son incapacité à être le brillant avocat d'affaires
qu'il s'imaginait être.
De
leur salon, Greg le regardait. Il souffrait de voir son ami dans un tel état.
Et pourtant, bien que concerné par la faute de son amant, Greg ne partageait
pas la même vision de la catastrophe. Greg s'approcha de Daniel, lui poussa les
mains sous son T-shirt, et se blottit contre son corps.
-
Daniel, ne reste pas comme cela, parle-moi... Ce n'est qu'un papier...
-
Un papier ! ! ! On voit bien que tu ne réalises pas l'ampleur de
l'erreur, de mon erreur...
-
Daniel... On lui expliquera, et il finira par comprendre...
- Oh oui, pour comprendre, il va comprendre... Ton père va me virer... Il va me détruire...
Pacific Sud.
Lorsqu'elle
gara sa voiture devant les futurs bureaux de la société, Augusta Lockridge
remarqua la présence de nombreuses voitures de policiers.
-
On se croirait en plein épisode des Experts... Sont-ils aussi charmants qu'à
la télévision...
Augusta
se dépêcha de rejoindre le groupe principal, et elle s'incrusta entre Julia et
Daniel McBride. Elle se trouvait face avec face avec Connor McCabe.
-
Ah non, ils sont mieux à la télé...
Bien
sûr, personne ne comprit sa réflexion, mais Augusta ne s'en préoccupa pas.
Elle se souciait si peu du commun des mortels. Connor s'obligea toutefois à résumer
la situation actuelle pour le nouvelle venue. D'ailleurs, la situation était
malheureusement des plus simples : un peu plus tôt dans la journée, des
travailleurs avaient découvert le corps sans vie de Pilar Alvarez. Tout avait
été fait par le ou les meurtriers pour qu'on découvre le corps. Elle n'avait
subi aucune forme de violence, autre que celle qui lui avait été fatale. Ce
qui intriguait Connor n'était pas le meurtre à proprement parler, mais toute
la mise en scène qui allait avec.
-
Plutôt que m'écouter, si vous vous sentez capable de tenir le choc, je préférais
que vous me suiviez.
Connor
guida le petit groupe vers un lieu, un peu à l'écart, où se tenaient de
nombreuses machines.
-
Si j'en crois les plans des architectes, c'est ici que doit se dresser le
descriptif du projet de Pacific Sud, avec un immense tableau et le logo des
Entreprises Capwell. Détail qui peut aussi avoir son importance, c'est ici-même
que monsieur Capwell a fait sa première conférence de presse et c'est ici
aussi qu'il a planté la première pierre du projet.
Augusta,
qui maîtrisait parfaitement les plans, savait que ce lieu servirait de centre
stratégique de Pacific Sud. Devant se tenaient les bureaux de la direction. Au
fond, on entendait gronder l'océan. A droite, on allait bientôt monter le pôle
de recherche océanique. Et à gauche, se dresseraient des laboratoires de
recherche, le centre de conférence, ainsi que divers bâtiments éducatifs, en
partenariat avec les facultés de la région.
Ce
n'est qu'après avoir bien situé les futurs bâtiments dans le décor que son
regard se porta sur le corps inanimé, à quelques pas d'elle. A ses côtés,
Julia manqua de défaillir et elle s'accrocha au bras de Daniel. Augusta, quant
à elle, la regarda fixement. Intérieurement, elle passa : Elle ne
pouvait pas mourir ailleurs, celle-là ?
Connor,
tout en observant le travail de la police scientifique, leur parla des détails.
Pilar avait été étranglée. Elle n'avait pas subi de violence sexuelle. Les détails
les plus troublants restaient les nombreux liens qui ramenaient le crime aux
Capwell. Elle portait une pancarte autour du cou où il était noté : Les
entreprises Capwell m'ont tuée. Elle tenait aussi entre les
mains une lettre directement adressée au juge David Raymond où, document à l'appui,
elle détaillait les preuves qui incriminaient les Entreprises Capwell dans l'incendie,
dans la pollution du site. La lettre aussi insistait sur le désastre écologique
tant au niveau de la faune que de la flore.
-
Vous comprendrez mes inquiétudes face à ce crime...
Augusta
regarda Daniel, Julia et Greg. Personne ne semblait prendre réellement
conscience de l'ampleur du désastre.
-
Connor, ne me dites pas que vous allez tout arrêter pour ça ?
Tout
le monde, interloqué, se figea sur Augusta.
-
Voyons, nous savons vous et moi, ce qu'il en est... Vous n'allez pas nous faire
croire que ce meurtre va conduire à l'arrêt du projet de Pacific Sud. C'est l'oeuvre
d'un fou. C'est tout.
-
Un fou, vous avez raison, Madame Lockridge, un fou qui pourrait recommencer avec
le procès qui va commencer ces jours prochains...
-
Mais vous ne pensez pas à ma fête...
Augusta
s'écarta du groupe; son regard embrassa tout le site.
-
Connor, je suis actionnaire dans ce projet... Et je ne laisserai personne le détruire.
Vous m'entendez ? Personne. Pour les détails, voyez avec Julia. Je vais
donner l'ordre de surveiller le site, jour et nuit. Cela ne se reproduira plus.
Augusta
s'éloigna, reprit sa voiture et partit.
-
Julia, je ne sais pas quoi faire.
-
Menez votre enquête, Connor. Vous êtes en partie responsable de ce drame, en
vous étant associé avec David Raymond.
Connor
pâlit.
-
Je sais qui est derrière ce meurtre : Kirk Cranston. Mais malheureusement
pour vous, il doit vous tenir et jamais vous ne pourrez le lier au crime. Faites
votre travail, nous, nous ferons le nôtre...
Julia s'écarta et donna rendez-vous à Greg et Daniel le soir-même à la villa Capwell. Elle ne pouvait s'empêcher de penser : Kirk, cette fois-ci, nous tient. La presse ne parlera que de cela : du meurtre de Pilar et de la lettre... Il nous tient vraiment. Il possède à présent toute notre ligne de conduite... Et jamais nous ne pourrons l'arrêter. Cette fois-ci, Channing va peut-être tout perdre...
Villa Capwell.
Assise
dans la salle à manger de la villa, Sophia continuait de fixer le tableau.
Channing l'avait voulu pour témoigner de la famille; et que restait-il aujourd'hui
de cette famille ? Les paroles de Greg et de Daniel à ses côtés l'avaient
profondément troublées. Greg avait raison : la famille avait explosé,
simplement parce qu'elle manquait d'héritier, d'un héritier tel que le
concevait Channing Creighton Capwell. Longuement, ils en avaient discuté tous
les trois. Ils avaient fait revivre les fantômes du passé : de Mason à
Channing Junior, de Brandon à Johnny... Channing voulait un héritier, qu'il
soit pleinement de son sang n'avait que trop peu d'importance. Ce qu'il voulait,
c'était un être qu'il puisse façonner à sa guise, en faire un Capwell...
-
Ne faites pas en sorte que l'histoire de Brandon se répète. Vous seul avez le
pouvoir de briser cette chaîne...
Sophia
dévisageait Greg. Il était loin le temps où le jeune garçon de 17 ans vivait
de frivolité. Derrière ses yeux, elle pouvait à présent lire une profonde
souffrance. Puis, elle regarda Daniel. Elle sentait chez lui les mêmes
cicatrices. Julia avait totalement confiance en lui. Et puis, l'homosexualité
qu'ils partageaient la rapprochait aussi un peu de son Channing, de son premier
fils. Peut-être que lui aussi avait dû connaître les mêmes tourments...
-
Ma décision est prise. Vous avez raison. Channing n'a aucun droit sur
cet enfant. Je vais contacter Lionel et voir ce que je peux faire. Ne vous
souciez pas de Channing, j'en fais mon affaire.
Ils scellèrent leur pacte secret par une tendre accolade.
Opéra de San Francisco.
Dans leur loge privée, Venise et Marcello Armonti assistaient à la représentation
de La Traviata. La voix cristalline de l'interprète interprétait à la
perfection la douleur de Violetta.
Marcello
écoutait religieusement l'opéra; il se laissait pleinement habiter par la
musique, par les voix.
Au
moment de l'entracte, il fit signe à Gianni de le conduire à l'extérieur. Non
seulement, il avait besoin de prendre l'air, mais il avait aussi besoin de s'éloigner
un moment de Venise. Depuis qu'elle avait quasiment réussi à prendre le contrôle
d'Armonti's, la jeune femme passait le plus clair de son temps auprès de lui.
Et Marcello avait besoin d'avoir de longs moments de solitude, moments qu'il ne
pouvait partager qu'en compagnie de Gianni.
Dans
le hall, à l'écart du reste de la foule, Marcello parlait des derniers préparatifs
avec Gianni. Tout devait être fin prêt pour la grande soirée de la Saint
Nicolas. Marcello savait qu'il s'agissait là de sa dernière chance. Sa
vengeance n'aurait pas lieu le 20 mai, mais cela n'avait pas d'importance à ses
yeux.
-
Tu es certain d'avoir fait le nécessaire pour l'obliger à venir ?
-
Oui, Marcello... Je lui l'ai donné moi-même en main propre... Et je lui ai
bien fait comprendre de l'importance de la surprise...
- Très bien. Alors, ma jeune soeur sera vengée avant la fin de l'année. C'est très bien. Reconduis-moi auprès de Venise, veux-tu.
Salle de réunion d'Armonti's.
Tôt
dans la matinée, Sophia avait quitté la villa Capwell, pour se rendre au siège
d'Armonti's. Elle s'était occupée de Johnny, de joindre Lionel à Vancouver,
et maintenant, alors qu'elle attendait des nouvelles de Channing, elle était déterminée
à reprendre les rênes de sa société.
Elle
s'installa derrière son lourd bureau d'acajou et s'affaira à trier les
dossiers importants de ceux qu'elle pouvait décaler à un autre moment. Pour l'heure,
il lui fallait se concentrer sur les moyens d'éloigner Venise de la direction.
-
Après la victoire du trophée de la mode, je devrais retrouver la confiance des
petits porteurs.
Sophia
ne leva pas la tête, lorsque sa secrétaire lui apporta tout le dossier de la
ligne homme, mis au point par Venise.
-
Il me faut un projet porteur, un projet qui frappe fort...
Après
un long moment, où Sophia travailla intensément, George vint frapper à sa
porte. Le fidèle bras droit de Sophia était visiblement très content de la
revoir, assise derrière le bureau. Ils se rendirent dans la salle de conférence,
pour profiter d'un moment d'intimité, au cours duquel George mit rapidement
Sophia au courant des dernières idées de Venise.
-
Ce n'est possible... T.J. n'a absolument pas le profil d'un mannequin vedette.
-
Pourtant, Sophia, je vous assure qu'il s'en sort plutôt bien. Il fait de son
mieux et il est clair, au vue des premiers chiffres, que la ligne Sous le
soleil de Toscane marche plutôt bien. La fréquentation des centres de
thalasso connaissent une augmentation non négligeable. Et je suis forcé de l'admettre,
T.J. Daniels a ce petit quelque chose qui attire aussi bien le regard des femmes
que des hommes...
Sophia
se tourna face à la fenêtre. De là, elle pouvait contempler toute la baie de
sa chère ville. Elle réalisait que sa tâche serait des plus ardues.
-
Il faut que je que je retrouve mon poste. Si Venise se moque bien de la société,
ce n'est pas le cas de son oncle. Marcello Armonti est revenu pour se venger.
Et, je pourrais jurer qu'il se moque de la société, du nom Armonti's, tout
comme il se moque de Venise.
Le
regard de Sophia se perdit sur l'océan. Elle obligea son esprit à se
concentrer, à ne plus penser à Channing, à Brick, à Johnny, à Channing
Junior. Lentement, elle chassa de sa mémoire toutes les ombres du passé.
-
George, il me faut de nouveaux capitaux, des capitaux que je sois seule capable
de tenir. Malheureusement, je n'ai pas suffisamment de liquidités. Et je ne peux
compter ni sur Channing, ni sur Lionel pour me prêter les fonds dont j'ai
besoin.
George,
dans son dos, souriait : il retrouvait la Sophia forte et droite qu'il
avait toujours connue. Et petit à petit, alors qu'elle parlait à George,
Sophia commença à entrevoir une partie de la solution. Augusta lui avait livré
sur un plateau Gina Jean's : la petite société de Gina. C'est grâce à
elle qu'elle allait pouvoir reprendre le contrôle d'Armonti's.
George
et Sophia mirent alors au point une stratégie parfaite. Gina Jean's lui
servirait de levier pour attirer de nouveaux actionnaires. Et alors, elle
redeviendrait actionnaire majoritaire. Et alors, elle chasserait Venise et se débarrasserait
de T.J..
Alors
qu'ils planifiaient leur stratégie, la porte de la salle de conférence commune
au bureau de Venise s'ouvrit, et T.J. apparut. Il tenait serré contre son
corps, Venise. Ses lèvres couraient sur le cou de la jeune italienne.
Venise,
la première, remarqua la présence de Sophia et de George. Sans se démonter,
elle arrangea la veste de son tailleur, et fit lentement glisser ses ongles sur
le torse nu de T.J..
-
Tiens, on revient hanter les lieux. Normal pour une vieille sorcière...
-
Venise, vous ne...
-
Laissez, George, cela m'est égal.
Sophia
se leva et soutint le regard de Venise. C'est à peine si elle regardait T.J.,
qui paraissait ne pas être gêné de se retrouver chemise ouverte, entre deux
de ses maîtresses. Venise, quant à elle, usait de tous les artifices pour
mettre en valeur le fait qu'elle possédait à présent le corps de T.J..
-
Et en plus de cela, on vient espionner... Il
faut dire qu'à votre âge, Sophia, vous n'avez que cela à faire,
regarder... Même s'il s'agit de votre ancien amant...
Sophia
s'approcha de Venise et T.J..
-
Venise... Tu me fais de la peine. A vouloir ainsi chercher à me voler tout ce
que j'ai pu avoir... C'est pathétique... Surtout quand tu sais que tu n'auras
jamais ni la société, ni le nom... Il faudra te contenter de T.J., maigre lot
de consolation.
Vexé
d'être un os jeté en pâture aux chiens, T.J. commença à se rhabiller.
-
Venez, George, je vous invite au Club 71, l'air y sera meilleur...
Sophia
et George quittèrent le siège d'Armonti's. Dans le hall de l'immeuble, Sophia
nota la présence de Marcello, bien avant de le voir. Depuis son passage à
Anchorage, Sophia avait compris qu'elle n'en n'avait pas encore fini avec lui.
Sophia s'approcha, seule, de son beau-fils. Gianni, l'homme de main, recula.
Tandis
qu'ils se parlaient de banalités, Sophia comprit qu'il essayait de pénétrer dans son esprit et de lui faire oublier ce qu'elle avait cru découvrir à
Anchorage. Sophia réalisa alors l'emprise qu'il avait eu sur elle; elle réalisa
aussi du même coup que cette emprise était finie.
-
Marcello, cela ne sert plus à rien. J'ai réussi à me couper de toi.
-
Peut-être que tu es plus forte...
C'est
à peine si Sophia parvenait à comprendre les sons qui sortaient des lèvres
figées de Marcello.
-
Je ne sais pas encore pourquoi tu es revenu avec Venise à Santa Barbara... Mais
je t'assure que je finirai pas le découvrir... Si tu peux tromper Venise, moi,
maintenant, je lis clairement dans ton jeu... Tu n'as rien à faire de la société...
Tu veux autre chose, n'est-ce pas...
-
Autre chose que quoi ?
-
Autre chose... Je sais que j'approche de la vérité.
-
J'ai déjà eu tout ce que je voulais, Sophia... Et tu n'as plus rien à m'offrir...
Sophia
laissa Gianni reprendre le contrôle du fauteuil de Marcello. Une vive douleur s'éveilla
dans sa tête : comme si Marcello avait quand même pu mettre à mal ses défenses.
- J'ignore quel but tu poursuis, Marcello, mais je te promets que je le découvrirai et que je t'empêcherai de nuire à ma famille...
Poste de police.
Installé
derrière son bureau, le juge David Raymond subissait les assauts de Kirk
Cranston. Il commençait à regretter de s'être allié à cet homme pour se
venger des Capwell, du père et du fils : le père lui avait volé sa femme
et le fils l'empêchait d'avoir Julia.
L'ancien
avocat des Entreprises Capwell était passé pour lui remettre le dossier de défense
monté par Pilar, Daniel et Julia.
-
Vous avez, à présent, tous les moyens pour mettre à terre ce vieux fou de
Capwell.
-
Il est certain que ces documents vont nous aider. Grâce à cela, nous allons
pouvoir contrecarrer chacune de leurs pistes. Stratégiquement, Kirk, nous avons
une bonne longueur d'avance...
-
Et bien tâchez de ne pas gaspiller cette opportunité...
Dans
le ton de Kirk, David vit clairement la menace. David se terra un peu plus dans
son fauteuil, tandis que Kirk, en parfait maître des lieux, se servit un
nouveau verre d'alcool.
-
Plus jamais nous aurons une si belle chance... C'est notre plus belle chance
pour vous et moi de pouvoir nous venger des Capwell. Vous, David, vous allez
retrouver la place qui est la vôtre. Quant à moi... Je vais enfin prendre le
contrôle des Entreprises Capwell, contrôle que mon père avait failli
prendre... Nous n'aurons pas de si belles osassions...
Bien
plus que de la rage et de la détermination, David découvrit, non sans crainte,
toute la profondeur de la haine qu'éprouvait Kirk à l'égard des Capwell. Sa
propre vengeance ne pesait pas lourd face à celle de Cranston.
-
David, n'oubliez jamais tout ce que Channing vous a fait. Et plus que tout
encore, n'oubliez jamais tout ce que j'ai fait pour vous. Car qui vous a remis
en selle ?...
-
Kirk, je... Je sais tout cela...
David
baissa le regard, l'intensité de celui de Kirk le terrassait. Et les doutes
commençaient à ravager la raison de David : comme Julia l'avait supposé,
il n'avait pas la force nécessaire pour se battre, pas de charisme suffisant
par rapport à Mason, et à présent qu'il s'était engagé dans cette vendetta,
il craignait de ne pas pouvoir faire autre chose que de poursuivre... Kirk le détruirait
s'il échouait. Il le sentait capable de tout, même de le tuer. D'ailleurs,
David avait fait tout de suite le
lien entre le dossier de défense Capwell et la mort de Pilar Alvarez.
-
Kirk, vous savez très bien comment se passe ce genre de procès. Faire tomber
un homme d'affaires de la taille de Channing ne sera pas aussi simple... Je ne
vous apprendrai rien en vous disant qu'il a déjà affronté pas mal de
batailles... Souvenez-vous de la marée noire de 1984. Des attaques contre Delta
Pharmaceutics... Cela ne sera pas aussi simple que vous vous le laissez dire...
Kirk
failli en lâcher son verre.
-
David, ne jouez pas à ce petit jeu avec moi. Je veux la peau de Capwell, et je
l'aurai avec ou sans votre aide. Juste pour vous, je vous conseille de m'aider...
Vous serez juge au procès, seul juge...
-
Seul juge, sous l'oeil d'une commission d'enquête...
-
David, occupez-vous du procès, et laissez-moi faire pour le reste...
Kirk
quitta la bureau, laissant David au bord du gouffre.
- Oh, Angela, comme je voudrais que tu sois à mes côtés... Comme je voudrais être certain que cette vengeance me satisfera et me donnera Julia...
Dehors, sur les escaliers de l'hôtel de police, Kirk téléphona à ses hommes : il voulait être certain qu'il n'avaient rien oublié à Pacific Sud, aucune preuve qui pourrait laisser percer le moindre doute. Jusqu'au procès, il ne lui fallait faire aucune erreur...
Campeche, Mexique.
-
Non, Brandon, tu ne vas pas envoyer ces photos à tes amis. Je te l'interdis...
-
Mais...
Et
sans autre justification, Santana s'emporta. Le feu aux joues, elle commença à
répéter les mêmes paroles : Brandon était à elle; il ne devait en aucun
cas semer des cailloux blancs pour que Gina retrouve sa trace.
Perplexe,
Brandon dévisageait sa mère biologique : il ne comprenait pas. Ou plutôt
si, il commençait parfaitement à comprendre. Il lui vint alors un autre
souvenir : alors qu'ils visitaient les ruines d'un temple maya, il avait
voulu écrire une carte à ses amis. Santana avait eu la même réaction :
elle avait crié, hurlé, pleuré, pour qu'il n'en fasse rien. Son inquiétude
était telle qu'il avait fallu attendre plusieurs heures pour qu'elle retrouve
son calme.
Et
ainsi, depuis quelques jours, Santana frôlait crises de nerfs sur crises de
nerfs. Et bien qu'elle essayait de le cacher à Brandon, prétextant sa maladie,
Brandon commençait à entrevoir les signes de la folie chez Santana. Elle ne
voulait plus le laisser seul. Elle ne voulait pas qu'il sorte. Santana,
lentement, cherchait à construire de solides murs de prison autour d'elle et de
son fils.
Brandon,
qui avait connu auparavant cette tension, sentait bien qu'il ne tiendrait pas
longtemps encore. Il avait besoin d'espace et de liberté. Et puis, même s'il
appréciait la compagnie de Santana, ses amis lui manquaient, les Capwell lui
manquaient aussi, et Gina, sa mère, lui manquait. Il lui tardait de l'entendre,
de la voir aussi. En dépit de tout l'amour et l'affection de Santana, jamais
elle ne pourrait effacer les années qu'il avait passées auprès de Gina.
C'est
d'ailleurs ce qu'il avait essayé de lui dire, hier soir, alors qu'ils
mangeaient une glace sur la place principale de Campeche. Santana n'avait pas
compris. Dans l'univers qu'elle se créait petit à petit, elle était la seule
mère de Brandon. La seule.
A
présent qu'ils s'en retournaient à la boutique de Santana, Brandon songeait à
d'autres choses pour ne pas entendre les hurlements. Il n'en pouvait plus. Arrivée
au magasin, Santana se rua sur ses pilules, accusant Brandon d'être en partie
responsable de son état.
-
Tu devrais essayer d'arrêter, à force elles vont te faire plus de mal que de
bien.
Santana
avala les pilules que continuait à lui envoyer Olivia des Etats-Unis.
-
Il faut que je me soigne... Brandon, je pensais que pour ces derniers instants,
tu resterais à mes côtés. Tu m'offrirais ce cadeau-là...
Brandon
ne préféra pas répondre, car c'était à nouveau les mêmes lamentations sur
son sort, sur les Capwell, sur Gina. D'ailleurs, Santana venait de commencer :
-
Ah, si Channing n'avait pas été aussi faible, il aurait tenu tête à son père,
et rien de tout cela ne serait arrivé...
Soudain,
Brandon entendit le silence : Santana venait de se taire, et puis ce fut un
bruit sourd comme une chute. Brandon se précipita auprès de Santana, qui
venait de s'évanouir. Avec des gestes rapides et précis, Brandon porta secours
à Santana. Puis, lorsqu'elle ouvrit les yeux, il téléphona pour du secours.
Très vite, une ambulance arriva et on transporta, malgré ses hurlements,
Santana à la clinique. Brandon lui promit de la rejoindre au plus vite :
avant, il devait fermer la boutique.
Dès que Santana quitta les lieux, Brandon composa le numéro de téléphone portable de Mason. Il lui laissa un bref message, dans lequel il précisait qu'il se trouvait au Mexique, qu'il ne fallait pas qu'il s'inquiète, ni qu'il en parle à quiconque, et qu'il le recontacterait plus tard.
Souterrain de la villa Capwell.
Dans
le souterrain, où à présent Courtney passait ses journées et ses nuits, régnait
une activité effrénée. Courtney travaillait à dévoiler la vérité sur le
comportement de son père Grant Capwell et de son ami, Michael Bradford, lors de
la seconde guerre mondiale.
Elle
travaillait aussi à essayer de rendre les oeuvres d'art volées au peuple néerlandais.
En fouillant dans les papiers de Grant, elle tomba sur une photo particulière :
le jeune homme dessus lui rappelait vaguement quelqu'un. Au dos, elle remarqua
quelques lignes : Je reviendrai assouvir ma vengeance. Un être cher
pour un être cher. Telle sera le prix à payer.
Sans être capable d'expliquer son geste, Courtney détailla longuement le visage de l'homme. Ses traits étaient familiers.
Courtney
finit par quitter le souterrain. Elle avait les cheveux sales et elle ne devait
pas s'être lavée et coiffée depuis plusieurs jours.
En
traversant le hall de la villa, elle tomba sur Pearl. Courtney fut prise d'une
crise de démence. Elle sauta sur Pearl, le griffa au visage, le mordit. Elle ne
cessait de l'insulter, de lui reprocher tous les maux de la terre et en
particulier ceux de son père. Alerté par les cris, Daniel et Julia se précipitèrent
dans le hall. A eux tous, c'est à peine s'ils réussirent à la maîtriser. Une
employée de la villa joignit rapidement un médecin.
-
Tu es un criminel et tu vas payer... Tu vas payer pour tous ces gens, pour ma mère,
pour Madeline...
Malgré
tous les efforts de Pearl et de Julia, personne ne parvint à calmer Courtney.
Heureusement, le docteur arriva vite et lui administra un calmant.
-
Pearl, que se passe t-il dans la tête de cette pauvre Courtney ?
-
Je ne sais pas... Ou plutôt si, je crains de savoir.
Pearl les guida dans la salle à manger de la villa, et leur conta la sombre histoire de leurs pères lors de la seconde guerre mondiale.
A
l'étage, Courtney sombra dans un sommeil peuplé de fantômes. Elle rêva de sa
mère qui, dans sa folie, lui avouait tous les crimes de son époux. Elle revit
Madeline qui, non contente de lui reprocher le manque de Capwell attitude en
elle, lui reprochait d'avoir été choisie, elle Madeline, par Grant et Michael.
Elle l'accusait d'être aussi coupable de viol sur elle. Courtney, dans son
sommeil, cherchait à crier, mais elle ne le pouvait pas. Elle hurlait, mais
aucun son ne semblait sortir de sa bouche. Dans ses visions, lorsque les mains
de Grant se posaient sur Madeline, c'était comme si elles courraient sur elle.
Puis,
venant de très loin, une voix l'apaisa. Elle la reconnut tout de suite. C'était
la voix de l'homme sur la photo. Auprès de lui, elle se sentait en sécurité :
rien de mal ne pourrait lui arriver... Cet homme était revenu, pour la protéger.
Il avait protégé Madeline et aussi Channing Junior...
Grâce au son de cette voix, Courtney finit par trouver le sommeil.
Bureau de la villa Capwell.
-
Et maintenant, quelle pourra bien être notre ligne de défense ? Sans les
documents de Pilar... Et en plus, ceux qui ont fait cela connaissent à présent
notre stratégie...
Assis
de part et d'autre du massif bureau de C.C., Julia, Daniel et Greg songeaient à
la conduite à tenir. Ils venaient de perdre un membre de leur équipe, et
toutes leurs lignes de défense venaient de passer entre les mains ennemies.
-
Ah, si Mason pouvait être avec nous... Avec son esprit tortueux, il saurait
quoi faire.
Julia
parlait tout haut. Elle ne voyait plus du tout comment faire. Ils possédaient
certes encore des preuves qui allaient dans leur sens, mais plus que la perte de
Pilar Alvarez, la perte des documents relatifs à l'écologie les plaçaient
dans une situation embarrassante.
-
Nous ne pouvons pas suivre la même stratégie. Il nous faut tout recommencer de
zéro.
-
Dan, attends au moins de voir ce que va donner l'enquête sur le meurtre de
Pilar. Peut-être obtiendrez-vous un report ?
-
Non, Greg, Daniel a raison. C'est fichu. Ni toi, ni Daniel, vous ne connaissez
Kirk. Car je suis sûre que c'est lui qui est derrière tout ça, l'incendie, le
meurtre... Et en plus, David qui a un compte à régler avec Channing et moi.
Non, cette fois, il nous faut un joker et très vite.
Tous
les trois se regardèrent et restèrent un long moment sans parler.
-
Il n'y a pas de solution.
Daniel
fut le premier à dresser l'état actuel de la situation : les Entreprises
Capwell risquaient de changer de main. Il énuméra point par point les
nombreuses lacunes de leur stratégie. Et en fin de compte, il finit par reconnaître :
tout repose sur le papier liant les Entreprises Capwell avec l'armée.
Julia
n'écoutait pas. Son regard restait figé sur la bibliothèque, comme si elle
pouvait voir au-delà, le souterrain et toutes les routes qui en partaient.
-
Julia...
-
Oui, Daniel, je crois que vous avez raison. Kirk est derrière tout cette
catastrophe. Pour le connaître, je le crois vraiment prêt à tout pour détruire
Channing.
Greg
et Daniel essayèrent de protester.
-
Non, vous ne le connaissez pas comme je le connais. Un jour, je vous raconterai
le calvaire qu'il a fait vivre à mes amis Eden et Cruz. C'est un être sans coeur...
-
Alors, dans ce cas, il n'y a aucune issue, nous sommes perdus...
Julia
se leva.
-
J'étais en train de songer à Mason.
-
Mason ?
-
Oui, pendant que vous parliez, je me disais que ferait Mason dans cette
situation ? Je suis certaine qu'il trouverait un excellent moyen de détourner
la loi à notre avantage. Et je crois que j'ai la solution.
Julia
s'installa sur le bureau et regarda lentement Greg, puis Daniel.
-
Et vous allez m'aider. Notre avantage c'est que Kirk ne connaît pas Greg... Et
je suis certaine que lorsqu'il saura que c'est un Capwell prêt à renier C.C...
Voici mon plan.
Julia
leur parla longuement de sa stratégie, et après avoir essuyé les craintes et
les refus de Daniel et de Greg, elle finit par les convaincre du bien fondé de
sa démarche. D'accord, son plan était dangereux, mais c'était là leur seule
solution.
-
Et n'oubliez pas, il nous faut aussi un rapport sur les quatre autres juges. Je
m'occupe de David. Pour les autres, il faut mettre au travail les hommes de
C.C..
Julia
repoussa ses cheveux. Elle sentait qu'elle marchait sur la bonne voie. Certes,
la route allait être dangereuse, mais plus que le danger, Julia remarquait qu'elle
allait lui rappeler le bon vieux temps, lorsqu'elle travaillait avec Mason,
Cruz, ou encore lorsqu'elle poursuivait justement Jerry Cooper / Jack Stanfield
Lee, jusqu'au fond fond de l'Europe
- Et je suis certaine que nous allons bien nous amuser...
Parc de la Villa Capwell.
Dans le parc de la villa Capwell, Samantha, toute heureuse, se promenait au bras
de son papa. Elle avait accompagné sa maman qui, au même moment, travaillait
en compagnie de Greg et Daniel. Elle avait passé un long moment à jouer avec
Sophia et, alors qu'elles s'amusaient au bord de la piscine, Samantha avait
reconnu la silhouette de son père et elle avait couru vers lui.
Mason
sentit son coeur battre à nouveau, lorsque Samantha courut vers lui et se
blottit contre lui. Mason se sentait à nouveau vivant, comme si l'ombre de l'autre
Mason qui coexistait en lui, n'existait plus. Plus de sombre Mason, plus de
Sonny. Il n'était plus que le papa de Sam. Il passèrent un long et agréable
moment ensemble. Mason, qui au fond de lui avait su garder une âme d'enfant,
prit énormément de plaisir à jouer avec sa fille, tout comme il en prenait
des années plus tôt, lorsqu'il s'occupait de Brandon.
Comme
ils regagnaient la villa, Mason remarqua un taxi arrêté devant l'entré de la
villa.
-
Tu sais qui est là, ma chérie ?
-
Non. Je sais que dans la villa, maman travaille avec Daniel. Et que normalement,
c'est mamie Sophia qui devait jouer avec moi. Et je suis sortie parce qu'elle
parlait avec une dame que je ne connaissais pas.
-
Ah... Jeune ou vieille dame ?
-
Vieille, papa...
-
Hum...
Ils
s'approchèrent un peu plus. Et Mason choisit de s'asseoir sur le banc de
pierre, à côté de la porte de bois, pour attendre qui était la «vieille»
personne qui s'entretenait avec Sophia. La porte finit par s'ouvrir, laissant
sortir de l'antre Capwell, Sophia et une autre femme qui portait dans les bras
un petit garçon. Il fallut quelques fractions de secondes à Mason pour reconnaître
Johnny Perkins.
-
Sophia...
-
Ah, Mason... Tu te souviens de Marisa, ma maman d'Amy, Joe et Jade...
-
Bonjour.
Mason
et Marisa se serrèrent la main. Marisa n'avait pas complètement oublié l'acharnement
de Mason et des autres Capwell pour faire accuser son fils chéri de meurtre.
-
Je vous remercie, Sophia, de m'avoir prévenue. Je vais rester à Santa Barbara
encore quelques temps. Vous savez où me joindre.
Sophia
embrassa tendrement Johnny sur le front.
-
Je suis certaine que Johnny sera très bien avec vous. Pour le moment, je crois
qu'il a plus besoin d'être auprès de vous. L'ambiance ici n'est pas faite pour
un enfant de cet âge...
-
Merci infiniment...
Une
profonde et sincère émotion se devinait sur le visage de Marisa. Sophia lui
permettait de retrouver son petit-fils qu'elle n'avait pas revu depuis des années.
Et, suite au coup de fil de Jane, elle n'était pas certaine de pouvoir le
revoir : C.C. n'aurait certainement pas voulu qu'une Perkins puisse s'approcher
de lui. Sophia lui donnait cette chance.
-
Venez me voir quand vous voulez... Et mille fois merci, Sophia...
-
De rien. Je suis certaine que Brick et Jane voudraient qu'il en soit ainsi...
Marisa
monta dans le taxi, et Sophia et Mason la regardèrent s'éloigner.
-
C'est un joli geste, mais je pense que tu vas t'attirer les foudres de Channing.
-
Mason, je m'occupe de Channing. Je refuse qu'il fasse avec mon petit-fils la même
chose qu'il a faite avec Brandon. Il est hors de question qu'il se serve de lui
pour avoir un héritier...
Sophia
remarqua alors la présence de Sam. Elle la prit dans ses bras.
-
Viens, on va voir ce qui traîne de bon à la cuisine. Mason, Julia est dans le
bureau avec les autres, à préparer l'audience du procès. Je ne sais pas où
est Channing...
Sophia,
Sam et Mason entrèrent dans la villa. Mason se dirigea vers le bar et se ravisa
au dernier moment de se servir un verre. Pourtant, il ressentait profondément
en lui le besoin de boire. Il avait cette soif, son corps éprouvait cette
soif...
-
Mason...
Julia
le surprit. Et elle se méprit sur ce qui se passait. Elle crut qu'en l'appelant,
elle l'empêchait de se servir à boire, alors que c'était bien la volonté de
Mason, qui avait arrêté son geste.
-
Bonjour Julia.
Il
s'approcha d'elle. Elle vint se blottir contre lui. Mais, très vite, elle s'éloigna.
Depuis l'accident et son départ, elle ne savait pas sur quel pied danser avec
lui. Elle voudrait qu'il revienne vivre auprès d'elles, elle voudrait le garder
dans sa vie. Elle n'en pouvait plus d'avoir droit à des moments chauds et
froids. Et puis il fallait qu'elle protège Sam.
Julia
le questionna sur son retour. Et Mason n'osa lui parler de son enquête, des
questions qui le torturaient. Comment pouvait-il dire à sa femme que sa mère
pouvait être selon lui responsable de la mort de Channing Junior ? Il ne
pouvait pas. Il se devait de garder cette horreur en lui, afin de les protéger,
elle et leur fille, du poison qui coulait dans ses veines.
Alors
Mason éluda la question et interrogea Julia sur l'avancement de la défense.
Julia lui raconta les derniers évènements et les points nouveaux qui allaient
servir à la sauvegarde des Entreprises Capwell. Elle lui parla de la mort de
Pilar et Mason, à ce moment-là, se sentit plus concerné.
-
Oh, Julia, c'est plus grave que tout... Il te faut faire très attention.
-
Je ne risque rien, tu sais. Je suis retournée chez ma soeur et, le reste de la
journée, je suis avec Daniel...
-
Ah, Daniel...
Piqué
au vif, Mason éprouva la souffrance de la jalousie.
-
Julia, viens.
Mason
l'attira à lui et il se blottit contre elle.
-
J'ai tellement besoin de toi à mes côtés.
Julia
le prit contre elle, le serra, le protégea, un peu comme une mère.
-
Je ne sais pas dire ces mots que tu attends, je ne sais pas où trouver les
gestes que tu espères... Je ne sais que me réfugier dans le silence et dans l'absence.
Je ne sais pas la tendresse, je ne connais pas les gestes et les mots de l'amour...
Julia
le serra encore contre son coeur. Elle espérait qu'à ce contact, il apprenne l'amour
qui vivait dans son coeur.
-
Je te jure que je voudrais être un autre. J'ai toujours rêvé d'être un
autre. Petit, comme je ne pouvais pas être le fils aimé, être Channing
Junior, je me suis créé Sonny... Après, comme j'étais différent des autres
enfants, je n'ai jamais voulu qu'on m'aime. J'ai tout fait pour qu'on me déteste...
Je ne voulais pas d'eux, je voulais que ce soit eux qui viennent à moi...
-
Je sais... Oh, Mason... Depuis le temps que j'attends que tu m'ouvres ton coeur...
Julia
frémissait de désir et de plaisir. Peut-être pour la première fois depuis qu'il
avait accepté un autre enfant, elle le sentait à nouveau très proche d'elle.
-
Viens...
Julia
attira Mason contre elle, lui prit la main, et le guida à l'étage, vers son
ancienne chambre.
-
Mason, viens, je vais t'aider à trouver cet autre qui sommeille en toi...
Là,
dans l'ancienne chambre de Mason, Julia se colla contre Mason. Il voulut parler,
mais elle l'en empêcha en l'embrassant fougueusement. Julia prit le contrôle,
elle, la femme indépendante, féministe jusqu'au bout des ongles, déshabilla
Mason et, tel un homme, allait lui faire l'amour.
-
Mason, je t'aime... Comme tu es, imparfait, arrogant, fier... Je t'aime... Et
parce que je t'aime, j'accepte tes silences, tes absences, même si j'aspire de
tout mon être à ce que tu fasses pleinement partie de ma vie. Alors, Mason,
fais-moi l'amour, avant que je ne demande à Sonny de me contenter...
Leurs corps se retrouvèrent facilement en dépit des plusieurs mois d'absence et de silence. Ils avaient su garder vivant le souvenir de leurs étreintes. Et Mason, au contact de Julia, sentait l'autre, ou l'ombre de l'autre, qui s'éloignait...
Antigua, Guatemala.
-
Mes bien chers frères, nous voici réunis en cette église pour célébrer l'union
de cet homme et de cette femme.
Bien
qu'il trouvait étrange de célébrer un mariage dans une église sans nul autre
témoin que deux passants, le prêtre avait accepté la demande de la femme qui
se trouvait face à lui. Depuis le début de la cérémonie, il avait eu tout le
temps de les observer : le vieil homme américain n'avait aucune envie de
se marier. Il lui tardait d'en arriver au terme de la cérémonie et de
certainement reprendre l'avion pour les Etats-Unis. Quant à l'épouse...
Au
centre de la nef, juste face à l'autel, Gina souriait. Et elle resongeait à
ses différents mariages. Combien en avait-elle connu en tout ? Le souvenir
d'un autre mariage prenait toutefois le dessus sur cette cérémonie. Gina
revivait son rêve, celui qu'elle avait fait juste avant de se marier avec Keith
Timmons. Dans son rêve, lors de la cérémonie, Channing, Sophia, Eden, Julia,
Ted, Cruz, assistaient à la cérémonie et répétaient inlassablement Capwell
Capwell...
-
...prendre pour époux Monsieur Channing Capwell... Channing Capwell...
Surpris
par le silence, Channing regarda Gina.
-
Tu peux dire non, Gina... Cela ne me dérangera pas.
-
Channing, depuis le temps que je rêve de redevenir pour la troisième ou la
quatrième fois madame Channing Capwell... Presque autant de fois que Sophia...
Oui, je le veux, mon père.
La
cérémonie reprit son cours. Ni Channing, ni Gina n'écoutait le discours du prêtre.
Pour l'avoir déjà vécu ensemble, ils maîtrisaient parfaitement la nature de l'union
entre eux. Gina se mariait pour l'argent et le pouvoir; Channing pour protéger
le nom et l'héritage de sa famille. Il n'y avait pas d'amour entre eux...
Et
au moment de glisser une alliance au doigt de Channing, Gina lui passa la bague
qu'elle avait retrouvé au doigt du squelette, découvert un peu plus tôt dans
un vieux coffre de l'Amanda Lockridge. Il s'agit du sceau Capwell. La bague que
se transmettait tout héritier Capwell, bague qui avait hélas disparue en même
temps que Nathaniel. Tandis qu'il s'unissait à nouveau avec la pire garce qu'il
ait connue, Channing, cependant, se félicitait d'avoir pu remettre la main sur
le symbole du pouvoir Capwell.
A
la sortie de l'église, Gina agrippa Channing par le bras.
-
Et bien, nous voilà revenus au bon vieux temps. Monsieur et Madame Gina Capwell ! ! !
Tu crois que je dois me faire appeler Madame Gina Capwell Capwell Capwell
Capwell... ou simplement Madame Capwell...
-
Je m'en moque. Tu as ce que tu voulais... Tu peux faire ce que tu veux de ta
vie, je m'en moque...
-
Tandis que toi... Tu es lié à moi. Cette fois-ci, il est impossible pour toi
de retrouver ta douce et tendre Sophia. D'ailleurs, je doute qu'elle saute de
joie à l'annonce de notre mariage. Ah ! La tête qu'ils vont faire quand
nous l'annoncerons... Mais pour l'heure, Channing, et si nous passions par l'hôtel ?
Channing
blêmit.
-
C'est dommage que nous n'avons pas le temps... Je ne peux même pas profiter de
ma nuit de noces. Nous devons regagner au plus vite Santa Barbara pour la petite
fête d'Augusta...
Channing
et Gina remontèrent dans le taxi et prirent la direction de l'aéroport d'Antigua.
-
Au fait, Channing, que comptes-tu m'offrir pour mon cadeau de mariage ? Des
bagues et des alliances, j'en ai plein les tiroirs. Ce qui me ferait plaisir, c'est
un poste de responsable à Pacific Sud... Traiter d'égal à égal avec cette
arriviste d'Augusta Lockridge, je suis certaine que cela m'amuserait... Peut-être
pas autant qu'elle... Et puis, trois cela me parait être un bon nombre pour un
projet comme Pacific Sud...
- Tout ce que tu veux, tant que tu te tiens loin de moi...