La fin dramatique racontée par Cruz

 Par A Martinez, Télé 7 Jours, 1993

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«Huit janvier 1993. Cette date va rester gravée à jamais dans ma mémoire. Avec un chiffre : 2137. Le numéro du dernier épisode de Santa Barbara, tourné justement ce 8 janvier et diffusé le 15 janvier. Bien sûr, depuis que j'ai quitté le feuilleton pour jouer La Loi de Los Angeles, je suis sans doute un peu moins concerné. Mais cette fin brutale, dramatique, j'ai voulu la partager avec tous ces acteurs, ces actrices qui, après des années passées ensemble, sont devenus des amis. J'étais là avec eux - et avec d'autres comme Robin Wright et Marcy Walker, qui sont parties avant moi - lorsque a été tourné le premier épisode, il y a un peu plus de huit ans et demi. Je comprends que la chaîne NBC n'est pas un mécène, et la loi de l'audience est encore plus dure aux États-Unis, me semble-t-il, que dans les pays européens que j'ai pu visiter, grâce à Santa Barbara. Chaque épisode était devenu trop cher par rapport à l’audience. Ils ont pourtant reçu beaucoup de lettres, les producteurs et les responsables de la chaîne, mais tous les fans qui suppliaient qu’on garde Santa Barbara n’ont pas obtenu satisfaction. Le combat était trop inégal.

Je suis heureux que le producteur exécutif, Paul Rauch, ait décidé de donner à Santa Barbara une fin à la fois dramatique et romantique avec, pour chacun des personnages principaux restés au générique du feuilleton, un destin très bien imaginé. Ca a été très difficile pour les acteurs, qui avaient vraiment envie de pleurer en tournant certaines scènes - comme me l’a raconté Judith McConnell – sachant qu’ils ne reviendraient plus dans ces studios où ils ont vécu une partie de leur vie.

Judith, dans le rôle de Sophia Capwell, retrouve le bonheur avec son ex-mari, C.C. Capwell, mon vieux enfin pas si vieux que ça copain Jed Allan. Julia Wainwright, pardon Nancy Grahn - mais à force, on finit par appeler les comédiens du nom du héros - n'est pas à plaindre non plus ! D’abord, avec son mari du feuilleton, Mason Capwell, elle a droit à la dernière image de Santa Barbara, celle qui va entrer dans l'histoire de la télévision, et en plus elle attend - dans le feuilleton toujours - un enfant. C'est même après une partie de bras de fer, très pacifique, et alors que Mason semble gagner – une belle idée de scénario - qu'elle lui avoue enfin l'heureuse vérité.

Des mariages dans Santa Barbara, il y en a eu beaucoup - dont le mien bien sûr, avec Eden Capwell - mon amie Marcy Walker. Alors les scénaristes ont décidé que, pour cette fin de feuilleton, il y en aurait deux. D'abord, celui de Ted Capwell que joue Michael Brainard, avec Lily Blake, la fille de Gina Blake - Robin Mattson - et qui a le joli visage de Paula Irvine. Et puis celui de B.J. Walker – Sydney Penny – avec Warren Lockridge, mon ami – encore un - Jack Wagner. Sydney, l'une des dernières arrivées dans le feuilleton, est fière d'avoir eu cet honneur, avec une robe dont elle n'oserait même pas rêver pour son propre mariage. Ils ont tourné cette fête grandiose les 10 et 11 janvier – c’était donc à la vraie fin du tournage - dans le magnifique jardin de l'hôtel The Ritz Carlton, à Laguna Niguel, près de Los Angeles. Nancy m'a raconté qu'avec le vent glacé - l'océan est tout proche – elle a bien failli attraper la grippe ! Si vous voulez des détails inédits à propos de ce mariage, sachez qu'au cours de la cérémonie, on découvre qu’Andi (Krista Tesreau) a l'intention de tuer Jodie Walker-Kim Zimmer dont elle est jalouse, car elle est follement amoureuse du mari de Jodie, Reese-Forry Smith. Heureusement, le policier Connor McCabe-Charles Grant, amoureux de Kelly-Eileen Davidson, vient à son secours et le mariage ne se termine pas dans un bain de sang.

Si je vous dis policier, vous pensez sans doute à moi, Cruz Castillo ! Les producteurs - et je les comprends - n'ont pas voulu que l'on parle de moi, ni d'Eden Capwell dans les derniers épisodes du feuilleton. Je précise pour tous ceux qui ne le savent pas encore, qu'Eden continue sa vie loin de Cruz et de leurs enfants. Et que Cruz a quitté la ville de Santa Barbara pour continuer à garder le secret que Jodie Walker-Kim Zimmer, bien sûr, avait tenu caché pendant vingt ans : la fille de Jodie et Reese est en réalité la fille naturelle de Jodie et de Cruz, née au cours d'une nuit de passion alors qu'ils avaient 20 ans.

Des scènes tragiques que l'on ne peut comparer à la fin du feuilleton. Le réalisateur, Rick Bennewitz, m'a confié qu'il n'avait jamais vu d'acteurs aussi anxieux, aussi désespérés. Les photos qui ont été prises lors de la soirée d'adieu, certains voudraient croire à un au revoir, ne doivent pas vous tromper. Bien sûr que nous rions, que nous nous embrassons, mais cela n'empêche pas le chagrin. Les techniciens que nous avions fini par bien connaître, car l'équipe était très soudée, n'ont pas été les derniers à pleurer. Heureusement qu'Eric Preven, un des producteurs était là pour nous dire de nous amuser, de danser et de boire du whisky et du champagne, car certains préféraient rester assis à évoquer des souvenirs.

Les créateurs de Santa Barbara étaient là également : Bridget et Jerome Dobson. Pour eux, c'était, encore plus que les acteurs, l'une des soirées les plus tristes de leur vie. Ils ont beaucoup discuté avec ma femme, Leslie, qui les connaissait bien. Ils espèrent un jour qu'un autre feuilleton pourra réunir les acteurs de Santa Barbara avec un autre scénario. S’ils tentent cette nouvelle aventure, ils veulent même me convaincre d'y participer. Je ne dis pas non. Je ne suis pas parti en claquant la porte, mais en toute amitié. Les téléspectateurs, avec leurs réactions de sympathie, ont prouvé, en effet, que si l’audience avait en partie baissé aux États-Unis, eux nous restaient fidèles. Ce que l'on ne sait peut-être pas en Europe, c'est que la concurrence est terrible entre les feuilletons de fin de matinée - Santa Barbara était diffusé de 11h à midi et que certains se sont habitués à d'autres héros sur d'autres chaînes. Huit ans et demi, c'est comme un mariage qui dure : malgré l'amour, on peut être tenté d'être infidèle ! J'essaie de faire de l'humour car je ne voudrais pas vous avoir raconté cette fin de Santa Barbara qu'avec des mots tristes. Il y a bien sûr d'autres malheurs dans le monde - et je pense en particulier à tous les conflits, à toutes les guerres, à tous ceux qui ont faim et soif, mais on peut se préoccuper des problèmes du monde et aussi aimer Santa Barbara. La preuve : dès que je le pouvais, malgré mes tournages, je continuais à regarder le feuilleton !»

A lire : Le dernier adieu à Santa Barbara