Les 25 personnes les plus fascinantes des soap-operas : Jerome et Bridget Dobson, créateurs / chefs scénaristes

 Soap Opera Weekly, 2000

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Même si Bridget et Jerome Dobson ne confirment pas exactement la théorie largement répandue selon laquelle leur vie commune a été incarnée à l'écran par les farfelus Augusta et Lionel Lockridge, ils ne le nient pas vraiment non plus. En réalité, leur propre passé singulier et la saga de leur bébé de fiction, Santa Barbara, ont atteint des sommets. Elle, elle est née dedans, fille des créateurs d'Alliances et Trahisons / Hôpital Central, Doris et Frank Hursley, mais les Dobson ont gagné leur réputation de maîtres scénaristes à l'occasion d'un passage récompensé d'une nomination aux Emmy awards  dans Les Vertiges de la Passion / Haine et Passions (ils y ont créé les Spaulding) et plus tard dans As the World Turns. En 1987, ils ont tenu le premier rôle d'un drame à leur façon quand ils ont été mis à la porte du studio de Santa Barbara après avoir essayé de renvoyer la co-chef scénariste Anne Howard Bailey; ils ont attaqué en justice NBC et New World Productions pour récupérer le contrôle créatif de la série. Aujourd'hui, les Dobson vivent à Atlanta, où ils ont construit la maison de leurs rêves, écrivent (elle a écrit une comédie musicale; il travaille sur un roman), peignent (Bridget a déjà exposé ses huiles) et «Nous avons des amis à présent. Nous n'avions jamais eu le temps d'avoir des amis.»

Comment avez-vous débuté votre parcours professionnel ?

BD : En quémandant une place à l'écriture d'Alliances et Trahisons / Hôpital Central. Mes parents trouvaient que j'étais une "fille festive" et ne voulaient vraiment pas que j'écrive avec eux ou pour eux. Finalement, lors d'une nuit d'éclat, j'ai dit : «Je quitte la famille à moins que vous me laissiez écrire», et ils ont accepté de me laisser écrire une scène.

Quel âge aviez-vous à ce moment-là ?

BD : 21 ans.

JD : Et avant que plusieurs mois ne passent, Bridgie écrivait les cinq scénarios (de la semaine).

Jerry, comment êtes-vous devenu scénariste de soap ?

JD : J'étais très occupé à apprendre l'histoire de l'Extrême-Orient et à cultiver pendant que Bridgie écrivait, mais assez souvent je regardais par-dessus son épaule et elle me laissait écrire une ligne ou deux.

BD : Quand Procter and Gamble m'ont engagée dans Les Vertiges de la Passion / Haine et Passions, qui allait passer à une heure par jour, je n'avais jamais écrit pour une heure quotidienne, et je ne pouvais pas (leur) dire que j'étais effrayée. Alors j'ai dit à Jerry : «Ce boulot est peut-être trop important pour moi», et il a dit : «Eh bien, laisse-moi t'aider».

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

BD : Nous nous sommes rencontrés à Sanford, lors de ma première année d'études; j'étais dans la file d'attente des inscriptions et Jerry était devant moi...

JD : ...mais dans la file juste à côté. Et j'ai jeté un oeil à cette fille mignonne et je suis immédiatement tombé amoureux. Je lui ai galamment demandé si je pouvais rapporter ses livres au dortoir. Elle a dit oui; elle avait dix fois plus de livres que moi et, chancelant avec de sueur qui coulait sur mon front, je lui ai proposé un rendez-vous, et elle a dit non. J'ai dit : «Et la semaine prochaine ?». Elle a dit non; «Et la semaine encore après ?» Elle a dit non. Oh bon sang, ça a été une stratégie futée de sa part. La persévérance a fini par payer. Cette fille a pris le dessus sur ma vie.

Jerry a fait référence à vous comme le chef, Bridget. L'étiez-vous ?

BD : Je lui ai appris tout ce qu'il sait, et puis il a appris plus que je n'en sais, et il est devenu le chef.

JD : Nous sommes en quelque sorte devenus plus égaux au fur et à mesure.

BD : Il était un peu plus à égalité que moi, mais bon...

Est-ce que vos vies personnelles et professionnelles ne sont devenues qu'une ?

BD : Parfois, elles ne sont devenues qu'une; de nombreuses façons nous avons été - et sommes - synchros sur les questions émotionnelles et esthétiques. Nous avons été au bord du divorce, parce que nous nous sautions vraiment à la gorge l'un de l'autre par moments.

JD : Essentiellement pour des questions de travail.

BD : Davantage pendant la période du procès.

Vous êtes-vous déjà tapé sur l'épaule au beau milieu de la nuit en disant : Oh, je pense qu'Augusta devrait faire ça ?

JD : Certaines de nos meilleures idées sont venues pendant que nous dormions.

Quel a été votre plus grand succès et votre plus grand échec ?

BD : (Le fait que) Santa Barbara dure une heure. Personne n'avait fait cela auparavant, dans un nouveau studio où nous ne savions même pas comment allumer les lumières. Cela a ouvert la voie en termes d'humour, de compréhension de dysfonctionnements et du traitement de concepts intellectuels, et je pense que ça a captivé (le public) pendant un moment.

Considérez-vous le procès comme un succès ?

BD : Ca a été un truc énorme. Nous avons gagné des dommages et intérêts importants des deux parties (de la part de New World et de la part de NBC), mais clairement, en terme contractuel, nous avons été privés de victoire, et il n'y a jamais eu de doute là-dessus. En ce qui concerne la série, ça a été dévastateur; en ce qui concerne notre compte en banque, ça a été grisant.

Donc, le considérez-vous comme un échec ?

BD : En ce qui concerne la série, ça a été un échec. Si nos contrats étaient à nouveau rompus, nous le referions, mais nous n'en avions pas envie.

JD : Nous regrettons toute cette bagarre; cela n'aurait jamais dû arriver.

Qu'est-ce qui vous motive tous les deux ?

BD : Nous sommes chargés d'une énergie créative sans fin.

Si vous pouviez recommencer votre vie, que feriez-vous différemment ?

BD : Je naîtrais de parents riches et ne ferais jamais de soap-operas (rires).

JD : Je passerais probablement ma vie à dévorer Les Trois Mousquetaires et des sandwiches à la crème glacée.

Y a-t-il eu un virage sur votre route qui a changé votre vie ou vos vies ?

JD : Quand nous avons dit que nous ne voulions plus écrire de soap-operas et sommes partis d'As the World Turns. C'est quand NBC est venu vers nous et a dit : «Que faudrait-il faire pour que vous reveniez dans les affaires ?». C'est en fait quand ils nous ont offert Santa Barbara.

Y a-t-il eu un moment où le succès a été aussi gratifiant que vous l'auriez imaginé ?

JD : Il y a eu une période de quelques mois pendant laquelle nous sentions tous que nos histoires étaient fortes, bien imbriquées, qu'elles s'écoulaient toutes merveilleusement bien. Tout était parfaitement cadré, et vraiment mijoté aux petits oignons. L'un des moments les plus forts a été pendant le procès quand plusieurs personnes venues faire des dépositions nous soutenaient beaucoup, et cela au péril de leurs propres carrières.

BD : C'était très profondément touchant. Parce qu'ils ont reconnu sous serment qu'ils savaient qu'ils étaient en train de risquer leurs emplois.

Qui a été votre mentor personnel ou commun ?

BD : Nous avons reçu beaucoup de bons conseils élémentaires de la part de Bob Short et Ed Trach à Procter and Gamble. Mis à part mes parents, ils nous ont appris autant que nous avons appris de n'importe qui d'autre.

Quels ont été les plus grands obstacles ou écueils que vous avez professionnellement surmontés ?

BD : C'était impossible pour Anne Howard Bailey de rentrer dans ma tête, et je ne pouvais pas rentrer dans la sienne. Elle a une vision plus sombre de la vie que moi; je pense qu'elle me voit comme une Pollyanna, et je la vois comme Dark Vador.

JD : Nous trouvions que la chaîne était rigide et ne voyait que l'arbre qui cachait la forêt.

Quand vous avez commencé Santa Barbara, si vous aviez su ce que vous savez maintenant, seriez-vous restés plus collés à l'écriture et moins avec les objectifs commerciaux ? Est-ce que cela vous a retiré des choses de votre expérience créative ?

BD : Absolument rien.

JD : Oui, mais il y a quelque chose d'absolument fabuleux à mettre sur pied la série, quand vous avez le contrôle de tous les aspects, des coiffures aux décors, en passant par l'apparence même de la série. Le processus créatif sur lequel nous nous sommes concentrés en écrivant des pages s'est étendu jusqu'au studio et aux acteurs, et ça a été au-delà de ce nous avions déjà pu faire.

Vous avez révélé que votre mariage a connu des moments difficiles à cause du procès. Est-ce que ça a été un prix trop cher à payer pour le contrôle créatif de la série ?

BD : Je pense que cela en valait la peine d'une certaine façon. Ce que je ferais différemment est d'engager une poignée d'hommes d'affaires et de comptables virtuoses qui auraient pu prendre en charge les sujets légaux et commerciaux, afin que nous ne soyons pas impliqués dedans.

Que pensez-vous que les gens seraient surpris de savoir à votre sujet tous les deux ?

BD : Comment nous rions au beau milieu du jour, au beau milieu de la nuit, dans n'importe quelle situation, d'une manière ou d'une autre.

JD : Nous savons trouver du plaisir.

Quelle est l'idée régulièrement fausse à votre sujet ?

JD : Que je suis incroyablement beau. Que nous sommes des personnes désagréables, méchantes, affreuses.

Qui trouvez-vous fascinant ?

JD : L'une des personnes les plus intéressantes que nous avons rencontrées a été Freddie Bartholomew, qui produisait As the World Turns. Il avait un million d'histoires merveilleuses à raconter, et c'était un plaisir absolu de travailler avec lui.

BD : Je pense William Shakespeare, mais c'est comme s'il était à mes côtés en permanence. C'est un copain.

Quel genre de peinture réalisez-vous, Bridget ?

BD : Si j'avais à me flatter moi-même, (je dirais que) les gens m'ont décrite comme un mélange entre Chagall et Matisse. C'est un moyen d'expression étrange; chaque peinture a une petite histoire derrière elle.

Comment comparez-vous le processus de peindre avec le sens de l'accomplissement de terminer un scénario, d'avoir votre propre série à l'antenne ?

BD : D'une certaine façon, c'est plus satisfaisant dans la mesure où cela vous appartient complètement. Ce sont mes peintures, et personne n'y a fait aucun apport. Personne ne dit : «Peut-être que tu devrais enlever un peu de rouge, ou peut-être devrais-tu ajouter un peu de bleu». C'est seulement moi. Mon âme est mise à nue. D'une autre façon, le public est bien moins important. Je peux exposer, et je l'ai fait, mais c'est 25 tableaux. C'est un public intime. Je trouve les deux tout aussi gratifiants.

Quel type d'impact votre éducation a eu sur vous et le genre de personne que vous êtes aujourd'hui ?

BD : Elle a eu un impact énorme, et d'une certaine manière je me bats encore contre elle. J'ai été élevée par une mère à fort caractère, et elle m'aimait beaucoup - peut-être trop - et gagner en indépendance en tant que personne a été très difficile. Je me bats en partie encore pour cela. Elle m'a élevée (dans l'idée) de ne pas penser que les femmes sont inférieures, et que je n'avais pas me tenir en arrière d'aucun homme. Ca a été une chose très agréable de ne pas être intimidée sur les plans scolaire et professionnel. J'ai été intimidée socialement parce que, tout en travaillant, je n'ai pas rencontré beaucoup de personnes, et j'ai d'abord été élevée dans une ferme dans le Wisconsin où j'étais plutôt isolée, puis dans un quartier de Bel Air où il n'y avait pas beaucoup d'enfants avec qui jouer, donc je me suis battue pour être socialement acceptée.

JD : Je suis issu d'un milieu qui portait des oeillères - des terres paysannes, une mentalité paysanne. Je ne pouvais pas aller au Louvre parce qu'il y avait trop de statues nues - c'était mon milieu. Donc j'ai eu le souffle coupé à un certain moment de découvrir que ces oeillères n'avaient pas besoin d'exister, et je n'ai jamais cessé de regarder dans les coins, scruter sous les pierres, regarder fixement dans l'espace, regarder dans les yeux de Bridgie, afin de découvrir sans arrêt des choses nouvelles.