Santa Barbara, Acte 2

Chapitre 34 : La reine met échec et mat le roi...

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Y a-t-il un coeur qui s'élève pour que tout le monde soit d'accord ?
Un coeur qui prenne la relève
Quelqu'un qui vienne en renfort
C'est ma terre où je m'assois
Ma rivière, l'eau que je bois
Qu'on n'y touche pas
C'est mes frères autour de moi
Mes repères et ma seule voix
Qu'on n'y touche pas

 

Jardin de la villa Capwell.

Alors qu'Augusta se perdait dans des suppositions les plus farfelues, son regard fut attiré par une vive lumière blanche au haut du chemin qui dominait une partie du jardin. Le long des murets de pierre, elle remarqua plusieurs personnes lorsque, soudain, elle s'écria :

- Mon Dieu, ce n'est pas possible ! Elle est vraiment folle...

Deux hommes s'écartèrent pour laisser passer Pamela Pepperidge Capwell Conrad. Elle s'arrêta un instant en haut des escaliers pour que toute l'assemblée puisse l'admirer. Face à elle, Channing recula d'un pas.

- Par tous les diables, c'est encore pire que tout ce que j'ai pu imaginer. Cette femme est folle à lier...

Seul Channing l'avait reconnue, car Pamela était habillée de la robe de mariée qu'elle portait ce jour de juin où, dans ce même jardin, elle se maria avec le jeune Channing Creighton Capwell. Lentement, elle descendit les marches et s'avança vers Channing. Sans lui laisser le temps d'effectuer le moindre geste, elle l'embrassa chaleureusement sur les lèvres.

- Channing, c'est aussi parfait que dans mon souvenir !

- Je suis navré, mais nous ne partageons pas les mêmes souvenirs. Là, je nage en plein cauchemar. Tu es complètement...

- Ravissante ! Je le sais. Je me souviens encore que le jour de notre mariage, tu étais resté aussi sans voix, au moment d'échanger nos voeux...

Pamela prit bien le temps de dévisager chacune des personnes présentes, en s'attardant un moment sur Augusta Lockridge, qui ne put s'empêcher de lui faire une réflexion sur sa tenue.

- Je ne savais pas que c'était costumé. Si j'avais su, on se serait déguisé nous aussi pour l'occasion !

- Mais, Augusta, déguisée vous l'êtes toujours ! Il ne vous manque que le balai à votre costume de sorcière !

- Pammy, ne me tentez pas, je pourrais vous transformer en ce que vous êtes, une vieille mégère frustrée sur le retour !

Machinalement, les autres personnes présentes avaient fait un pas pour s'éloigner.

Un instant, le regard de Pamela s'arrêta sur sa belle-fille, Julia; elle semblait la questionner sur Mason. Julia détourna la tête, non pas par peur, mais parce qu'elle n'avait aucune envie de livrer bataille contre cette femme.

- Je vois que nous sommes au complet, nous allons donc pouvoir commencer. Avant, je voudrais...

- Non, Channing. Tu ne veux plus rien. Tu as demandé du temps, tu as eu du temps. Il est temps à présent que tu me donnes ce qui me revient de droit, ce que tu m'as volé le jour du divorce.

- Pamela, je ne signerai rien tant que je n'aurai pas de nouvelles d'Eden.

- Il te faudra attendre, Channing. Tout comme tu m'as fait attendre pour que je puisse, la première fois, revoir Mason. Signe les documents, c'est tout ce que tu as à faire !

Channing dévisagea Pamela. Bien que la colère, la haine, habitaient son regard. Elle lui en voulait bien au-delà de tout ce qu'il avait pu imaginer.

De son côté, Pamela arrangea sa robe et, telle une reine, présidait à la réunion de ses barons. Elle souriait lorsque Daniel et Julia s'approchèrent de Channing pour certainement, une dernière fois, lui conseiller de ne pas signer. Mais le visage de Channing affichait déjà sa résignation.

Un homme, arrivé avec Pamela, tendit à Channing Capwell une liasse de documents.

- Channing, tu n'as qu'à signer les dernières pages, mon avocat que tu connais, Kirk Cranston, apposera tes initiales sur les autres pages. Qu'on en termine vite avec toute cette paperasse, que je puisse prendre rapidement possession de mes nouveaux biens !

- Je te jure, Pamela, que tu vas me le payer... Ce n'est pas pour les Entreprises Capwell, mais pour tout le mal que tu as fait à Eden...

- Le mal, Channing ! En ce moment même, elle est en train de batifoler avec Kirk, sur une île... Je ne pense pas que je suis vraiment en train de lui faire du mal...

- Je te jure...

- Que si jamais il lui arrive quelque chose, tu me le feras payer... Je connais la chanson, Channing, et à présent, je n'ai plus peur de tes menaces. Alors signe ! En venant ici, je pensais que nous pouvions retrouver un peu de la magie qui nous a habitée lors de nos jeunes années. Et bien, je vois que je me suis trompée.

Fou de rage, Channing s'empara des papiers.

 

Galerie d'art, New York.

A l'entrée de la galerie, Nicolas, l'artiste qui exposait ses toiles, déposa un large porte-documents à la personne chargée de l'accueil des visiteurs.

- Tenez, Mademoiselle, je vous laisse cette pochette à l'attention de Mme Perkins, Kelly Perkins.

Alors que la jeune femme quitta un moment son poste pour accompagner des personnes âgées, une main gantée de noir rajouta à l'ensemble des photos des toiles de l'artistes, une photo supplémentaire.

- Kelly, permets-moi d'espérer que tu le reconnaîtras...

 

Jardin de la villa Capwell.

En arrachant presque les papiers des mains de sa première femme, Channing sentit en plus de la tête qui lui tournait, comme si le monde vacillait sous ses pieds. Une douleur violente manqua de lui arracher un cri. Il recula, vacilla un peu, et se ressaisit en prenant appui contre la fontaine qui décorait les lieux.

Son esprit s'absenta un moment de la tragédie qu'il était en train de vivre, et il se concentra sur un vieux poème que lui récitait son grand-père.

Quand je repense à cette terre, Ma Terre,
C'est là où l'on m'a aimé, enfin je crois,
C'est là où j'ai aimé pour la première fois
Celle dont je suis pétrie, Elle est mon sang, Elle est ma chair.

Et quand je la regarde en face, je vois toute ma souffrance,
Et pourtant, à l'aube du dernier jour, c'est là où je dormirai
Et lorsque mon regard se voile, c'est à elle que je repense
Que je l'aime ou que je la déteste, elle ne cesse de me manquer 

Que j'aime ces années perdues
Que je hais ces années passées
Comme je la hais, mon enfance perdue
Oh ! ! Que j'aime... que j'aime y songer

 Ma Terre, c'est elle qui vibre au plus profond de moi
Quand on gratte sous l'écorce, et qu'on découvre mon âme

 O ma Terre
O ma chair
C'est là, toute mon enfance
Un peu, ...aussi de ma souffrance

Oh oui, cette terre qu'il aimait par-dessus tout, cet héritage, pouvait être aussi souffrance.

Channing aurait aimé prendre le temps de parcourir une dernière fois cette terre qu'il allait vendre au diable. Il ne pouvait en être autrement, puisqu'il lui fallait sauver Eden.

Ted, lentement, s'approcha de son père. Il partageait en partie avec lui le poids de la souffrance; il était un Capwell et c'était malgré tout une partie de sa vie qu'on lui dépouillait.

- N'existe-t-il pas une autre possibilité ?

- Non ! Tu me vois abandonner Eden... Dire aux yeux du monde, pour conserver les biens Capwell, que j'ai vendu ma fille. Non. J'ai déjà cru la perdre une fois, et je ne peux pas revivre cela... Elle a tué Franco pour nous protéger tous. A moi de la protéger à présent.

 

Impassible à quelques pas d'eux, Pamela se délectait du spectacle. Enfin, elle tenait Channing à sa merci. Elle ne pouvait décrire sa joie. Le grand, le puissant Channing Creighton Capwell allait tomber, et dans un moment il allait lui remettre les clés de l'empire Capwell. Pamela eut une brève pensée pour tout ce qu'elle avait enduré et perdu pour en arriver là : un moment, elle songea à Mason qu'elle avait été contrainte d'abandonner, puis à Elena, qu'elle avait conditionnée pour se venger des Capwell. Elle ne songea pas à Jeffrey; ce dernier n'ayant pas voulu revenir auprès d'elle pour participer à sa croisade contre les Capwell.

Tout en dévisageant les derniers amis réunis autour de Channing, Pamela prit son téléphone portable.

- Allô ?

- Vous pouvez lâcher les chiens sans problèmes.

 

Port pétrolier au Moyen Orient.

Dans ses nouveaux bureaux climatisé, le Sheikh Idi Ben Adir raccrocha. Pamela venait donc de réussir son coup d'état : elle prenait possession de l'empire Capwell. Aussitôt, il fit signe à son homme de main chargé des affaires qui devaient rester secrètes, de passer à l'étape suivante.

- Nous avons le feu vert de Pamela. A toi de faire en sorte que le pétrole coule à flot... Channing, tu ne t'en relèveras pas cette fois-ci.

L.J. Calhoun quitta les bureaux du Sheikh pour gagner les souks de Khareef. Là, il le savait, il serait à l'abri de toutes les oreilles indiscrètes. Il prit place à la terrasse d'un vendeur de thé, et transmis à ses équipes la validation de l'ordre transmis par le Sheik.

Quelques minutes plus tard, plusieurs pétroliers flottant pavillon des Entreprises Capwell explosèrent en différents ports du Moyen Orient, déversant des litres et des litres du précieux liquide noir.

 

Salon de thé, New York.

Kelly Perkins, après être passée à la galerie, prit place dans un petit salon de thé à l'ambiance chaleureuse, pour prendre un moment afin de regarder l'exposition qu'elle n'avait pas pu voir en vrai. Suite à ces observations, elle devait valider des commandes pour plusieurs amateurs bien connus de la région de New York.

Elle s'installa bien à l'égard de l'entrée, afin de s'isoler complètement du monde et du bruit extérieur. En ce début de matinée, cela restait chose facile. Elle sortit l'ensemble des photos (de tailles différentes) du porte-documents et commença à bien les observer. Elle semblait fascinée par le travail de l'artiste qui s'était entièrement focalisé sur les regards. Pour certains d'entre eux, Kelly se sentait happée par le magnétisme qui se dégageait des modèles. Elle écarta plusieurs clichés lorsque, soudain, ses yeux s'ancrèrent à une photo. Au-delà de la photo, son esprit pouvait aisément compléter la suite du visage. Ses mains se perdirent à caresser les contours des yeux, à détailler les petites rides qui n'étaient pas présentes à l'époque. Son sang dans ses veines se figea. Prise au piège, Kelly ne pouvait pas bouger.

Il lui fallut de longues secondes pour trouver le courage nécessaire pour fermer les yeux. Et elle ne put s'empêcher de murmurer :

- Joe... Mon Joe...

Telle une vague violente, des images du passé déferlèrent sur Kelly : leurs jeux sur la plage, le lycée Lyman, la terrible soirée du meurtre de Channing Junior, le procès, et bien sûr les heures heureuses, le mariage, et... sa mort...

Kelly se ressaisit et écarta la photo. Elle essaya de se reconcentrer sur les autres pièces, mais le charme était rompu, son coeur et son âme erraient à la recherche de vieux souvenirs. Kelly Capwell se leva, régla sa consommation, glissa sans plus d'attention les photos dans le porte-documents et se dirigea vers la sortie. Au moment où elle franchit la porte, un serveur l'interpella.

- Mademoiselle, vous avez laissé tomber ceci.

L'homme lui remit une photo d'un regard prise dans les mêmes conditions que les autres. Les yeux bleus de l'homme sur la photo la pénétrèrent avec force et violence. Kelly faillit lâcher la photo, tant le choc était profond.

Très vite, elle cacha la photo dans la poche de son manteau et sortit. Son corps réclamait de l'air. Son esprit exigeait de songer à autre chose. Elle n'avait pas suffisamment de force pour le moment.

Toutefois, sa mémoire remontait le temps, à la recherche du moindre détail. Et tandis qu'elle activait le pas dans les rues de New York, Kelly murmurait pour elle-même afin de s'empêcher de glisser lentement vers la folie.

- Il est mort... J'ai vu son corps mort... J'étais là... Peter est bien mort... J'en suis certaine ! !

 

Jardin de la villa Capwell.

L'ensemble des personnes présentes autour de Channing restait suspendu à son stylo. Allait-il vraiment signer le document qui conférerait les pleins pouvoirs sur les Entreprises Capwell, à Pamela ? Quel coup de théâtre allait inverser la donne ? Augusta commençait vraiment à s'impatienter. D'autant qu'elle restait certaine qu'elle conserverait ses parts dans Pacific Sud. Pour ce qui concernait les Entreprises Capwell, elle s'en moquait un peu. Julia et Daniel continuaient de réciter mentalement les moyens possibles pour empêcher Pamela de prendre le contrôle. Ted, plus pragmatique essayait de trouver un moyen d'aider son père mais aussi de sauver Eden. Enfin, Warren observait la scène en simple spectateur; il n'était pas vraiment impliqué dans le drame qui se jouait.

C'est alors que Channing commença enfin à reprendre conscience. Son regard se porta sur l'allée en pierre qui bordait cette partie du jardin. Mason, au bras de Gina, s'avançait vers eux. Pamela aussi remarqua aussitôt la présence de son fils, surprise de le voir, alors qu'elle avait fait de son mieux pour l'éviter depuis son retour en ville. Personne n'échangea la moindre parole. Seule Gina fixait, les yeux emplis d'un évident plaisir, Channing Capwell. On venait de mettre à terre le puissant Channing Creighton Capwell et, même si elle n'en était pas l'instigatrice, elle ne pouvait renier l'immense délectation qu'elle éprouvait.

Mason jeta un regard furtif vers sa mère. Celle-ci lui sourit.

- Channing, il est temps de signer... Personne ne peut rien pour toi.

Le regard de Channing passa de Pamela à Mason, puis retourna vers Pamela, pour terminer à nouveau sur Mason.

- Tu es venu voir la mise à mort de la bête... Je te croyais mon fils... J'avais parfaitement raison, tu es le pire des Judas. Que tu me trahisses, je m'y attendais, mais de là à voir que tu abandonnes Eden, je ne t'en aurais jamais cru capable !

- Papa, arrête. Mason n'y est pour rien.

- Reste en dehors de cela, Ted ! Ton frère est un traître... Un serpent que j'ai conservé contre mon sein, parce que cela me paraissait bien. Mais regarde-le, il s'est rangé de l'autre côté... Il a choisi son camp !

Mason restait muet. Julia, choquée par la présence de Gina à ses côtés, n'osait faire le moindre mouvement. Après leurs retrouvailles, comment pouvait-il la trahir à nouveau ?

- Mason, nous avons si peu d'importance à tes yeux ? La famille ne représente rien pour toi !

Channing s'avança vers Pamela.

- Tu crois certainement avoir gagné, Pamela... Mais attends-toi à ma vengeance... Toi aussi, Mason, je saurai me souvenir de ta trahison...

Au même moment, il prit le document et le signa.

- Voilà, tu as ce que tu voulais... Maintenant, donne-moi les preuves de la culpabilité d'Eden. Dis-moi où elle se trouve !

Pamela prit le document des mains de Channing. Elle regarda attentivement qu'il avait bien apposé sa signature au bon endroit. Soudain, son visage se transforma; elle avait réussi.

- Me voila à la tête de l'Empire Capwell !! Moi Pamela, l'épouse bafouée, j'ai pris le pouvoir !

- Où est Eden ?!!

- A Las Sirenas, en compagnie de Kirk. Je vais le contacter et il la reconduira à Santa Barbara en bateau.

- Si jamais il a touché au moindre cheveu de ma fille, je jure...

- Tu jures quoi, Channing ? Tu n'es plus rien. Tu n'as plus de pouvoir, je t'ai tout pris...

 

Warren s'écarta du groupe pour répondre à son téléphone. Il espérait enfin avoir des nouvelles de B.J.. C'était le journal qui cherchait à prendre contact avec lui.

- Mon Dieu, ce n'est pas possible ! Vous dites plusieurs pétroliers... Je crois qu'il ignore tout de cela. Merci. Je vais arriver. Commencez à écrire un article !

Warren fit signe à Julia et à Ted de venir le rejoindre. Il leur transmis l'information qu'il venait de recevoir.

- Au moins quatre pétroliers portant les couleurs des Entreprises Capwell viennent d'exploser au Moyen Orient, dont au moins à Khareef. On parle déjà d'une catastrophe sans précèdent. Je n'ai pas plus d'infos, je pars au journal et je vous tiendrai au courant.

 

- Va t'en Pamela... Quitte cette propriété qui ne fait pas partie du contrat ! Va t'en où je te tue !

- A bientôt, Channing.

Pamela remonta la traîne de sa robe de mariée et quitta le jardin Capwell.

- Je dis tant pis pour la réception ! !

- Mason, toi aussi tu peux quitter cette terre ! Tu n'es plus le bienvenue. Et remporte la traînée qui t'accompagne !

- Channing, j'ai été heureuse d'assister à cela... On est bien moins impressionnant sans les millions autour du cou. Te voilà au même niveau que moi...

Mason tirait Gina pour l'éloigner du groupe. A présent qu'il avait fait ce qu'il devait faire, Mason devait quitter les lieux. Il savait qu'un jour très très prochain, il reviendrait ici...

Julia le regarda partir, ne prêtant pas attention aux remarques cinglantes de sa soeur sur la fidélité de son mari.

Ted rejoignit son père et lui offrit tout son soutien.

- Si elle croit avoir gagné, elle se trompe... Il n'est pas encore né celui qui pourra tromper Channing Capwell. Viens, allons à la villa, nous devons préparer le retour d'Eden !

 

Extérieur de la villa Capwell.

Pamela prit place dans la limousine qui l'attendait devant les grilles de la villa Capwell. Elle s'engouffra en prenant soin de sa robe de mariée.

- Je me demande pourquoi Mason est venu... Surtout avec Gina. Je croyais m'être montrée suffisamment claire avec elle, je n'ai rien à faire de ses problèmes de garde... Aurait-elle trouvé de l'aide auprès de Mason ?

Pamela prit son portable et contacta Kirk Cranston.

- Kirk, vous pouvez faire ce que vous voulez d'Eden. Comme convenu, elle est à vous. A mes yeux, elle ne compte pas

Tout en parlant, elle alluma le petit poste de télé présent dans la voiture et regarda les infos. Souriante, elle écouta les premières news au sujet de l'explosion des pétroliers Capwell.

- Channing, tu es fini... Et c'est moi qui t'ai vaincu... Aha ahah aha ! ! !

 

Salon de la villa Capwell.

Dans le salon de la villa, la colère de Channing atteignait un niveau rarement atteint.

- Je jure devant Dieu qu'elle va me le payer... Je vais lui faire mordre la poussière, la mettre à terre si bas que jamais elle ne pourra se relever...

Julia essaya d'intervenir, prétextant les liens étroits qui unissaient les Capwell à Pamela. Après tout, quoiqu'en pense Channing, Pamela restait la mère de Mason, et la grand-mère de Samantha. Contre toute attente, c'est Augusta qui intervint.

- Oh, Julia toi et ton sentimentalisme à deux sous... Tu me fatigues. Pamela n'est qu'une garce de bas étage. Et Channing a raison de lui faire payer...

- Vous savez, Julia, qu'elle cherche à me détruire, c'est de bonne guerre. Mais les pétroliers dans le golfe... Elle ose tuer des innocents pour m‘atteindre !

N'en tenant plus, Channing se rua dans son bureau, exigeant que personne ne vienne le déranger sous aucun prétexte.

Augusta, qui en raison de Pacific Sud se sentait impliquée dans le combat de Channing, décida d'organiser à la villa Lockridge une nouvelle réunion de crise. Elle voulait que toute l'équipe envisage avec elle l'utilisation des méthodes et des moyens d'Anthony Tonell pour reprendre le contrôle des Entreprises Capwell.

 

Théâtre, Las Sirenas.

Tremblante Eden / Lisa finissait d'écouter la fin de Robert Barr racontée par Kirk Cranston. Kirk lui conta le retour de Robert à Santa Barbara, la venue aussi de son frère jumeau Quinn, le mariage de ce dernier avec sa propre soeur Kelly.

- Je n'aurais jamais cru que Robert un jour puisse me trahir. Nous nous aimions tellement. J'ai toujours eu confiance en lui, même si j'ai toujours représenté ce qui existait de pire dans notre monde : j'étais la riche héritière, incapable d'utiliser à bon escient les millions de sa famille.

De vieux souvenirs lui revenaient en mémoire, en particulier la complicité qui l'unissait à Robert lorsqu'ils dépouillaient les riches familles, en vacances à Las Sirenas. Ils étaient alors unis comme les doigts de la main.

Eden / Lisa ferma les yeux, et la fatigue accumulée depuis ces derniers jours s'abattit lentement sur elle. Elle appuya sa tête sur l'épaule de Kirk, heureuse d'avoir un ami qui sache la comprendre et surtout qui puisse combler les vides de sa mémoire.

- Rassurez-vous, je vais vous reconduire à Santa Barbara et je vous aiderai à trouver le meurtrier de Robert. Ensemble, nous allons le venger. Un amour comme le vôtre ne doit pas s'arrêter ainsi...

- Je vous remercie pour tout le soutien que vous m'apportez, Kirk. Je ne sais pas ce que je ferais sans votre aide.

Kirk prit la main d'Eden dans la sienne, et y déposa un tendre baiser.

- Je vous en prie, Eden, je suis votre allié, n'en doutez jamais.

Lasse, elle finit par s'endormir sur l'épaule de Kirk Cranston, satisfaite de l'avenir proche qui se dessinait pour elle.

 

Capwell Tower.

Dès le lendemain de sa prise de pouvoir, Pamela Pepperidge Capwell Conrad prit possession du bureau de l'ancien maître des Entreprises Capwell, au sommet de la Capwell Tower, rebâtie il y a quelques années. Elle avait rendez-vous avec Daniel McBride pour faire le tour de sa nouvelle acquisition.

Pamela resplendissait de joie de vivre dans un tailleur pantalon fushia griffé par un grand couturier italien. Elle n'en revenait pas d'avoir enfin pu prendre le dessus sur son ex-mari. Dans quelques secondes, son sinistre petit avocat lui remettrait la liste de ses nouvelles propriétés.

Un peu plus tôt dans la matinée, elle avait eu d'excellentes nouvelles du Moyen Orient, où le monde entier réagissait avec force et vigueur à l'encontre de la marée noire Capwell. Dès qu'elle avait obtenu ces informations, elle avait joint un ami sénateur à Washington pour la poursuite de son plan.

Une secrétaire fit entrer Daniel dans l'ancien bureau de Channing Capwell, bureau que le maître des entreprises n'aimait pas utiliser.

Pamela l'accueillit avec un grand sourire.

- Allez-y, faites-moi la liste de mes nouveaux biens.

Daniel s'assit et, à chaque énumération, il tendit à Pamela les titres de propriété à Pamela.

- Comme convenu avec Channing Capwell, la villa à Park Lane ne fait pas partie de la transaction.

- Je sais... Je sais, mais je vous assure, mon petit Dan, qu'il finira par me la vendre !

- Voici les titres de propriété des actions des Entreprises Capwell détenues par Channing, c'est-à-dire 22% de la globalité des entreprises.

- C'est tout ? Pourtant il en avait le plein contrôle !

- Effectivement, mais c'est grâce aux procurations de chacun de ses enfants. Voici les titres de propriété de cet immeuble, de sa villa en Italie au bord du lac de Côme, de sa villa sur la Côte d'Azur, de son île privée dans les Caraïbes, de son chalet en Suisse, de son chalet au bord du lac Tahoe.

- Pfeu ! !

- Voici les titres en actions que Channing détient dans d'autres multinationales.

- C'est déjà mieux.

- Et puis c'est tout...

- Quoi ?

Pamela explosait.

- Et pour la chaîne d'hôtels ? Qu'en est-il de l'Hôtel Capwell ici ?...

- Je suis navré, mais la filiale Hôtels Capwell est la propriété d'Adriana Capwell Castillo.

- Et pour les différents building Capwell ?

- Ces derniers sont la propriété de votre petite-fille Samantha...

Pamela n'écoutait plus. Channing venait de la rouler. Daniel lui annonçait qu'elle ne venait de s'emparer que d'une partie de l'empire Capwell, le reste étant la propriété de ses enfants et de ses petits-enfants.

- Dehors... Dehors, sale traître ! Et va dire à ton maître que je n'ai pas fini... Puisque je n'ai pas eu la totalité de ce qui me revenait, il n'aura pas la liberté d'Eden... Qu'il se prépare à un long procès... Eden finira en prison, et je me contenterai de miettes ! ! !

Daniel quitta le bureau, conscient que la bataille n'était pas encore gagnée.

 

Folle de rage, Pamela décrocha son téléphone et joignit sa toute nouvelle meilleure amie, Deana Kincaid.

- Deana chérie, pouvez-vous publier dans votre feuille de chou qu'une exceptionnelle vente aux enchères va se tenir dans l'ancienne Capwell Tower... La collection privée de C.C. est à brader !

Tout en raccrochant, Pamela se félicita.

- J'aurai sa peau.

 

Bureau de la villa Capwell.

Enfermé dans son bureau, Channing déambulait dans la pièce. Depuis son altercation avec Pamela et la découverte de l'étendue de la marée noire, Channing ne dormait pas, ne mangeait pas; il errait dans cette pièce, seul, abandonné de tous, aussi malheureux que lorsqu'il avait perdu Channing Junior, son fils tant aimé.

Il cherchait dans tous ses papiers et ses dossiers un moyen de reprendre le contrôle de sa société.

Soudain, Rosa entra dans le bureau.

- Bonjour, Channing. Je suis venue prendre mes affaires. J'ai appris pour vous et la société... J'ai beaucoup de peine pour vous. Je sais ce qu'elle représente à vos yeux.

- Laissez-moi, Rosa. Laissez-moi seul...

- J'ai pitié de vous, monsieur Capwell... Peut-être au travers de cette épreuve, vous arriverez à comprendre ce que ressent ma pauvre Santana... Encore qu'avec l'aide de tout ceux qui détestent Pamela, vous pourriez bien reprendre le contrôle de vos entreprises, alors que ma pauvre Santana doit souffrir votre bon plaisir pour revoir Brandon !

Rosa quitta le bureau sans se retourner.

A peine Rosa eut-elle fermé la porte que Channing se rua sur son carnet de téléphone.

- Qui plus qu'elle déteste Pamela !

 

Villa Lockridge.

Assise dans son salon, Augusta terminait son café, en compagnie de Julia et de Warren. La conversation tournait autour de Pamela et de la mort de Franco Parisi. Augusta ne conservait pas beaucoup de souvenirs de cette période, à l'exception des documents trouvés dans l'attaché-case.

Warren avait fouillé les archives de son journal à la recherche d'indices.

Julia, elle, se languissait du retour de Mason. Elle savait qu'il était parti tôt ce matin pour la villa Capwell, voir son père.

Soudain, le bruit d'un hélicoptère les interrompit. Si Warren et Julia se précipitèrent sur la terrasse, Augusta se rua dans les étages et gagna le grenier de la villa. Là, elle avait installé il y a fort longtemps une longue vue pour espionner ce qu'il se passait dans la villa voisine.

Elle régla la longue vue et observa.

 

Une limousine noire se gara juste devant la lourde porte en bois des Capwell. Mason et Gina en sortirent. Channing, avec Channing III dans les bras, les attendait. Augusta commençait à comprendre. Mason avait fait des faux documents pour assurer des transferts d'actions, des transferts de fonds, des transferts de titres de propriété, et ainsi protéger une partie des avoirs Capwell. En échange, Channing rendait Brandon et Channing III à Gina. Tout le monde y retrouvait son compte.

Mason et sa tribu montèrent dans la limousine et quittèrent la propriété.

- J'ai toujours su qu'à la moindre occasion, Mason trahirait Julia pour Gina. Cette garce ne perd rien pour attendre, j'en ferai mon quatre heures le moment venu.

L'hélicoptère portant logo des Entreprises Capwell se posa juste devant l'entrée de la villa. Channing s'y engouffra avec une grosse valise et une mallette.

- Où peut-il se rendre pour aller chercher de l'aide ? Où va-t-il ?

L'hélicoptère repartit aussitôt. A son bord, Channing prit son portable et composa un numéro.

- Je serais ravi de te revoir, ma chère amie.

Leur conversation dura plusieurs minutes.

Le pilote avertit Channing Capwell qu'il serait dans un peu moins d'une heure à San Francisco. Et alors qu'il survolait l'océan, les pales de l'hélicoptère s'arrêtèrent de tourner. Ils se trouvaient à proximité de la plate-forme pétrolière qui jadis abritait un casino.

Soudain, une flamme s'échappa d'un moteur. Une forte odeur d'essence emplit le cockpit.

 

Augusta était venue rejoindre Warren et Julia, pour questionner sa soeur sur l'absence de son mari. Soudain la détonation résonna dans toute la baie.

- Seigneur, non ! !

Warren, Julia et Augusta regardèrent avec horreur l'hélicoptère exploser...

 

Du haut de son bureau à la Capwell Tower, Pamela regarda l'hélicoptère exploser puis sombrer dans les profondeurs de l'océan, sans savoir que son ex-mari se trouvait à l'intérieur...

Chapitre 35