Le paradis perdu de Ross Kettle

 Par Alena Prime, Télé Star, 1991

 Accueil   This page in English  

Ross Kettle a parfois du vague à l'âme. «Je me rappelle la grande véranda qui entourait tout le rez-de-chaussée. Elle était à claire-voie. Je me revois courant pieds nus sur le sol de cette véranda que rafraîchissaient les grosses gouttes de pluie, ces jours où l'averse tropicale nous interdisait, à mon frère et moi d'aller jouer au jardin.»

Natif de Durban, en Afrique du Sud, Ross Kettle incarne aujourd'hui Jeffrey Conrad. Héros californien dans une série télévisée, il est lui-même adopté par Hollywood. Mais l’Afrique chante au coeur de ses enfants - blancs comme noirs - sa maternelle mélopée. «Encore aujourd'hui, à 30 ans, malgré la Californie, je ne peux survoler quelque partie que ce soit du continent africain sans éprouver un pincement au coeur.» Il a été servi tout dernièrement en allant tourner là-bas les extérieurs de son dernier film. Pas très loin des lieux de son enfance.

Ses parents étaient eux-mêmes nés en Afrique du Sud. Ils avaient déjà un garçon de 2 ans quand Ross a vu le jour le 19 septembre 1961. Dans leur univers paisible, une demeure enchâssée dans la végétation, adossée à une colline vert émeraude, à quelques pas de l'océan. Revers de la médaille, ce genre de vie ne favorise guère le goût des études. A l'âge de 15 ans, Ross tombe sur une occasion unique de lâcher l'école. Heureusement pour lui, sa grand-mère, 87 ans, lit les journaux. Elle apprend qu'un film doit se tourner en pays zoulou, pas loin de la maison. Ross, bon petit-fils, écoute sa mamie et, ni une ni deux, il prend la route en levant le pouce, destination Johannesburg. Là il rejoint l'équipe de Zulu Dawn et partage sa vie pendant six mois : figuration, préparation des sandwichs, etc. Il découvre le cinéma et s'intéresse même à la mise en scène. Une vocation est née. Il a gagné quelques sous et, comme ça, boucle ses valises pour l'Angleterre. Là, il suit des cours d'art dramatique durant trois ans. De retour à Durban, il court le cachet à la télévision et décroche un vrai rôle dans une série locale intitulée 1922. Parallèlement il crée sa propre troupe de théâtre. Mais il sent l'appel de l'Amérique. A New York, il épouse à la sauvette une amie compatriote sud-africaine. Puis il met le cap sur Washington, où un copain l'héberge, et... «A nous deux Hollywood !»

Ross l'Africain fait son entrée dans la capitale du cinéma à bord d'une antique Peugeot digne de Columbo. «Pas terrible, se souvient Ross, surtout que la capote n'existait même plus. C'était le moyen le plus économique. Nous avons fait les cinq mille kilomètres en trois jours en roulant sans arrêt.»

Malgré ça, la voiture appartenant à l'ami de Washington sera volée par d'évidents amateurs d'antiquités, à la limite de la perversité. Le copain, écoeuré, rentre chez lui.

Ross-Rastignac reste et s’incruste. Il veut réussir, il va réussir. D'audition en audition, il grappille quelques emplois et pénètre dans le monde des soap-operas, les feuilletons à l'américaine. Son premier s'appelle As the World Turns. Son deuxième : Santa Barbara... Entre les deux, il a fait venir l’amie d'enfance qu'il avait épousée en passant à New York. Comme un bout de mémoire du pays natal. L’union ne dure que sept mois. Il est nominé aux fameux Emmy awards pour son rôle de Jeffrey Conrad, rencontre, lors de la cérémonie, Michelle, la belle présentatrice de la soirée, et se marie une seconde fois.