Tout savoir sur Santa Barbara

 Par Laurent Triqueneaux et Michèle Delage, Télé K7, 1987

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Santa Barbara n'existe pas que sur le petit écran. Située à 180 kilomètres au nord de Los Angeles, cette petite cité bien tranquille est nichée entre les collines et une baie bordée de palmiers. L'un des charmes de la ville, c'est sa tranquillité, un bien que s'efforcent de sauver ses 80 000 habitants. Et ils ont fort à faire avec les 5 millions de touristes qui, chaque année, investissent ce coin de paradis. Pour Sheila Lodge, le maire de la ville, cette popularité n'est pas étrangère au fait que Robert Mitchun, Richard Widmark, Michael Douglas, John Travolta, Bo Derek, Gene Hackman, Fier Parker en sont les administrés, et que les Reagan aient élu domicile dans un ranch aux abords immédiats de la ville. Santa Barbara n'a rien à envier à Hollywood, cette nouvelle cité des stars s'enorgueillit d'abriter d'autres pensionnaires du 7e Art comme Jane Russell, Jane Fonda et bien d'autres. Outre la tranquillité ambiante, Santa Barbara peut faire étalage de son exotique beauté et de quelques joyaux architecturaux dont le plus éclatant est notamment la "Reine des missions". Fondée en 1786, elle est la dixième et l'une des plus belles des 21 missions franciscaines de la côte californienne. L'office du tourisme de Santa Barbara souligne avec bonheur que les 4% - habituels - d'étrangers qui visitent Santa Barbara sont en train d'augmenter à vue d'oeil. On parle donc de plus en plus français et italien à Santa Barbara. À qui la faute selon vous ?

Le soap est né il y a une trentaine d'années de la guerre publicitaire que se livraient les fabricants de lessive. Pour attirer la clientèle féminine, l'un d'eux eut l'idée de produire un feuilleton quotidien étirable à l'infini, entrecoupé de publicité pour des marques de lessive (soap en anglais). Le feuilleton populaire bon marché (cinq fois moins cher qu'une série ordinaire) était né. Le plus célèbre d'entre eux, Hôpital Central, dure depuis plus de vingt-trois ans ! Ses créateurs sont les propres parents de Bridget Dobson, auteur de Santa Barbara ! Le soap, diffusé cinq jours par semaine, colle à la vie réelle. Le tournage a peu d'avance sur la diffusion. L'organisation est donc irréprochable; tout problème risquant de faire des bulles... dans le soap.

Le monde est frappé par la "santa barbarite". Depuis sa première sur la chaîne américaine NBC (le 30 juillet 1984), le soap-opera Santa Barbara a connu le succès qui devient, aujourd'hui, international. Après le raz-de-marée américain, la France a été un des premiers pays touchés de plein fouet par le phénomène. Suivirent de près l'Angleterre, le Canada, la Turquie et le Luxembourg. Le cercle des pays saisis par le virus va s'élargir à l'Italie, pour septembre, à la Scandinavie pour octobre, à l'Australie pour décembre, et aussi le Botswana et l'Afrique du Sud. Des accords pour la diffusion de Santa Barbara en Espagne, au Portugal, en Argentine, en Allemagne, au Gabon, en Finlande, en Suisse, à Porto Rico et au Zimbabwe sont en cours. A quand le Japon ?

Aux U.S.A. après trois ans de feuilleton, l'heure est au bilan et aux analyses. Lancé par la chaîne NBC, Santa Barbara a gagné son pari progressivement. Classé l'an dernier au 9e rang des soap-operas d'outre-Atlantique, il continue de grignoter des places : son audience a augmenté de 20% en moyenne par an, 23% en plus sur le deuxième trimestre 1987. Santa Barbara est, semble-t-il, le seul feuilleton à accroître son public régulièrement. Il a réussi là, à 14h, où deux soap lancés précédemment par le même network avaient lamentablement échoué face à une concurrence en place depuis trente ans. En France, où l'arrivée des soap-operas est plus récente, l'installation de Santa Barbara s'est opérée en douceur. De 17% à ses débuts, dû à un lancement sans publicité (le 14 octobre 1985), la série arrive au score record (à cette heure-là) de 21% de téléspectateurs. En la programmant à 19h10, TF1 compte bien en faire le moment fort de sa programmation de fin d'après-midi. Ça va mousser !

La France a deux bonnes années de retard par rapport à la diffusion américaine. Les séquences diffusées sur TF1 en août 1987 remontent à mai 1985 pour les États-Unis. Comme la première chaîne nous les tronçonne demi-heure par demi-heure, les américains, qui les passent en bloc d'une heure (48 minutes de show et 12 minutes de publicité), prennent à chaque fois un peu plus d'avance. À cette vitesse-là, nous avons devant nous de longues années de bonheur...

D'après les études américaines, le public de Santa Barbara est jeune : 900 000 personnes ont de 12 à 24 ans; 1,3 million de téléspectateurs se recrute dans la tranche des 18-34 ans. Sans conteste, cela représente une très grande nouveauté : alors que traditionnellement les soap-operas touchent un public de 18 à 49 ans, Santa Barbara réalise, pour la première fois, la performance de sensibiliser les adolescents... Pourquoi ce succès ? Santa Barbara a été écrit par des spécialistes des soap-operas : Jerome et Bridget Dobson. Ils ont donc mis dans la préparation de l'intrigue tous les ingrédients nécessaires : beaucoup de glamour avec un zeste de smokings et énormément d'exotisme avec une pincée de palmiers. Santa Barbara est le seul des soap-operas à être situé géographiquement en Californie, le pays de la réussite et du soleil. Ils y ont ajouté une bonne dose de jeunesse : à Santa Barbara, les personnages sont californiens, donc beaux, jeunes, sympathiques... Certains soaps américains ont plus de vingt ans et, même si leurs castings ont été rajeunis, on ne trouve nulle part ailleurs cette fraîcheur californienne. Ils y ont intégré un soupçon d'humour : on rit plus souvent à Santa Barbara qu'ailleurs.

Comme tout soap digne de ce nom, le mélo est toujours là car, principe intangible, il faut émouvoir. Les personnages doivent être captivants et capables de permettre à toutes les générations de se retrouver en chacun d'eux. Enfin, dans l'ensemble les comédiens jouent bien. Ils ont tous été sélectionnés par Bridget Dobson. Si Santa Barbara est né de l'imagination d'un couple, Jerome et Bridget Dobson qui possédaient une villa dans cette petite ville de la Californie du Sud au bord du Pacifique, depuis janvier 1987, les créateurs ont passé le flambeau à un pool de huit scénaristes supervisés par deux scénaristes en chef. Ce sont eux qui, au jour le jour et en fonction des sondages auprès des téléspectateurs, infléchissent le cours de l'histoire et donnent plus d'importance à tel ou tel personnage. A eux tous, ils écrivent quotidiennement plus de 80 pages de script. Ce qui vaut aux comédiens d'avoir à apprendre en moyenne 20 pages par show... Un épisode est tourné chaque jour, un acteur tourne de deux à cinq jours par semaine (ce qui est le rythme d'A Martinez qui apparaît dans tous les épisodes, ou presque), il ne lui reste donc que peu de temps pour ingurgiter le texte. Etant donné qu'ils reçoivent leur script trois jours avant le tournage, ils avouent, pour la plupart, n'apprendre leur rôle que la veille au soir du tournage.

Santa Barbara n'est pas tourné à Santa Barbara... Hormis quelques rares plans de la ville ou de la maison et surtout de Los Angeles pour faire couleur locale, l'essentiel du feuilleton est tourné en intérieur à Burbank, dans la banlieue de Los Angeles, non loin des studios Walt Disney. Construit spécialement par NBC, cet immense plateau vidéo de 1800 m2, le plus grand de la Côte Ouest, est principalement affecté au tournage quotidien de Santa Barbara. Il y fait jour 24 heures sur 24. Y travaillent en permanence plus d'une centaine de personnes, sans compter les vingt à vingt-cinq acteurs de chaque épisode. Pour certains des acteurs, le rendez-vous est fixé à 7h30 du matin. Retards et maladies ne font pas partie du scénario : il faut être en bonne santé pour jouer dans un soap-opera quotidien, sinon le comédien est remplacé. Les répétitions dites sèches (sans enregistrement) commencent. Vers 12h, une brève pause-déjeuner, puis une ultime répétition (la troisième au minimum). À 16h, le tournage commence pour de bon et jusqu'à 19h en général, les prises succèdent aux prises. La journée est longue à Santa Barbara.

Pour se reposer des cadences infernales, les comédiens ont droit à deux semaines de vacances à Noël. Dans les autres soap-operas, ils n'ont généralement qu'un seul jour. Les membres de l'équipe partent souvent ensemble aux sports d'hiver. «Cela contribue complètement à l'étonnante bonne ambiance du plateau, affirme Len Friedlander, un des producteurs. C'est certainement un "plus" pour faire progresser le show.»

Avec quatorze nominations aux derniers Emmy awards (les Oscars de la télévision ainéricaine), l'équipe de Santa Barbara espérait fêter son troisième anniversaire avec, au moins, une récompense. Le jury ne l'a pas voulu ainsi, mais tout le monde n'en est que plus motivé pour faire du feuilleton le numéro 1 de l'année prochaine... À noter qu'au cours de cet anniversaire en juillet dernier, tout le monde était là, hormis Todd McKee qui s'était fait excuser et Robin Wright dont l'absence semblerait confirmer les rumeurs de dissensions avec les producteurs et le désir d'être de moins en moins associée à la destinée du soap.