«Je regrette Santa Barbara»

 Par Isabelle Caron, Télé 7 Jours, 1987

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«J'aimais beaucoup Joe Perkins. Il me manque», dit Mark Arnold, en se baladant sur la plage de Santa Monica. Ce comédien de 29 ans, qui reçoit chaque semaine plus de mille lettres venant de France, regrette Santa Barbara, le feuilleton-vedette de TF1 avec une audience moyenne de 25 % (plus que certains films diffusés en semaine sur la même chaîne). Alors pourquoi a-t-il abandonné son rôle ? «D'abord parce que je voulais faire du cinéma, du théâtre et qu'avec Santa Barbara ce n'était pas possible».

Comme Robin Wright, qui a abandonné son rôle de Kelly Capwell, Mark Arnold évoque l'enfer des tournages : «Nous tournions 14 à 16 heures par jour, sept jours sur sept. Soit un épisode d'une heure par jour. Le soir, quand je rentrais chez moi, j'avais trente pages de dialogue à apprendre pour le lendemain. J'ai ainsi passé six mois à m'endormir avec le scénario dans les bras en me jurant de tout laisser tomber tant c'était difficile.»

Mark Arnold avait en effet été choisi par les producteurs pour remplacer Dane Whiterspoon, titulaire du rôle de Joe Perkins, mais aussi fiancé de Robin Wright et c'est là que tout s'est compliqué : «Les autres comédiens regrettaient Dane, qui était devenu leur copain, et Robin, qui me prenait aussi pour un ennemi, refusait que je la frôle alors que le réalisateur et les scénaristes hurlaient pour que je l'embrasse. Or dès le premier jour, comme vous l'avez peut-être vu en France, nous nous retrouvions sur un lit ensemble. Quant aux téléspectatrices américaines, toutes très amoureuses de Dane, vous imaginez leur réaction. On leur avait volé leur idole et au début surtout, j'ai reçu beaucoup de lettres d'insultes...» Pourtant, tous ces tracas, habituels dans les feuilletons américains où l'on remplace les comédiens pour un oui, pour un non, n'ont pas duré trop longtemps : «Les comédiens m'ont adopté, les lettres ont changé de ton et même Robin Wright s'est mise à me sourire et à me parler pendant les pauses. Elle a même regretté que je disparaisse...» Car (et là encore les scénaristes de télévision américains en ont l'habitude), le jour où Mark a annoncé qu'il ne renouvelait pas son contrat, voici deux ans, on l'a tout simplement tué...

Cet épisode, vous pourrez peut-être le voir sur TF1 si la chaîne rachète de nouveaux épisodes. «Remplacer Joe une deuxième fois, explique Mark, aurait été ridicule...» Je lui ai bien sûr demandé de me raconter sa mort - que j'ai vue à la télévision - mais il s'y est refusé pour vous ménager le suspense : «Je peux seulement vous dire que c'était ma meilleure scène dans le feuilleton, même si le public français préféra sans doute mon mariage.» Mais là, toujours en flânant sur la plage de Santa Monica, Mark s'est repris, et en français : «Oh ! la la, je vous en ai trop dit. Il faudra attendre... pour ce mariage qui pourrait bien être celui de Kelly Capwell et de Joe Perkins.»

«Parlons d'autre chose», sourit Joe, qui au passage s'excuse de ne pouvoir répondre à toutes ses admiratrices françaises, mais promet qu'il viendra bientôt à Paris et vous le fera savoir par l'intermédiaire de Télé 7 Jours. En attendant, il répond aux questions qui lui sont posées le plus fréquemment : «Je suis né près de Pittsburgh, en Pennsylvanie. J'ai étudié l'art dramatique à l'Université de Boston, mais au lieu de tenter d'abord ma chance à Hollywood, j'ai choisi New York. Je rêvais de théâtre, mais j'ai dû commencer par un rôle dans le feuilleton Edge of Night et cela a duré trois ans et demi... Financièrement, ça allait, mais j'ai fini par m'ennuyer et je suis parti à Hollywood, et j'y suis resté.» Mark a pourtant gardé son appartement à New York : «J'aime cette ville et entre deux rôles, je me balade, je vais au cinéma.» Mark a tourné son premier film en 1985 : Teen Wolf, sous la direction de Rod Daniel, et depuis il joue surtout dans des téléfilms. Son rêve ? «Un grand feuilleton comme Dynastie ou Dallas, mais surtout ne jamais m'arrêter de tourner. Parmi les acteurs français, j'admire beaucoup Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, et j'aimerais les rencontrer.»

Célibataire, Mark Arnold passe pour un séducteur mais prétend le contraire : «J'ai beaucoup d'amies, surtout depuis que je suis mort... à la télévision. Comme si cette scène avait fait un vrai choc à beaucoup de mes relations, elles m'ont téléphoné aussitôt et je ne cesse plus de les voir... Et puis des admiratrices de Joe Perkins parviennent à se procurer mon numéro et je suis souvent réveillé en pleine nuit.» Au fait, lui ai-je demandé en le quittant sur cette plage qu'il aime tant, regarde-t-il toujours Santa Barbara ? «Oui, mais comme il n'y a plus Robin Wright, ni Mark Arnold, je préfère les anciens épisodes que je repasse au magnétoscope !»