Le vrai sujet

 Par Travis Kinsey, Soap Opera Weekly, 1999

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Tous ceux qui pensent que les acteurs sont inaccessibles, d'arrogants égoïstes, devraient parler avec Marie-Alise Recasner. Il devrait être facile pour une actrice, quand on lui demande comment se passe son nouveau rôle dans un daytime soap-opera, de fournir une réponse toute faite, en ne donnant aucune indication sur le fait que tout va pour le mieux. Quand on considère le fait que l'actrice en question a pris la succession d'un rôle initié par l'une des plus brillantes stars de soaps, il est facile d'imaginer que la tentation d'édulcorer sa réponse soit encore plus grande.

Ca ne veut pas dire que Recasner est de près ou de loin mécontente de jouer depuis trois mois Ellen Burgess dans Port Charles, un rôle qu'elle a assuré après que Debbi Morgan (qui a créé le rôle quand Port Charles a débuté en 1997) a choisi de quitter la série en fin d'année dernière. Loin de là. Elle adore l'endroit où elle travaille, ses partenaires de jeu et le rôle qu'on lui a offert. Mais sa franchise d'admettre que les choses ne sont pas parfaites, qu'elle connaît des incertitudes quant à sa performance professionnelle, renforce son image de madame-tout-le-monde.

«Je me cherche toujours un petit peu», dit-elle de ses efforts pour saisir son personnage. «Wendy (Riche, la productrice exécutive de Port Charles) m'a été d'une grande aide. Elle m'a dit ce qu'elle voulait faire, et les réalisateurs m'ont bien aidée. J'ai un peu paniqué l'autre jour. J'ai pensé : Mon Dieu, suis-je la seule qui reçoit des directives alors que tout le monde a bien compris ? Et puis j'ai pensé : Non, ils me donnent des directives bien spécifiques. Les gens me complimentent beaucoup pour mon travail, donc je prends cela comme un bon signe. C'est un processus, en particulier parce que nous avons à faire à un personnage qui est déjà si établi et qu'on la change autant. Ce n'est pas comme si j'étais une doublure marchant dans un rôle qui a été étudié méticuleusement et qu'on avait les mêmes lignes de dialogues nuit après nuit. C'est quelque chose de complètement différent : OK, d'où je tiens cela ?»

«Quand j'ai rencontré Wendy pour la première fois, avant que je tourne, elle a dit : "Je veux qu'elle soit plus douce. Rends-la plus accessible." Ellen est plus détendue, plus accessible, moins réaliste. Ils modifient même l'apparence physique du personnage. On fait original sur une partie de sa garde-robe, et j'ai beaucoup de plaisir avec cela. Je n'ai jamais vu l'interprétation de Debbi, mais de ce qu'on m'a dit, elle est (devenue) plus pragmatique que la façon dont le personnage était censé être quand elle le jouait.» Recasner (qui a auparavant interprété Lynn Burke dans Des Jours et des Vies) est aussi excitée par son triangle amoureux avec Matt, joué par Mitch Longley, et Sebastian, joué par Rodney Van Johnson. «Je suis excitée par la tension que cela apporte. Ma grande peur est que je sois trop douce, et c'est ce sur quoi ils m'ont à l'oeil.»

Les choses qui sont importantes pour Recasner - élever ses enfants étant tout en haut de la liste - n'ont pas à voir avec la célébrité, l'argent ou les récompenses. «Ca n'a jamais été dans l'idée de devenir riche», insiste-t-elle. «Ca n'a jamais été dans l'idée de faire le couverture de People Magazine. Je fais cette com', et c'est très plaisant, mais je ne vais pas exposer toute ma vie comme certaines personnes ont besoin de le faire. J'ai toujours su que c'est un travail. Je ne me suis jamais fait d'illusions. J'ai toujours aimé cette partie du travail : le processus de jouer, la découverte. Trouver de nouvelles manières de dire les choses, d'être et ressentir les choses. C'est de cela dont il s'agit. Ca me rendrait folle si je n'avais pas un semblant de vie normale, si tout ce dont je me souciais était le prochain grand moment sous les projecteurs.»

Comme de nombreuses mères célibataires, Recasner jongle avec un emploi du temps chargé pour essayer d'élever ses deux garçons, Kirk, 10 ans, et Rhys, 5 ans (Recasner s'est séparée du père de ses garçons après un long mariage.). «Je ne crois pas dans l'idée d'une nounou qui élèverait vos enfants, mais bon sang, ça ne serait pas génial d'avoir quelqu'un que je connaisse pour m'aider avec mon fils et ses maths, et pour que si j'en avais besoin, je pourrais dire : "Pouvez-vous ouvrir le congélateur et décongeler ce poulet ?" Je n'ai encore jamais rien laissé tomber, sauf le théâtre. J'ai été capable de me maintenir à niveau avec le reste de ma vie. Le théâtre est une chose que je ne fais plus : ce n'est juste pas encore le moment.»

Recasner est vigilante quant à ce à quoi ses enfants sont exposés, et pense que les personnes qui créent pour le cinéma et la télévision ont "davantage de responsabilités" quand ils dépeignent certains faits et situations. «Quand on aime prétendre qu'il n'y a aucun impact de créé, nous sommes complètement irresponsables. Je pense que les jeux vidéo, la télévision et le cinéma ont un impact négatif sur les jeunes esprits. Mon fils de 10 ans et moi nous disputons à ce sujet tout le temps. Il dit : "Mais ce n'est interdit qu'aux moins de 13 ans", et je réponds : "Ouais, et tu n'en as pas 13". Il ira alors à la maison d'un autre et ils le laisseront regarder quelque chose qui est classé pour adultes ou même pour ados. Nous avons eu de grandes discussions comme : "Eh bien, peut-être que tu ne peux plus aller là-bas", ou "J'ai besoin que tu résistes pour toi-même et dises : Ma mère ne m'autorise pas à regarder cela. Je vais changer de pièce. Il a déjà vraiment fait cela, mais c'est très dur quand tous vos amis sont en train de regarder et que leurs parents disent : "Bien sûr, vas-y et regarde ce type qui se fait exploser la cervelle".»

«Je peux totalement comprendre pourquoi certains parents abandonnent», ajoute-t-elle. «Mais mon enfant a une telle valeur pour moi et son esprit est si important pour moi. Je dois me rappeler de me battre peu importe combien il est facile de dire : "OK, Kirk, je suis fatiguée de me battre; tu n'as qu'à regarder". Et ouais, il s'énerve parfois. "Tu es tellement méchante avec moi". Bien. "Je ne suis pas ta mère pour devenir ta copine. Je suis ta mère parce que je suis ta mère. Je suis censée prendre ces décisions.»

«Nous réfléchissons beaucoup aux effets psychologiques de ce que nous faisons en tant que parents. Parfois nous réfléchissons trop. J'ai vu des gens parler à des enfants dans le vide à propos de certaines choses, quand on dit juste : "J'ai dit non, et je suis le parent. C'est comme ça et c'est tout". Mais en même temps, vous devez prendre en considération la façon dont ils ressentent les choses à ce moment-là. Pourquoi ils ont fait ce qu'ils ont fait. C'est du cas par cas. On ne peut pas simplement frapper en premier et puis poser des questions. On doit d'abord demander, et puis : "OK, peut-être que tu as besoin d'un coup de pied aux fesses". Ce n'est pas simple.»

Recasner est convaincue de ce que qu'elle veut instruire à ses enfants. «J'aimerais voir ce que je ne vois pas beaucoup aujourd'hui : beaucoup de gens regarder la vie et dire : "Qu'est-ce que je vais bien pouvoir en tirer ?" Je pense qu'on peut regarder la vie et dire : "Je vais produire une grande et merveilleuse différence dans le monde", que ce soit en plantant un arbre ou dire salut à son voisin. C'est ça ou on devient complètement absorbé par soi-même. Je sentirais un échec complet si c'est comme cela que mes garçons deviennent. Je veux qu'ils soient le contraire : "Qu'est-ce que je vais tirer de la vie en m'investissant dedans ?" Si on met en oeuvre de bons sentiments et de bonnes actions envers les gens, ça rejaillit sur soi.»