Par Jean Poggi, Télé 7 Jours, 1989

«J'avais toujours désiré apprendre le français. C'est la plus belle langue du monde.» Lane Davies ne pouvait faire plus plaisir à la directrice de l'institut français de Villefranche-sur-mer, qui a eu de prestigieux élèves, comme le romancier américain James Clavell et des ambassadeurs, des réalisateurs, des hauts fonctionnaires. Mason Capwell, l'autre séducteur de Santa Barbara, avec Cruz Castillo, est accompagné de Louise Sorel et Todd McKee, deux des autres héros du feuilleton-vedette de TF1 : «Nous souhaitons tous qu'un réalisateur français nous donne un jour un rôle dans un film ou un téléfilm et il ne faudrait pas que notre langue d'origine soit un obstacle.»

La Méditerranée a remplacé le Pacifique, et loin de Santa Barbara, les comédiens se révèlent être des élèves studieux. Les cours commencent, en effet, à 8h30 et se terminent vers 18h avec une pause déjeuner d'une heure entre 12h et 13h, ce qui ne laisse pas le temps de découvrir les haltes gourmandes du pays, mais ils se rattrapent le soir ! Lane Davies, pourtant, nous assure qu'il suit un régime très strict pour ne pas grossir : «J'ai 38 ans et si je veux garder toutes mes admiratrices, dont beaucoup de Françaises, je dois me surveiller.» Le fils Capwell dans le feuilleton a, en effet, abandonné son rôle dans Santa Barbara après un ultime tournage le 30 juin. «Je ne sais pas encore si lors de la reprise en septembre, Mason sera éliminé - on meurt facilement dans les feuilletons américains - ou simplement remplacé par un autre comédien. Les producteurs n'ont rien voulu me dire.» Lane Davies avoue qu'il espère qu'on aura du mal à lui trouver un successeur.

«Je joue le rôle depuis le début et c'est un peu comme si c'était mon double. Cela peut paraître idiot ou prétentieux, mais j'ai l'impression que le rôle m'appartient. D'ailleurs, à force de tourner des épisodes, chaque jour du matin au soir, vous ne savez plus qui vous êtes. De nombreux acteurs et actrices, et pas seulement dans Santa Barbara, éprouvent le même sentiment. Marcy Walker m'a dit un jour qu'elle rêvait d'Eden, la nuit... Elle a du mal à se guérir de ses cauchemars. Voilà pourquoi, après cinq ans, j'ai voulu prendre mes distances avec Mason, et parfois déjà, je le regrette...» Lane Davies n'était pas non plus d'accord avec l'évolution de son personnage : «Je l'aimais machiavélique, cynique. Les producteurs l'ont soudain transformé en agneau, trop sage, trop transparent, ennuyeux. Il m'a fallu beaucoup réfléchir avant de me décider à quitter ce feuilleton, qui m'a fait connaître dans le monde entier. Todd McKee pense comme moi, il a envie d'autres rôles, mais pour l'instant, il reste.»

Todd approuve, tout en se concentrant sur son cahier d'exercices de français... Il rappelle que Lane a aussi bien joué Hamlet, que L'Homme de la Mancha, dans le rôle de Don Quichotte. Il connaît d'ailleurs le répertoire de Brel et se met à nous fredonner Je Vous ai Apporté des Bonbons,  Amsterdam, Madeleine, puis explique que si on le voit parfois barbu dans Santa Barbara, c'est qu'en même temps, il joue au théâtre : «Je suis né le 31 juillet 1951 à Dalton, en Georgie, fils de comédiens de théâtre qui avaient cette passion dans le sang et qui me l'ont transmise. Je me sens bien sur scène et, dès que j'en ai l'occasion, je joue une pièce, même pour quelques dollars. J'ai joué récemment Cyrano de Bergerac et cela m'intéresse de voir Depardieu, l'un des comédiens que j'admire le plus dans le film. J'aimerais l'inviter dans le théâtre que j'ai créé, il y a deux ans à Simi Valley, une ville située à une heure de Los Angeles.»

Lane Davies a débuté au cinéma en 1978 dans The Magic of Lassie avec James Stewart et Mickey Rooney, puis a été engagé dans des épisodes de Dallas et de CHIPS, et enfin dans Des Jours et des Vies. «En juillet 1984, on m'a proposé le rôle de Mason et je n'ai pas hésité, comme si j'étais irrésistiblement attiré par le rôle et surtout, je me suis très bien entendu avec tous les autres comédiens. Nous formons une famille et ce voyage en France avec Louise et Todd est comme un rêve. J'aime aussi beaucoup ma femme... dans le feuilleton, Nancy Grahn. Elle m'a beaucoup soutenu aussi bien dans la vie que pendant le tournage. J'avais des scènes d'ivresse difficiles à jouer et j'ai répété seul avec elle. Elle était au bord des larmes...» Etrange Lane Davies, qui est bien plus qu'un simple héros de feuilleton et qui, comme le confie Louise Sorel, est capable de vous dynamiser, de vous donner toutes les énergies : «J'ai une amie que j'aime et que j'épouserai un jour, mais j'ai besoin souvent d'être seul. J'essaye de l'être au moins deux à trois fois par an. Je me retrouve face à Dieu, l'univers et la nature. Dans ma maison, je jardine, je sculpte le bois et je pêche. Je voyage en solitaire et c'est là que je me dis que j'aimerais bien rejouer un jour Mason Capwell...»