En montrant les dents... | |||||
Par Michael Logan, Soap Opera Digest, 1986 |
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Quand un acteur étudie son chéquier, se rase, se brosse les dents, retire ses vêtements et menace votre vie dans le courant d'une interview, vous savez que vous n'avez pas à faire à n'importe quelle star de soap. Justin Deas, récompensé aux Emmy awards, est connu pour être tout aussi brillant que violent, tout aussi charmant que morbide. Dans les mêmes soixante secondes, il peut être chaleureux, spirituel, moqueur, taquin, mortellement sérieux et terriblement charmant. Et quand il vient à être interrogé - ce que Justin Deas n'aime clairement pas - il peut être aussi insaisissable qu'un petit singe échappé de sa cage. Dans le même sens que cela peut être un plaisir pour les visiteurs et un arrachage de cheveux pour le gardien du zoo, Deas peut être le rêve d'un scénariste comme son cauchemar.
Les choses commencent de manière un peu inattendue. Quand je frappe à la porte de la loge de Justin à l'heure prise pour le rendez-vous, il est clair qu'il ne s'attend pas à moi. Pas de problème. Deas éclaire d'un sourire qui réchaufferait Chicago en janvier et m'accueille malgré tout. Avant qu'aucune question ne soit posée, toutefois, je m'assieds patiemment pendant qu'il s'énerve après son relevé de compte bancaire, additionne et re-additionne, fixe la colonne des comptes, se gratte la tête, croise les yeux et en vient à la conclusion que ses finances ne sont pas amusantes. «J'ai vu mon agent de change hier», dit Deas. «Je fais d'habitude beaucoup de blagues mais j'ai découvert qu'il vaut mieux faire des blagues à la fin, pas au début. Pas quand vous le payez une centaine de dollars de l'heure.»
Même si l'acteur originaire de la côte est travaille à Los Angeles depuis près d'un an, il vient juste de commencer à rechercher son propre appartement. Dans l'attente, il a soit occupé des maisons pendant les vacances de ses amis, ou vécu, littéralement, dans sa pathétique Dodge Palero 1967 cabossée. «Je ne voulais pas trouver un endroit dont je ne voulais pas», insiste Justin. Son choix a mené jusqu'à un accrochage avec la loi. «Un flic m'a verbalisé pour quatre-vingt huit infractions», se souvient-il pendant qu'il débouchonne son tube de dentifrice. «Mes feux de croisement ne fonctionnaient pas, ma ceinture de sécurité n'était pas attachée et j'étais en train d'écouter mon baladeur.» Le policier a jeté un oeil au siège arrière de Justin rempli de toutes ses possessions et de plusieurs jours de courses d'épicerie. Il a décidé de laisser tomber la contravention. «Il s'est senti désolé pour moi », explique Deas. «Je me sentais comme un clochard.»
Tout en se brossant les dents, Deas fait un résumé rapide de sa carrière post-As the World Turns (son rôle de trois ans avant Santa Barbara), qui inclut des apparitions télé allant du stupide (Tales of the Darkside) au sublime (Foley Square). Il y a quelques boulots qu'il n'a pas pris («J'ai refusé quelques films parce que j'aurais été payé trois fois rien») et celui pour lequel il a quitté As the World Turns. Le coupable, Dream Lover, est un drame hitchcockien qui avait tous les signes d'un succès d'enfer. Deas était dirigé par Alan Pakula, qui avait à son crédit Les Hommes du Président, Klute et Le Choix de Sophie, et mis en image par Sven Nykvist, le cinéaste récompensé aux Oscar qui a fait de si extraordinaires choses pour Ingmar Bergman. Ce a été un bide puissance dix, qui est resté à peine une semaine dans les salles.
Justin se rince et se remémore combien son rôle dans ce film l'a empêché d'accepter en personne l'Emmy de 1984 qu'il avait remporté pour son rôle de Tom Hughes. Ca ne l'a pas tant embêté de rater ce moment de gloire que le fait que l'Académie (des Emmy awards) ne l'a pas laissé envoyer un message à distance. Deas insiste : «Ils ont pensé que j'allais insulter les producteurs - ce que je n'aurais pas fait.» Est-ce que l'Emmy a fait une différence ? «Je pense que c'est agréable d'avoir une preuve physique que j'ai été bon dans quelque chose», admet-il. «Même si l'année où j'ai gagné, je ne pense pas avoir été particulièrement bon. Je pense que je l'ai en fait gagné en tant que femme, pour vous dire la vérité.» Deas a été nominé et a perdu durant sa plutôt solide première année dans As the World Turns. L'année suivante, quand il était réellement à son meilleur, il n'a même pas été nominé. Durant sa troisième et quelque peu plus faible année, quand il a occasionnellement joué son personnage en travesti, Justin s'est avéré gagner.
Le visage plein de mousse à raser, il révèle : «Je ne porte jamais de maquillage à moins qu'on m'y force. Je déteste les gens qui font des histoires à mon sujet. Quand on m'a mis des faux cils pour la première fois, j'ai hurlé : "Arrêtez ça !" Deux jours plus tard, je demandais : "Est-ce que mon soutien-gorge va bien ? Comment est mon ourlet ? Est-ce qu'on voit mon slip ?" J'adorais ça ! Ils devaient m'arracher mes vêtements du dos à la fin de la journée.» Il lève coquettement la jambe, mais, mis à part les accoutrements féminins, le quelque peu costaud Deas ressemble à un éjecté de la compagnie itinérante de La Cage aux Folles. La blague du travesti, bien que douteuse, a eu un autre bénéfice. Justin en rit : «Les talons-aiguille étaient merveilleux ! J'étais finalement aussi grand que les femmes de la série !»
C'est sur As the World Turns que Deas a rencontré et est tombé follement amoureux de Margaret Colin (de Foley Square), qui jouait son amour à l'écran Margo Montgomery. Brandissant son rasoir, Deas complimente les acteurs jouant à l'heure actuelle leurs anciens personnages de Tom et Margo Hughes, même s'il n'est tombé sur eux qu'une seule fois sur l'écran. «Ils étaient très bons. J'ai travaillé avec Hillary Bailey Smith - c'est une fille super. Lui, je ne me rappelle pas son nom. Karl Marx ?" Justin réfléchit pour la seconde fois et, en même temps, se gratte le menton. «Ah oui», dit-il, «Gregg Marx.» L'acteur n'a pas de regrets d'avoir abandonné ce personnage de longue haleine et calibré pour gagner des Emmy. Enfin, peut-être un. Deas affirme : «Je pense qu'ils auraient dû le tuer.» Une telle remarque n'est pas aussi égocentrique qu'elle y parait. Justin s'essuie le visage et prend un siège afin de s'expliquer. «Les producteurs l'attendent de vous, mais un acteur ne peut vraiment pas remplacer un autre acteur», pense-t-il. «Mon Dieu, s'ils vont jusqu'à nous congeler, nous allons tous avoir des problèmes !». L'imagination de Deas va loin, envisageant quelle serait la vie pour une star de soap sur le départ du XXIème siècle. «Euh, excusez-moi ! Nous voulons un échantillon de votre petit doigt. Pourriez-vous arracher vos ongles et les glisser dans cette enveloppe, Justin ?». Il glousse à l'horreur de cette pensée, sans réaliser qu'il a oublié un morceau de crème de rasage en-dessous de ses deux oreilles. On entend un cri aigu dérangeant venant du couloir à l'extérieur de sa loge. Il l'ignore comme si cela se produisait régulièrement.
Deas a une fille adolescente d'un mariage précédent dont il ne parle jamais. Est-ce particulièrement difficile d'être parent dans ces jours et âge troublés ? «Eh bien», commence Deas visiblement embarrassé par le sujet, «Je veux dire... tout... Je ne veux pas vraiment parler de ça. Toutes les situations sont uniques.»
Par miracle, il est sauvé par sa belle - l'actrice Robin Mattson. La manipulatrice Gina de Santa Barbara déboule dans la loge de Justin sans frapper, espérant désespérément qu'il va répéter les différentes scènes qu'ils ont à enregistrer plus tard dans la journée. «Ah, je suis contente que tu sois là», soupira Mattson (Deas a la réputation de faire des diversions interminables pendant ses pauses). Elle aperçoit le magnétophone et rougit aussitôt, réalisant qu'elle a fait une gaffe. «Est-ce que je peux te rejoindre dans dix minutes ?» demande Justin. Mattson acquiesce, rougit encore et s'en va. «J'adore ta coiffure», dit Justin. Mattson s'arrête dans son élan. «Tu es sincère ?» demande-t-elle avec un certain scepticisme imprimé sur le visage. «Je suis sincère», répond Justin. «A propos des deux.» «D'accord» dit Mattson, heureuse. Elle rougit une nouvelle fois et sort.
Bizarrement, Deas revient directement au sujet dont il ne voulait pas discuter. «Vous n'allez pas obtenir grand chose de moi à propos de cela», prévient-il. «Si vous voulez une sorte de point de vue général de ce problème national, je serais content de vous le donner, mais nous serions alors tous les deux embarrassés. Cependant, vous vous êtes parfaitement préparée.»
D'acccc-ooorrrd. Et à propos de Margaret ? Peut-on aborder son sujet ? Deas en est heureux même si, avant d'en arriver à cela, il prend un moment pour jouer Siskel and Ebert. Au sujet des capacités de jeu de Colin, Justin se répand en effusions. «C'est une actrice brillante, un talent incandescent. Je suis abasourdi par ses talents. Elle fait une merveilleuse carrière et a l'obligation de remplir ses promesses de comédie.» Si seulement il pouvait suivre ses traces. Colin est, de tous points de vue, une droguée de travail de première. Si elle ne travaille pas dur pour la télévision, elle est dans Dieu seul sait quel petit bled à jouer un classique. Même au moment où se fait cette interview, elle est à Londres à tourner un film. Deas revient tout juste d'un voyage-éclair pour la voir sur le tournage et est toujours enivré par l'expérience et le décalage horaire. «Elle est ma meilleure amie et elle me manque», confie l'acteur. «Je la suivrais partout. Merci mon Dieu qu'ils n'ont pas de théâtre sur Mars.»
Justin se met en sous-vêtements (pour l'anecdote, ils sont couleur bordeaux) et se rend tranquillement vers le placard pour revêtir son costume pour la journée. Un regard diabolique s'inscrit sur son visage alors qu'il réalise que le sujet Margaret pourrait lui offrir une vengeance pince-sans-rire. «Je pourrais me venger d'elle pour l'article de TV Guide.», dit-il d'un air narquois, se référant au récent portrait de Colin dans lequel elle n'a rien dit de leur histoire d'amour vieille de quatre ans et demi. Quand son auteur Bill O'Hallaren a commenté qu' «elle n'avait reconnu aucune histoire sérieuse», Deas a dit-on sauté au plafond. Il s'est calmé depuis, même s'il remarque calmement : «J'ai juste passé le meilleur week-end de ma vie. Nous nous portons de mieux en mieux, comme des amis de plus en plus proches.»
Se sont-ils déjà mêlés des choix de carrière de l'un et de l'autre ? Deas a une crise de rire pratiquement incontrôlable et ne remarque pas que le col de sa nouvelle chemise continue à remonter dans son dos. «Je ne peux même pas imaginer l'horrible voie que ça prendrait si je disais à Margaret : "Regarde ça, je pense que c'est ce que tu devrais faire ensuite !" Je ne peux pas l'imaginer ! C'est comme si je me braquais un pistolet sur le crâne...» Puis vient une très, très longue pause. «Savez-vous à quel soucis je m'ouvrirais alors ?» demande-t-il, imaginant la probable réponse de Madame Colin en voyant ceci sur le papier. Ses traits s'endurcissent d'une manière que je n'avais pas observée depuis qu'Al Pacino a subi une sentence de mort dans Le Parrain II. Deas dit gentiment : «Avant que je sois tué, vous serez tué - vous voyez ce que je veux dire ? Nous mourrons ensemble, vous et moi.»
Alors que je me fais une note mentale au sujet de cet emplacement au cimetière de Forest Lawn que je repoussais à plus tard, Justin se bat avec son col. Une fois en place, il se glisse dans son pantalon, resserre sa cravate, enfile ses chaussures noires et brillantes, et s'assoit comme un parfait gentleman. Est-il conscient que les gens le considèrent comme difficile ? «Je ne le suis plus», affirme-t-il simplement. «Je l'ai été». Alors pourquoi cette réputation ? «Je pense que si vous demandez à (l'équipe de) Santa Barbara, si vous demandez à n'importe qui de ces deux ou trois dernières années, vous seriez stupéfait», dit Deas. «Je n'ai jamais été difficile dans le sens où j'ai été une prima donna. J'ai travaillé très dur et voulu être le meilleur. Beaucoup de personnes sont comme ça». Alors pourquoi est-il marqué au fer rouge et pas les autres ? «Il y a beaucoup d'abrutis dans le coin. Je ne pense pas que je sois encore difficile. Bien entendu, je suis conscient que je l'ai été, mais ça ne m'a jamais coûté un boulot. Beaucoup de personnes me voient comme excentrique - mais j'ai dû faire mes preuves avant de gagner en crédibilité !».
Soudain, une main baguée de diamants aux ongles rouge écarlate glisse le long de la porte qui était restée entrouverte. Alors que cela pourrait facilement être une parodie de séductrice de Sam Spade dans le Saturday Night Live, c'est en fait Robin Mattson. Elle est en noir, vêtue de soie moulante et à se demander ce qui a bien pu arriver à Justin. Se retournant vers moi, Robin révèle au moins une douzaine de fermoirs cliquetants difficiles d'accès sur sa robe moulée sur sa peau. Elle réalise l'opportunité de donner à un journaliste un peu embrouillé un joli prix de consolation et ronronne : «Voudriez-vous bien me boutonner ?»