Le nouveau Santa Barbara

 Par Isabelle Caron, Télé 7 Jours, 1990

 Accueil   This page in English  

Un vaste bureau envahi de manuscrits "top secret" contenant les scénarios des prochains épisodes du feuilleton-vedette de TF1. John Conboy, bien qu’ayant un emploi du temps calculé à la minute près, est ravi de parler en avant première de la "révolution Santa Barbara." On l'a choisi, en effet, comme producteur exécutif pour que le feuilleton soit encore plus attractif.

Marcy Walker va-t-elle ou non abandonner Santa Barbara ?

Nous venons de lui proposer un excellent contrat très très difficile à refuser ! Nous aurons sa réponse à la fin du mois. Perdre à la fois les comédiens qui jouent Eden et Cruz serait terrible, mais en perdre un seul est pire. Depuis que Marcy a tourné un épisode test de Bar Girls, une série de la chaîne CBS dont elle serait la vedette, nous n'osons imaginer que ce soit une réussite, bien que désirant qu'elle aille vers son bonheur. Cruz et Eden incarnent le couple idéal. Celui dont nous rêvons tous, en l'avouant ou pas. Leur bonheur "à domicile" avec les enfants, la famille fait rêver, même les plus blasés. Il ne faut surtout pas les séparer, à cause d'un "troisième homme" comme cela a été le cas avec Robert Barr, le premier amour d'Eden qui ressurgit soudain.

Vous êtes donc arrivé dans Santa Barbara à un moment crucial que les téléspectateurs français ne sont pas près de voir, décalage oblige.

Je me suis retrouvé en plein drame amoureux ! Marcy vacillait entre ses sentiments toujours tendres pour Cruz, son mari, et pour Robert Barr (joué par Roscoe Born), le premier qu’elle ait aimé. Je me suis empressé de les réunir à nouveau. Il est impossible que Cruz et Eden se trompent l'un l'autre. Nous sommes responsables de leur fidélité devant les téléspectateurs.

Eden, un revolver à la main, c'est aussi inacceptable ?

Si je veux atteindre un taux d'écoute record, je mets un revolver dans les mains de Marcy et je lui fais tuer quelqu'un qu'elle croit être un cambrioleur, mais qui n'est autre que Cruz. Ce jour-là toute la population américaine sera devant son poste. Le lendemain plus personne ne regardera. J'aurai tout perdu...

Nous n'en sommes pas là. Les bouleversements que John Conboy annonce en exclusivité devraient, au contraire, lui valoir de nouveaux et assidus santa barbaristes.

Quels sont les personnages qui vont arriver dans le feuilleton ?

Des femmes surtout jeunes et jolies. Nous en manquons. Je viens d'engager Julie Saint-Claire pour le rôle de Tawny Richards, fille d'un ennemi de C.C. Capwell et SheIl Danielson, qui jouera la nouvelle Laken Lockridge.

Les Lockridge avaient pourtant disparu du générique américain.

Je fais revenir trois Lockridge d'un coup. Augusta, incarnée par Louise Sorel, Laken et Lionel, époux de Augusta, que joue Nicolas Coster. Louise est une excellente actrice et on dirait qu'elle est vraiment Augusta. J'étais comblé quand elle a décidé de renouveler son contrat. Quant à Nicolas Coster, que je connais depuis longtemps, je trouve que son personnage est capital dans Santa Barbara.

Oui, mais alors que Augusta Lockridge revient périodiquement au fil des épisodes, Lionel Lockridge a disparu depuis longtemps. Comment allez-vous expliquer son retour ?

Nous assisterons à son enterrement mais... en fait il ne sera pas mort.

Vous y allez un peu fort ! Quel sort lui réservez-vous ?

Un scénariste, et qui en plus est producteur, peut tout se permettre ! Lionel va se cacher et préparer une terrible vengeance contre Gina (Robin Mattson), Augusta et Robert Barr. Mais son plan échoue et il va connaître bien des problèmes.

Vous semblez vivre avec tous les héros comme si vous les aviez crées à l'origine.

Rien d'anomal. On m'a engagé pour une seule raison. Santa Barbara triomphe dans le monde entier mais a seulement du succès aux États-Unis. Les téléspectateurs sont nombreux du lundi au vendredi de 14 à 15 h à regarder la chaîne NBC, mais pas assez nombreux. Je suis chargé de faire remonter l'audience.

Vous avez déjà compris pourquoi l'audience n'est pas forte ?

Santa Barbara raconte trop d'histoires et qui finissent donc trop vite au bout de quelques épisodes. J'ai choisi de les allonger et comme je vous l’ai dit, d'ajouter des personnages. Mais attention, Santa Barbara, qui existe depuis 1984, est un feuilleton envié qui a remporté plusieurs Emmy Awards.

John Conboy regarde les dossiers devant lui. Il passe ses nuits actuellement à réfléchir sur les héros de Santa Barbara, et prend beaucoup de notes.

Je vois que vous avez écrit Ted Capwell. Ce héros est soi-disant en voyage car l'acteur, Todd McKee, a quitté Santa Barbara.

Je ferai revenir Ted Capwell un jour, mais je ne sais pas quand. Je n'ai pas vraiment besoin de lui.

Vos histoires vont durer jusqu’à six mois. Vous ne risquez pas de lasser...

Il suffit de bien les choisir ! Il ne faut surtout pas qu'elles soient trop noires, trop tristes.

Que faut-il éviter pour Santa Barbara ou Les Feux de l’Amour ?

Le sida, à mon avis, un sujet qui convient à un téléfilm, à un épisode de série, mais qui ne doit pas s'étendre sur six mois.

Comment travaillez-vous avec les scénaristes ?

Je discute avec eux une fois par semaine en leur donnant mon idée générale. Ils écrivent ensuite cinq épisodes que nous relisons ensemble en suggérant chacun des changements. Ils sont très doués. Ils écrivent 86 pages par jour de tournage, alors que pour un téléfilm, cela suffit pour 22 jours !

Vous discutez aussi avec les acteurs ?

Avec Marcy Walker et A Martinez, oui. Je veux savoir ce qu'ils pensent du scénario, des dialogues. Si l'acteur apprécie ce qu'on lui a écrit, il jouera encore mieux.

Avant de rencontrer John Conboy, je me suis baladée dans les studios et sur le plateau. Je suis tombée en arrêt devant de nouveaux décors, tous somptueux.

Une autre révolution ?

La ville de Santa Barbara est l'une des plus riches et des plus belles du monde. Je souhaite que le feuilleton lui ressemble. Encore faut-il que les fidèles de Santa Barbara comprennent pourquoi la demeure des Capwell est devenue magnifique... Vous aviez vu l'incendie de la maison des Lockridge. Au tour, bientôt, des Capwell. L'occasion de présenter la nouvelle villa de C.C. Capwell.

Combien coûte ce décor ?

Aussi cher qu’une villa à Montecito. La plus petite vaut cinq millions de dollars (30 millions de francs).

Vous avez donc dépensé une fortune ?

Je voulais un endroit romantique avec un escalier majestueux, de beaux meubles, de beaux tapis.

Cela va vous permettre de remarier C.C. et Sophia Capwell, divorcés depuis un moment ?

Je prévois le remariage pour ce couple qui s'aime toujours... Peut-être à Paris, la ville des grandes amours. Nous pourrions tourner sur place.

Vous revenez en France ?

Sans doute. De même qu'au Luxembourg. Le prince de ce pays nous a fait l'honneur de venir sur notre plateau. Nous avons des projets dans son pays et dans le vôtre.

Ce prince sera sensible aux robes que j'ai pu admirer sur votre plateau. Vous investissez aussi dans l’habillement !

J’ai engagé une costumière qui travaillait dans Capitol avec moi, Susan Claire. Elle est extraordinaire. Nous achetons aussi des vêtements chez les grands couturiers comme Oscar de la Renta. La famille Capwell peut se les offrir...

Les héros de Santa Barbara racontés par John Conboy semblent exister vraiment ! Voilà peut-être pourquoi ils ont tant de fidèles.