«Ma disparition était un signe du destin !»

 Par Joan Mac Trevor, Ciné Télé Revue, 1990

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Elle était l'une des figures les plus attachantes de Santa Barbara. «La conscience morale du feuilleton», dit-elle de Mary DuVall, ce personnage doux et généreux, tombé follement amoureux de Mason (Lane Davies), et tué accidentellement par décision unilatérale des scénaristes et des producteurs. Le public en est resté choqué, tant aux Etats-Unis qu'en Europe, où une véritable campagne de protestation s'est organisée pour demander la «résurrection» de Mary et le retour de Harley Kozak. Avec pour conséquence un déluge de lettres qui a submergé le studio. Malheureusement, nul n'a cru bon d'accéder au désir des téléspectateurs américains. Et le public européen a d'autant moins de chance de fléchir les maîtres d'oeuvre de Santa Barbara que, aux Etats-Unis, la mort de Mary remonte déjà à 1986. Pour les producteurs, comme pour Harley Kozak, cette péripétie appartient donc au passé lointain. Mais qu'est donc, entre-temps, devenue cette charmante héroïne, qui avait su conquérir le public, tant par sa personnalité que par son personnage ?

A Martinez a dit de la disparition d'Harley Kozak que c'était la plus grave erreur jamais commise par la direction du feuilleton. Le public lui a spontanément emboîté le pas en manifestant sa sympathie pour l'infortunée Mary. Harley Kozak s'est montrée d'autant plus émue par ces témoignages d'amitié qu'elle ne s'attendait pas à une telle ferveur. «Ce n'est pas moi qui ai pris l'initiative d'abandonner le feuilleton», reconnaît-elle. «Mais, rétrospectivement, je pense que ce fut une bonne chose. Quand on m'a demandé de revenir, un an après, j'ai refusé. Ma carrière était alors engagée dans une autre voie. Non, je n'ai pas regretté cette décision, qui ne dépendait pourtant pas de moi. C'était un signe du destin m'invitant à revenir à mon rêve de toujours : le cinéma.»

Harley Kozak est restée une saison dans Santa Barbara. De 1985 à 1986. Le temps de se faire apprécier de ses collègues et regretter du public. Les soaps (les feuilletons quotidiens) n'étaient pourtant pas l'ambition première de cette chaleureuse personne, qui ne rêvait que cinéma. Mais, quand on se lance dans le métier, on n'a pas toujours le choix. Et ce furent Texas, puis Haine et Passions, deux soaps qui lui donnèrent des raisons d'espérer pouvoir un jour librement choisir ses rôles. «Je n'avais jamais envisagé de jouer dans un soap. Aussi, j'ai été très surprise lorsque j'ai été engagée pour Texas, en 1981. En tout, j'ai fait cinq ans de soap, et j'y reviendrai probablement un jour. C'est une excellente école, un rigoureux entraînement pour un jeune acteur. Si je me sens capable, aujourd'hui, d'affronter tous les rôles et de ne pas paniquer devant des acteurs chevronnés, c'est grâce à ces cinq années.»

Harley Kozak a tout lieu d'être contente du chemin parcouru car, contrairement à beaucoup d'acteurs de télévision qui glissent dans l'anonymat une fois disparu le rôle qui les a rendus célèbres, elle ne s'est pas fait oublier depuis 1986. Après une période de flottement, où elle a prêté sa grâce à toutes sortes de pubs pour des marques de pudding, de café et de jus d'orange, elle a patiemment creusé sa niche dans le giron du 7ème art avec des films comme Clean and Sober (avec Michael Keaton), Portrait Craché d'une Famille Modèle de Ron Howard, et Quand Harry Rencontre Sally, film dans lequel elle incarne l'ex-épouse de Billy Crystal. Sur sa lancée, elle se prépare à tourner une production Walt Disney/Steven Spielberg, Arachnophobie, avec Jeff Daniels et Julian Sands.

Harley Kozak est assurément une battante. Sa jeunesse heureuse, mais difficile, lui aura probablement appris fort tôt que la vie ne fait pas de cadeau. «Nous étions dix à la maison. Mon père est mort quand j'avais douze mois. Maman nous a traînés de Pennsylvanie au Dakota et, finalement au Nebraska, où elle a enseigné pendant vingt ans la musique à l'université de Lincoln. Une mère et huit enfants, ce n'était pas drôle tous les jours. Mais nous avons été heureux. Mon plus beau souvenir est les Noëls que nous passions ensemble, tous les neuf, autour de la table. Le parfum des gâteaux qui cuisent n'a depuis jamais cessé de m'accompagner.» A cinq ans, Harley faisait ses débuts dans une production de l'opéra de Purcell, Didon et Enée. Elle y était un ange. Aujourd'hui, en plus de son métier de comédienne, elle s'intéresse aussi à la poésie et écrit des pièces de théâtre. L'une d'elle, Garage, a déjà fait l'objet d'une adaptation.

Mais le plus étonnant chez Harley, c'est son peu d'attachement aux biens matériels. «A part ma voiture, mon piano, et un tableau que j'ai reçu comme cadeau de Noël, on peut tout voler chez moi, je n'en serais pas triste. Chez moi c'est partout où il y a au moins un café, un restaurant et des amis.» Et les hommes dans ce programme encombré ? «Pour l'instant, mon métier est ma seule préoccupation. Je sais qu'un jour, je me remarierai (Harley Kozak a déjà été brièvement mariée au début des années 80) et je voudrai avoir des enfants. Mais, pour l'instant, rien ne m'importe autant que mon travail.»