Le viol d'Eden | |||||
Par Isabelle Caron, Télé 7 Jours, 1988 |
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Eden, devenue journaliste de télévision, vient d'emménager avec Cruz dans une nouvelle jolie maison au bord de l'océan. Chip, le fils de Cruz, habite avec eux. Plusieurs soirs, un homme la suit, l'épie à travers ses fenêtres. Un soir, alors qu'elle est seule chez elle, il enjambe un balcon et entre dans la maison par une fenêtre laissée ouverte. Masqué, un couteau à la main, il la bat, la viole puis s'éloigne en toute impunité.
Cette scène du viol d'Eden Capwell Castillo, a déjà bouleversé les téléspectateurs américains. Vous ne la verrez pas avant deux ans - décalage horaire oblige - mais au moment où l'on parle tant de la violence à la télévision, et où Santa Barbara continue de battre des records d'audience sur TF1, nous avons voulu que Marcy Walker, la comédienne qui joue le rôle d'Eden s'explique : «Je n'ai jamais, dit-elle, reçu autant de lettres que pour cet épisode. Sans doute parce qu'à notre époque le viol fait plus que jamais peur à toutes les femmes.» Marcy Walker, enceinte de quatre mois, n'a pas hésité pourtant à accepter de jouer "le Viol d'Eden". «Les producteurs craignaient que ce soit dangereux pour moi, physiquement et moralement. J'ai été doublée pour les scènes où le violeur me jette à terre. Sur le plan mental, je savais que je pouvais le faire et le faire bien. J'ai, parmi mes amies, des femmes à qui c'est arrivé. Une jeune fille, comédienne, que je connais depuis cinq ans, m'a avoué qu'elle avait été violée, voici quatre ans. Avant de me voir violée dans Santa Barbara, elle n'avait pas osé me le dire.»
Il a fallu dix-huit heures - en deux jours - pour tourner la scène du viol, l'une des plus difficiles et les plus éprouvantes de la carrière de Marcy Walker. C'est un comédien qui joue le rôle du violeur masqué, apparemment plus vrai que nature : «J'ai vraiment eu peur, dit Marcy Walker, quand il s'est approché de moi, même si ce n'était que de la fiction. En rentrant le soir, comme j'étais très fatiguée, j'ai pu trouver le sommeil, mais auparavant, j'ai longtemps songé à ce que venait de vivre Eden et j'ai pensé, sans prétention, que j'avais bien joué mon rôle. Toutes mes correspondantes, victimes de viol, me disent d'ailleurs que le feuilleton les a aidées à mieux se faire comprendre. Elles estiment qu'on ne parle pas assez de celles qui ont été violées. Je souhaiterais moi aussi que les lois soient plus sévères pour les violeurs. Parce qu'ils ne sont jamais pris en flagrant délit, on a du mal à les punir. En général, il n'y a pas de témoin, ou alors la victime a peur de son entourage. En tout cas, ceux qui critiquent Santa Barbara ont pu voir que ce feuilleton, qui essaie d'aborder tous les phénomènes de société, peut être utile.»
Les scénaristes ont demandé à des avocats et des policiers de Los Angeles de les aider. La scène suivant le viol paraît aussi très vraisemblable. Eden se tient debout, devant la porte d'entrée. Echevelée, soutenue par un policier, elle dit à Cruz : «Je ne veux pas rentrer dans la maison. - Pourquoi ?, demande-t-il. - C'est là où j'ai été violée.» Puis, elle se jette en sanglotant dans les bras de son mari. Eden doit maintenant faire face au mari, à la famille, au docteur et à la police. «Pourquoi ne m'a-t-il pas tuée ? Ce serait tellement plus simple à expliquer », dit Eden, qui refuse d'aller à l'hôpital où tout le monde la connaît et choisit une petite clinique pour subir un examen médical. «Quand vais-je pouvoir prendre un bain ? demande-t-elle. Je me sens si sale». Au psychiatre, elle crie «Est-ce que le jour arrivera où je ne me sentirai plus comme ça ?»
Le docteur Johanna Gallers, psychologue du Valley Trauma Center de Los Angeles - où l'on accueille des femmes violées - avait été engagée pour lire et corriger le dialogue des scènes du viol, puis de l'hôpital : «A Los Angeles, me dit-elle, une jeune fille sur trois est violée avant d'atteindre l'âge de 18 ans. Un viol sur sept seulement fait l'objet d'une plainte auprès de la police. Voilà pourquoi une scène comme le viol d'Eden me paraît nécessaire à la télévision. Il faut éduquer le public mais surtout punir sévèrement les criminels. Dans les tribunaux, les juges-hommes comprennent mal ce qu'une femme endure pendant et après le viol. Heureusement, aux Etats-Unis, la police a commencé à éduquer des policiers, hommes et femmes, sur ce sujet (NDLR : En France, aussi). Comme Marcy est enceinte, les scénaristes ont été encore plus loin. Ils ont imaginé qu'Eden était également enceinte. Ce bébé qu'Eden attend, est-il de Cruz, ou du violeur ? Ils ne l'ont pas décidé pour l'instant. Eden et Cruz traversent la difficile période de l'après-viol... Nous déciderons de la suite en accord avec les producteurs.»
En attendant, depuis la diffusion du viol d'Eden, Marcy fait une annonce, avant chaque nouvel épisode sur la chaîne NBC qui diffuse Santa Barbara. «Je m'appelle Marcy Walker. Le viol est un crime. Un acte violent contre les femmes qui peut occasionner des traumatismes émotionnels et physiques. Si vous êtes violée, c'est important que vous receviez des soins médicaux et psychologiques. C'est aussi important d'avertir la police. Si vous êtes victime d'un viol, contactez votre centre des femmes violées. Merci...» A vous maintenant de nous écrire pour nous dire si vous êtes pour ou contre de telles scènes dans un feuilleton à une heure de grande écoute.