Les
producteurs de Santa Barbara cherchent un acteur français |
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Par Irène Dervize et Isabelle Caron, Télé 7 Jours, 1985 |
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Quand
on les rencontre au Ritz, l'un des derniers palaces parisiens, on se croirait
dans un épisode de Santa Barbara, la série quotidienne de TF1
que vous êtes plus de 17% à suivre fidèlement. Normal. Bridget et Jerry
Dobson en sont les créateurs-producteurs-scénaristes et même s'ils parlent de
leur dîner dans de grands restaurants parisiens, du Louvre, du Centre Pompidou
et du tout nouveau musée Picasso, qu'ils ont visité, ils ne sont pas en
vacances en France. «Nous cherchons, expliquent-t-ils, l'acteur français
capable de jouer dans des épisodes de Santa Barbara que nous
tournerons d'ailleurs, en France, l'été prochain».
Bridget et Jerry, qui ont consulté en vain plusieurs agences artistiques, vu des imprésario, des spécialistes du casting (ceux qui cherchent comédiennes et comédiens selon le voeu des réalisateurs), ne se font pas prier pour en dresser le portrait robot : «Il doit être beau mais pas trop viril, grand, sans être un géant, avoir de l'humour mais être capable de colère, voire de violence, être plein d'énergie, bilingue bien sûr, avec un accent français pas trop prononcé...» L'âge ? «Entre 35 et 45 ans et, surtout, avoir une mémoire phénoménale, puisque le script change chaque jour, et qu'il lui faudra apprendre de vingt à trente pages de dialogues en anglais par jour, cinq jours par semaine, cinquante-deux semaines par an. Son contrat sera de trois ans, renouvelable, mais s'il ne fait pas l'affaire ou s'il cesse de plaire au public américain il pourra être "remercié" au bout de treize semaines !»
À Santa Barbara, à deux heures et demie de Los Angeles où est réellement tournée la série, on n'a pas, en effet, l'habitude de perdre du temps. Les studios ne ferment pratiquement jamais leurs portes ! Quatre-vingt techniciens et cinquante acteurs et figurants y travaillent de six heures du matin à six heures du soir, moment où arrive "l'équipe de nuit" qui change les décors et prépare les scènes à tourner le lendemain. En un tour de main, la chambre à coucher disparaît derrière un grand paravent d'où l'on sort une terrasse. La salle de bains devient une cuisine avec eau courante et cuisinière. Quand l'équipe de nuit se prépare à rentrer chez elle, arrive l'équipe de jour et ainsi de suite...
Puis les acteurs : vingt-cinq rôles réguliers (sous contrat) et les figurants. Sans compter le réalisateur puis les producteurs, toujours présents sur le plateau. «Eh oui, sauf quand nous sommes à Paris, nous sommes sans cesse là... explique Bridget Dobson. Il faut dire que Santa Barbara, c'est un peu notre enfant. C'est la chaîne NBC qui, à l'origine, nous a commandé cette série, avec pour mission d'imaginer la vie de deux familles. J'ai tout de suite pensé à la ville de Santa Barbara parce que nous y avons une villa. J'ai mis l'année avec Jerry à donner une vie à nos héros, et à rêver leurs aventures. Désormais je suis la "directrice d'écriture" avec Jerry, et un troisième scénariste Chuck Pratt. Leonard Friedlander est le chef réalisateur... trois autres écrivains se chargent des dialogues. Aux États-Unis la série a débuté depuis un an. Nous en sommes au 352e épisode, mais nous sommes capables d'en écrire pendant des années...»
Bridget Dobson a été à bonne école : «Mes parents écrivaient déjà en 1937 des feuilletons pour la radio et pour la télévision. Ils ont créé Alliances et Trahisons / Hôpital Central, une série qui a eu un énorme succès et pour laquelle je les ai aidés. J'ai appris ainsi mon métier.» «C'est elle qui m'a tout appris, dit Jerry. Avec elle j'ai commencé à imaginer des histoires, à les mettre en forme, à les découper, à être un auteur de soap operas, ces séries qui, à l'origine, étaient financées par les fabricants de lessive » (sauf signifie savon).
«Depuis peu, nos enfants, Mary, vingt-trois ans, et Andrew, vingt ans, travaillent avec nous. On pourra peut-être un jour parler de la "dynastie"... de Dobson». «Il y a des jours où je pense qu'on aurait pu faire mieux, ajoute Bridget. Mais nous n'oublions jamais que l'on écrit un scénario par jour alors qu'on écrit un scénario de film en un an, et pour Dallas et Dynastie, les auteurs ont également plus de temps...»
«Nous vivons entourés de papier et crayons, ajoute Bridget. Sur la table de nuit, dans la salle de bains, la voiture, la cuisine. On écrit nos idées dès qu'elles viennent et elles arrivent comme ça, de n'importe où et n'importe quand. On se réveille au milieu de la nuit pour écrire tout ce qui nous passe par la tête. On vit entièrement avec Santa Barbara. Entre Jerry et moi il n'y a que des discussions sur la série, rien d'autre. Nos personnages nous suivent, nous hantent, même pendant les week-ends et chaque fois que nous voyageons, c'est pareil. Tenez, là, en ce moment, j'ai une idée de rebondissement...»
Nos
deux maîtres de la série américaine ont profité de leur passage en France
pour chercher un comédien mais aussi pour trouver l'endroit où il tourneront
les épisodes français de Santa Barbara et leurs pas les ont menés
au château de Dampierre, dans la vallée de Chevreuse où a été tourné Châteauvallon.
Jacques de Bryas leur a fait faire le tour du propriétaire, mais Bridget et
Jerry, que nous avons accompagnés ce jour-là, n'ont pas été vraiment
emballés...
Mais ils ont été avant tout heureux de savoir que Santa Barbara plaisait beaucoup aux téléspectateurs français. Ils sont même très satisfaits du doublage, envisageant d'éditer le disque avec la musique originale, car vous êtes nombreux à le réclamer, et, la prochaine fois, il le trouveront ce comédien bien de chez nous... Ils nous l'ont juré et vous serez les premiers à savoir qui sera l'heureux élu.
Bridget Dobson nous a présenté Dame Judith Anderson qui joue l'un des rôles principaux de Santa Barbara, celui de Minx Lockridge : «Elle a quatre-vingt-sept ans. Elle était Mme Danvers dans Rebecca d'Alfred Hitchcock. En 1960, la reine d'Angleterre lui a accordé le titre très prestigieux de Dame.» Bridget nous a aussi parlé de Nicolas Coster (Lionel Lockridge). «Sa fille est étudiante à la Sorbonne, à Paris, elle profite désormais de la gloire de son père... Quant à Louise Sorel, elle va à Paris plusieurs fois par an pour dépenser l'argent de ses cachets.» Bridget aimerait-elle être l'une de ses héroïnes ? «Oui, répond-elle, Robin Wright. Elle est belle, elle est jeune et a toujours de beaux garçons à son bras.»