Les créateurs

 PaLaurent Triqueneaux et Michèle Delage, Télé K7, 1987

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Ils sont à la fois les créateurs, les auteurs et les producteurs de Santa Barbara. Dans leur bureau des studios NBC à Burbank, Jerome et Bridget Dobson nous racontent l'histoire de l'un des grands succès télévisés de ces dernières années. Ils sont mari et femme. C'est ce qui fait la force de Jerome et Bridget Dobson. Une force à ne pas négliger dans la guerre que se livrent quotidiennement les chaînes de télévision américaines. A eux deux, ils ont créé Santa Barbara, ils en sont aujourd'hui aussi les producteurs. Rien ne se passe dans Santa Barbara sans qu'ils l'aient approuvé. Bridget se souvient des débuts : «Tout a commencé il y a vingt-deux ans; à l'époque Jerome portait encore des culottes courtes, mes parents étaient les créateurs de Hôpital Central et j'ai commencé, après avoir décroché mon diplôme en communication, à leur donner un coup de main et même à écrire, finalement, moi-même les shows. Je me suis mariée avec Jerome en 1961, et il a mis le doigt dans le "soap engrenage". «Ma spécialité à moi, raconte Jerome, c'était la culture des noix. Quand j'ai épousé Bridget, j'ai en même temps trouvé un professeur de choc. En regardant par-dessus son épaule, j'ai appris un nouveau métier. Elle a été impitoyable, j'ai écrit une ligne, puis deux et de plus en plus...»

«Il a un esprit anormalement excentrique, et ça a été spécialement utile. Notre vie fantaisiste et nos fantasmes sont le début des aventures de nos héros. Nos personnages réalisent ce que nous ne pouvons pas faire pour une raison ou une autre. Nous portons ainsi à l'écran nos fantasmes sexuels. C'est une espèce de thérapie pour nous. Ca ne veut pas dire pour autant que notre vie privée soit ennuyeuse, rajoute en riant Bridget. Le départ de notre aventure, c'est Santa Barbara où nous vivions avec beaucoup d'autres vedettes. C'est un endroit très chic, très beau et exotique. En plus, s'y mêlent touristes, riches familles, Mexicains et pauvreté. Une ville tout en contraste. Nous nous sommes appuyés sur quelques réels petits scandales survenus dans ces riches familles pour donner naissance au soap. Excentricité et esprit d'entreprise, de l'argent, suffisamment pour avoir le temps de se poser des questions et de trouver des idées, voilà ce qui fut à l'origine de notre succès. Ajoutez-y le souci d'échapper aux personnages de mes parents dans Hôpital Central et la nécessité d'être indépendante, et vous comprendrez pourquoi il fallait relever l'impossible défi : lancer un nouveau soap sur un marché encombré.»

Et le couple de se lancer dans l'évocation des premiers cris du soap. L'un des plus mémorables : la rencontre de Dame Judith Anderson, qui deviendra Minx Lockridge. «Dame Judith est l'une des vedettes qui habitent à Santa Barbara, et nous l'avons souvent croisée lors des soirées. Nous avons eu l'idée de lui proposer un rôle. Elle était la première du casting. Lors de notre premier rendez-vous, son chien a mordu Jerome à sang. Mon mari, héroïque, n'a rien dit. Depuis, l'animal et lui sont les meilleurs amis du monde.»

Ensuite, il a fallu étoffer le casting et choisir une équipe. Un parcours délicat au milieu de centaines de vidéo-cassettes pour faire de Santa Barbara un show unique avec plein de têtes "fraîches". «Ça a été dur, et nous avons fait des erreurs. La malchance aussi. Le premier C.C. Capwell a fait une crise cardiaque sur le plateau et n'est jamais apparu à l'écran. C'était pourtant un excellent acteur. Nous avons appris au fur et à mesure les règles du jeu, mais il est bien évident que nous continuerons à faire des erreurs. Nos plus durs critiques ont toujours été nos deux enfants. Je me souviens de ma fille, Mary, me disant au début, après un show : «Comment osez-vous me faire perdre 15 minutes de mon temps avec des histoires aussi ennuyeuses.» On lui promettait de ne plus recommencer jusqu'au jour où, diplômée, elle a pu prendre sa plume pour nous aider davantage. Elle est aujourd'hui assistante du directeur de la production. Notre fils, Andy, lui aussi nous a aidés en participant à l'aspect paperasse des choses. Nous pensons avoir réussi puisque nous sommes aujourd'hui le seul soap dont l'audience augmente sans cesse. Les autres stagnent ou perdent des téléspectateurs. Il ne nous reste plus qu'à gagner la tête du peloton. Objectif à atteindre d'ici sept ans. Pourtant, notre premier but reste de dire des histoires fascinantes avec des personnages riches pour donner du plaisir à notre public. Une seule façon d'y arriver : travailler plus dur encore en sauvant ce merveilleux esprit d'équipe qui nous a déjà fait gagner.»

Pour prouver qu'ils ont encore du courage à revendre, les Dobson sont pleins de projets. En tractation avec New World, un projet de film. De la télé encore avec NBC et, pourquoi pas, comme on le leur a demandé, un soap français avec des acteurs français. Leur devise : «Continuer, c'est le moyen de rester jeune !»