A Martinez : Les confidences de Cruz Castillo | |||||
Par Joan Mac Trevor, Ciné Télé Revue, 1989 |
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A Martinez habite avec sa femme Leslie et son fils Cody une coquette petite maison de style pionnier dans le district résidentiel de Loz Feliz, à l'est de Hollywood. La famille et le mariage sont pour l'interprète de Cruz des vertus incontournables, et il ne manque jamais de le répéter. Cette extrême rigueur morale ne l'empêche pourtant pas de commenter avec beaucoup de franchise et d'humour les scènes d'amour qu'il exécute à l'écran et ses relations hors plateau avec Marcy Walker, alias Eden, l'objet de sa flamme dans le célèbre feuilleton. De l'humour, autant qu'une totale absence de préjugés, il vaut mieux en avoir, car le tournage des scènes d'amour n'est pas tout ce qu'il y a de plus drôle pour un acteur de soap.
Vous êtes heureux d'être père pour la seconde fois ?
Follement. Mon fils Cody aura trois ans au mois de juillet, et ma femme attend un enfant pour le 15 juin prochain. Mais je ne sais pas encore si ce sera un garçon ou une fille. Je n'ai pas de préférence. En tout, nous espérons avoir trois enfants.
Cela vous gêne-t-il d'être reconnu en rue ?
Pas du tout. La popularité est le rêve de tout acteur. J'ai d'autant plus de plaisir à être reconnu que les gens ne me veulent que du bien. Ce n'est pas le cas pour tout le monde. Marcy (Walker), qui n'a pas toujours eu le bon rôle qu'elle a maintenant, avait l'habitude d'être houspillée par les gens qui la reconnaissaient en rue. De toute évidence, ils la confondaient avec son personnage.
Comment expliquer que les feuilletons de l'après-midi (les soap-operas) soient devenus aussi populaires, alors qu'avant ils étaient snobés au profit des grands feuilletons du soir comme Dynastie et Dallas ?
Tout
simplement parce que les soaps permettent une plus grande intimité entre le
public et les personnages et entre les personnages et leurs interprètes. Nous
sommes sur antenne cinq jours par semaine. Certains spectateurs nous connaissent
mieux que leur entourage. C'est triste, mais voilà l'explication. Le même phénomène
a d'ailleurs failli m'arriver. Par conscience professionnelle, je me suis mis à
regarder Santa Barbara. En quelques semaines j'étais pris par les
personnages. Et je peux vous dire que ma femme, mon père et mes beaux-parents,
qui ont commencé à regarder Santa Barbara parce que j'étais
dedans, ne peuvent plus s'en détacher.
Que pensez-vous de la popularité de Cruz, le policier que vous incarnez ?
Je suis tout simplement consterné par sa popularité ! Il n'a rien d'héroïque. Et, en tant que policier, il est parfaitement inefficace. Au fond, il ne résout que peu d'énigmes et, quand il se mêle de protéger quelqu'un, le malheureux se retrouve ou bien mort ou bien blessé. En réalité, pour qu'un soap continue à vivre, il faut nécessairement que les choses tournent mal et que la réalité contrecarre les intentions. Mais je trouve malgré tout étonnant que le public ait tant de respect pour un policier auprès duquel l'inspecteur Clouseau de La Panthère Rose passerait pour un génie.
Quelle
est la personne dont vous êtes la plus proche sur le plateau du feuilleton ?
Marcy Walker. Mais cela n'a pas toujours été le cas. Il est extrêmement difficile d'avoir une relation simplement amicale avec quelqu'un dont le scénario veut que vous soyez passionnément amoureux. Les attouchements, les baisers, partager le même lit sur un plateau sont des scènes souvent inconfortables. Cela ne s'apprend pas. Il faut en discuter avec son partenaire pour s'en détacher le plus possible. Surtout dans un feuilleton, quand ce partenaire vous le retrouvez jour après jour et vous établissez des habitudes avec lui. Il y a des jours où nous étions vraiment frustrés de ne pouvoir donner le meilleur de nous-mêmes au point d'avoir des mots hors plateau.
Quel genre de frustration ?
Celle qui naît de l'inconfort de gestes intimes que vous devez exécuter en public. Un travail qui n'est pas facilité par les autres membres de l'équipe. Comme par hasard, dès qu'une scène d'amour doit être tournée, tout le monde se retrouve sur le plateau. Même ceux qui n'ont rien à y faire et qu'on ne voit ordinairement pas de la journée.
Dans ces conditions, il doit être facile pour un acteur de tomber amoureux de son partenaire ?
Je
le crois. Je dirais même que, pour bien mimer l'amour avec une personne, vous
devez en être amoureux. Ne fût-ce que d'un aspect de sa personnalité. Son
corps par exemple. Il est presque impossible à un être humain d'avoir des
rapports physiques, même devant une caméra, avec quelqu'un sans éprouver un léger
frisson.
Comment
avez-vous personnellement résolu ce problème avec Marcy Walker ?
Un
jour, nous avons décidé de mettre les choses au point après une dispute. Nous
sommes partis tout le week-end ensemble, à Rhode Island. Rien que nous, loin du
boulot. A discuter et à vivre le plaisir d'être ensemble. Depuis, nous sommes
les meilleurs amis du monde.
Honnêtement,
quand vous jouez une scène d'amour, vous contentez-vous de jouer ou
essayez-vous de vous glisser dans le personnage ?
Notre
boulot c'est de faire croire au public que nous sommes réellement amoureux l'un
de l'autre, que nous désirons sincèrement faire l'amour ensemble. Et,
croyez-moi, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour le satisfaire.
Une scène d'amour dépend aussi des directives du metteur en scène. Il en est
qui vous disent exactement tout ce qu'il faut faire. Les gestes deviennent alors
purement mécaniques. D'autres se contentent de préciser la situation dans
laquelle vous êtes et vous accordent 90 secondes pour en tirer quelque chose de
convaincant. Seulement, il y a des règles : on ne peut pas voir la langue, on
ne peut pas toucher les parties sexuelles du partenaire, et on ne peut pas se
chevaucher. Le résultat est donc encore assez loin d'une scène d'amour
authentique.
Comment
votre partenaire et vous vous attaquez-vous à ce genre de scène?
Vous plongez dedans ou vous en discutez préalablement ?
Au début, quand nous étions pour la première fois confrontés à ce genre de scène, nous prenions l'habitude de répéter, car nous savions pertinemment qu'au moindre attouchement, au moindre contact de nos peaux, nous aurions été incapables de nous souvenir de notre texte. Nous prenions alors l'habitude de nous enfermer dans notre loge et d'"essayer" les scènes d'amour en les mimant. Plutôt bizarre, vous ne trouvez pas ? Le résultat est qu'aujourd'hui nous sommes parfaitement à l'aise et nous n'avons plus besoin de répéter.
Ce genre de situation vous émeut-elle toujours ?
Je vous répondrai comme cet acteur célèbre à qui on avait posé la même question : «Dans ce genre de scènes, je veille toujours à porter sept épaisseurs de sous-vêtements.»
Comment
votre femme réagit-elle à ce genre d'exigences professionnelles auxquelles
vous devez vous soumettre ?
Elle a eu beaucoup de mal à s'y habituer, mais elle a fini par accepter la chose de bon gré. Au début, quand nous regardions un épisode ensemble à la télévision et que survenait ce genre de scènes, elle me bourrait de coups. Pas méchamment, mais avec une pointe de jalousie. Puis, un jour, elle est arrivée sur le plateau à l'improviste, et à mon insu. Sans que je le sache, elle a assisté aux répétitions d'une scène d'amour entre Marcy et moi. Depuis, elle comprend mieux la difficulté et la gêne pour un acteur de jouer la passion physique... et je ne reçois plus de coups.
Le fait d'être devenu un symbole sexuel pour des millions de gens a-t-il transformé votre vie ?
J'ai acquis plus d'assurance. Il fut un temps où personne ne voulait m'engager. Je suis resté des mois sans travailler. Mais je ne me sens pas du tout dans la peau d'un symbole sexuel. Ce que les gens aiment en moi c'est Cruz et pas Martinez, même si je reçois des dizaines de lettres d'amour par jour.
Maintenant que vous avez un job qui rapporte, vous mettez de côté pour vos vieux jours ? Dans des bons de caisse ? Dans l'immobilier ?
Ne me croyez pas plus riche que je ne suis. C'est vrai, je suis à l'aise maintenant. Mais, lorsque j'ai été engagé dans Santa Barbara, j'étais dans une situation financière désastreuse. J'avais emprunté à tous mes amis et connaissances, et il m'a fallu les rembourser progressivement avant de pouvoir commencer à penser à moi et à ma famille.