Santa Barbara, nouveau soap-opera

 Par John Corry, The New York Times, 1984

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Santa Barbara s'amuse bien et Dame Judith Anderson, aussi. Laissez les dramaturges enregistrer que les premiers mots de la distinguée actrice dans le nouveau daytime soap de NBC, qui fait ses débuts aujourd'hui à 15h sur la chaîne Channel 4, sont : «Ambrose, pourquoi nous sommes nous arrêtés ?» Puis, après avoir été informée par Ambrose, son chauffeur, que plusieurs "gens des journaux" bloquaient la route devant la Villa Capwell, Dame Judith, tapant Ambrose légèrement sur son épaule avec sa cravache, dit : «Les Capwell sont friands des gros titres. Ambrose, à la maison.»

Maintenant, soit vous aimez ce genre de choses, soit vous ne l'aimez pas, mais tout soap-opera qui peut mettre Dame Judith sur la banquette arrière d'une Rolls dans le rôle de quelqu'un avec un nom comme Minx Lockridge ne peut certainement pas être si mauvais. D'ailleurs ce téléspectateur a admiré les prénoms de toutes les femmes de Santa Barbara - Marisa, Jade, Santana, Rosa, Laken, Augusta et Kelly. Pour la plupart elles sont riches, et pour la plupart elles ont des cheveux blonds, couleur de miel.

Pendant ce temps, un bon soap-opera a une intrigue, une intrigue et encore une intrigue, et en cela, Santa Barbara est également prometteur. Joe Perkins (Dane Witherspoon), accusé d'avoir tué un Capwell en 1979, est libéré sur parole de la prison de San Quentin en 1984, déterminé à blanchir son nom. Perkins fait clairement partie de la classe ouvrière. Les Capwell portent des cravates noires et des robes longues, même dans l'après-midi. Il y a déjà là une forte allusion à une guerre idéologico-sociétale. Nous sommes certains qu'il y aura de la violence entre les cols bleus et les membres des country-clubs.

Santa Barbara a également une femme mystérieuse, employant des hommes musclés, armés, pour maintenir Joe Perkins en dehors de la ville. Nous la découvrons dans un bain de vapeur se cassant les ongles par vexation lorsqu'elle apprend qu'il a été libéré. L'ancienne petite-amie de Perkins est, d'ailleurs, une Capwell, la soeur de l'homme qu'il est supposé avoir tué. Le jour où Perkins est libéré («Ce gars est différent», dit le directeur de la prison. «Il y a simplement un truc chez lui.»), C.C. Capwell (Peter Mark Richman) offre pour elle une fête de fiançailles.

«Si vous pouvez me montrer que vous avez la force et la volonté», dit C.C. au fiancé de sa fille, lors de la fête, «alors vous pouvez jouer un rôle important dans tout cela.» C.C. fait allusion à l'entreprise familiale. Sa nature n'est pas détaillée dans l'épisode d'ouverture, mais il s'agit clairement d'une entreprise dynastique, puissante.

De toute évidence, les possibilités dramatiques sont ici infinies. Dans le même temps, même si l'épisode d'ouverture comporte un meurtre, un coup de pistolet, un passage à tabac, Santa Barbara, comparé à d'autres daytime soaps, a une saveur nettement conservatrice. Il y a, jusqu'à présent, aucune suggestion d'inceste, de drogue, d'infidélité, d'alcoolisme ou bien de toutes autres pathologies sociales importantes. Même le sexe n'a pas vraiment droit de citer. Ce téléspectateur a compté un baiser chaste, et pas grand-chose de plus.

Ainsi, il est possible que Bridget et Jerome Dobson, qui ont créé, comme on le dit à la télévision, Santa Barbara, soient un couple de vieux sentimentaux. Il se peut aussi qu'ils n'aient pas voulu offenser les personnes qui vivent dans la vraie ville de Santa Barbara. Traditionnellement, c'est le refuge pour des amiraux et des généraux à la retraite, qui y passent leur temps dans leurs jardins ou sur la plage.

Le Santa Barbara de la télévision est, quant à lui, une plus petite ville que le véritable Santa Barbara. Ce téléspectateur ne croit pas un seul instant que les vrais habitants de Santa Barbara puissent organiser une manifestation à la gare routière, levant des pancartes et criant à Joe Perkins de poursuivre sa route vers Los Angeles.

D'un autre côté, la scène a du mérite. Lorsque Joe lève les yeux depuis la gare routière et qu'il voit un hélicoptère passer au-dessus, il sait, il sait simplement que son ancien amour est à bord, et alors ses yeux se voilent. A bord de l'hélicoptère, son ancien amour baisse les yeux et ses yeux se voilent aussi. C'est un truc très réussi, et l'on se demande comment Dame Judith, agitant sa cravache, va s'impliquer dans la suite à venir. Il est très probable que de nombreux téléspectateurs se connecteront demain pour le découvrir.