La maîtrise de Cruz | |||||
Par Janet Di Lauro, Soap Opera Digest, 2023 |
|
Qu'est-ce qui se détache de votre casting pour Santa Barbara ?
J'ai réécrit mon audition - c'est un peu ce qu'il y a le plus à retenir - parce que je ne savais pas comment faire fonctionner la scène telle qu'elle était écrite. C'était sur les conseils de Leslie, mon épouse, qui était bien plus consciente des possibilités de ce que cela signifierait d'être dans cette série. J'ai toujours pensé que cela m'avait apporté un grand avantage parce que j'ai fait quelque chose qui était uniquement moi et avec lequel je me suis senti complètement à l'aise.
Cruz et Eden sont rapidement devenus le couple principal de la série. Que pensez-vous qui a fait de vous et Marcy Walker (ex-Eden) une telle équipe d'acteurs à succès ?
Ca a été juste un coup de chance, le hasard du bon tirage. Nos méthodes étaient similaires; nous avions des mécaniques similaires dans la manière de configurer notre travail. Donc il y avait cela et aussi une vraie et forte éthique de travail. Nous étions vraiment protecteurs (dans la façon) de maintenir la qualité aussi élevée que nous pouvions. Nous étions conscients de combien chanceux nous étions.
Avez-vous senti du ressentiment de la part d'autres membres de la distribution à cause de toute l'attention qui était centrée sur vous deux ?
Il n'y a jamais eu de tel sentiment dont j'ai eu connaissance. C'est probablement dans la nature humaine qu'il ait pu y en avoir. Dans l'ensemble, nous avions vraiment une atmosphère collégiale sur la série. Nous fonctionnions vraiment bien ensemble en tant que groupe. C'était une tâche tellement irraisonnable de faire un épisode par jour et il y avait tellement de pression sur nous qu'on avait tendance à se lier; il fallait se serrer les coudes les uns les autres pour survivre. Je pense que nous avions un grand respect pour les uns les autres simplement basé sur la compréhension de combien cela est difficile et, particulièrement dans les meilleures années, combien nous faisions du bon boulot. Nous étions assez fiers du travail que nous faisions dans les années du milieu (de la série), quand la série s'est envolée et a rencontré le succès.
Vous avez été amené à jouer quelques triangles amoureux dans la série. En aviez-vous un préféré ?
Je pense que l'intrigue sur Robert Barr était incroyable. Roscoe (Born, ex-Robert/Quinn), paix à son âme, était vraiment un acteur brillant. Je pensais que c'était difficile, étant donné tout ce qu'ils avaient monté, de croire que cela constituerait un réel problème qu'Eden ait des difficultés à choisir. Il y a eu l'incroyable intrigue du viol d'Eden et l'honnêteté avec laquelle ils ont illustré ses dommages et le long chemin (pour s'en remettre)... Ils l'ont écrite si admirablement. Et puis il y a Robert, et vous voyez le truc - sa manière d'être, son pouvoir et son intellect. Vous vous dites : «Ouais. Je peux voir que cela pourrait être un problème.» On pouvait y croire, et ça a été difficile de trouver un réel défi à quelque chose qui avait été aussi brillamment construit que Cruz et Eden.
Que vous rappelez-vous du tournage du mariage de Cruz et Eden à Carmel Valley, en Californie ?
Je me souviens que je ne pouvais pas voir le visage de Marcy à cause du Soleil éclatant. Il se reflétait sur son voile blanc. Cela me rendait fou. J'étais complètement dépendant dans tout ce que je faisais avec elle avec le fait d'être en mesure de voir son visage, spécialement son regard. Il y avait toujours un tel sens à "ce qui se passe entre nous est tellement plus fort que la somme de ses parties", et c'était lié à une énergie électrique et/ou chimique. Avoir cette limite dans le moment où j'étais le plus vulnérable a été vraiment difficile. J'ai râlé et me suis plaint à ce sujet auprès du réalisateur, Rick Benewitz. Il m'a dit : «Ouais, je sais, mais regarde ça. Cela semble tellement magnifique. Nous n'allons pas ruiner cela à cause de ton processus (d'acteur)» (rires). Donc j'ai dû prendre sur moi et prétendre que je pouvais voir son regard.
Est-ce vrai que certains membres du public ont objecté à la romance interraciale de Cruz et Eden ?
Ouais. J'ai reçu des lettres de haine - «Comment oses-tu espèce de m**** mettre tes mains sur cette magnifique femme blonde.» Cela m'était déjà arrivé là où je vivais, dans ma ville natale. Cela m'était déjà arrivé pour m'être marié à une femme que tout le monde percevait comme étant une femme blanche. Cela est arrivé à mon ami, un acteur blanc qui est marié à une femme noire. Cela est arrivé le même jour. Nous avons reçu des lettres de haine violentes et menaçantes dans nos boîtes aux lettres là où nous habitions. On réalise qu'ils ont été courageux de faire aller Cruz avec Eden, parce que cela n'est pas bien reçu par tout le monde. En faisant cela, ils ont provoqué un certain pourcentage de personnes qui ne supportaient pas ce genre de chose, à se manifester et à faire du bruit à ce sujet.
C'est presque difficile à comprendre, tant Cruz était écrit comme l'homme parfait.
Ouais. Il était ridicule, vraiment, en ce qui concerne son niveau de perfection et de courage. Il était tout. Il était un idéal brillamment construit. Je dois dire que c'est en partie la raison pour laquelle il m'a été si bénéfique de l'interpréter, parce que c'était comme aller à l'école. Cruz était un parfait sujet d'étude : «Et si ? Et si vous étiez vraiment capable de vous mobiliser au mieux à chaque instant ? A quoi cela ressemblerait-il ?» Cela a été un honneur de l'interpréter.
Il y a eu beaucoup de drame dans les coulisses de la série avec le procès entre les créateurs Bridget et Jerome Dobson et New World Television au sujet du contrôle créatif de la série. Cela a-t-il eu un impact sur vous ou eu des retombées sur le plateau ?
Les gens ont essayé de laisser cela en dehors de leur travail. Vous savez, ça continue d'être votre travail d'y aller et de faire votre performance. Vous devez le faire. Donc vous n'allez pas laisser les tourments vous atteindre.
Santa Barbara avait une popularité internationale énorme. Pourquoi à votre avis résonnait-il si bien avec un public aussi large ?
Il était brillamment écrit. Il était un cran au-dessus. A son meilleur, il était tellement audacieux. Les choses qu'il faisait, l'humour qu'il y avait quand Justin Deas et Robin Mattson jouaient ce couple (Keith et Gina) - vous n'aviez vu cela dans aucune autre série télévisée jamais et nulle part et vous vous disiez : «Ouah. C'est un truc de dingue.» C'est un truc qu'on ne voyait pas (dans les programmes de la journée). Je ne suis pas un expert. Je ne regardais pas toutes les séries qui étaient alors à l'antenne, mais j'avais juste le sentiment quand j'ai regardé en arrière des années plus tard qu'il y avait une écriture spectaculaire, un sens de l'audace, la volonté de prendre des risques et d'essayer des choses novatrices. C'était juste incroyable. La musique était incroyable, l'écriture, la narration, le respect, le sens de la communion... Il y a tellement de personnes qui sont venues vers moi depuis ces années pour me dire : «Merci d'avoir fait partie de Santa Barbara.»
Y a-t-il un moment dans les coulisses de votre travail avec Marcy Walker qui se distingue pour vous ?
Nous avons vécu un merveilleux moment sur la fin, quand les choses étaient devenues difficiles pour Cruz et Eden. C'était tard dans la journée. Nous étions mariés et avions traversé toute cette histoire incroyable avec le viol et l'apparition de Robert Barr et toutes ces choses incroyables dans lesquelles ils ont poussé nos personnages. On nous a demandé de faire une apparition dans le Maine sur un week-end, et nous avons tous les deux dit oui. Nous nous sommes retrouvés le matin et avons traversé le pays en avion assis côte-à-côte, puis nous avons fait un long trajet en voiture de Boston jusque dans le Maine. Puis nous avons dîné ensemble et discuté. Ensuite nous assuré l'événement, remonté en voiture, reconduit jusqu'à Boston assis ensemble à discuter, et repris l'avion pour Los Angeles. Donc nous avons été amenés à discuter pendant des heures sur tout un week-end. Cela a littéralement été le pivot de toute notre relation. Cela nous a permis de discuter de tant de choses qui s'étaient formées dans le courant de notre travail que nous n'avions jamais vraiment eu le temps d'aborder. Cela a été le plus beau de tous les cadeaux. Je ne me rappelle pas ce que nous avons été payés pour faire cette apparition, mais la chance de simplement avoir le temps de discuter ensemble... Cela a été un tel cadeau de vivre cela et d'être certains que nous allions terminer notre relation dans la série dans un bel espace.
Quand vous regardez en arrière votre période en tant que Cruz, comment cela vous a-t-il façonné ou influencé ?
C'est là où j'ai vraiment ressenti que j'étais devenu un acteur professionnel. Je ne pense pas que mon travail avant cela était bon comparé à ce que j'ai eu à faire avec lui. Cela n'est pas arrivé pendant la nuit. Au début, j'étais si débordé par la pression que je me boostais avec du café et des barres vitaminées toute la journée. Beaucoup de mon travail dans les débuts était tellement boosté, j'allais toujours de 90 à 110%. Je courais toujours beaucoup trop, je pense, mais c'est ce que je devais faire pour garder la peur éloignée. Je devais être ultra-robuste pour être capable de me rappeler de tout. Ce n'est que plus tard, quand vous commencez à avoir du succès et des retours positifs, que vous êtes en mesure de vous relaxer un petit peu. Une fois que j'ai pu vraiment me relaxer et retrouver des couleurs, Marcy et moi sommes tombés dans un profond confort l'un avec l'autre. Au début c'était vraiment effrayant d'essayer d'incarner ce niveau d'intimité. Au final nous avons commencé à nous faire confiance et fait confiance dans le fait, avec les exceptions que nous avons mentionnées, que le public nous suive. Nous avons commencé à nous sentir plus à l'aise et étions en mesure de faire du meilleur travail.
Cela fait 30 ans que la série a quitté l'antenne, toutefois elle a conservé une base de fans passionnés. Qu'est-ce que cela signifie pour vous ?
Je suis si fier d'en avoir fait partie. Elle n'a pas arrêté de s'améliorer. Elle est arrivée à un point où elle est devenue magique. Vous pouviez simplement dire : «Ouah. C'est une bonne série télé.» Vous n'aviez pas à la qualifier en disant : «pour un soap-opera». Je n'ai pas conscience du moment où il m'est venu qu'elle était aussi unique. J'étais très ignorant du possible pouvoir de cette série. Je me sens tellement chanceux que des personnes plus avisées que moi m'aient persuadé. En premier lieu, mon épouse me disant : «N'abandonne pas cela. Si tu ne parviens pas à faire marcher (la scène pour l'audition), réécris-la.» Cela a été un conseil incroyablement bon. J'ai raconté cette histoire à plusieurs acteurs qui avaient auditionné pour Cruz, et cela leur a brisé le coeur de l'entendre. Je ne la raconterai probablement plus. J'ai eu un avantage déloyal. J'ai eu à le présenter exactement tel que je me sentais à l'aise d'essayer d'être lui. Donc j'ai été chanceux. Et je me sens si reconnaissant d'avoir fait partie de la série. Cela a été palpitant.