Les Chroniques de Coster

 Par Laura Fissinger, Soap Opera Weekly, 1994

 Accueil   This page in English  

«Vous savez ce qui m'a vraiment poussé à jouer ? Je ne pense pas avoir déjà raconté cette histoire à la presse auparavant.» Beaucoup d'acteurs peuvent raconter les histoires - si quelqu'un d'autre les écrit. Nicolas Coster vit ses propres histoires. Et peut-il raconter une histoire ? Bienvenue dans les Chroniques de Coster.

Durant ses années au collège en Californie, il raconte : «Un de mes professeurs, qui était assez extraordinaire, m'a dit : "Nicolas, vous devez utiliser cette grande gueule. Venez à mon cours d'art oratoire".» Coster l'a fait, remportant des concours avec des prestations originales dès qu'il a commencé. «Mais ce qui m'a fait basculer dans ce métier est venu de chez moi. Ma mère, mon frère et moi-même vivions loin dans la cambrousse - les jours où j'avais des entraînements d'équipe sur piste, je devais manquer le bus scolaire et faire de l'auto-stop pour rentrer à la maison. Mais un jour de pluie, j'ai dû marcher jusqu'au bout, 6,5 km en tout. J'étais frissonnant et misérable à la fin. Alors je suis entré par la porte en jouant à fond.

Coster joue actuellement "Mr. Mystery" alias le désabusé Eduardo Grimaldi, dans As the World Turns. Malgré tout sa stature dans un costume de créateur, Eduardo se moque assez souvent de lui-même; Coster utilise une autodérision impitoyable pour garder le public absorbé par sa narration. «Ma mère a dit plus tard que le jour où je suis rentrée à la maison trempé de l'entraînement sur piste, je ressemblais à un vieux mélodrame. Oui, j'étais vraiment mouillé et malheureux à ce moment-là, mais bon, je jouais aussi. Alors, maman m'a regardé par-dessus ces lunettes qu'elle portait pour lire et a fait ce commentaire : "Fais-toi payer pour cela". Coster cogne la table du restaurant en hurlant à la menace qu'il a lancée au visage de Martha Coster : «J'étais tellement furieux ! J'ai dit : "C'est ce que je ferai".»

Maintenant quelque part dans sa cinquantaine, Nicolas Coster a passé trois décennies à jouer jusqu'au bout. La plupart des connaisseurs de daytime soaps savent qu'il détient le record de rôles contractuels majeurs : Eduardo en fait son personnage n°10, sur le soap-opera n°9. Coster a également décroché quatre nominations aux Emmy awards dans la foulée. Compte tenu de tout ce que Coster a fait en dehors des daytime soaps - théâtre de Broadway, travail sur scène à l'international, longs métrages majeurs et une vie entière de rôles en tant que guest-star dans des séries de prime-time à la télévision - certains observateurs se sont demandé pourquoi il revenait sans cesse au monde des soaps. «Je ne suis pas Pollyanna, je ne m'apitoie pas sur moi-même», déclare Coster sans détour. «J'ai volé cette phrase, mais c'est vrai. Et je vous dis, assis ici, qu'il n'y a pas de meilleurs talents que les acteurs de soap-operas américains. J'ai travaillé avec les meilleurs au monde dans tous les domaines - Sir Laurence Olivier, Dustin Hoffman, Jane Fonda, Jessica Tandy, pour n'en nommer que quelques-uns. Je pense donc que je peux me considérer comme un expert de ce qui est bon.»

Il prétend également qu'il a gagné le droit de donner un témoignage d'expert sur ce qui est mauvais. «Hé, saviez-vous que le pire film jamais réalisé était à la télévision hier soir, et j'étais dedans ? C'est le Airport 80 Concorde. Et vous vous souvenez de la parodie de comédie sur les films d'aéroport intitulée Y a-t-il un Pilote Dans l'Avion ? Ils ont parodié mon personnage !» Coster semble presque aussi fier de ce crédit que de toute autre chose sur son CV long d'un kilomètre. C'est un homme malin. «Ils ont inclus le médecin portant le coeur qui devait être transplanté chez un petit garçon - c'était moi ! Bref, dans Concorde, j'ai regardé à travers l'avion le premier jour de tournage, et c'est à Cicely Tyson que j'ai dit : "Qu'est-ce que tu fais là ?!?" Et elle a répondu : "la même chose que toi, chéri - je paie mon loyer".»

Entre les cachets d'acteurs, et pendant eux aussi, Coster a en quelque sorte égalé le nombre de personnages qu'il a joués avec le nombre d'activités qu'il poursuit et les rebondissements qui l'ont poursuivi. Les Chroniques de Coster ont plus de chapitres que Guerre et Paix. Et quand une histoire vient d'un de ses moments les plus difficiles, Coster ne joue pas Mr. Misery. Les "humeurs déprimantes" l ‘assaillent assez fortement et un peu trop souvent, mais toutes les ombres passent rapidement aujourd'hui.

Les Chroniques s'ouvrent sur la Seconde Guerre Mondiale, qui a fortement contribué à façonner les premières années de la vie de Coster. Il a vécu en Angleterre de la naissance à l'âge de 5 ans, fils de l'immigrant néo-zélandais Ian Coster, un célèbre critique de cinéma britannique. Martha Coster, une Américaine des Etats du Sud et diplômée de Radcliffe, journaliste et artiste primée, est retournée aux États-Unis sans mari lorsque la Seconde Guerre Mondiale a commencé à chauffer. «Je me rappelle avoir porté un masque à gaz», dit Coster, se référant à des exercices d'entraînement. «Je me souviens aussi avoir rampé dans les tranchées du parc de Londres où Karl Marx a été enterré.» C'est quand même un moment assez tragique pour le faire rire un peu. «Comme si ces tranchées nous protégeraient si les Allemands commençaient à larguer des bombes.»

Coster n'a pas vu son père, qui est devenu un héros de guerre, de 5 à 16 ans. «On a fini par me renvoyer chez lui - j'avais tout manipulé depuis le début, j'étais un petit délinquant juvénile, papa ne savait pas que je venais. Il s'était remarié, une femme merveilleuse, et ils avaient eu un petit garçon. Ma mère ne m'a jamais pardonné d'aimer ma belle-mère.» Coster glisse d'une manière faussement brusque : «C'était une femme qui n'avait pas à m'aimer du tout, la nouvelle épouse de mon père. Et j'étais probablement un peu insupportable, j'avais un certain charme, mais c'était à peu près tout, je suppose.» Il rit.

«Quoi qu'il en soit, j'ai appelé mon père et annoncé que j'étais arrivé, nous avons traîné dans l'un de ses clubs.» L'accent britannique de Coster est impeccable. «Il a dit : "Mon garçon, tu sais, après 10 ans, les liens du sang ne signifient pas grand-chose. C'est juste une question de savoir si on aime quelqu'un ou non. Et je pense que je vais t'aimer." «Le discours et la posture d'Ian Coster ont disparu aussi vite qu'ils sont venus; son fils incline tout aussi légèrement la tête. «Ouais. C'était honnête. Alors, j'ai passé un an et demi avec lui. Et puis je suis parti, parce que ma mère n'allait pas bien. À la gare, j'ai eu une de ces horribles prémonitions - c'est mon côté américain des Etats du sud. J'ai regardé le visage de papa et j'ai su que je ne le reverrais plus jamais. Je ne l'ai pas fait. Il est mort quelques années plus tard. Mais ce fut une année et demie merveilleuse. Formative. J'ai eu de la chance de connaître ce type.»

Pourtant, comme de nombreux jeunes - avec ou sans figure paternelle présente - Coster était déconcerté par ce qu'"un homme" était censé être. Certaines idées sont venues de films, d'autres leçons sont venues du travail en tant qu'animateur de camp et d'une période de service dans "l'armée en temps de paix". Beaucoup de soi-disant "trucs de gars" sont venus naturellement : un appétit robuste pour les voitures rapides, les motos, les marathons, la plongée sous-marine, la navigation de plaisance - la vie à grande vitesse en général. Coster a passé beaucoup de temps à réfléchir; il le fait encore. Ses histoires de l'âme sont tout aussi vives que des sagas d'aventures. «L'une des raisons pour lesquelles l'identité de "l'homme" - comme dans "mâles" - est devenue un sujet est due à ma chère maman. Elle n'a jamais cessé d'être une chercheuse de vérité. Elle a défini un jour un homme comme ayant en lui les dieux jumeaux de la violence et de la beauté. Je crois maintenant que les hommes peuvent prendre cette énergie violente et l'utiliser pour le désarmement. Ces dons font partie de ce que les hommes doivent donner à l'humanité.»

Une certaine histoire se cache derrière cette croyance. «Cela s'est produit à l'époque où le Dr Martin Luther King Jr. était à son apogée - un homme qui a changé ma vie. J'ai connu une situation de combat à mort dans les rues de New York. Combat au corps à corps; un vol physique. J'avais appris certains des coups dans l'armée. J'ai blessé l'un des deux hommes qui s'en sont pris à moi. Je me conterais de dire que je me sentais parfaitement dans mon droit en revenant sur la situation par la suite - parce que l'un des deux hommes était en train de me tirer dessus, ils étaient tous les deux sous PCR et ils voulaient tous les deux me tuer. Pas me voler; ils voulaient me tuer. Le pistolet était un 45, faisant voler mes cheveux à l'arrière de la tête.» Coster hausse les épaules. «C'était donc assez dramatique. Le Daily News, à sa manière infiniment plaisante, a imprimé une photo de ma voiture criblée de balles et a titré "Un acteur joue une scène de rue" - qui est le titre d'une pièce de théâtre.»

«Il y a deux choses que j'ai réalisées à ce sujet par la suite», ajoute-t-il. «J'ai ressenti un moment d'exultation quand cet homme est tombé par ma main. Cela remonte à une réaction originelle. Mais il y a une chose qui fait de moi non pas un animal qui se sent seulement exulté, quelque chose qui fait de moi un humain civilisé qui peut comprendre le Dr Martin Luther King : au moment où j'ai reconnu cette exultation et je n'en ai pas eu honte, j'ai pensé : "Quelle est la prochaine étape dans l'évolution de cet homme ? De moi ?" C'était que je passerai le reste de ma vie à essayer de désarmer plutôt que d'accabler. Et je l'ai fait dans trois situations similaires - pas aussi graves que la première, mais elles auraient pu l'être.»

Se protéger et protéger les autres a émotionnellement forcé Coster à faire face à des questions plus difficiles. Il croyait qu'il devait mettre fin à son premier mariage, et l'a finalement fait, servant de "Mr Maman" à ses deux filles pendant un certain temps. Une certaine lenteur demeure dans sa cadence lorsqu'il évoque ces années. Mais le rythme s'accélère à nouveau lorsqu'il parle de sa première femme et de leurs enfants au présent. Les filles, toutes deux dans la vingtaine, entretiennent un lien solide avec leur mère, et Coster lui-même se réfère à ses enfants plus âgés comme «deux de mes trois meilleurs amis au monde.»

La troisième meilleur amie de Coster était une new-yorkaise devenue californienne de 22 ans lorsqu'il a «essayé de l'attirer» il y a 16 ans. «J'ai dit à Beth : "Tu es déjà sortie avec un mec plus âgé ?" Vous savez, j'étais très suave.» Il prononce le mot pour qu'il rime avec le ton. La jeune femme a dit oui – à l'âge de 28 ans, pour être précis. «Et elle a dit : "Quel âge as-tu ?" J'ai dit "quarante et un". Coster bégaie sur le 40. «J'avais 43 ans, vous savez ? Je ne pensais jamais que je la reverrais. Une semaine plus tard, cependant, nous étions ensemble, et c'était mon anniversaire. Et elle a dit : "Tu as menti de deux années ? " Il imite son ton amusé. "Quand elle m'a demandé pourquoi j'avais menti, j'ai répondu "Par vanité".» Le rire de Coster jaillit. «Elle a dit : "Tu ne te rends pas compte, à mon âge, que tu aurais pu dire 35 ou 50, et ça n'aurait rien changé ?"»

En 16 ans, Beth et Nic ont trouvé de nombreuses différences importantes, mais Coster ne pouvait pas rendre plus évident le fait que leur saga en cours génère ses chapitres préférés des Chroniques. Beth, ses filles et le «petit homme» Ian - son fils de 3 ans et celui de Beth - fournissent tout juste de nouvelles histoires suffisamment rapidement pour le satisfaire. Quant aux accommodements que l'amour exige, Coster «n'a aucun regret. Oui, j'aimerais la carrière cinématographique de Gene Hackman. Mais il est encore temps pour moi de faire encore du bon boulot, j'espère.»

Mais il est temps de former un autre conteur dans la famille. «Ca ne m'a jamais manqué d'avoir un fils. Mais ce petit gars - c'est vraiment drôle de voir qu'il existe vraiment une chose appelée testostérone. Etant moi-même un immature adulte, nous partageons tous ces jeux merveilleux. Comme "dans la grotte", sous les couvertures. Ian apporte tous ses animaux en peluche dans la grotte avec nous. Et il adore m'entendre faire parler les animaux.»

Maman, une bibliothécaire de la ville de Los Angeles, aide également à former leur jeune fils. Si Ian peut apprendre à raconter des histoires comme son père, elle passera un moment merveilleusement bon. «A propos de grands esprits, il y a la mère de ma femme, Linda», dit Coster. «Une fois je lui ai dit : "Je suis terriblement désolé de monopoliser la vie de ta fille. Beth aurait pu faire beaucoup mieux. Je ne sais toujours pas comment j'ai réussi à gagner sa main". Linda a dit : "Oh, je le sais - tu l'as fait rire." Ma femme aime rire plus que tout au monde.»