«Je veux me battre pour un monde meilleur !»

 PaDaniel De Belie, Ciné Télé Revue, 1987

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Dans Santa Barbara, il joue les perturbateurs et les mauvais fils mais, à la ville, Lane Davies n'a rien de l'agitation et des mauvaises intentions de Mason, même s'il aime le personnage, ses coups de gueule et l'image parfois inquiétante qu'il renvoie. Né en Georgie, dans le grand Sud américain, le 31 juillet 1951, il doit à sa mère d'avoir eu très tôt le goût du théâtre et du show-business, lorsque cette dynamique jeune femme embrigadait toute la famille dans la construction de décors pour le théâtre local. Comme papa Davies était lui-même animateur de radio, c'est tout naturellement que le jeune Lane opta pour la carrière théâtrale avant de se produire dans des séries télévisées une fois installé à Los Angeles. Dallas, CHIPS, Des Jours et des Vies, autant de contributions à la petite lucarne avant de rejoindre l'équipe de Santa Barbara en 1984. La télévision n'est pourtant pas toute sa vie, et il avoue que trois ans de Santa Barbara l'ont épuisé au point de prendre deux mois de congé pour revenir à ses premières amours : le théâtre. A l'heure présente, Lane Davies a recommencé une nouvelle saison, après un passage éclair à Paris et une brève saison théâtrale en Georgie qui avait exigé de lui qu'il porte barbe et cheveux longs pour les besoins de la pièce de Shakespeare, Beaucoup de Bruit Pour Rien.

Est-ce difficile et ingrat de jouer les méchants à l'écran ?

Non, pas vraiment. Il suffit de faire appel aux mauvais penchants que nous avons tous en nous. C'est bien plus drôle que de jouer les gars sympathiques.

Quel genre de courrier recevez-vous des fans de Santa Barbara et comment réagissent-ils à votre personnage ?

Un courrier en général très amical malgré le personnage que j'incarne. Au fond, je suis un méchant vulnérable, et je suis convaincu que les gens comprennent les motifs qui me poussent à agir de la sorte. C'est une attitude défensive qu'affiche Mason et le public a de la sympathie pour lui. En tout cas, jamais de lettre insultante.

Le rythme de travail est-il différent entre un feuilleton de l'avant-soirée comme Santa Barbara et un feuilleton du soir comme Dynastie ou Dallas ?

Très différent. Sur Santa Barbara nous devons mémoriser 75 pages par jour alors que sur Dynastie, qui n'est diffusé qu'hebdomadairement, on n'est généralement astreint qu'à neuf pages par jour en comptant au pire. Un show comme Dynastie peut s'attarder aux détails, affiner la psychologie des personnages. Nous, nous travaillons dans la hâte. L'avantage d'un feuilleton comme Santa Barbara cependant est qu'il exige précisément une approche plus naturelle, plus spontanée, sans répétition. Il est beaucoup plus vivant car chaque jour présent à l'antenne. Au fond, il est faux de dire que nous affinons moins nos personnages. Ce sera même le contraire. Nous sommes avec eux douze heures par jour, nous sommes en permanence nos personnages C'est parfois très troublant d'ailleurs car il nous arrive de ne plus faire la part l'un de l'autre, surtout quand nous sommes impliqués dans des scènes romantiques.

Vous sentez-vous quelque affinité avec Mason dans Santa Barbara ?

Beaucoup d'affinités. Je passe trop de temps avec lui pour ne pas lui ressembler un tout petit peu. J'aime son sens de l'humour à froid. J'aime surtout son amour de la langue. Son vocabulaire est bien plus riche que celui de l'Américain moyen. C'est pour cette raison que les scénaristes de Santa Barbara aiment le personnage : ils peuvent affiner leur dialogue, une occasion qui leur est rarement offerte.

Quand vous ne travaillez pas, à quoi aimez-vous passer votre temps ?

Dormir. Je dors beaucoup. J'aime aussi skier, pêcher à la ligne. J'aime surtout travailler avec mes mains : bricolage, menuiserie, peinture. Toutes activités que je peux pratiquer là-haut, dans les montagnes, dans un chalet que je possède à deux heures de Los Angeles.

Cela vous dérange-t-il d'être reconnu en rue ?

Non, pas du tout. Une fois que l'on exerce un métier comme le nôtre, il faut accepter de voir une partie de sa vie privée tomber dans le domaine public. Je dois même avouer que j'aime beaucoup être reconnu en rue. En arrivant à Paris, j'ai dû signer un autographe au douanier. Le plaisir était autant pour moi que pour lui. Malheureusement, les fans de Santa Barbara seraient bien en peine de me reconnaître avec cette barbe que j'ai dû me faire pousser pour la pièce de Shakespeare Beaucoup de Bruit Pour Rien.

Vue d'Europe, la vie d'un acteur de cinéma ou de la télévision américaine paraît luxueuse, idyllique, extravagante, au milieu de piscines, de villas splendides et de voitures rutilantes. Dans quelle mesure cette image est-elle exacte ?

Tout dépend de la personne dont vous parlez. Et vous tombez bien mal, car je suis précisément le contre-exemple en ce domaine. J'ai un train de vie très modeste, du moins à Hollywood, où je n'occupe qu'un petit appartement pour les besoins de mon travail. Les gens dont vous parlez vivent à Los Angeles en permanence. Moi je n'y suis que très rarement. Dès que j'ai vingt-quatre heures, je file dans la montagne. Ce mode de vie là-haut me plaît infiniment. Je ne crains pas l'isolement et le silence. Au contraire, ils m'aident à trouver mon équilibre.

Y a-t-il un souhait que vous souhaiteriez voir exaucé dans votre vie ?

Je voudrais laisser une trace dans la mémoire des gens, soit au travers de mon travail, soit au travers de ma vie. Quelque chose qui les enrichisse, qui les rende meilleurs, qui apporte un plus à la race humaine. Cela peut paraître prétentieux mais nous devons être conscients de notre utilité et de notre importance dans la marche du monde.

Quel a été votre moment le plus embarrassant en tant que comédien ?

Le jour où, entrant en scène bien décidé à en découdre dans Roméo et Juliette, j'ai trébuché et je me suis écrasé le nez sur la scène. J'étais supposé montrer mes talents d'escrimeur et mettre en échec huit adversaires. Le moment de surprise passé, la salle a bien ri. Moi, j'étais cramoisi de honte.

Quelle est selon vous votre plus grande qualité ?

La persévérance et le désintéressement peut-être. Quand je m'impose un but, je m'y accroche et quand je travaille, je le fais moins pour l'argent que pour le plaisir.

Quel est votre signe astrologique ? Pensez-vous que vous en êtes un représentant type ?

Je suis un Lion et je passe généralement pour être une illustration parfaite de ce signe. J'aime être sous les projecteurs. Beaucoup de Lion d'ailleurs tendent à devenir des comédiens ou des personnages publics. J'ai également les défauts de mes qualités. Certaines des qualités négatives de Mason sont les miennes. L'égocentrisme par exemple, trop d'orgueil également. L'avantage d'une profession comme la mienne c'est qu'elle force à l'humilité, du moins dans les tout débuts, et qu'elle tempère donc un peu l'orgueil du Lion.

Quelles qualités recherchez-vous chez quelqu'un, que ce soit en amour ou en amitié ?

Un sens profond de l'humour avant tout. L'intelligence aussi, l'intelligence créative. Pas nécessairement la culture. Mon meilleur ami, un chanteur de country and western, que je connais depuis vingt ans, est un homme intelligent au sens créatif du terme, mais je doute qu'il puisse distinguer un Manet d'un Monet.

Comment vous voyez-vous dans vingt ans ?

Je me vois enseignant mon métier, assurant plus de mises en scène que de présences à l'écran. En tant qu'homme, je me vois mari et père de famille. (Actuellement, Lane Davies est toujours célibataire).

Quels sont vos confrères pour lesquels vous avez le plus d'admiration ?

Au sommet, il y a Laurence Olivier. Puis viennent Robert Duvall et Peter O'Toole. Je crois beaucoup également en Nick Nolte. C'est un acteur qui gagne en qualité et en force avec l'âge et qui suit la même carrière que Humphrey Bogart et Spencer Tracy. La maturité leur va bien.

Que pensez-vous d'un récente proposition de la BBC qui, après le massacre à la carabine de 14 personnes par un tueur fou dans un petite ville anglaise, avait souhaité voir bannir des petits comme des grand écrans des films comme Rambo et La nuit des Masques ?

Je peux comprendre cette réaction mais je suis personnellement contre toute forme de censure. D'ailleurs je ne suis pas convaincu qu'assister à des spectacles violents mène nécessairement à la violence. L'homme est naturellement violent, agressif et cruel et regarder des films violents peut précisément libérer cette tendance en évitant de passer aux actes. De même on ne peut pas lier la pornographie au viol. C'est vrai qu'au domicile d'un violeur on trouvera plus que probablement des magazines pornographiques, mais tous les amateurs de  pornographie ne sont pas des violeurs.

Pour nos lecteurs qui ne connaissent que Mason, comment leur décririez-vous Lane Davies ?

Il se connaît bien et connaît bien les autres, ou du moins cherche à les connaître. Il a plus de maturité que Mason, sinon peu de choses les séparent vraiment. Ils sont au fond fort semblables. La seule réserve est que je suis plus équilibré que mon personnage. Mason connaît une vie familiale perturbée, moi pas. Il a vécu une jeunesse difficile dont il se ressent toujours, moi j'ai connu une jeunesse heureuse...