Le séducteur tranquille de Santa Barbara

 Par Joan Mac Trevor, Ciné Télé Revue, 1987

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Il est Lionel Lockridge, le mari d'Augusta et le père de Warren et de Laken dans le célèbre feuilleton à succès Santa Barbara. Homme de théâtre et de cinéma (Les Hommes du Président, Reds), néo-zélandais par son père, anglais de naissance et américain d'adoption, il nourrit également une passion pour la plongée sous-marine et pour les antiquités. Son plus grand regret, paradoxalement, c'est de ne jamais avoir approfondi la langue française, un héritage qu'une mère cosmopolite et qui avait vécu à Paris lui avait légué. Il avoue qu'il y a des étapes dans sa carrière dont il devrait avoir honte mais n'a pas honte du tout. «Pour payer le loyer» enchérit-il jovial. Mais Santa Barbara ne fait en rien partie de celles-là. Il se sent à l'aise dans le feuilleton, confortable, pas du tout préoccupé du lendemain comme la plupart des jeunes comédiens qui s'y arrêtent plus ou moins longuement. Il sait qu'il n'y a pas un physique à défendre, qu'il n'a pas à y jouer les séducteurs, et qu'il peut se concentrer sur son seul jeu. C'est, il est vrai, un atout non négligeable dans un feuilleton où les jeunes acteurs sont choisis d'abord pour leur beauté.

Quand il n'est pas Lionel Lockridge dans Santa Barbara, qui est Nicolas Coster ?

Le père de deux grandes filles, un défenseur de la flore marine, un grand admirateur de Cousteau et un amoureux de la langue française que je regrette de n'avoir jamais assez pratiquée. Pour moi, c'est la plus belle langue du monde, et mon rêve est de pouvoir un jour jouer Molière en français.

Comment êtes-vous devenu un spécialiste de la plongée sous-marine et un des membres fondateurs de la société Cousteau ?

A la suite d'un coup de coeur. J'étais à Sainte-Croix, l'une des îles Vierges, il y a quelques années. A l'occasion d'un show. Un matin, je me promène le long de la piscine et aperçois un écriteau disant «cours de plongée gratuits». J'y vais. Au bout d'une heure, l'instructeur me propose de descendre à 20 mètres, en mer. Je relève le défi. Et c'est lors que j'ai eu l'une des plus belles visions de ma vie : la flore marine. Un vrai coup de foudre, et pourtant il m'a fallu deux ans avant que je ne devienne un professionnel de la plongée. C'est alors que j'ai commencé à me passionner pour Cousteau et à m'intéresser à la protection de la vie sous-marine. Cousteau est l'un des êtres les plus brillants que je connaisse, et son exemple m'a donné l'envie, par ma petite société de plongée sous-marine, d'agir concrètement pour la protection et la salubrité de nos océans.

Vous avez fait usage de vos talents de plongeur dans Santa Barbara ?

Non, mais j'ai enseigné la plongée sous-marine à une demi-douzaine de mes partenaires dans Santa Barbara. A John Nelson, notamment, qui exécute un de ses premiers plongeons dans une séquence de chasse au trésor que l'on n'a pas encore vue en Europe.

Vous avez joué avec Elizabeth Taylor, à Londres, dans la pièce Little Foxes. Quel est le plus beau souvenir que vous gardez de cette association temporaire ?

Notre pèlerinage sur les lieux de notre enfance. Nous sommes tous les deux nés à Londres et, par le plus grand des hasards, nous avons découvert que nous avions fréquenté la même école : Byron House. C'est ainsi qu'un jour, bras dessus, bras dessous, nous sommes arrivés dans la cour de récréation. Personne n'osait croire que c'était Elizabeth Taylor qui m'accompagnait. Vous savez, on ne le croirait pas, mais Elizabeth Taylor a en elle une énorme capacité de joie et de bonheur. Je m'en suis rendu compte à cette occasion.

Vos parents étaient-ils aussi dans le show-business ?

Non. Mon père était journaliste, critique cinématographique à l'Evening Standard. Il avait même écrit un livre, Friends in Aspic, introuvable aujourd'hui car la maison d'édition fut bombardée pendant la guerre. Ma mère elle, était une journaliste américaine et travaillait pour le magazine Nash avant d'abandonner cette spécialité pour la décoration. C'est à elle que l'on doit la conception de vitrines de grands magasins londoniens comme Harrod's et c'est elle qui fut responsable de la décoration du pavillon britannique à l'exposition de Paris en 1936.

Vous avez toujours voulu être acteur ?

Non, je voulais être musicien. Ma mère était une femme très cultivée. Tous les prétextes étaient bons pour se réunir autour d'une table et discuter. C'est ainsi que j'ai trouvé refuge dans la musique : c'est un art que l'on pratique en silence et pour lequel il n'est pas besoin de parler. Malheureusement, je n'étais pas doué...

Avez-vous commencé dans Santa Barbara dès le premier épisode ?

Non, je suis arrivé environ six semaines plus tard. A l'origine je devais incarner C.C. mais j'étais à New York, pour un show, et ils ont dû commencer sans moi et confier le rôle à quelqu'un d'autre. A mon intention, ils ont alors inventé le personnage de Lionel Lockridge.

Est-ce plus facile ou plus difficile de jouer tous les jours avec les mêmes acteurs ?

Tout dépend de l'ambiance qui règne sur le plateau. Il se trouve que je suis bien entouré. Mais la partenaire que je préfère est Louise Sorel. Une femme charmante, merveilleuse mais surtout d'une extrême générosité et d'une grande qualité humaine. Je parais exagérer mais c'est vraiment l'un des êtres humains les plus accomplis qu'il m'ait été donné de rencontrer dans ma vie. Entre nous, c'est comme... un mariage.

Y a-t-il un acteur ou une actrice que vous admirez particulièrement ?

Oui, Robert Redford. J'ai joué avec lui dans Les Hommes du Président. C'est vraiment le genre d'homme qui répond à l'image que l'on se fait de lui quand on ne le connaît pas : une grande sensibilité, une grande intelligence et surtout une grande intégrité. Certains pensent que le soleil se lève et se couche derrière leur tête. Pas lui.