Comme Bunny dans Santa Barbara, Joe Marinelli gagne la bataille des sexes

 Soap Opera Digest, 1989

 Accueil   This page in English  

«Je ne comprends pas les talons hauts.» Joe Marinelli discute des subtilités de la mode féminine. Collants, colliers de perles, lamé doré. Il ne cherche pas à acheter un cadeau pour sa petite-amie ou sa soeur. Il raconte comment certains de ces vêtements lui vont - les gants trois quarts, les robes de soirée - et comment jouer le "gangster/travesti" Bunny Tagliatti dans Santa Barbara a changé sa vie.

Comprenez qu'il n'y a rien d'androgyne dans l'apparence de Joe. Il a un visage et un nez larges, une corpulence trapue, une barbe lourde, des bras poilus - des caractéristiques qui ne sont pas généralement associées aux femmes, mais c'est exactement pourquoi Marinelli a obtenu le rôle. «J'ai demandé aux producteurs s'ils voulaient qu'il (Bunny) soit un peu efféminé», raconte l'acteur. Absolument pas a été la réponse. «Ils voulaient quelqu'un qui soit absolument masculin. Bunny a un coeur en or, mais il pourrait tuer n'importe qui.» Les recherches de Marinelli sur le phénomène du travestissement lui ont apporté une connaissance dans l'une des plus étranges de toutes les sous cultures sexuelles : le travestissement chez les hétérosexuels.

«C'est difficile à comprendre», admet Joe dans sa loge. «Il y a des hommes qui admirent tellement les femmes qu'ils entrent dans le monde de la féminité. Pour Bunny, il essaye de mieux comprendre les femmes alors il s'habille comme elles. Si vous êtes suffisamment rejeté en tant qu'homme, vous pouvez devenir la femme qui vous rejette. Bunny ne veut pas être avec un autre homme, il veut juste être une femme et avoir ce sentiment de pouvoir qu'il pense qu'une femme a. Il existe des groupes, quelques groupes hétérosexuels, la plupart d'entre eux sont sur la côte est. Ils se réunissent et discutent du soulagement du genre, comme ils l'appellent, à cause de la pression du monde masculin. (Le travestissement) est une libération de l'anxiété du rôle masculin. Beaucoup d'entre eux s'y mettent après un mariage, des séparations, des trucs comme cela où les gens se disent : "Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? Peut-être que je ne suis pas assez viril." Les hommes donnent d'habitude à la personne en laquelle ils s'habillent un nom et l'appellent leur soeur. Je l'appelle (l'alter ego de Bunny) Bonnie. "Bunny va amener Bonnie boire un verre." L'aspect asexué de ce type de mascarade intrigue encore l'acteur originaire du Connecticut. «Pour un hétérosexuel (travesti), c'est beaucoup plus bizarre. C'est vraiment un comportement déviant, alors que je pense que pour un homosexuel qui le fait, il y aurait plus d'humour en cela. Il y aurait plus de sexualité en cela.»

La transformation de Bunny en Bonnie implique une certaine magie technique des départements de maquillage et de costumes de Santa Barbara. Cela prend deux heures et demi pour maquiller Marinelli, rapporte le maquilleur John Maldonado. Les jours où les deux personnages apparaissent dans le scénario, les scènes de Joe travesti sont filmées en premier. Sa barbe disparaît avec l'aide de Max Factor, ses sourcils sont bloqués avec de la gomme à mâcher. «Je laisse quelques-uns de ses propres sourcils et je les scelle avec de la cire ou avec de la gomme à mâcher, puis un fixateur, pour que cela ne pénètre pas», explique Maldonado. «C'est tout un processus.» Cela a pris du temps à Joe pour qu'il s'habitue à l'application de tous ces produis cosmétiques. «Au début ses yeux ne cessaient de bouger d'avant en arrière et si des personnes parlaient, il bougeait», se souvient Maldonado. «Et je disais : "Allez, tu dois travailler avec moi là, nous sommes en train de faire un maquillage de femme donc j'ai besoin d'avoir toute ton attention."» John, qui a précédemment expérimenté le maquillage sur un autre membre de la distribution du sexe opposé quand Judith McConnell (Sophia) se faisait passer pour Dominic, ajoute : «C'est un peu difficile d'avoir un crayon sur votre paupière. Joe s'améliore de plus en plus. Je veux le rendre aussi joli que possible.»

Les coiffeurs de Santa Barbara racontent que Marinelli est très fier de la perruque rouge qu'il porte lorsqu'il pénètre dans le monde féminin en tant que Bonnie. Les perruques couvrent la ligne basse de cheveux de Marinelli et la garde-robe n'a pas été du tout un problème. Le créateur des costumes de Santa Barbara, Richard Bloore, qualifie Joe «d'une taille parfaite en quatorze. Il y a beaucoup de vêtements à choisir. Le seul problème était de mettre un collant, c'était un peu difficile.» Quand il a tout enfilé (perruque rouge, colliers de perles et gants trois quarts pour couvrir ses bras poilus), Marinelli rapporte que les autres acteurs ont fait toute une histoire à son sujet. «Les hommes ont réagi en riant», dit-il, «et les femmes, elles, elles étaient émerveillées, me touchant, touchant mes gants, me tapotant les fesses.» Il effrayait les jeunes livreurs dans les couloirs et il a fait croire à sa nièce qu'il s'habillait seulement de cette façon pour Halloween. Pour un type qui n'a jamais prêté beaucoup d'attention aux vêtements, interpréter Bunny et Bonnie a donné à Marinelli une appréciation de la mode. «C'est comme la première fois que vous goûtez un très bon vin», dit il. «Vous pensez : "Ah, oubliez le Gallo".» Il adore les pyjamas en soie, les costumes et les pantoufles monogrammées de Bunny. Le rôle l'a aussi inspiré pour aller faire sa première manucure.

Son succès en tant que Bunny/Bonnie vient après dix années de chômage frustrantes en tant qu'acteur. Formé à la Royal Academy of Dramatic Arts de Londres, Joe était naturellement plein de ressentiment d'avoir été ignoré sur une si longue période. «L'année dernière j'ai auditionné pour la Sacramento Theater Company», dit il. «Les auditions ont été faites au Old Globe à San Diego. Je me suis endormi avant l'audition dehors sur la pelouse devant le théâtre, j'ai commencé à somnoler un peu, et j'ai pensé combien les rôles que je voulais jouer - Macbeth, Othello - avaient réduit pendant les dix dernières années et combien ils semblaient si éloignés. Mais les rêves peuvent tourner. Ils peuvent revenir et se réaliser.»

A présent qu'il a fait ses preuves auprès des producteurs de la série ainsi qu'auprès du public, on a fait appel à Joe pour parodier quelques grandes légendes butch du grand écran. Son interprétation de Joan Crawford a été un immense éclat de rire. Elle a servi comme réceptionniste de Dieu lorsque Mason (Lane Davies) est allé au Paradis dans une mémorable séquence fantastique. Lorsque Mason a confondu Joan (dans l'une de ses perruques rousses flamboyante que Marinelli apprécie particulièrement d'après le costumier) comme la star de Maman Très Chère, Marinelli a grogné avec dérision : «C'était Faye Dunaway !» Pour se préparer à sa journée en tant que Joan, Joe a loué la cassette du film Le Roman de Mildred Pierce, pour lequel Crawford a gagné un Oscar . «Je ne voulais pas l'imiter», dit-il. «Je voulais juste souligner les qualités de sa voix, son intensité.»

Ce printemps, il a joué la vendeuse de soutiens-gorge coeurs-serrés et actrice de cinéma Jane Russell dans une revisite loufoque du classique de la comédie Les Hommes Préfèrent les Blondes. La parfois petite-amie de Bunny, Gina (Robin Mattson), s'est elle-même présentée comme la co-vedette de Russell, Marilyn Monroe. Avec le départ de son bien-aimé acolyte Justin Deas (ex-Keith), Mattson est particulièrement ravie d'avoir un autre compagnon outrancier. «Je pense que Joe est très doux et c'est agréable de travailler avec lui», dit-elle. «Ils ne voulaient certainement pas faire venir quelqu'un pour rivaliser avec Justin ou pour essayer de prendre sa place. Ils ont décidé d'aller dans une direction totalement différente et je pense que cela a du sens. Et je suis contente de ne pas avoir été laissée en plan, mais d'être dans une situation où ils essaient de trouver d'autres pistes pour Gina. Mon intrigue s'est ouverte à d'autres possibilités. J'aimais Justin Deas, mais une grande partie de ce que j'avais à faire dans la série dépendait de lui et de ce qu'il faisait et de son emploi du temps et de ses projets, et les scénaristes n'étaient jamais sur à 100% s'il allait être là et cela les a rendus, je pense, un peu craintifs d'écrire pour nous.»

Santa Barbara s'est éloigné de l'histoire de travestissement pour se concentrer sur le triangle amoureux de soap-opera propre à Bunny avec Gina et Vanessa (Denise Gentile), la petite-fille d'un tueur à gages qui a essayé de tuer Sonny Sprocket. Vanessa a fait son propre travestissement en tant qu'homme - Vance - et Bunny a renoncé à ses propres liens avec la mafia pour être avec elle. Joe remarque ironiquement que tandis que la presse a fait couler beaucoup d'encre sur les aspects romantiques dans la vie de Bunny/Bonnie, ils «n'ont jamais écrit que je n'ai pas de petite-amie.»

Pas qu'il soit inquiet . «J'ai attendu dix ans pour que ma carrière d'acteur décolle, alors...» Pour le moment, c'est cette "carrière en plein boom" qui prend tout son temps. Il n'a plus à subvenir à ses besoins en tant que menuisier ou chauffeur de taxi. «En tant qu'acteur je savais que je voulais créer une multitude de personnages», dit Joe Marinelli avec un sourire. «Je ne savais pas que je créerait une multitude de personnages féminins.» Dans une série aussi imprévisible que Santa Barbara, sa prochaine incarnation féminine peut être n'importe qui. N'importe qui de Carol Channing à Lady Bird Johnson. Il y a quelqu'un, cependant, que Joe aimerait essayer juste pour sa taille : Bette Davis. Cela signifie plus de talons hauts. Joe grommelle à cette pensée. «Ca passe pour deux heures», dit-il, «mais à la fin de la journée, c'est autre chose...»