Pourquoi pas Dame Judith dans un soap ?

 Par Michael E. Hill, TV Week, 1984

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OK, mettons les choses au clair dès le départ. Premièrement, n'appelez pas Santa Barbara, le nouveau feuilleton de NBC, un soap-opera. Pas devant Dame Judith Anderson, en tous cas. Deuxièmement, si vous demandez à Dame Judith pourquoi elle joue dans un soap - dans un feuilleton, c'est vrai - soyez préparé à une réponse assez rapide.

«Pourquoi pas ?», demande-t-elle, bien préparée à s'expliquer ou se défendre contre la question de savoir pourquoi elle, avec son passé d'actrice classique, joue dans un feuilleton quotidien pour la télévision. «C'est une autre dimension... C'est pratiquement la même chose que de jouer dans une pièce. Dans une pièce à Broadway, vous tombez amoureux des personnages. Le rideau se lève, puis il se baisse. Le lendemain, vous avez une chance de faire mieux.»

C'est tellement la même chose dans un feuilleton, dit-elle, avec chaque jour apportant une chance de développer davantage et perfectionner son personnage. La dimension supplémentaire est la taille du public des feuilletons de journée, qui est immense - et omniprésent. «Il y a plusieurs années de cela, je suis retournée dans mon Australie natale et je me suis demandée ce que j'allais faire sans Alliances & Trahisons / Hôpital Central», se souvient Dame Judith. «Je suis allée dans ma chambre d'hôtel, j'ai allumé la télé et ça y est. Je n'ai même pas eu à changer de chaîne.»

Dame Judith, résidente depuis de 30 ans du vrai Santa Barbara, est une fan d'Alliances & Trahisons / Hôpital Central depuis environ vingt ans. Et à présent nous sommes sur le chemin de la réponse à la question : «Qu'est-ce qu'une actrice classique comme vous fait dans une série comme celle-là ?»

L'équipe de scénaristes-producteurs Jerome et Bridget Dobson, qui vivent aussi à Santa Barbara, ont développé Santa Barbara et offert un rôle à Dame Judith. La filmographie des Dobson inclut le poste de chefs scénaristes sur As the World Turns, Les Vertiges de la Passion / Haine et Passions - et Alliances & Trahisons / Hôpital Central. «M. Dobson est venu me parler de Santa Barbara», raconte Dame Judith. «Cela se déroule juste ici à Santa Barbara. Je n'avais pas à voyager - je vais travailler dans une magnifique vieille demeure juste au coin de la rue, même si nous passons aussi beaucoup de temps dans un studio à Los Angeles. Les Dobson sont informés de mon rythme de vie - et nous n'en parlerons pas - et c'est agréable d'être désirée.»

Mais parlons de la vie et des oeuvres de Dame Judith juste un petit peu. Son oeuvre est aussi longue et aussi riche que le siècle lui-même. Elle est née à Adelaïde, en Australie, au tournant du siècle et a fait ses débuts sur les planches à Sydney en 1915. Dame Judith est arrivée aux Etats-Unis en 1918 et est apparue sur les planches à New York pendant deux ans. Elle a fait ses débuts au cinéma dans Blood Money en 1933 et a reçu une nomination aux Oscar pour Rebecca d'Alfred Hitchcock en 1940. Quatorze ans plus tard, elle a remporté un Emmy pour son interprétation de Lady Macbeth dans la production Hallmark Hall of Fame de Macbeth à la télévision. Son travail pour le cinéma inclut également Crimes Sans Châtiment, Laura, Le Journal d'une Femme de Chambre, L'Emprise du Crime, La Maison Rouge et La Chatte Sur un Toit Brûlant. Elle a aussi tourné deux téléfilms, The Underground Man et The Borrowers, tous les deux des productions Hallmark Hall of Fame. Peut-être un signe que Dame Judith s'en tire aussi dans la (culture) pop est son rôle d'une prêtresse vulcaine dans Star Trek III - A la Recherche de Spock.

Venons-en à présent à Santa Barbara. Le feuilleton tourne autour des allées et venues de quatre familles dans la luxuriante ville côtière californienne. Dame Judith incarne la matriarche d'une des familles et la "grande dame" de la ville. En fonction de comment les choses vont fonctionner, le nom de son personnage sera Birdie, Minx ou Tiger Lockwood. «Ils l'ont d'abord appelée Birdie, parce qu'elle adore les oiseaux», explique Dame Judith. «Mais cela sonne comme une vieille fille rangée.» La maison de production s'est alors fixée sur Minx, une meilleure étiquette sur un personnage supposé être aussi craint qu'il est apprécié. «Ils peuvent l‘appeler comme ils veulent», dit Dame Judith. «Je l'appelle Tiger. Elle est sans peur, insoumise, méchante, cinglante - une certaine quantité de haine - tous les ingrédients d'un bon gros pudding. Ils disent que je suis assez comme elle.»

Ses tous premiers jours dans son premier rôle n'ont pas été des plus confortables alors que la nouvellement formée maison de production des Dobson se lançait dans l'action. «Nous avons du retard !», s'exclame Dame Judith avec angoisse. «Nous sommes en retard sur le planning ! Ils vont me maudire de dire cela. Mais c'est une nouvelle série, et cela prend beaucoup de temps.» Et comment la distinguée actrice est-elle traitée sur le plateau du soap ? Simplement comme une parmi les filles, dit-elle. «Je suis juste un rouage de la machine, une partie du jeu de mots croisés.» On fait preuve de déférence, cependant. Elle est conduite jusqu'au plateau, mais c'est une nécessité. «Je ne conduis plus», dit-elle.

A partir de là, elle se lance dans une discussion sur combien les voitures sont nombreuses à présent. Dame Judith mentionne, par exemple, une famille qu'elle connaît dans laquelle chaque membre - les deux parents et les enfants - a sa propre voiture. «Ils attendent un autre enfant», dit-elle, «et ils vont probablement avoir une autre voiture qui va attendre le bébé.» Il y a une idée derrière tout cela. «Je pense que c'est terrible que des gamins puissent grandir sans désirer des choses», dit-elle. «Je désirais tout quand j'étais jeune. Beaucoup des bonnes choses de la vie et de la liberté», ajoute-t-elle, se remémorant une récente visite à New York avec des amis. «Nous avons marché le long de Riverside Drive, sommes entrés dans une épicerie de cinq étages et vu des enfants jongler avec des pommes tout le long. Nous sommes allés dans une église et écouté du Handel - pour rien. Toute la journée a été gratuite et superbe.»

Ses journées à Santa Barbara semblent superbes aussi. Elle a emménagé là parce que c'était assez proche de Hollywood et cependant suffisamment éloigné. Parmi les belles choses, il y a son jardin. «C'est ma religion», dit-elle. Mais cela n'est pas complètement tranquille. Il y a des guerres de territoire avec des taupes, et la lutte pour trouver une bonne aide. Son jardinier actuel, raconte-t-elle, ne partage pas son attachement aux fleurs, arbres, végétaux et vies animales qui remplissent ses 4 000 mètres carré d'espace. «J'ai eu un avocatier», dit-elle. «Et j'ai eu un jardin de 12 000 mètres carré, pourvu d'une serre chaude.» Et il y a eu des difficultés à conserver les bonnes aides. «J'ai perdu une fois un jardinier japonais», se rappelle-t-elle. «Il a été fait prisonnier pendant la guerre.»

Mais il y a probablement moins d'histoire à se battre contre les taupes qu'il y a à réprimer cet omniprésent et - pour elle - déplaisant terme de soap-opera. «Je le déteste intensément», dit-elle sur un ton qui vous donne envie de l'effacer de votre vocabulaire. «C'est ordinaire. Santa Barbara est un feuilleton.»