Les types gentils ne terminent pas toujours derniers

 Par Lisa Hallett, Soap Opera Digest, 1991

 Accueil   This page in English  

Gordon Thomson sort du département maquillage de Santa Barbara, fraîchement rasé et impeccable, élégamment vêtu d'un pull à motifs et d'un pantalon - prêt à devenir Mason Capwell pour l'après-midi. Il s'excuse grandement pour être en retard de dix minutes, et griffonne un mot pour faire savoir à l'attaché de presse de la série où il se trouvera dans l'heure qui vient.

Il est immédiatement évident que Thomson est un vrai gentleman - poli, charmant, prévenant... probablement élevé par Miss Manners et Emily Post combinées. Les publics de télévision le connaissent déjà intelligent, suave et spirituel - pendant sept années dans le rôle d'Adam Carrington dans Dynastie et depuis les quelques derniers mois dans le rôle de Mason dans Santa Barbara. Il est vrai, Adam était un grand méchant et Mason a ses moments soupe-au-lait, mais Thomson ne fait que les interpréter après tout. C'est une plaisante surprise que, en personne, il conserve les bons côtés de son personnage, tout en remplaçant les mauvais par un charme extrême. Il n'y a pas de révélation dans le fait qu'il est sophistiqué : si vous vous attendez à découvrir que le vrai Gordon paresse dans son fauteuil inclinable en cuir et se boit des packs de bière tout en regardant des courses de camions à la télé, laissez tomber.

En fait, Leann Hunley, qui joue Dana Waring, l'épouse de Thomson dans Dynastie, confirme sa gentillesse. «Gordon Thomson est un vrai gentleman, et j'ai été l'actrice chanceuse qui a eu à travailler avec lui. Il m'a toujours traitée comme une dame. Dès le moment où je l'ai rencontré, il est venu vers moi pour me faire me sentir à l'aise et faire partie de la famille de Dynastie

Quand Dynastie a été brusquement annulé à la fin de la saison 1989, Thomson a profité de la période de creux pour voyager - au Canada, en Nouvelle-Zélande, à Rome et en Angleterre, entre autres endroits - mélangeant travail et plaisir dans diverses productions au théâtre et quelques projets télévisuels européens. C'est un mercredi soir en octobre dernier, alors qu'il tournait un épisode d'Arabesque, qu'il a reçu l'appel pour reprendre de Terry Lester le rôle de Mason dans Santa Barbara.

Gordon est le troisième acteur à jouer Mason Capwell en deux ans - pas une position facile dans laquelle se retrouver : «Je joue la comédie depuis maintenant vingt-cinq ans, et j'ai appris un peu - non beaucoup. Une des choses que j'ai apprises est de ne pas m'inquiéter de ce sur quoi on n'a absolument aucun pouvoir», dit Gordon. «Il n'y aucun intérêt à ce que je relise de vieux scénarios, parce que ces scénaristes n'écrivent plus pour la série. Il n'y aucun intérêt à visionner de vieux enregistrements, parce que ce n'est pas moi. Tout ce que j'ai à faire, vraiment, est de faire confiance dans le fait qu'ils n'aient pas fait d'erreur en me demandant d'interpréter le rôle.»

Au cours d'un fameux passage de relais, Thomson a été introduit au beau milieu d'un épisode de Santa Barbara. Maintenant vous voyez Terry, maintenant vous ne le voyez plus, et qu'est-ce qu'Adam Carrington fait dans Santa Barbara ? L'acteur concède : «Ca a été un peu un choc (pour les téléspectateurs). Je pense que je suis probablement une recrue convenable, parce que j'étais un visage avec lequel les gens étaient probablement familiers. Je veux dire, je ne suis pas de près ou de loin une star, mais je suis un visage familier, et cela a aidé - je pense.»  Ah - il est modeste, en plus.

Peut-être est-ce pour cela que ses compagnons de la distribution l'ont aussi rapidement accepté au bercail. Nancy Grahn, qui joue l'épouse séparée de Thomson, Julia, confirme : «Il s'est intégré simplement, sans recevoir de remarques de personne. Il est sérieux quant à ses intentions et la façon dont il veut interpréter le rôle. Il est venu en repérage quelques fois. Il se montre déjà ouvert et gentil et très sensible aux sentiments des autres.»

Afin de rendre ses conditions (de travail) acceptables, et même clairement appréciables, Thomson semble avoir la clé, atteste Grahn. «Il sait bien comment retoucher les dialogues quand il sent vraiment que quelque chose est inapproprié. Il va prendre une très belle, mais respectueuse posture. Mais, je veux dire, écoutez», rit-elle, «il est bien plus facile à vivre que moi. Terry (Lester, le précédent Mason) et moi avions l'habitude de passer en revue le texte et de penser "Bien, ne serait-ce pas plus intéressant si nous prenions cette direction ?". Nous avions bien plus à en dire. Gordon est bien plus arrangeant. Même s'il n'est pas d'accord avec quelque chose, il va trouver une manière de le faire fonctionner pour lui-même.»

Dans cet objectif, Thomson a fait en sorte que son introduction non-orthodoxe dans la série fonctionne. Il ne s'en est même pas inquiété. Son seul grief au sujet du timing a été qu'il arrivait au milieu d'une grande accumulation. Les acteurs aiment les bons drames, et les événements qui ont conduit à la reprise par Thomson étaient chargés - une rechute dans ses vieux démons, des tensions menant à une rupture avec son épouse Julia, compromettant la vie de Samantha. «J'ai dû en quelque sorte prétendre que je savais quel bazar il se passait. Je n'avais pas été présent pour les trucs charmants et savoureux et cela m'a un peu agacé. J'ai pensé : "Bon sang, pourquoi on ne m'a pas fait venir deux mois plus tôt ?"»

Même si Thomson avait été recruté plus tôt, il est certain qu'il n'aurait même pas vu sa performance - il dit qu'il ne se regarde jamais à la télévision ou dans un film. «C'est simplement difficile à regarder. Je suis critique; nous le sommes tous. Mais je ne suis pas celui à qui j'essaie le plus de plaire en fin de compte. Si je pense que j'ai fait un boulot raisonnablement bon - et je pense que je le fais parce que je l'exerce depuis tellement longtemps - si j'ai de vraiment bons réalisateurs, de très bons partenaires de jeu et un public très intelligent derrière, et si des gens investissent beaucoup d'argent dans cette série, alors si je ne fais pas du bon boulot, ils vont me dire : "Excusez-nous, au revoir !" Donc j'ai confiance en cela.»

Mais malgré tous ses souhaits de ne pas se regarder, quand il est pressé, l'acteur aux cheveux bruns foncés admet bien avoir visionné quelques-uns de ses vieux épisodes de Dynastie. Il a clairement adoré avoir fait partie de l'ancienne série à succès et semble excité au sujet d'une possible mini-série de quatre heures de conclusion en préparation pour plus tard cette année. Alors que Thomson suspecte que l'annulation avait plus à faire avec le pouvoir qu'avec les audiences ou l'argent, il a des raisons de vénérer la série de prime-time au long-cours - elle lui a donné l'opportunité de devenir, comme il l'appelle, "un visage familier". Avant d'obtenir le rôle d'Adam Carrington, il a dû se battre pendant dix-sept années - essentiellement au Canada - en tant qu'acteur. Après avoir été diplômé en anglais de la McGill University à Montréal avec les honneurs, il a travaillé au théâtre, à la radio, à la télévision, au cinéma, dans des comédies musicales, des spectacles professionnels, des revues et même en tant que mannequin pour des catalogues. Pendant quatre mois au début des années 1980, il a été dans Ryan's Hope. Puis il a rencontré la chance avec Dynastie.

Après la disparition de la série, Thomson a trouvé qu'il était souvent catalogué. «C'est un peu comme un fardeau - je pense que cela s'applique à tout le monde. Chacun de nous, sans exception, doit son statut actuel, quelqu'il soit, dans le métier à Dynastie, en terme de célébrité. En même temps, il y a un stigmate qui vous colle quand vous êtes membre d'une telle série à succès. Malgré toute sa popularité, la série n'a jamais reçu de critiques positives. Cela aurait été La Loi de Los Angeles ou Capitaine Furillo ou quelque chose comme cela, nous aurions probablement tous travaillé non-stop. Mais c'était une série des années 80. Elle symbolisait l'excès, le glamour, l'apogée de l'ère Reagan dans ce pays. Et c'est aussi mort que le dodo à présent. Sociologiquement, et du point de vue de la télévision, c'est devenu un morceau d'histoire.»

Malgré les forts éloges pour Dynastie, Thomson déclare ouvertement qu'«ils n'écrivaient pas aussi bien pour Dynastie qu'ils écrivent pour Santa Barbara. Adam ne semblait pas avoir beaucoup d'humour. Presque personne n'en avait, à part peut-être Alexis.» Mason, trouve Gordon, est bien plus complexe qu'Adam, tout en possédant de nombreux traits similaires, et Thomson a été plus qu'heureux de signer un contrat de deux ans pour l'incarner. Cependant, le prime-time est une situation idéale pour un acteur, à travailler sept mois dans l'année au lieu des habituels douze mois dans les daytime soaps. «Le salaire est comparable, mais c'est essentiellement un travail de neuf à dix-sept heures, avec deux semaines de congés chaque année. Nous travaillons souvent les samedis. Je travaille beaucoup, beaucoup plus. Nous méritons nos jolis salaires, plus que nous le faisons en prime-time. C'était un boulot très privilégié.»

Dans le même temps, quand il a du temps pour lui-même, Thomson jour les pères d'une famille de cinq chiens et un chat dans sa maison des alentours de Los Angeles. Même s'il a été marié à une actrice au Canada, ils sont maintenant séparés depuis plus de sept années à présent, et Thomson n'est actuellement en couple avec personne. Ces jours-ci, «je lis, je vois des amis et je cuisine», dit-il de manière détachée. «La plupart des acteurs font de bons cuisiniers.»

Aussi heureux qu'il déclare l'être dans l'immédiat, l'attrait du prime-time n'est pas une option à exclure. «J'allais dire que je suis essentiellement paresseux. C'est un peu le cas, non ? Pas quand on en vient à mon travail. Mais j'aimerais un boulot comme Dynastie à nouveau, parce que j'adore voyager. Vous êtes libre en quelque sorte de faire un peu importe quoi. J'aimerais jouer quelque chose qui soit un jeu d'enfant», dit Thomson, jetant sa tête en arrière et riant de ce rire d'acteur puissant et incomparable. «J'aimerais vraiment. J'aimerais jouer quelque chose qui soit simple comme bonjour. Il y a une tension intrinsèque à jouer des personnages comme Adam et Mason. J'ai joué Jésus dans Godspell pendant six mois il y a longtemps et il y avait une tension à l'interpréter parce que je jouais l'énergie, pas l'homme. Il fallait simuler cela devant cinq cent personnes huit fois par semaine.»

Il prend un moment, qui laisse un sourire relaxé recouvrir son visage. «J'aimerais jouer un papa gentiment décontracté.» Dans une sitcom ? «Oui», crie-t-il, suffisamment fort pour être entendu par le département de développement des programmes aux studios de NBC à Burbank.