Cruz et Julia rencontrent leurs voix françaises | |||||
Par Isabelle Caron et Mireille Touboul, Télé 7 Jours, 1988 |
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«Bonjour
Cruz, pardon M. Martinez...
- Bonjour Michel.»
C'est la rencontre historique.
Celle de A Martinez, qui joue le rôle de Cruz Castillo, et de sa voix française,
Michel Bedetti. Ce dernier supervise, en outre, tout le doublage du
feuilleton-vedette de TF1. Il n'est pas venu seul à Los Angeles. Accompagné de
Deborah Perret, qui prête sa voix à Julia Wainwright, l'avocate, incarnée par
Nancy Grahn. Celle-ci est là aussi et salue chaleureusement sa voix française...
«Je ne pouvais pas être Cruz deux jours par semaine et ne pas le connaître,
explique Michel Bedetti. Cela fait presque trois ans que je parle à sa place
dans la version française et, comme TF1 vient de s'engager pour quatre ans
encore de diffusion, il était temps que je le connaisse.»
Michel
ne ressemble pas du tout physiquement à A Martinez. «On est pourtant de la même
famille d'acteurs. Dès que je l'ai vu à l'écran, j'ai compris qu'on était
fait pour s'entendre. Maintenant que je le connais bien, je n'ai pas besoin de
faire d'effort. Je sais le genre de plaisanteries qu'il va faire, je les sens et
je les joue par anticipation. Je m'amuse bien avec lui. En le rencontrant, j'ai
été un peu étonné par sa timidité. J'ai apprécié, en tout cas, son amour
pour son métier. Il m'a dit : «On en a de la chance d'être acteurs.» «Moi,
dit Deborah, je voulais savoir si le rôle de Julia allait devenir plus
important.» La voilà fixée et satisfaite. Nancy Grahn lui a raconté comment
scénaristes et producteurs l'avaient soudain poussée en avant. «On a accroché
très vite toutes les deux, explique Deborah. D'abord, on se ressemble
physiquement. D'ailleurs, quand on s'est vu la première fois, tout à l'heure,
on s'est regardé et on a beaucoup ri. On a aussi découvert qu'on était toutes
les deux gauchères et qu'on parle très vite. Comme moi, elle fait beaucoup de
grimaces quand elle parle. Et, comme moi, elle mange tout le temps. Nous nous
sommes jetées ensemble sur les pop-corns et nous sommes toutes les deux
friandes de chocolat.»
Deborah
et Nancy échangent leurs adresses et promettent de s'écrire. Nancy jure
qu'elle rendra un jour visite à Deborah en France. Bien que cela ne soit pas nécessaire
(et pas prévu dans les contrats !), Michael et Deborah estiment qu'il est
capital de connaître l'acteur que l'on double. «D'abord parce que cela crée
des échanges et ensuite on ressent mieux les acteurs que l'on double et tout
est plus facile», explique Michel. Deborah ajoute : «L'avantage d'une série,
par rapport aux films et téléfilms, c'est qu'on finit par bien connaître le
personnage et qu'on arrive à savoir, par avance, ce que seront ses réactions.
Quand je vois Julia décider quelque chose, je lui donne raison, je la défends.
Je ne me prends pas pour elle, mais enfin...»
Deborah et Michel ont aussi rencontré d'autres héros de Santa Barbara. Lane Davies (Mason) leur raconte qu'il vient d'acheter une grande maison en bois et qu'il va quitter la série, pour un mois seulement, afin de jouer dans une pièce de Shakespeare. «Le théâtre, c'est mon grand amour», dit-il. Il nous confie aussi qu'il aimerait voir Mason plus heureux. Maintenant divorcé de Victoria, il vit avec Julia avec qui il a une petite fille. Va-t-il épouser Julia ? Lane Davies, consigne des producteurs oblige, ne veut dévoiler aucun secret. Todd McKee, qui joue Ted Capwell, trouve nos deux Français très sympathiques. «Deborah est très jolie», dit-il. En revanche, Deborah et Michel aimeraient bien voir Ted Capwell enfin amoureux d'une fille à sa taille. «Il faut toujours qu'il se baisse dans ses scènes d'amour. C'est dommage.», dit Deborah. Judith McConnell, qui incarne Sophia Capwell, est là aussi pour souhaiter la bienvenue aux voix françaises. «Ma ville préférée, dit-elle, c'est Paris.» Avec Deborah et Michel, nous nous promenons dans le studio où est tourné Santa Barbara. «On se croirait dans une clinique tellement c'est propre», dit Michel. Ce qui l'a surtout impressionné, c'est la façon de travailler des Américains. Pas de décors mélangés, ils sont tous alignés, l'un près de l'autre, à droite et à gauche de l'immense plateau, séparés par une longue allée pour faciliter les changements d'angles des caméras et les allées et venues des techniciens. «C'est ce qu'on voudrait voir en France ! Ici on tourne vraiment de façon professionnelle.»
1. Patrick Laval (Nick Hartley) 2. Luc Florian (Warren Lockridge) 3. Jean Roche (Brick Wallace) 4. Deborah Perret (Julia Wainwright) 5. Serge Bourrier (Jack Stanfield Lee) 6. Jean-Pierre Leroux (Kirk Cranston) 7. Danielle Volle (Eden Capwell) 8. Michel Bedetti (Cruz Castillo) 9. Nadine Delanoë (Kelly Capwell) 10. Raphaële Moutier (Janice Harrison) 11. Dominique Dumont (Laken Lockridge) |
A Paris, dans les studios de la SOFI, la
société spécialisée dans le doublage des voix que dirige Michel Salva, on se
croirait aux États-Unis tant tout est réglé minutieusement. «D'abord, on écoute
la version américaine, explique Michel. On regarde ce que font les acteurs sur
l'image et, immédiatement, on restitue en français, en corrigeant éventuellement
le texte, pas toujours bon. Les dialoguistes font des erreurs de sens, de
contresens et, comme je suis bilingue, je restitue. C'est un travail fou. Il
faut aussi changer des mots pour que le doublage colle aux lèvres. Le moindre
souffle est compté. Certains comédiens ont déclaré forfait mais ici nous
formons une vraie équipe comme les comédiens. Comme eux, nous aimons, nous
souffrons, nous pleurons, nous vibrons.» Chaque lundi et mardi, comme
lorsqu'ils nous ont accueillis, Michel et son équipe, après un petit déjeuner
au bistro du coin, s'enferment dans une salle chez SOFI et doublent des épisodes
de vingt-quatre minutes. «La version internationale ne comporte aucun bruit, explique Michel. Il faut donc un
bruiteur pour faire les pas, claquer les portes, etc. Nous, on double les voix.
Le délai de livraison à TF1 est court et il faut travailler très vite.
Heureusement, tous nos comédiens savent travailler sans s'arrêter pour les rôles
principaux mais aussi les invités, les occasionnels !»
Les
comédiens concernés par une scène s'installent maintenant devant un grand écran.
«On voit l'image, raconte Michel Bedetti. Au-dessous, il y a une bande blanche
avec une barre noire sur la gauche. Le texte français passe sur cette bande.
Quand le texte passe devant la barre, il faut prononcer la syllabe
correspondante pour être synchrone. Tout ça, en plus de jouer la comédie et
changer les mots qui ne vont pas. Ce n'est pas aussi facile qu'on le croit car
il faut non seulement être acteur mais aussi maîtriser cette technique
particulière. Ce qui est étrange, c'est que dans le métier, on sous-estime
les acteurs qui font du doublage. Surtout les réalisateurs qui, bizarrement,
acceptent de tourner des spots de pub et ne trouvent jamais cela humiliant. Un
acteur doit pouvoir être capable de faire de la télé, du cinéma, du théâtre
et de synchroniser.»
Danielle Volle (Eden Capwell), Julien Thomast (Mason Capwell), Anne Rochant (Sophia Capwell), Michel Bedetti (Cruz Castillo), Olivier Destrez (Ted Capwell) et Monique Thierry (Gina DeMott) |
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Mais vous êtes nombreux à apprécier et défendre ces acteurs de l'ombre. Deborah explique : «On nous demande toujours, à la sortie du studio, de dévoiler les intrigues futures de Santa Barbara. Le feuilleton a tellement de succès.» Michel Bedetti a eu le temps, depuis trois ans, de se livrer à l'analyse du succès de Santa Barbara : «Il y a des scènes qui se passent dans tous les milieux. Chaque tranche de société peut se reconnaître dans Santa Barbara, qui passionne tout autant les cadres supérieurs que les employés. Il y a les amours entre Sophia et C.C. Capwell, entre Ted Capwell et Laken Lockridge, entre Cruz Castillo et Eden Capwell. Il y a les pauvres, les moins pauvres, les riches et les moins riches. Ceux qui suivent ce feuilleton attendent "leur scène". Je regrette seulement la disparition des Lockridge. Entre les deux familles, c'était la lutte des Capulet et des Montaigu...»
Il y aura très bientôt, si j'en crois les confidences des producteurs de Santa Barbara, un rôle pour un acteur français. «Peut-être même Michel Bedetti, m'a confié l'un des producteurs. Il parle anglais et nous a beaucoup plu. Avec le succès de notre série en France, on a tout intérêt à créer un rôle pour un Français. On vous doit bien ça !»