Santa Barbara,
un soap culte pour les années 90 |
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Par
John Kelly Genovese, Soap Opera Digest, 1989 |
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Santa Barbara est incontestablement le soap le plus culte depuis Dark Shadows. Ses audiences n'ont jamais fait la une, mais on ne le devinerait pas par la façon dont les fans de la série en parlent. C'est un public fidèle, qui salive littéralement devant l'action au jour le jour. Bizarrement, plusieurs de ces téléspectateurs sont les mêmes personnes qui ont suivi La Force du Destin ou As the World Turns pendant des années, mais ils discutent de ces séries dans des tons plus modérés.
Bien sûr, il existe une différence fondamentale entre Dark Shadows et Santa Barbara. Alors que Dark Shadows était évidemment "camp" (une parodie de films d'horreur gothiques avec des loups-garous, des vampires et des voyages temporels), Santa Barbara ne rentre pas facilement dans une seule catégorie.
A travers la plupart de ses cinq années à l'antenne, il a été un mélange improbable de Hamlet, Mary Hartman, Mary Hartman, Soap, La Roue de la Fortune et À la Recherche de Mister Goodbar. Bien sûr, il y a eu des moments sérieux. Cruz et Eden Castillo (A Martinez et Marcy Walker) ont fait face au viol d'Eden avec un niveau nouveau de dignité et de maturité pour un daytime soap - pas de cabotinage mélo ici. Le Père Michael (Frank Runyeon) a lutté de manière convaincante alors qu'il interrogeait son engagement pour la prêtrise (et sans que cela soit traité sur le thème de la "culpabilité").
Néanmoins, Santa Barbara s'est fait connaître pour ses éléments plus obscènes et plus drôles. Gina (Robin Mattson) n'a pas été qu'une "vamp", mais une exhibitionniste. Mason Capwell (Lane Davies) s'est envoyé une moyenne de cinq whiskys par épisode, et n'a jamais été pour autant suffisamment éméché pour ne pas délivrer une pique érudite. Et qui pourrait oublier les tant regrettés Lionel et Augusta Lockridge (Nicolas Coster et Louise Sorel), qui ont prouvé que le sexe était non seulement d'actualité après quarante ans, mais pouvait être plus amusant que jamais ?
L'année passée, la série est même devenue encore plus dingue. Gina s'est retrouvée empêtrée avec un travesti du nom de Bunny (Joe Marinelli). Mason a souffert d'amnésie et est devenu l'alter ego du plouc Sonny Sprocket. Cela a été un éclat de rire, mais on commence à se demander jusqu'où encore Santa Barbara pourrait aller juste pour amuser. On s'attend presque à ce que Gina devienne nonne, ou que Redd Foxx débarque dans le rôle du frère longtemps disparu du millionnaire C.C. Capwell (Jed Allan). Egalement, depuis trop longtemps, les Capwell ont été la seule famille en ville, et les scénaristes ont semblé capables de n'écrire que pour un seul couple - Cruz et Eden.
Mais alors, Santa Barbara a changé de vitesse et est retourné dans un romantique bien vieux-jeu, en réinstallant un ingrédient classique du soap : le triangle amoureux. A l'occasion de la recherche de leur fille Adriana, Cruz et Eden croisent le chemin de la medium Sandra Mills (Miranda Wilson), qui est obsédée par Cruz. La bagarreuse Sophia (Judith McConnell) réfléchit à nouveau à son indépendance avec l'arrivée de l'écrivain romantique Megan Richardson (Meg Bennett). Mason, récemment marié à Julia (Nancy Grahn), doit faire face à ses problèmes d'alcool avec le soutien très intéressé de Lisa DiNapoli (Tawny Kitaen). Le Dr Scott Clark (Vincent Irizarry) est pris entre Heather (Jane Rogers), qui est enceinte de lui, et une histoire d'amour ravivée avec l'ex-prostituée et soeur de Lisa, Celeste (Signy Coleman). Michael - le costume de prêtre en moins - est rattrapé par son passé avec Laura Asher (Christopher Norris), épouse du procureur aux bretelles de cuir Ethan Asher (Leigh McCloskey).
Pour Santa Barbara, ce sont des affaires plutôt classiques. A présent que ces histoires de coeur ont pris le dessus, les personnages sont de nouveau autorisés à s'assoir et philosopher à l'occasion... afin d'examiner leurs relations sans désinvolture ou risque d'être interrompus. En même temps, la série ne devient jamais monotone. Mason et Julia s'offrent des ébats sexuels au bureau; Gina lance toujours des piques; c'est toujours très amusant, mais guère plus absurde.
Cette évolution des choses est largement due au chef scénariste de la série, le sous-estimé Charles Pratt, Jr., qui a ramené les valeurs que Bridget et Jerome Dobson (les créateurs de Santa Barbara) ont institué au départ. La relation entre C.C. et Mason a toujours été tragique. C'est une représentation classique de millions de pères et de fils qui ne se sont jamais vraiment acceptés l'un l'autre, et dont les tentatives pour se lier ont été entachées par une désapprobation et une méfiance mutuelle. Alors que C.C. ouvre son âme à Megan pour les besoins de sa biographie, et que Mason fait le point sur sa vie durant une expérience de hors-corps au Paradis (suivie par les Alcooliques Anonymes), cette relation montre les signes d'un nouveau commencement. Et merci mon Dieu pour l'humanisation de Gina. Elle est toujours une fille sexy, mais elle est à nouveau dépeinte comme une survivante dont l'une des constantes dans la vie est son amour pour son fils, Brandon (Justin Gocke). Elle aussi analyse sa situation à travers un nouveau prisme, enviant la simplicité et l'innocence des gens autour d'elle. Quand elle et Brandon ont été retenus en otage par le psychotique Kirk Cranston (incarné par un Joseph Bottoms qui fait froid dans le dos), Gina a montré du courage et du bon sens en poussant Kirk dans le piège tenu par Cruz. Cette femme peut aimer le sexe et l'argent, mais elle n'est pas une complète idiote.
Ce sont des exemples des merveilleuses "zones grises" qui ont fait les personnages de Santa Barbara aussi fascinants. Egalement mieux que jamais est le niveau général des acteurs. Jusqu'à récemment, la distribution était une combinaison de réussites et de ratés. Ce n'est plus le cas. Les nouveaux s'avèrent aussi forts que les vétérans. Signy Coleman est totalement attachante. Tawny Kitaen est une femme formidable - s'imposant d'une manière féminine (jamais effrontée) et pleine d'assurance. Marcy Walker, Nancy Grahn et Judith McConnell y font aussi pour (imposer) ce genre d'héroïne.
Les acteurs masculins de Santa Barbara sont tout autant puissants. A Martinez prouve que les flics de télé peuvent être vulnérables et crédibles. Todd McKee (Ted Capwell) est un jeune acteur attrayant qui mérite plus de contenu stimulant que la matière gentillette qu'on lui donne en général. Frank Runyeon et Vincent Irizarry semblent bien plus concentrés et à l'aise avec leur personnage qu'ils l'étaient dans leurs précédents soaps (respectivement Steve dans As the World Turns et Lujack dans Les Vertiges de la Passion / Haine et Passions), et ils ont prouvé qu'ils peuvent être de super premiers rôles masculins. Lane Davies ? C'est un maître. C'est le clown pathétique, le choeur grec sardonique, l'avocat idéaliste, l'amant malicieux. Donnez à ce type un Emmy.
Santa Barbara a donné à son public de nombreux moments de plaisir dans ce que certains considèrent un genre de programme austère. Et il continue d'être amusant. La série est simplement en train de grandir.