Le coin des critiques : Santa Barbara

 Par John Kelly Genovese, Soap Opera Digest, 1986

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A deux ans et demi d'existence, Santa Barbara est l'un des soaps les plus fermement installés et dont on parle le plus. Même si pas encore dans le top cinq des audiences, c'est toutefois le premier lancement à succès de NBC dans une plage horaire apparemment condamnée aux rediffusions - une plage partagée avec le grandement populaire Alliances et Trahisons / Hôpital Central et le vieil habitué Les Vertiges de la Passion / Haine et Passions. Santa Barbara est également une chance longtemps attendue pour ses créateurs, Bridget et Jerome Dobson. C'est leur premier "bébé". Pendant des années, ils roulé leur bosse dans d'autres soaps où ils ont revigoré quelques anémiques : Alliances et Trahisons / Hôpital Central au début des années 70 (le fracassant meurtre mystérieux de Phil Brewer), Les Vertiges de la Passion / Haine et Passions du milieu à la fin des années 70 et As The World Turns dans les années 80. La combinaison des Dobson d'intrigues labyrinthiques, d'humour épicé, et de personnages excentriques a généré suffisamment de remarques pour finalement placer l'un de leur (projet) original en orbite.

Comme Les Feux de l'Amour, Santa Barbara est totalement unique dans son style et son contenu. Au total, on trouve des éléments utilisés dans cette série qui ne sont pas communs à tous les autres. Il y a aussi des éléments communs à d'autres séries qui sont étrangers à Santa Barbara - que ce soit accidentellement ou volontairement. Le plus souvent, cette singularité travaille en faveur de la série. La racine de l'histoire réside dans l'antagonisme de longue date entre Lionel Lockridge (Nicolas Coster), un dilettante décontracté et dépensier; et Channing Creighton (C.C.) Capwell (Jed Allan), un industriel millionnaire qui est occasionnellement prompt à des méthodes douteuses pour protéger sa grande famille. Jouent des rôles pivots dans le conflit Sophia Wayne Capwell (Judith McConnell), l'épouse de C.C. et ex-maîtresse de Lionel; et l'intense Brick Wallace (Richard Eden), le fils commun de Lionel et Sophia.

Il est incroyable que Santa Barbara soit resté si bien centré, si l'on considère combien sa structure a été drastiquement altérée durant sa courte période d'existence. De ses quatre familles fondatrices, seuls les Capwell sont restés intacts. Les cols bleus Perkins ont été pratiquement tous tués, à l'exception de Marisa et Jade. Elles sont généralement cachées dans une autre pièce. La famille mexicano-américaine Andrade, grandement louée quand Santa Barbara a débuté, est à présent mineure à l'exception de Santana (Gina Gallego). Et les farfelus et comiques Lockridge sont à présent uniquement représentés par Lionel, son fils Warren et sa trop peu vue et indomptable maman, Minx (Dame Judith Anderson).

Dans presque tous les autres soaps, cela serait un coup du sort atroce. Une telle perte d'équilibre familial - sans parler de la continuité - pourrait marquer la mort d'un soap relativement nouveau. Pour une série aussi déchaînée que peut l'être Santa Barbara, cependant, cela a été une bénédiction. Santa Barbara n'est pas un soap traditionnellement basé sur la famille au sujet de gentils couples qui guident leur pléthore de parents dans des triangles amoureux et des procès pour meurtre entre deux urgences à l'hôpital. Et il ne prétend pas l'être.

Le fils prodigue Mason Capwell (Lane Davies) est un avocat cynique et parfois contraire à l'éthique, dont le trait le plus vulnérable est un besoin criant de l'approbation de son père C.C.. Mason est assez fou pour coucher avec sa belle-mère en chaleur Gina, offrir de faire un enfant à l'avocate célibataire et déterminée Julia Wainwright (Nancy Grahn), son homologue féminin, ou tomber amoureux de Mary DuVall, une ancienne nonne vertueuse qui a fini tuée par une lettre C.

Gina a d'abord été liée aux Capwell en adoptant Brandon, le fils illégitime de Santana Andrade et de feu Channing Capwell Jr. Puis elle a enrôlé C.C. dans un déjà second lamentable (mais lucratif) mariage. Comment ? Elle a fait chanter C.C. en le menaçant de détruire une cassette qui pouvait innocenter sa fille Kelly (Robin Wright) d'avoir assassiné le second petit-ami en deux ans qui a perdu les pédales et tenté de la tuer. Puis - comme un bonus supplémentaire - Gina a découvert que Lily Light (Lynn Clark), une évangéliste bidon, était sa fille illégitime disparue de longue date.

Santa Barbara ne joue pas que la carte de l'humour. Il possède un héroïque et romantique couple qui écrase ses homologues quand il en vient à la sensuelle Eden Capwell (Marcy Walker) à la volonté de fer, et le flic idéaliste Cruz Castillo (A Martinez). Ces deux-là ont tout combattu, des ingérences familiales au mariage à la hâte de Cruz avec son amie de jeunesse Santana, à la presque-mort d'Eden aux mains de son jeune cadre dynamique de mari dément Kirk Cranston (Joseph Bottoms), au récent mystère de la noyade de Katie Timmons. Sont empêtrés dans cette affaire à suspens l'aigri frère de Katie, le rusé procureur Keith Timmons (Justin Deas) et l'ex-amour jalouse de Cruz, Victoria Lane (Kristen Meadows). Keith est également mystérieusement lié à Courtney Capwell (Julia Campbell), l'intrigante nièce de C.C., et au récent meurtre de sa soeur Madeline. Le meurtre de Madeline créé comme un fait marquant, puis apparemment laissé tombé, a soudainement été relancé. Peu importe si les Dobson ont voulu que cette intrigue prenne un congé sabbatique de deux mois, l'absence de mention de cette histoire pendant la période a semblé un peu étrange. Mais c'est un tel plaisir ! Les alliances chancelantes parmi une mer de coquins - Mason, Gina, Lily, Keith et Victoria - ont fait beaucoup pour l'histoire de Santa Barbara. Heureusement, leurs pitreries sont contrebalancées par l'héroïsme de Cruz et Eden, la lutte de C.C. et Sophia pour trouver le bonheur, et la sensibilité de l'anti-héros Lionel. Un équilibre parfait.

Les autres intrigues de premier plan concernent le jeune mariage de Ted et Hayley Capwell (Todd McKee et Stacy Edwards) dans l'objectif d'éviter un témoignage au tribunal compromettant - même s'ils s'aiment l'un l'autre - et l'intrigant nouveau cercle de femmes qui habite la maison de Lionel. L'ex-patiente en psychiatrie noire Alice Jackson (Marie-Alise Recasner) est amoureuse de l'ami policier de Cruz, Phil Whitney (Stoney Jackson), mais a des visions d'un méchant flic issu de son passé. La franche Jane Wilson / Roxanne (Jane Sibbett), une élève de lycée souffrant d'un syndrome de dédoublement de la personnalité, se bat contre sa vamp de mère Caroline (Lenore Kasdorf) pour l'affection du solitaire Lionel. L'association de Kasdorf et Coster apparaît comme une réussite.

Bien entendu, l'ensemble du casting de Santa Barbara apparaît comme une réussite. La douceur de Nicolas Coster et sa prestance dans le rôle de Lionel démentent une réserve d'intensité dont il fait preuve par vagues vis-à-vis de C.C.. Après plusieurs tentatives inégales de casting, Jed Allan est clairement le C.C. Capwell définitif; et Gina Gallego, la Santana définitive. Pas besoin d'aller plus loin. Il n'y a pas de maillon faible dans le programme.

Les réalisateurs Gary Bowen, John Sedwick, Andy Weyman et Rick Benewitz sont d'imaginatifs preneurs de risques permanents. L'arrêt sur image final et la musique kitsch quand Gina prend C.C. dans une pose compromettante provoque des hurlements. Et la première scène de Caroline dans laquelle elle plaque de manière mélodramatique un autre riche amant - juxtaposée avec le récit de Jane à Lionel de la scène que sa mère a jouée des tonnes et des tonnes de fois avec des hommes ne se doutant de rien - est un chef d'oeuvre d'écriture. Les Dobson et leur troupe de scénaristes - Charles Pratt, Jr., Frank Salisbury, Patrick Mulcahey et Courtney Simon - s'améliorent en permanence en produisant des scénarios vifs et originaux avec des dialogues animés.

Santa Barbara, en effet, ne copie personne. Pour cette seule raison, il mérite de réussir.