Reading Between the Lines : A Memoir | |||||
Par Janis Paige, 2020 |
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(...) Quand j'étais à Broadway et que je dormais jusqu'à neuf ou dix heures du matin, mon petit-déjeuner était constitué de café, la moitié d'une grappe de raisin, un beignet et un soap-opera. C'était une habitude que j'ai profondément appréciée, tandis que je me demandais si je pourrais jamais faire ce que ces acteurs incroyables faisaient. Ils semblaient opérer à un niveau de talent différent, comme s'ils étaient séparés de nous autres. J'ai toujours admiré leur capacité à apprendre de copieuses lignes de dialogues chaque jour et à jouer une telle variété de personnages, changeant parfois du jour au lendemain.
Souvent, leur performance durait des années et devenait liée au personnage à qui appartenait finalement le rôle. C'est aussi éloignée que j'étais des soaps quand j'ai reçu un appel un jour.
«Janis, c'est John Conboy. Je produis un soap intitulé Capitol, et j'ai un rôle merveilleux que je veux que vous jouiez. Accepteriez-vous un rendez-vous avec moi ? La série a eu de merveilleuses critiques, mais malheureusement nous avons été annulés et avons seulement trois mois pour terminer.» J'ai adoré l'honnêteté de John, et nous nous sommes rencontrés le jour suivant.
«Je n'avais jamais fait de soap, et de ce que j'en entendais, c'est vraiment différent de ce que j'ai fait de toute ma vie», lui ai-je admis. «Ca me rend nerveuse juste à y penser. Je ne veux pas vous laisser tomber, mais j'avoue, ma curiosité est intense et vive et ce à chaque fois que j'en regarde un.» John a demandé à un des premiers rôles s'il serait d'accord pour m'introduire. Cette garantie était ce dont j'avais besoin, et j'ai dit «Oui».
J'ai joué une femme catatonique qui avait perdu la mémoire et qui parlait finalement après avoir passé vingt ans dans un hôpital psychiatrique. Est-ce que j'ai vraiment réfléchi avant de sauter, en faisant acte de foi sans filet ? Le temps le dira.
Apprendre des lignes de dialogues n'a jamais été un problème, mais il y a eu trop d'autres surprises à prendre en compte en chemin pour que je me sente même un tout petit peu satisfaite avec mon travail. Les douleurs lors d'un accouchement sont juste du même acabit. C'étaient les hauts et les bas émotionnels et les doutes que je ramenais à la maison chaque soir qui étaient les plus difficiles à supporter.
Finalement,
j'ai accepté le fait que l'horloge régissant le temps de la série pour
chacun était réelle. Il n'y avait aucun temps pour des secondes prises et
des discussions en profondeur sur les choix des personnages, on apprenait vite
que «Coupé» voulait dire «Coupé, on passe à la suite».
«Mais, mais,
mais...»
«On passe à
la suite !»
Mes
compagnons de jeu m'assuraient qu'ils vivaient tous la même chose. «Un de
ces jours un déclic va se produire», m'a-t-on dit, «et tu te demanderas ce
que tu craignais jusque là.» Ils avaient raison. Un jour j'ai entendu et
ressenti ce déclic. J'ai aussi réalisé que chaque rôle que l'on joue,
que ce soit à la télé, à Broadway, dans des films ou dans la vie elle-même,
comprend un déclic similaire. «C'est une prise, on passe à la suite, pas de
temps pour la perfection, ça doit avoir été suffisamment bon» m'a fait
travailler encore plus dur.
Pour moi, mon
métier a toujours été très analogue au fait de vivre sa vie chaque jour.
Certains jours je ressentais que j'étais un échec complet, mais le jour
suivant, avec ses inévitables changements, le combat pour la perfection
recommençait.
Ah, la
perfection. Je ne sais même plus ce que ce mot signifie. Je pense que c'est
similaire au bonheur. Nous avons le droit de le poursuivre, mais il est de notre
responsabilité d'écouter ces inévitables déclics et puis passer à autre
chose.
Les acteurs
inventifs, courageux et d'un grand soutien avec qui j'ai travaillé m'ont
aidé à aimer et respecter l'art du soap-opera. J'ai eu la grande chance de
jouer dans deux autres feuilletons quotidiens à succès. L'un était Alliances & Trahisons / Hôpital
Central, dans lequel j'ai reçu une transplantation cardiaque et vu la
technique précise de la préparation de cette opération complexe.
J'étais
branchée à tout ce qui était nécessaire pour sauver la vie de mon
personnage. Nous avons répété, et quand j'ai été finalement prête pour
la scène, quelqu'un a crié «Pause déjeuner !». J'ai senti les scénarios
s'empiler sur moi et puis silence. Quelques minutes ont passé et puis mon «Hé»
étouffé a appelé leurs rires. J'ai été débranchée, ai déjeuné, ai été
rebranchée à nouveau et le "chirurgien" m'a donné mon nouveau coeur.
Tout l'ensemble a été techniquement correct ! Incroyable !
John Conboy a
rappelé, me demandant de remplacer l'irremplaçable Dame Judith Anderson dans
Santa
Barbara sur NBC après qu'elle soit décédée.
«Qu'as-tu
dit, John ? C'est impossible !», ai-je protesté. «Nous te
voulons pour que tu te l'appropries, Janis, et pas pour copier Dame Judith»,
John m'a assuré. «Bien»,
ai-je répondu, «parce que je ne pourrais pas copier Dame Judith même si je
devenais Dame Judith.»
Je me souviens encore ce premier jour de travail après que Dame Judith soit partie. Louise Sorel et Nicolas Coster avaient travaillé avec elle pendant des années. Alors que je faisais mon entrée dans la scène, j'essayais avec difficulté de ne pas regarder le visage de Louise tandis qu'elle faisait une adaptation instantanée à cette nouvelle Minx Lockridge. Ils étaient tous deux élégamment stoïques et accueillants envers ce nouveau membre de leur famille. Minx a connu plusieurs changements, mais j'ai appris et vraiment apprécié mes plus de deux ans sur cette formidable série.
J'ai eu une chance incroyable de travailler avec certains des meilleurs acteurs que j'ai jamais connus. Je me suis aussi fait des amis pour la vie avec des gens qui restent aujourd'hui disponibles, aimants et attentionnés. Francesca James et Louise Sorel ne sont jamais loin. Je pense que Dame Judith Anderson a atteint la perfection - mais je suis sûre qu'elle aurait été en désaccord avec moi. La perfection est atteinte par quiconque se soucie profondément de son travail. Mais pour moi, elle était parfaite. (...)
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