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Jill Farren Phelps : «Santa Barbara a été une expérience unique dans ma vie.»

 Par Nicolas, en exclusivité pour Santa Barbara : le site Français, août 2020

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Le 05 août 2020, Jill Farren Phelps a accepté de prendre sur son temps pour répondre en exclusivité aux questions de Santa Barbara : le site Français. La productrice parle de ses débuts dans Santa Barbara, de son travail sur la série, et du processus de production d'un daytime soap-opera.

Comment avez-vous commencé votre carrière de productrice ? Il semble que vous ayez commencé sur Santa Barbara dans dans une complète autre fonction ?

Avant de rejoindre Santa Barbara, j'avais travaillé sur des soaps comme assistante de production dans Les Vertiges de la Passion / Haine et Passions puis comme directrice musicale dans Alliances & Trahisons / Hôpital Central pendant des années. J'ai été engagée comme directrice musicale sur Santa Barbara et durant cette période, j'ai eu à connaître les directeurs de la chaîne qui supervisaient la série. Santa Barbara avait connu un commencement instable au niveau de sa production - commencer un soap depuis le début est une gageure - et mon expérience antérieure dans les soaps, au théâtre etc, a intéressé les producteurs et la chaîne. Je savais comment un soap était géré, et j'avais des idées sur comment Santa Barbara pouvait être géré plus facilement. Après trois mois dans la série, ils m'ont demandé si j'aimerais produire, et bien entendu j'ai dit oui. Très contente de l'avoir fait.

En 1987 vous êtes devenue la productrice exécutive de Santa Barbara. Quel était votre travail quotidien sur la série ?

Producteur exécutif sur un soap est un boulot énorme, particulièrement sur un soap jeune. Le boulot est essentiellement de superviser chaque département de l'écriture au casting, du budget à la direction artistique, etc. J'ai toujours grandement cru dans le fait d'engager des personnes très intelligentes et talentueuses, et j'ai été très chanceuse à cet égard. Le chef scénariste dans un soap est vraiment le partenaire du producteur exécutif. Cette équipe peut être critique pour le succès d'un soap. Beaucoup des décisions créatives sont prises par les scénaristes en accord avec le producteur.

Ma journée passait à discuter de l'histoire avec les scénaristes, lire les contenus, assister aux répétitions et au tournage depuis la salle de contrôle - parler aux acteurs, réalisateurs, designers, directeurs musicaux, la chaîne et le studio. Mon boulot était de superviser toutes les personnes talentueuses avec qui j'ai été si chanceuse de travailler. Il y avait toujours beaucoup de difficultés de tournage quand les choses tournaient mal ou quand un acteur était bloqué avec quelque chose. C'est une collaboration à son maximum - mon travail quotidien était de faire en sorte que tout roule sans difficulté.

Santa Barbara était connu pour avoir beaucoup de comédie, d'aventure, et par-dessus tout des intrigues qui avancent beaucoup plus vite que dans les autres daytime soap-operas. Etait-ce quelque chose que vous avez décidé ou spécifiquement demandé par la chaîne ?

Les créateurs de la série. Jerome et Bridget Dobson ont créé Santa Barbara avec un esprit de fantaisie ainsi que de romance et de famille. C'était le ton de Santa Barbara à son lancement. Mais la comédie et l'irrévérence sont le résultat d'un groupe de personnes très drôles, pour la plupart jeunes et irrévérencieuses qui se sont retrouvées à travailler ensemble sur cette toute nouvelle série. Nous étions sans peur parce que nous pouvions l'être. Nous avions une grande qualité d'écriture, de jeu et de production - nous étions sur la même longueur d'onde et la série a simplement grandi dans un genre différent. C'était l'expérience la plus extraordinaire pour nous tous. Nous avons travaillé très dur, et de manière remarquable nous avons beaucoup ri.

J'ai été influencée par les géants du prime-time de cette époque. Ces séries allaient vite et cassaient les règles (Hôpital St Elsewhere, Capitaine Furillo, La Loi de Los Angeles). Ils ne commençaient pas chaque scène avec de la musique et terminaient chaque scène de la même façon. Je croyais dans le fait que les soaps de journée pouvaient prendre exemple sur cette narration courageuse, donc ça a eu beaucoup à faire avec ce qu'au final est devenu le style de la série.

Comment sont construites les intrigues ? Je veux dire, comment décidez-vous lequel des personnages principaux aura droit à une nouvelle intrigue, lequel des personnages secondaires sera impliqué, quel nouveau personnage devra être créé ? Egalement, d'un autre côté, comment décidez-vous de vous débarrasser d'un personnage ?

Les intrigues sont essentiellement construites par l'équipe scénaristique en concert avec la chaîne et le producteur. L'histoire est presque une chose vivante qui commence dans les têtes des scénaristes (j'ai participé à lancer des histoires si j'avais une bonne idée), et qui grandit à partir de là. Les décisions au sujet de quels personnages vont y participer sont une partie essentielle de la création de l'histoire - et alors que l'histoire prend de l'ampleur si de nouveaux personnages sont nécessaires ou déterminés à être une bonne extension de l'histoire que nous racontons, ils seront ajoutés.

Le même principe existe pour laisser partir des personnages. Parfois la sortie d'un personnage fait partie de l'histoire originale. Parfois, les choses ne fonctionnent pas avec un acteur pour une raison ou une autre et la décision est prise de laisser quelqu'un partir (les producteurs, les scénaristes et la chaîne participent à ces décisions).

Comment est décidée la création d'un nouveau personnage : sa personnalité, ses intrigues, le choix d'un acteur pour l'incarner ?

Parfois, un acteur spécifique devient disponible et est tellement enthousiasmant pour les responsables qu'un personnage est créé pour cet acteur. Bunny interprété par l'incomparable Joe Marinelli a été un tel personnage. D'ordinaire, le besoin pour un nouveau personnage fait partie de l'histoire en cours. A ce moment-là, nous donnons des détails sur le rôle au directeur de casting qui envoie une "analyse" ("breakdown") sur ce que nous cherchons, et le (directeur de) casting débute le processus d'auditionner beaucoup beaucoup d'acteurs, de choisir ses préférés. Puis le chef scénariste et moi-même regardons ces favoris et choisissons celui que nous voulons. Si le choix est entre quelques acteurs, nous faisons des essais-caméras et envoyons les résultats à la chaîne pour leur avis.

Santa Barbara a connu de nombreux remplacements d'acteurs, même dans ses personnages principaux. Je pense à C.C., Mason, Kelly, Gina... Quand un acteur veut partir, comment est prise la décision de redistribuer le personnage ou de simplement le faire disparaître ?

Certains personnages sont irremplaçables (Tony Geary dans Alliances & Trahisons / Hôpital Central est un bon exemple de personnage qu'on ne remplacerait jamais). Cela arrive quand un acteur est tellement identifié au rôle que le public n'accepterait pas une redistribution. J'ai appris avec les années que si l'histoire est assez puissante, que le public a besoin de savoir ce qu'il va se passer et que vous choisissez le bon moment pour faire le changement, vous pouvez vous en sortir. La redistribution de Mason de Lane Davies à Terry Lester s'est faite aussi sans heurts que possible. Nous avons envoyé un coup au visage à Lane Davies et l'avons mis à terre à la fin d'un épisode et Terry Lester s'est relevé le jour suivant. L'histoire était assez convaincante pour emmener le public au-delà de ce gros accrochage en chemin.

Santa Barbara avait la distribution la plus réduite de tous les soaps sur lesquels j'ai travaillé. Perdre l'un des personnages principaux était une énorme perte pour la série, mais parce que la série était au sujet des Capwell, il était important de bien faire avec ces personnages, ce que nous avons finalement fait avec Jed Allan, et il a été nécessaire de redistribuer certains autres (Robin Wright qui est partie pour devenir une star de cinéma), afin que la famille puisse rester intacte.

Quel sont vos meilleurs souvenirs de la série, sur un plan relationnel et professionnel ?

J'ai tellement de merveilleux souvenirs de la série. Je ne pourrais pas tous les citer. J'avais un grand faible pour Cruz et Eden, et travailler avec A et Marcy pour montrer au monde l'incroyable alchimie que je trouvais qu'ils avaient. C'était un couplage très réussi, et jusqu'à ce jour A Martinez est mon ami le plus cher. J'ai rencontré des gens sur cette série qui sont restés dans ma vie et qui sont parmi mes plus importantes relations aujourd'hui. La première fois que Santa Barbara a remporté l'Emmy, il y a eu une célébration de 17 secondes entre nous tous avant que qui que ce soit commence même à monter sur scène. Nous étions une famille, et nous avons célébré comme une famille et nous aimions les uns les autres comme une famille.
Tout ce que Justin Deas a fait est imprimé avec reconnaissance dans ma mémoire. Ils étaient tous juste géniaux.

Vous dites avoir gardé de merveilleux souvenirs de la série. De quels intrigues et/ou personnages êtes-vous la plus fière ? Et au contraire avez-vous des regrets au sujet d'une intrigue qui n'a pas fonctionné comme prévu, ou que vous n'avez pas réussi à porter à l'écran ?

J'ai adoré les histoires d'amour. Cruz et Eden étaient un couple magique, leur couplage était comme capturer la foudre dans une bouteille. Ce qui était amusant au sujet d'A et Marcy était que leur histoire d'amour n'était pas prévue. Leur extraordinaire talent et l'alchimie entre eux étaient à couper le souffle, et les scénaristes ont créé l'histoire d'amour d'Eden et Cruz parce que les acteurs étaient si électriques. C.C. et Sophia, Kelly (Robin Wright) et les autres - c'était tellement de plaisir de regarder des artistes aussi talentueux transformer de la fiction en rêve. Keith et Gina et Mason et Julia ont été parmi les meilleurs acteurs avec qui j'ai jamais travaillé.

Une des nombreuses choses que j'ai adorées étaient les personnages décalés qui ont rejoint l'aventure avec nous. L'interprétation brillante de Bunny par Joe Marinelli était un spectacle à contempler et un personnage chéri. Je pense que nous avons tous adoré Abe Vigoda qui a joué "le tueur à gages vivant le plus vieux du monde". Nous l'avions dissimulé dans un arbre derrière une fenêtre pour planifier de se débarrasser de quelqu'un (je ne me rappelle plus de quel personnage). Il était là pour à peu près une semaine d'épisodes, et de temps en temps on entendait le bruissement et le craquement de la branche de l'arbre dans lequel il était caché. C'était très drôle et très Santa Barbara. Bien entendu on a découvert à la fin de l'histoire que la branche avait cassé et que le tueur à gages vivant le plus vieux avait mangé la poussière.

Les Emmys étaient du plaisir. Nous étions une série jeune et les acteurs, la technique, les réalisateurs et tous les designers étaient souvent nommés. J'ai toujours dit sur chaque série que j'ai produite qui a reçu beaucoup de nominations aux Emmy que le jour des nominations est le meilleur jour. C'est un vrai moment de célébration. Gagner était du plaisir aussi, mais c'était un autre genre d'excitation. J'ai volé cela d'un extrait que j'ai vu d'une émission sur Steven Bochco où les personnages parlaient de douche froide et de combien ils étaient excités, ils ont révélé un Emmy assis au sommet d'une bouteille d'eau. Depuis lors, si un acteur remportait un Emmy, nous cachions cet Emmy dans le décor de cet acteur. Si la série gagnait, nous cachions l'Emmy dans chaque décor. Ils étaient censés être cachés, mais le public était malin et il les cherchait. Justin Deas a enfilé des sous-vêtements à son Emmy. Je ne pense pas que nous avons diffusé cela, mais c'était hilarant.

Vous avez quitté Santa Barbara en 1990 après plusieurs années de succès pour la série et plusieurs Daytime Emmy awards pour récompenser votre travail. Quelles ont été les raisons de votre départ ?

Pas inhabituel quand les directeurs de chaîne changent sur une série, ils aiment apporter leurs propres producteurs dans leurs séries, ce qui est arrivé sur Santa Barbara.

Avez-vous continué à regarder la série ? Si oui, qu'avez-vous pensé de ses évolutions jusqu'à sa fin ?

Je n'ai pas regardé la série après que je sois partie. Je regarde rarement les séries que j'ai faites après que je parte. C'est comme regarder votre bébé grandir élevé par une autre famille.

Après Santa Barbara, vous avez travaillé comme productrice exécutive sur de nombreux autres soap-operas comme Les Vertiges de la Passion / Haine et Passions, Another World, On ne Vit qu'Une Fois, Alliances & Trahisons / Hôpital Central, Les Feux de l'Amour... Comment compareriez-vous votre travail sur Santa Barbara et sur ces séries ? Quelles évolutions avez-vous vues dans le genre des soap-operas pendant toutes ces années ?

Rien n'est comme votre première série. J'ai appris tellement sur cette série et évolué en tant que productrice avec chaque nouvelle que j'ai faite. J'ai fait quelques erreurs et connu quelques grands succès. Je pense que les soaps sont victimes du fait d'essayer de réinventer la roue. Les daytime soaps c'est de la belle écriture, dans le but de faire rire et pleurer le public et de lui faire regarder le lendemain. Cela n'a pas d'importance si les personnages sont âgés, ou s'ils sont jeunes; peu importe qu'ils soient noirs ou blancs ou avec un look amusant - si les histoires étaient solides et que la production était bonne, les gens regardaient.
Les efforts des chaînes pour tenter de ramener des jeunes téléspectateurs vers leurs séries se retournent souvent contre elles. Pendant de nombreuses années, je me suis battue contre la chaîne au sujet de faire des étés avec des gamins sur des fausses plages parce que des décors et des gens presque nus ne ramènent pas les jeunes publics. Et les gamins ne venaient pas et les soaps perdaient de leur public fidèle.
Aussi, avec chaque série que j'ai faite (cela n'était pas vrai avec
Santa Barbara), l'argent commençait à manquer. Nous finissions par ne plus être en mesure de faire une série décente parce que nous n'avions plus assez d'argent. Il fut un temps où les programmes de journée faisaient tourner les programmes de soirée parce qu'ils faisaient beaucoup d'argent. Plus maintenant. C'est un nouveau monde.

Que voudriez-vous dire à tous les fans de Santa Barbara à travers le monde qui n'ont pas oublié la série ?

Santa Barbara a été une expérience unique dans ma vie. Les personnes qui ont travaillé sur cette série l'ont adorée tout autant que les personnes qui l'ont regardée. Elle était comme rien d'autre de ce que j'ai fait - et la magie de tous ces personnages et histoires magnifiques continue à vivre dans nos mémoires. Merci tellement pour votre fidélité et pour avoir regardé et aidé à faire chanter cette magie.

 

Encore tous mes remerciements à Jill Farren Phelps pour sa disponibilité et sa gentillesse.