C'est
dans la foulée des Jeux Olympiques d'été de 1984 qu'un soap-opera quotidien d'un
genre nouveau apparaît à l'antenne de NBC aux Etats-Unis. Santa Barbara
naît officiellement à l'écran le lundi 30 juillet 1984.
1984
Sous
la direction de Bridget et Jerome Dobson, le couple de scénaristes à l'origine
du programme, la série se fait tout de suite remarquer par son aspect novateur
: un rythme soutenu, un ton léger, un humour permanent... L'écriture des scénarios
comme des dialogues atteint un niveau d'exigence encore jamais vu dans les
soap-operas. Les intrigues s'enchaînent et se renouvellent sans cesse, les
tournages en extérieur sont légion, et de nombreuses scènes de comédie détonnent
pour ce type de programme.
Dès 1984, certains personnages principaux marquent aussitôt les téléspectateurs
: Mason Capwell, mouton noir de la famille, semble tout droit sorti d'une pièce
de Shakespeare; Augusta Lockridge effraie autant qu'elle fascine; Santana
Andrade bouleverse par sa fragilité et sa volonté de retrouver son fils... Et
surtout, un premier couple emblématique recueille immédiatement l'adhésion :
Kelly Capwell et Joe Perkins, la jeune héritière et le fils d'ouvrier
injustement accusé de meurtre.
Mais malgré des intrigues très fortes, l'audience ne suit pas. En novembre
1984, un tremblement de terre permet de remettre en question un bon nombre de
trames et de faire le point sur la situation de chaque personnage de la série.
Au final, peu de personnages principaux disparaissent, mais les intrigues se
resserrent autour des deux familles Capwell et Lockridge sur les quatre
initialement présentes.
1985
Début
1985, l'intrigue du tueur aux oeillets conduit à la disparition
de deux personnages de premier plan : Peter Flint et surtout Joe Perkins, qui
avait déjà dû souffrir d'un changement d'interprète à l'automne 1984. De
nouveaux "méchants" font leur entrée (Marcello Armonti, Jack Lee /
Jerry Cooper, Kirk Cranston...), tandis que d'autres se révèlent : Gina DeMott
prend son envol, devenant la reine des machinations et du chantage. 1985 est
aussi l'année où est enfin résolue l'intrigue fil-conducteur de la première
année : le meurtre de Channing Capwell Junior.
En parallèle, un nouveau couple prend la relève de Kelly et Joe, et ce pour le
restant de la série : Eden Capwell et Cruz Castillo deviennent dès lors les
figures emblématiques du programme, entre amour passionnel, séparations et
retrouvailles à répétition. Surtout, c'est la différence inédite de statut
social entre ces deux héros qui crée l'attirance du public : elle est une
riche blonde californienne, lui est un modeste policier, fils d'immigrés
mexicains.
La comédie est toujours là, mais le groupe de jeunes acteurs coutumiers du
genre est dissous : Danny Andrade, Jade Perkins puis Laken Lockridge
disparaissent les uns après les autres, laissant au jeune Ted Capwell des
intrigues plus sombres et plus adultes, comme l'accusation de viol sur Christie
DuVall. Certaines intrigues vont parfois trop vite (l'affaire Christie DuVall,
du viol au procès, puis au dénouement final, ne s'étale que sur deux mois),
et un grand nombre de personnages apparaît puis disparaît, parfois trop vite
(Elizabeth Peale, Jackie Parks...). Ainsi, fin 1985, il ne reste plus rien des
Perkins, et les Andrade ne sont plus représentés que par deux de leurs membres
d'origine.
L'année se termine en apothéose, avec le patriarche C.C. Capwell dans le coma,
et un stratagème mémorable de Gina pour faire accuser Eden d'avoir tenté de
le tuer en débranchant son respirateur artificiel.
1986
1986
est peut-être l'année où Santa Barbara atteint son apogée.
Nombreuses des meilleures intrigues de la série sont réunies cette année-là
et enchantent les fans : la découverte de la vraie identité de Brick Wallace,
la folie meurtrière de Kirk Cranston, l'affaire de la cassette-vidéo
innocentant Kelly de la mort de Dylan Hartley... Et surtout, deux personnages
diamétralement opposés vont marquer les téléspectateurs à jamais : la douce
Mary DuVall, dont la mort inattendue rend les fans orphelins, et Keith Timmons,
le procureur véreux et excentrique.
Seul Santa Barbara peut s'enorgueillir
d'une telle distribution, capable de donner vie à des personnages
inenvisageables jusque là dans un soap-opera : outre Keith Timmons, Pearl
Bradford, original et débraillé, détonne mais emporte aussitôt la sympathie.
Sophia et C.C. forment enfin un vrai couple, même si Gina veille à les faire s'éloigner.
Le personnage de Gina continue son ascension, tandis qu'Eden et Cruz, tout juste
remis des derniers obstacles à leurs retrouvailles (Kirk et Santana), voient l'arrivée
d'une nouvelle intrigante du nom de Victoria Lane. A l'inverse, la série
souffre du départ de Louise Sorel, qui voit la famille Lockridge réduite à
son chef de clan, Lionel.
1987
1987
marque le début d'un nouveau couple qui, malgré des hauts et des bas, va
poursuivre son développement jusqu'à la fin de la série : Julia Wainwright et
Mason Capwell. Mais la grande intrigue qui va marquer cette année est celle
entourant Elena Nikolas, qui tour à tour kidnappe Eden et Mason et les fait
passer pour morts, tente de séduire Cruz et se suicide en l'accusant de sa
mort. Un autre couple naît, pour une durée plus limitée celui-ci : Kelly et
Jeffrey Conrad. Malgré l'importance donnée à leur relation, jamais il ne
parviendra à égaler le couple Kelly et Joe, même après un fastueux mariage
fin novembre.
Si les triangles amoureux sont légions dans la série, un détonne par les
liens qui unissent les personnages. Au sein du triangle Julia, Mason et
Victoria, une réelle relation d'amitié unit les deux femmes et c'est
ensemble qu'elles souffrent de l'absence de Mason. 1987 est aussi l'année
où la famille Capwell prend le contrôle sur les intrigues. Si les Lockridge résistent
un peu, ce n'est que par opposition à leurs rivaux de toujours. Le départ du
personnage de Santana Andrade clôt pour un temps la présence d'autres
grandes familles dans les intrigues.
Les intrigues s'enchaînent, toujours avec une grande maîtrise. Mais déjà Santa
Barbara perd un peu de sa fraîcheur. L'écriture est plus planifiée, mêlant
intrigues dramatiques plus proches de ce qu'on peut attendre d'un soap-opera (le
procès de Cruz, l'addiction de Victoria à la cocaïne, la maladie de Caroline
Wilson...) avec des rebondissements et des scènes de pure comédie. C'est qu'en
coulisses, des choses commencent à changer. Progressivement, les Dobson sont
poussés vers la sortie par New World Productions qui prend seul les rênes de
la série. A la tête de la production et des scénarios se trouve en toute fin
d'année Jill Farren Phelps, qui va mener Santa Barbara vers une
route un peu plus classique, mais surtout vers deux années de succès.
1988
En
1988, la série souffre de la grève des scénaristes américains, empêchant
aux nouveaux personnages de livrer tout leur potentiel. C'est en particulier
Pamela Conrad qui en fait les frais. La première grande intrigue de l'année,
une affaire d'espionnage emmenant Eden et Cruz au Mexique, manque de crédibilité
et semble trop ambitieuse pour un soap-opera. D'autres toutes aussi ratées
suivent : la chasse à l'homme après Cruz par un savant fou, Gina endoctrinée
par une secte... Mais les scénaristes se rattrapent quand, le 1er avril, ils
offrent aux téléspectateurs la scène qu'ils attendaient depuis trois ans : le
mariage d'Eden et Cruz. Autour d'eux, de nouveaux personnages gagnent en présence
à l'écran : notamment le Dr Scott Clark et Pamela Conrad, la mère présumée
morte de Mason et Jeffrey, qui disparaît malheureusement au bout de quelques
mois alors qu'elle était promise à un destin bien plus durable. Si de nouveaux
visages arrivent (Andrea, la famille Donnelly, Celeste), Santa Barbara
perd cette année-là un des personnages des plus attachants, Hayley, la nièce
de Gina.
1988 est aussi l'année où Marcy Walker annonce sa grossesse, ce qui fait d'Eden
une future maman pour la petite Adriana. La série attend la rentrée de
septembre pour lancer son intrigue-choc : le viol de son héroïne, Eden Capwell
Castillo. La réalisation est si réaliste et l'acte montré dans une violence
si crue que les fans s'émeuvent à la direction de NBC. De plus, la découverte
que le violeur s'avère être le gynécologue d'Eden, Zack Kelton, ne fait qu'augmenter
le malaise chez les téléspectatrices ! D'autres thématiques à riche
potentiel émotionnel (parfois propres aux Etats-Unis) sont abordées, en
particulier le souvenir de la guerre du Viêtnam et ses traumatismes, comme la découverte
d'enfants issus des deux cultures pour les anciens G.I..
Aux Daytime Emmy awards de juin, Justin Deas remporte un prix d'interprétation
pour son interprétation du procureur Keith Timmons, tandis que Santa
Barbara est pour la première fois sacré meilleure série de l'année.
Enfin, la série est adoubée par la profession et sa qualité et son innovation
sont publiquement récompensées.
Mais l'envers de la médaille est le départ de Justin Deas et surtout de Robin
Wright, remplacée dans son rôle par une ancienne playmate qui a bien du mal à
donner le change.
1989
Après
Robin Wright, 1989 voit le départ de deux autres acteurs emblématiques : Lane
Davies (Mason) et Todd McKee (Ted). L'un est remplacé dans son rôle, l'autre
pas. Dans l'espoir de relancer les audiences toujours moroses, de nombreux
nouveaux personnages font leur entrée en l'espace de quelques semaines : les
soeurs DiNapoli, le couple Laura et Ethan Asher, Megan Richardson et son fils
Greg... Mais très peu vont survivre au-delà de l'année. Autour de Cruz se
constitue une famille, avec son frère Ric et son père Rafael. C'est surtout l'arrivée
en juin du personnage de Robert Barr qui relance l'intérêt, en créant un
nouveau triangle amoureux avec Eden et Cruz. Côté excentricités, si le public
a perdu Keith, il se rattrape avec Bunny Tagliatti, le mafieux travesti au grand
coeur - un personnage comme seul Santa Barbara peut en inventer.
Une partie de l'équipe se rend également à Paris pour le tournage des épisodes
de l'enlèvement d'Adriana par la belle-soeur de Cruz. Ces épisodes devaient
servir de remerciement au public français pour sa fidélité à la série, mais
ils n'ont jamais été diffusés en France. Ils permettent en tous cas de se
familiariser avec la nouvelle Kelly, Carrington Garland, qui entre immédiatement
dans le coeur des téléspectateurs avec des intrigues enfin dignes du
personnage depuis un an.
Santa Barbara poursuit sa mue : si les personnages secondaires
changent, ils n'éclipsent en rien les personnages fondamentaux de la série qui
restent fidèles à leurs traits d'origine. Seul Mason, désormais interprété
par Terry Lester, perd en gravité pour former avec Julia un couple plus léger,
plus apte à la comédie. Le virage concernant Mason avait de toutes façons été
largement engagé avec Lane Davies, lors de l'histoire de sa double personnalité,
Sonny Sprocket, surtout traitée sur le ton comique.
A la cérémonie des Daytime Emmy awards, Marcy Walker (Eden), Nancy Grahn
(Julia), Justin Gocke (Brandon) et à nouveau Justin Deas repartent avec un
trophée. Et Santa Barbara est à nouveau nommé série de l'année
!
1990
En
1990, pour cause d'audiences en baisse, Jill Farren Phelps est remerciée et
remplacée par John Conboy, qui a travaillé notamment sur les soaps Les
Feux de l'Amour et Capitol. Sa première décision est de
reformer le clan Lockridge qui avait complètement disparu années après années
depuis 1985. Revoici donc Augusta, Lionel et de nouvelles Laken et Minx. Autres
actes fondateurs pour laisser son empreinte : il refait faire à neuf le décor
de l'imposante et emblématique villa Capwell, et remplace progressivement les
musiques d'accompagnement qui jouaient comme des points de repère pour les téléspectateurs
depuis la création de la série.
De nouveaux personnages sont intégrés (Stephen Slade, Derek Griffin, Amado
Gonzalez, la famille Richards...), mais aucun ne parvient à vraiment marquer
les esprits. La faute sans doute à des personnalités trop peu fouillées et à
qui on ne laisse pas le temps de se faire une place. Certaines intrigues traînent
en longueur (les quatre orphelins vengeurs...) et d'autres sont très peu crédibles
(l'enlèvement de Cruz dans un harem du Moyen-Orient...). Deux personnages vont
cependant marquer cette année : Cassandra Benedict et Flame Beaufort. Au-delà
de l'attrait pour leur personnage, leurs interprètes respectives y sont sans
doute pour beaucoup. L'intrigue autour de Quinn Armitage, qui prend la place de
son frère jumeau Robert Barr, permet de relancer l'intérêt en mettant en
danger plusieurs personnages.
Un an après son arrivée, Terry Lester quitte la série et est remplacé par
Gordon Thomson, plus adapté au rôle. Les scènes de comédie s'enchaînent également
avec des personnages fantasques très bien écrits comme Phyllis Blake, la mère
de Gina, ou Annie DeGeralamo.
La même année, A Martinez et Henry Darrow (Rafael Castillo) remportent le
Daytime Emmy award du meilleur acteur, respectivement pour un premier et un
second rôle, et Santa Barbara sort encore vainqueur de la cérémonie
en tant que meilleure série.
1991
Après
un long procès de deux ans avec New World Productions, le couple Dobson est réintégré
début 1991 comme scénariste. Marcy Walker, après avoir fait plusieurs infidélités
à la série pour tourner dans des téléfilms, annonce son intention de partir
définitivement en juillet. Pour organiser le départ d'Eden, le personnage se
retrouve au centre d'une intrigue angoissante et très prenante de double
personnalité, qui met à mal ses relations avec sa famille. Les Dobson aux
commandes, ils relient ces troubles aux événements à la base de la série : l'infidélité
et les mensonges de Sophia, sa mort présumée et sa culpabilité dans la mort
de Channing Junior. Mais le public est déconcerté.
Paul Rauch est nommé nouveau producteur exécutif en juin et prend
progressivement la place des Dobson. Habitué des soap-operas, il se lance dans
une complète réorganisation de la série. Carrington Garland est remerciée et
remplacée dans le rôle de Kelly par Eileen Davidson. Les téléspectateurs,
qui viennent de perdre Eden, ont le sentiment d'avoir aussi perdu Kelly. De
nombreux nouveaux visages viennent incarner des personnages qui avaient disparu
au fil des années (Ted, Warren, Santana, Lily Blake...), tandis que certains
rebondissements semblent sortis de nulle part (la liaison passée de Cassandra
et Warren, Kelly finalement amoureuse de Quinn et non de Robert, Warren fils illégitime
de Lionel...).
Un nouveau décor, celui du restaurant l'Oasis, occupe la plupart des scènes,
qui se perdent en dialogues interminables au détriment de l'avancée de l'action.
1992
En
1992, la fin de la série est annoncée pour juillet. Au dernier moment, six
mois de la dernière chance sont donnés à Pamela K. Long, nouvelle chef scénariste,
pour tenter de redresser la barre. C'est elle qui crée les personnages de la
famille Walker vers qui les intrigues principales se recentrent. Le tout au détriment
des personnages "historiques", cantonnés pour la plupart à des
intrigues plus légères ou à jouer de faire-valoir comique (Gina, Lionel...).
Julia et Mason, perdus dans une première intrigue de maison hantée, vont à
leur tour passer au second plan. Priorité est aussi donnée à de nouveaux
personnages jeunes, censés faire revenir les adolescents devant la série. Mais
les amourettes contrariées de Lily, Rafe, Lisa, Sawyer ou Aurora ne passionnent
guère, notamment pas les fans de la première heure. Seule l'intrigue autour
des abus sexuels vécus par la jeune B.J. Walker maintient un semblant d'intérêt,
tandis que les fans crient au scandale en voyant Cruz tomber amoureux de sa
belle-soeur Kelly. Les téléspectateurs ont l'impression de découvrir une
nouvelle série dans laquelle se seraient perdus les personnages du passé.
Face à la catastrophe de toutes façons inévitable, A Martinez préfère
quitter le navire en juillet. Après son départ, la série connaît une ultime
chute de ses audiences, dont elle ne se relèvera pas. Après de nombreux
changements d'horaire, plusieurs chaînes affiliées à NBC décident de ne plus
diffuser la série. Le dernier épisode, axé sur le mariage de B.J. et Warren,
s'achève sur un générique rendant hommage aux équipes techniques, sans même
qu'un mot soit dit sur Eden et Cruz, le couple qui a pourtant porté Santa
Barbara pendant ses sept premières années.
Et
c'est ainsi que Santa Barbara s'interrompt définitivement le
vendredi 15 janvier 1993, après 2137 épisodes.
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